Tout le monde a des défauts – je m’en rends compte chaque jour, et plus encore récemment. Non, je ne parle pas là des « défauts de caractère » qui, selon moi, n’ont pas lieu d’exister – si le caractère de quelqu’un est comme il est, ce n’est ni un défaut ni un avantage, seulement une variable. Les faibles se cachent derrière ce genre de choses, caractère, genre, physique, capacités. Ils pensent qu’ils ont le droit d’exiger car ils sont d’une caste « fragile ». La seule chose qui peut déterminer le défaut de quelqu’un, c’est son expérience. Une personne ne connaissant pas certaines choses mais capable de s’en rendre compte et de les compenser de les apprendre… Ne peut être considérée comme ayant un réel défaut. J’aime à croire que je suis de ce genre de personnes, même s’il est barbant de toujours se penser et ne jamais ce faire – constat de merde mais constat vrai, je te hais. A m’infiltrer, à toujours mentir, à jouer à la femme – faible, candide, stupide, naïve, conne, inutile – j’ai l’impression de rouiller. Mes capacités de combat se sont retrouvées quelque peu amoindries et, pire que tout, je pourrais me retrouver à perdre.

Oh, comme si j’en avais quelque chose à faire de ma vie – je ne suis qu’un sac de viande inutile. Je veux juste…. M’amuser. Profiter. Encore. Encore. Jouer toujours plus. Il n’y a qu’une seule façon d’y arriver – Otoke. Je lui ai demandé de venir me rejoindre, de s’entrainer avec moi. La nuit va bientôt tomber et je reste là, adossée comme une idiote à l’un des arbres de la forêt. Pourtant, il le faut. Oui il le faut. Il est fort. Il ne se plaint pas. Il combat. Il gagne. Il tue. Il est l’homme que j’aurais aimé être si je n’étais pas née fe… Non. Je n’ai pas le droit de dire ça. ? Pas le droit. Pas le droit. Pas le droit. Il va me battre encore. Encore me fouetter. Encore me frapper. Encore me faire saigner. Encore me maudire. Père, pourquoi ?! Je n’ai pas choisi. Encore m’enfermer seule. Encore m’obliger à m’ennuyer. Encore. Encore. Encore. NON ! Assez ! Sans réfléchir, mon corps exécute un demi-tour sur lui-même et mon pied s’écrase douloureusement sur l’arbre qui ne tient pas ma force. Faible. La nature est bien une femme. Je la hais. Je hais ce monde. Je hais les gens. Je me hais. Je hais mon père. Je hais ma m… Non. Je dois me ressaisir. La haine ne mène nulle part, c’est dans la violence qu’il faut que je l’écoule. Je ferme les yeux. J’inspire. J’expire. Je les rouvre. Encore et encore, j’enchaine le même mouvement jusqu’à ce que ma violence se calme. Dire que je pensais être capable de me contrôler après les dernières séances de torture que j’ai infligée… J’ai de plus en plus de mal. Comme quoi je suis faible aussi…

« Ah, te voilà enfin. Tu as des idées ? »

Je ne le regarde même pas. Je ne fais même pas l’effort de sourire ou de m’approcher de lui pour l’enlacer. Otoke me connait. Je ne joue à l’idiote avec lui que quand je m’ennuie, et j’espère que ce ne sera pas le cas ce soir.

Un entraînement nocturne avec Hak, c’était vraiment une manière particulière de terminer une journée tranquille. Cependant, c’était l’une des rares personnes avec lesquelles j’étais capable de le faire sérieusement. Dès que je me retrouvais face à une personne en qui je n’avais pas confiance, je finissais par abandonner au bout de quelques coups. Comme je savais que son niveau était comparable au mien et que je la connaissais suffisament pour savoir où m’arrêter, je n’avais pas peur de la blesser.

