Il avait fait un très long voyage. Depuis quand était-il parti ? Il ne le savait pas, même si c’était une question de jours. Savoir qu’on passe d’un jour à l’autre avec le coucher puis le lever du soleil lui était resté malgré son amnésie. Mais pour répondre à des questions bien plus importantes, comme celle de son identité, il lui fallait aller loin. Il avait entendu parler de Kiri, un village caché qui regroupait de nombreux shinobis et qui avait été réputé pour être le plus impitoyable et le plus puissant de tous. Mais malheureusement pour ses citoyens, le village caché de la Brume avait été détruit.

Faire le parallèle entre le destin tragique de cette base militaire et sa propre situation était facile pour Alpha. Il était un shinobi qui n’avait aucune idée de qui il était ni d’où il venait et quelques temps auparavant, le village de Kiri avait été détruit. Bien entendu, il pouvait se tromper, mais au moins il s’était trouvé un point de départ. Et vu les premières personnes qu’il avait rencontrées, avoir un objectif était le plus important pour un Homme.

» Par où dois-je aller maintenant ?

Malgré les indications qu’on avait pu lui fournir, il avait du mal à trouver sa destination. Pour se rendre à Mizu no Kuni, il était obligé d’emprunter la mer. Et comme il ne se souvenait plus de rien, il lui était impossible de prendre le risque de manœuvrer un bateau. Il avait donc choisi la sécurité : se rendre à l’un des ports de Yu no Kuni. Et il n’en était pas loin.

Il regarda autour de lui. S’il ne trouva pas la moindre indication, il repéra néanmoins un homme à l’apparence singulière – mais ça lui était bien égal car il lui était encore difficile de savoir ce qui était banal ou non – et décida de s’en approcher.

» Excusez-moi, vous connaissez un peu la région ?

Peut-être que cet homme venait du port ? Tant qu’il pouvait l’aider, Alpha ne demandait que ça.

Ce voile noir qui lui couvrait les yeux tomba enfin, puis ce fut au tour de ce dispositif, visant à lui boucher les oreilles, de se retirer. Le voyage en tant qu’handicapé lui avait paru bien long tant son escorte l’avait emmené au bout du Pays de la Foudre, avant d’exécuter l’ordre que leur avait transmis le Kage du Village des Nuages. D’ailleurs, ceux-ci ne tardèrent pas à disparaître de la vue du membre du Youhei no Sekai, ne manquant pas toutefois de rappeler que le mercenaire était désormais banni de Kaminari no Kuni ! Il pouvait bien penser ce qu’ils veulent, l’ancien ninja de Kiri était déterminé à revenir jusqu’à Kumo pour leur faire subir le courroux !

Voilà qu’il retrouvait tout les sens dont il était privé depuis son enfermement au sein des geôles de Kumo, il pouvait voir, entendre et surtout ses mains étaient libres de produire toutes les mûdras dont il aurait besoin pour se défendre. Seul problème, une entrave résidait encore sur son corps comme un rappel à la punition que fut son périple de prisonnier. Ce sceau qu’on lui avait apposé dans la nuque depuis son entrée dans le village était toujours présent et l’empêchait de manier correctement cette mystérieuse énergie qui faisait de lui un ninja…

Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait plus goûté à cette sensation de totale indépendance. Se diriger où sa volonté lui dictait d’aller sans se soucier de quelconques règles ou autorisation, fouler le sol avec les pas d’un Homme libre et retrouver la vie qui lui était toujours destinée. C’était les jouissances que pouvait de nouveau profiter ce Nukenin, et criminel, connu sous le nom de Tenbatsu Kurasa ! Cette autonomie lui avait été malheureusement retirée pendant de longs mois, suite à une défaite face à un redoutable samouraï. Rien que d’y penser, l’agacement montait petit à petit dans tout son être ! Si c’était ça le principal objectif qui occupait son esprit, il se disait qu’il devait mettre ça de côté pour l’instant et réfléchir à ce qu’il allait faire avant de retourner là où ses camarades l’attendaient…