Je me rendis donc aux terrains d’entraînement pour la rejoindre. Je savais que Karyuudo allait nous observer de loin et qu’il interviendrait uniquement lorsqu’il en aura envie. Si j’étais parfaitement capable de le comprendre, il m’arrivait bien souvent de ne pas pouvoir prédire ses actions, après tout, nos espèces étaient considérablement différentes. Notre vie commune nous avait changé l’un et l’autre, donnant à Karyuudo un côté humain et favorisant mon côté animal, mais les différences génétiques restaient présentes.

Lorsque j’arrivai au terrain, je vis Hak, qui m’attendait. Sans un seul salut d’accueil, elle entra directement dans le vif du sujet en me demandant si j’avais des idées pour l’entrainement du jour. C’était habituel chez elle, ce qui était plutôt pratique pour ne pas perdre de temps. Elle était un peu lunatique, mais cela faisait partie de ce qui la rendait intéressante, malgré tout le temps passé avec elle, j’étais incapable d’anticiper son attitude.

- Si nous commencions par nous échauffer un peu !

C’était habituel de s’échanger quelques coups avant de se mettre à travailler, ce n’était pas forcément nécessaire, mais c’était souvent amusant. Saisissant mon ninjato accroché dans mon dos, je me mis en garde en direction de Hak.

- Voyons voir si tu arrives à me toucher aujourd’hui !

C’était un défi bien amical, injustifié d’ailleurs puisque Hak ne s’était jamais montrée moins forte que moi. Cependant, je savais que cela allait créer une réaction chez elle, même si j’ignorais laquelle. Je connaissais son style de combat et elle le mien, nous étions donc égaux à ce niveau, mais le fait qu’elle connaissait mes capacités sensorielles n’allait pas vraiment l’aider à m’atteindre au Taijutsu. J’étais en position de défense, utilisant mon chakra pour améliorer chacun de mes sens. Il devenait ainsi impossible de me prendre de vitesse.

Spoiler:

Calmement, j’inspire. Le toucher ne sera pas chose aisée, mais ça ne rend le jeu que plus excitant. J’aurais aimé qu’il me frappe, qu’il me maltraite, qu’il m’oblige à le supplier d’arrêter, qu’il me plaque au sol et déchire mes entrailles avec sa lame – ce serait tellement délicieux ! Sans attendre plus que nécessaire, je me jette sur lui et essaye de lui asséner un coup de pied, puis un autre, puis un autre, et encore un autre. D’un rapide saut, je remets de la distance entre nous, rester est stérile de toute façon. La fraction de pause. La fraction de pause pendant laquelle il s’est concentré et que j’ai inspiré. Il a du se préparer à lire mes mouvements. Ce serait… Tellement typique de lui. Petit rat.

« Non. Je ne m’abaisserai pas à utiliser de Genjutsu contre toi. »

Il s’en balance de toute façon, pourquoi fais-je l’idiote à le lui préciser ? Troubler sa vision ne m’intéresse pas. Lui faire croire à l’inexistant non plus – cela rendrait la tâche bien trop aisée. Je dégaine mon Tantô, consciente qu’il faudra que je me donne un peu plus et que me contenter de quelques coups de pieds stupides ne fera pas l’affaire. Quel excellent échauffement ! Je ferme les yeux un bref instant, les rouvre et charge une fois de plus, arrive à son corps à corps. C’est comme une danse, parfois je lève une jambe pour lui asséner un coup de poing, parfois je feins de l’attaquer avec ma lame pour lui asséner un coup de pied de l’autre côté, tournant autour de lui de façon habile. Je n’ai que deux options, attendre que sa lecture ne passe – trop long, trop inefficace – ou le prendre au dépourvu. Contre un adversaire traditionnel… Je me serai contenté de me déshabiller pour le mettre à l’aise et le finir par-dessus, mais lui ça ne lui ferait ni chaud ni froid. Au passage, il est où son piaf ?

D’un coup de pied rotatoire qui rase le sol, je l’oblige à sauter pour esquiver, que ce soit vers le haut ou vers l’arrière, et dans le même mouvement j’enfonce ma lame dans les airs. Le mouvement est de cinétique différente, plus rapide que le coup de pied et il suit une ligne coupant les deux trajectoires possibles qu’il a pour esquiver. Que peut-il bien dire face à ça ? Je désengage le combat une fois de plus. Tu n’es qu’une petite idiote. La voix de père résonne dans ma tête. Combattre sans utiliser la totalité de tes atouts. Si tu veux mourir, crève. Mon corps se souvient encore des coups qu’il m’a infligés ce jour-là, sans aucune illusion. Sans Shigeru, j’y serais probablement passée. Pourquoi moi ? Ai-je fait quelque chose de mal ? Que suis-je pour mériter un pareil traitement ? Pourquoi m’obsède-t-il à ce point ? Pourquoi moi ? Maman… Maman aide-m… Non. Tu es encore pire que lui. Tu es une faible ? Oui. Une faible inutile. Je ne suis pas comme toi. Je hais les faibles. Je pourrais tous les tuer seulement par ce qu’ils sont faibles. Mais je serais faible si je tue tous les faibles. Il faut que je devienne plus forte. Il faut que je… Le calme sur mon visage ne s’éteint guère alors que mes yeux croisent l’œil d’Otoke non couvert par son masque. Cette fraction de seconde n’est pas suffisante pour nous faire arrêter.

Je savais que je partais avec un avantage, tant qu’elle ne décidait pas d’utiliser son Genjutsu, ma sensorialité me permettait de garder le contrôle. À chaque coup qu’elle tentait de me porter, mes sens détectaient le mouvement suffisament tôt pour me permettre de l’esquiver ou le parer. Ce n’était pas la première fois que Hak se retrouvait confronté à cette technique qui me permettait de lier directement mes sens à mes mouvements. J’agissais totalement instinctivement, mon expérience de combat et mon instinct de survie contrôlaient mon corps en utilisant mes perceptions sensorielles. C’était cela qui me permettait de gagner le temps précieux, habituellement utilisé par mon cerveau pour analyser la situation.

Malgré cet avantage, Hak était particulièrement motivée. Elle continuait d’enchainer les coups, essayant à tout prix de prévoir mes esquives pour faire une attaque imparable, je connaissais sa stratégie, mais cela n’allait pas vraiment d’aider. J’aurais pu essayer de créer une fausse ouverture pour la piéger, mais à la vitesse où se déroulait le combat, je n’eus pas le temps. Elle réussit sa stratégie bien avant, avec un coup pied circulaire m’obligeant à sauter en l’air, elle me força à me mettre dans une position où mes mouvements étaient limités.

Son arme vint à ma rencontre d’une autre direction, je ne pouvais pas l’esquiver. Je savais que mon arme était trop éloignée de la sienne pour venir la contrer et je n’avais pas le temps d’utiliser la moindre technique, c’était trop tard pour sortir indemne de ce coup. Ce fut la raison pour laquelle je perdis tout contrôle sur mes mouvements au profit de mon instinct de survie qui n’avait pas les même priorité que moi. Tandis que je regardais Hak dans les yeux, sachant avant elle se qui allait se passer et qui était désormais inévitable, mon bras libre vint à la rencontre de son arme tandis que la mienne se dirigeait vers son corps. Cela dura une fraction de seconde, son arme découpa mon bras à deux endroits sur quelques centimètres et je lui perforai le ventre, faisant ressortir mon arme dans son dos. Je n’étais pas médecin et j’étais incapable de dire si j’avais atteint un organe vital, donc je savais que sa vie était en danger.

Ignorant ma blessure au bras, je saisis son corps avant d’utiliser une énorme quantité de chakra pour me propulser en direction de l’hôpital. Allant à ma vitesse maximale, je traversais tout le village à travers des passants qui ne purent même pas se rendre compte de se qu’il se passait. Je ressentais la présence de Karyuudo au dessus de moi, mais il ne pouvait pas nous aider dans cette situation.