Deux choix se battaient dans sa tête, devait-il retourner le plus rapidement possible au Pays de Ta ? Revenir comme une fleur parmi eux, alors qu’il venait de les trahir n’était pas forcément la meilleure chose à faire. Après tout, Kurasa restait un shinobi dans l’âme et il savait bien qu’un tel acte méritait souvent la mort ! Alors quoi ? Devait-il patienter encore un peu ? Les abandonner lâchement pour ne pas faire face à ce dilemme ? Non. Ce n’était pas dans son caractère ! De plus, cela représentait un risque pour ses camarades, s’ils avaient retrouvé sa trace, leurs attitudes les auraient sûrement poussé à se mener un assaut sur Kumo afin de le libérer ! Sa décision était prise, il se devait de revenir à Ta le plus vite possible !

La tâche, bien que simple, était longue et ennuyeuse. Pour revenir dans l’auberge où réside le Youhei no Sekai, le Nukenin devait traverser pas moins de deux Pays, Shimo et Yu no Kuni ! Si la taille de ces deux contrées n’était pas excessive, les paysages, eux, pouvaient le ralentir, surtout les marécages du deuxième qu’il n’avait aucune envie de traverser ! Un détour par les montagnes lui rallongerait un peu le voyage et le ferait passer près de la frontière du Pays du Feu, mais au moins là-bas, il n’était pas banni, ou du moins, pas encore. Un jour viendra où Tenbatsu Kurasa et sa bande auront affaire aux forces de Konoha…

Quelques heures avaient défilé depuis la libération de l’ancien ninja de Kiri, la rivière Shounyuudou ne lui avait pas posé un grand problème, et les environs étaient si calmes qu’il était déjà arrivé au pied d’une montagne qui ne demandait plus qu’à être gravi. Il aurait pu croire qu’il n’avait aucune raison d’attendre avant d’entamer son escalade, rien qui ne pourrait le retenir et pourtant ! Pourtant, une voix d’homme se fit entendre et s’adressait clairement au ninja masqué, puisqu’aucun autre être que lui n’était dans les parages…
Ses yeux rouges se dirigèrent en direction de ce mystérieux individu et, comme à son habitude, il commença à observer son futur interlocuteur. L’homme était presque aussi grand que lui, portait une balafre sur un œil et était vêtu d’une manière très simple. A priori, il n’y avait aucun autre signe distinctif sur lui qui pourrait faire de lui un shinobi, néanmoins Kurasa sentait que quelque chose n’était pas net chez lui…

« Oui, un peu, c’est la deuxième fois que je me vois traverser ce pays… Qu'est-ce que tu veux savoir ? »

Il se montrait coopératif. Rien qu’en pensant au terme de coopération, Alpha se demanda pourquoi ce n’était tout simplement pas de la gentillesse ou de l’amicalité. C’était vrai, comment se faisait-il qu’à l’instant il avait pensé que cet homme puisse avoir accepté de « collaborer ». Il ne faisait pourtant que donner un peu de son temps, sans rien faire d’extraordinaire. Rien que dans des situations aussi succinctes que ses pensées, l’homme à l’œil gauche balafré se surprenait.

L’inconnu avait donc visité le pays pour la deuxième fois. Il en connaissait forcément un minimum et allait pouvoir faire profiter de son savoir géographique.

D’ailleurs, le tutoiement envers Alpha ne gênait absolument pas ce dernier. Même s’il sentait que la différence entre le vouvoiement et le tutoiement pouvait être cruciale, il ne tenait absolument pas rigueur à cet habitué de la région pour sa familiarité. Non, il était déjà sympathique de prendre un peu de temps… pas vrai ?

» En réalité je cherche un port… Le plus proche d’ici, si possible.

Mais avait-il réellement accepté de l’aider dans sa recherche d’un bateau pour l’emmener sur les rives du Pays de l’Eau ? Pas forcément. En y repensant, il n’avait fait que dire qu’il connaissait un peu le pays… Même dans la simplicité, Alpha avait l’esprit encore torturé. Mais l’important restait de trouver un moyen de se rendre à Mizu no Kuni.