Lorsque j’arrivais à l’hôpital, je confiai Hak à un médecin qui nous avait vu arriver. Une fois que ce fut fait, je commençai enfin à pouvoir réfléchir à ce qu’il venait de se passer. Je fus alors pris d’un grand sentiment de culpabilité. Je n’avais aucune excuse pour ce que que je venais de faire. Je savais que Hak n’allait pas m’en vouloir, mais ce n’était pas suffisant pour justifier cet acte. Mes pulsions étaient dangereuses pour les autres, je le savais déjà, mais à chaque fois que je me le prouvais, c’était un peu plus difficile. Restant près de Hak, je l’accompagnai ainsi que les médecins qui affluaient autour d’elle, l’emmenant immédiatement dans une salle d’opération. Certains d’entre eux essayaient de me demander de partir pour me faire soigner également, mais je ne les écoutai pas, je ne pouvais pas la quitter avant d’être sûr qu’elle était hors de danger.

Nos regards se croisent et je comprends. Je gagne car je le touche. Que je regrette derrière, c’est presque certain si son instinct a repris le contrôle de son corps, mais où est le problème ? Je gagne et déjà je sens ma lame s’enfoncer dans son bras. Aie. C’est bref. Rapide. Douloureux. Exquis. Je me retrouve empalée comme un morceau de viande le long de sa lame, et la seule chose que j’arrive à faire est de lui sourire avant d’éclater d’un rire franc, entrecoupé uniquement par deux quintes de toux sanglantes. Ça fait mal, mais c’est si bon. A chaque battement de mon cœur, je me sens faiblir encore plus, et j’aime cette sensation – j’aime savoir que la mort est proche. J’aime savoir que je n’ai pas le contrôle. Que je n’ai plus rien en quoi je dois obéir à ce moment précis. Mes pensées se libèrent de tous leurs drames, je ne ressens plus que la douleur – plus encore que d’habitude, mon corps deviens la machine qu’il est promis d’être. J’inspire profondément et cligne des yeux rapidement, toujours embrochée comme un sac de viande, avant de sentir mes genoux faiblir et se plier devant moi. Non. Je ne suis pas une faible. Je vais résister. Ce n’est pas si grave d’être un peu blessée ! J’ai subi pire. J’ai subi plus fort. J’ai subi plus douloureux. J’ai subi plus dangereux. J’ai subi moins attentionné. J’ai subi plus gratuit. J’ai subi plus cruel. J’ai subi plus stupide. J’ai subi… Les souvenirs des tortures que j’ai endurées n’arrivent même pas à remonter jusqu’à mon esprit, preuve que je suis bel et bien à la frontière.

« Continuons. »

Mon corps est lourd, je sens Otoke m’embarqué dans ses bras. Non. Non ! J’essaye de me débattre, de me libérer, de continuer l’entraînement. Je ne suis pas une faible. Je peux continuer. Je peux encore m’entraîner. Je peux encore… Pourquoi il me soulève ? Qu’est-ce qu’il veut faire ? Non. Qu’il me repose ! Pourquoi ? Comment dois-je me comporter face à lui s’il ne me considère que comme une faible qu’il faut soigner pour si peu ? J’essaye de me débattre une fois de plus, alors que le vent brasse mes cheveux et fouette mon visage – putain, on est rapide – mais mon corps est lourd. Je n’y arrive pas. Ma blessure est-elle si grave que ça ? Oh non. On va certainement à l’hôpital. Je ne pourrais plus prétendre ne pas être une femme faible après ça. Je vais devoir arrêter ma carrière de ninja et devenir une salope, comme ma mère. Je vais devoir… De mes dernières forces, j’essaye de regagner en prestance.

« J’ai… réussi. »

Son visage devient flou et mes yeux se ferment alors que l’on arrive devant l’hôpital.