» Je veux me rendre au Pays de l’Eau.

Information importante car il aurait été malvenu pour l’aimable interlocuteur qu’Alpha avait de l’emmener prendre un bateau qui ne l’amènerait pas là où il souhaitait.

« Je veux », une façon autoritaire de parler. Mais étrangement, Alpha s’était senti un peu à l’aise. Mais il se savait aussi loin de pouvoir exiger quelque-chose. Alors il attendit naturellement la réponse de son vis-à-vis.

Sa question était simple et la réponse tout autant, cependant Kurasa continua à observer son interlocuteur, sentant toujours que quelque chose n’allait pas. D’habitude, son intuition ne le trompait pas, mais cette fois-ci, il ne savait vraiment pas comment s’y prendre pour desceller la véritable personne de l’homme qui se tenait en face de lui. Si le ninja masqué n’avait pas eu ce pressentiment, il aurait probablement pris l’homme balafré pour un simple civil et n’y aurait pas prêté plus d’attention que ça. Seulement, il ne pouvait se résoudre à ne pas en savoir plus !
S’il se contentait simplement de répondre à la requête de cet étrange individu, sa curiosité risque de ne jamais se voir satisfaite ! Heureusement, il avait un moyen de faire durer un peu plus cette discussion et cette occasion, il pouvait se la voir s’offrir grâce à la destination de l’étranger !

Il était donc à la recherche d’un port, ou peut-être plutôt d’un bateau qui lui permettrait d’atteindre le Pays de l’Eau. Était-il vraiment sérieux ? Mizu no Kuni n’était qu’une terre de désolation dans laquelle règne la terreur et les massacres au quotidien ! Depuis la disparition de Kiri, on ne trouve rien d’autre que le désordre dans ce pays et rare sont ceux qui veulent à tout prix y retourner, c’est même le contraire qui devient courant ! Cet homme était-il fou ? Déjà qu’il n’avait pas l’air d’être un shinobi, pourquoi se risquerait-il à aller vers un endroit aussi dangereux ? Après tout, ce n’était pas vraiment les affaires du Nukenin, mais le voilà encore plus intrigué par ce mystérieux personnage. Une flopée de questions arrivait donc dans l’esprit de Kurasa. Pourquoi devait-il se rendre à Mizu ? Quel était l’objectif de cet inconnu ? Est-ce qu’il était aussi faible qu’il paraissait ou cachait-il bien son jeu ? À chaque nouvelle tête, les mêmes interrogations revenaient et la méthode pour en acquérir les réponses étaient à chaque fois différente…

Alors quelle méthode allait-il adopter cette fois-ci ? Cela passera-t-il par un combat ou une simple discussion fera l’affaire ? Devait-il rester à la même distance que lorsque cette rencontre débuta ou pouvait-il se permettre d’avancer vers le balafré ? Obtiendra-t-il les réponses à ses questions ou se verrait-il insatisfait ? Si seulement il avait un pouvoir capable de l’aider dans ces cas-là, car celui de son intuition ne suffisait pas. Il avait beau s’y fier, il pouvait fixer l’inconnu pendant autant de secondes qu’il voulait, il ne percevait rien. L’homme avait une expression aussi neutre que la sienne, il lui était donc incapable de lire quoi que soit. C’était à se demander si cet individu était vraiment humain ! Bien, il fallait qu’il dise quelque chose, ce silence pouvait devenir pesant. Alors, tout en avançant vers son interlocuteur, Kurasa reprit la parole et commença alors son petit interrogatoire…

« Tu veux donc aller au Pays de l’Eau ? En effet, il y a un port non loin d’ici qui te permettrait d’y aller, mais je doute qu’il y ait vraiment quelque chose qui te soit utile là-bas. Ce pays est enseveli sous une épaisse brume qui ne parvient pourtant à cacher tous les crimes qui sont en train de s’y produire. Seul le chaos est maître à Mizu alors pourquoi veux-tu t’y rendre ? »