XXX

« Un jeune garçon masqué a amené une fille gravement blessée aux urgences, ils sont en train de l’opérer. Il refuse de parler et de se faire soigner, fixant d’un regard vite la porte. » Shigeru soupira – Hak aurait-elle enfin eu ce qu’elle méritait, et ce, de la part d’Otoke ? Il ne voyait pas qui cela pouvait être d’autre. Adressant un regard vide à son assistante, il quitta son service d’un pas peut-être trop rapide s’il voulait prétendre que cela n’arrivait pas à l’atteindre. En l’espace de quelques instants, le médecin avait rejoint son ancien chef d’équipe auquel il adressa un léger hochement de la tête en signe de respect, avant de se placer à côté de ce dernier. Il n’y avait aucun jugement avéré dans les yeux du fumeur pour la majorité des gens, mais comme ils se connaissaient un peu… L’autre Chûnin était certainement capable de discerner la désapprobation marquée dans son regard. Pourtant, il n’y avait aucun jugement réel. Ce n’était pas coutume à l’hôpital, mais Shigeru ne résista pas, empoignant fort le bras d’Otoke et lui adressant un regard plus sévère encore de sorte à lui faire comprendre qu’il ne lui laissait pas le choix. D’un geste rapide et usant de son Chakra, il referma les deux entailles avant de se positionner et de fixer la porte à nouveau.

XXX

Une heure, peut-être deux. Je ne pense pas être restée ici plus longtemps que ça. J’ai encore un peu mal à l’abdomen, mais c’est vivable – la cicatrice le sera peut-être moins, mais elle n’est pas censée rester. Histoire de chakra médical ou je ne sais trop quoi. Toujours est-il que je suis en pleine forme à nouveau. Ils veulent me garder en observation, mais je ne vais pas me plier à leur volonté. Et puis quoi encore ? Ma faiblesse a réussi à freiner notre entraînement avec Otoke, je ne vais pas de surcroit accepter de rester allongée à me tourner les pouces parce que les médecins le veulent, on a des choses bien plus intéressantes à faire. Je titube un peu, suis un peu fatiguée encore mais c’est tolérable. J’inspire, j’expire et enfin, je prononce une syllabe inintelligible, de sorte à m’enfermée moi-même dans un Genjutsu. Rien de bien fou, juste de quoi perturber mes sens et faire rejoindre aux défenses de mon corps les limites de mon esprit – je vais bien. On peut continuer. Rapidement, je sors de mon lit et me dirige vers l’entrée de l’hôpital, non sans forcer une infirmière trop démunie – sale putain faible, à quoi tu sers ? – à m’indiquer où sont mes vêtements. Tâchés de sang. Prévisible mais qu’importe, je les enfile et me dirige vers là où il est censé être, selon la même idiote toujours. J’espère pour elle qu’elle ne m’a pas tendue de piège, je serais absolument trop volontaire pour me venger là, en ce moment précis.

« Il faut que je passe chez moi chercher de nouveaux vêtements et on continue. Désolé de t’avoir fait attendre. »

Il faut que je sois forte. Je ne peux pas me laisser aller. Forte. Forte. Forte. Mon corps titube peut-être. Il montre peut-être des signes de faiblesse encore. Je n’en sais rien, je suis convaincue par ma propre illusion d’être dans mon étant normal. Il a intérêt à s’y plier.

Tandis que je voyais les médecins affluaient autour d’elle, je restais inerte. Je ne savais vraiment plus quoi faire, je savais que Hak allait s’en vouloir, mais ce n’était pas de sa faute. J’étais le seul à être en tort dans cette histoire, elle m’avait donné un coup puissant et inévitable et la seule réaction que j’ai réussi à avoir, c’était de la blesser. Le coup que je lui avais porté n’avait aucun intérêt, il ne m’avait pas permis de ne pas me faire toucher et je n’avais aucun combat à gagner. J’avais juste encore une fois laissé mes instincts dicter mes actes sans réflexions.

Ce fut l’arrivée de Shigeru qui me fit reprendre un peu mes esprits. Tout en gardant le silence, sûrement parce qu’il savait que je n’étais pas en état de l’écouter parler, il soigna mon bras. Je ne prononçai pas le moindre mot, il me connaissait et il savait que j’avais toujours été reconnaissant pour son attention à mon égard. Lorsqu’il eut fini, je sortis pour rejoindre une salle d’attente, je ne pouvais plus rien faire pour aider.

Mon attente fut de courte durée, moins de deux heures après, je vis Hak marcher dans ma direction. Elle portait ses vêtements imbibés de sang. Je n’avais pas besoin d’être médecin pour savoir que ses blessures ne pouvaient pas déjà être guéries. Il était même surprenant de la voir en état de marcher. L’air de rien, elle m’annonça qu’elle devait rentrer chez elle pour se changer avant de s’excuser pour l’attente. Je n’arrivai pas à y croire, même après tout cela, elle se condamnait elle-même pour mes erreurs. Je ne savais pas ce qui la faisait tenir debout, mais je la connaissais suffisament pour savoir que je ne devais pas la remettre en question à ce niveau.

- Je vais t’accompagner, je viens de passer plus d’une heure tout seul, il est hors de question que je t’attende à nouveau.

Je masquais la vérité, c’était évident, mais si Hak ne voulait pas d’assistance, elle ne pouvait pas m’empêcher d’essayer de racheter mes fautes.

- Shigeru n’avait pas l’air d’apprécier ce qu’il s’est passé, ce qui est assez ironique, vu qu’il s’était lui-même jeté sur mon arme lors de notre premier entraînement.

Je lâchai alors un petit rire. Je savais que ce n’était pas naturel et que Hak n’était pas dupe. Je n’essayais pas forcément de détendre l’ambiance, mais si Hak voulait faire comme si de rien n’était, je respectais son choix.

Je lui adresse un sourire discret et réaliste, même si terriblement faux dans mes pensées – Shigeru et moi avons une approche différente de la souffrance. Lui, il considère que toute blessure qui n’est pas fatale n’en est pas une car il peut la soigner – moi, je considère que ma vie ne vaut pas grand-chose donc que ce n’est pas important. Le cumul du Genjutsu et de la douleur que mon corps ressent sans en alerter mon esprit me permet de garder les pensées extrêmement lucides, de faire taire tout ce flux incessant qui me perturbe en général. J’ai presque l’impression de régresser à l’époque où mon père m’éduquait encore, au moment où je n’étais qu’obéissance… La douce époque. J’ai de la chance, néanmoins, que ce médecin de malheur soit déjà retourné à sa cave – le connaissant, il aurait certainement cherché à me bloquer, quitte à me sédater, seulement pour que je reste dans l’hôpital. Ce connard – autant fuir avant qu’il ne change d’avis et ne revienne.

La route vers chez moi est rapide, silencieuse – tout comme mon passage éclair. Je n’adresse pas un bonjour à ma mère, ignore son regard horripilé devant le sang sur mes vêtements même. Ce n’est qu’une idiote faible qui n’a pas son mot à dire de toute façon. Elle, elle a accepté la faiblesse – qu’elle crève en s’y complaisant. Une fois ma tenue changée, je sors aussi vite que je suis entrée – j’étouffe à chaque fois que je mets les pieds ici, comment je fais pour y vivre ?! Le retour vers le terrain est tout aussi rapide, bref, cru. Otoke n’a rien eu à redire sur ma décision de continuer, mais je ne suis pas totalement stupide non plus – il doit certainement ne pas être ravi non plus. Comme si j’en avais quelque chose à faire – une faille a été exposée en moi, il est temps que je la comble. S’il s’en veut, il m’aidera. S’il désapprouve mon entrain, il m’aidera. S’il… Quoi qu’il pense, il m’aidera. Je ne compte pas lui laisser le choix. Vacillant un peu, je me tourne vers lui et croise son regard, souriant délicatement et remettant une mèche de cheveux derrière mon oreille, genoux légèrement fléchis vers l’intérieur pour me montrer faussement vulnérable.

« C’était un beau coup. Il faut que je m’entraîne à esquiver, à anticiper. Explique-moi, puis on inverse les rôles. »

Je ne suis pas en état de l’attaquer de toute façon, mais il n’a pas besoin de le savoir. Le comportement de mon corps est manipulé par moi-même, il n’affiche aucun signe de douleur – le seul défaut est que si j’ouvre la blessure à nouveau, je ne le saurais même pas… Dire que je n'ai jamais eu besoin de ce genre de techniques, vu que mon principe est de bloquer les cibles avant de les achever. Comme quoi rien ne vaut mieux qu'un entraînement où l'on s'impose des limites.

Je suivis Hak silencieusement, je ne savais pas quoi faire d’autre dans cette situation. Si je savais qu’elle faisait une erreur, je n’en étais pas moins incapable de le lui faire remarquer. J’ignorais comment elle faisait pour faire semblant que tout allait bien, mais je devais respecter son choix, quelles qu’en fussent les conséquences. Après être aller chez elle, on reprit la route du terrain d’entraînement. Après tout, c’était ce qui était prévu depuis le départ et une blessure n’allait pas l’empêcher d’apprendre.

Une fois arrivés au terrain, elle me fit part de sa volonté d’apprendre à anticiper et esquiver les coups comme moi. Cela m’étonnait un peu venant d’elle, puisque ce n’était pas son genre de laisser une chance à son adversaire de faire la moindre attaque. Je me dis alors qu’elle faisait ce choix parce qu’elle n’était pas en état de faire autre chose.

- Pour anticiper des attaques, j’utilise mes capacités sensorielles qui ne me permettent pas de voir l’avenir, mais je peux ainsi réagir beaucoup plus vite. Tu ne pourras pas faire la même chose, mais tu peux utiliser ton expérience au Taijutsu voire même ta maîtrise de l’Onkyoton pour atteindre le même résultat. Au final, peu importe la méthode, le plus important est d’être le plus attentif possible à chacun des mouvements de son adversaire.

Il était assez facile d’apprendre à anticiper les mouvements de l’adversaire, le problème était que cet apprentissage nécessitait un bon niveau. Heureusement, je savais que Hak en était parfaitement capable. Cependant, je me demandais si elle allait être en mesure de tenir l’entraînement. Elle avait beau ignorer la douleur de sa blessure, je n’étais sûr qu’elle fût en état de résister à des coups supplémentaires. Pourtant, si elle voulait apprendre à anticiper et à esquiver mes coups, je devais tenter de la frapper à de nombreuses reprises.

- Bon, je vais t’attaquer. Je vais commencer doucement et j’accélérerai au fur et à mesure de tes progrès.

Puisque j’étais également là pour m’entraîner, il me fallait trouver une idée de technique à developper également, mais je n’étais pas pressé pour le moment.

Il sait que quelque chose ne va pas. Il me lit parfois trop simplement, et ce n’est pas quelque chose que j’apprécie particulièrement – je fais seulement avec. Réagir plus vite, elle est donc là la base de ce genre de techniques ? La vitesse pure n’a certainement rien à y faire, Otoke n’ayant pas été plus rapide lors de l’utilisation de son talent. J’ai mal. Un peu. C’est tolérable. J’inspire profondément et me concentre, essayant de couper mes sens du monde extérieur. Ce n’est pas aussi aisé qu’il le prétend, je n’ai pas de capacité en sensorialité – seulement mes illusions qui ne sont pas d’une grande aide dans ce contexte, et mon corps de combattante Taijutsu. S’il y a un point sur lequel je dois jouer, c’est celui-là – ainsi que le son, car je me vois difficilement combattre sans. J’inspire profondément une fois de plus, essayant de répartir différemment le chakra au sein de mon corps. Affiner l’audition ? C’est une étape peut-être, mais cela me demande beaucoup trop d’effort – et puis, entendre quelque chose plus fort n’est pas vraiment une grande aide dans la lecture de l’entourage, sinon en se basant sur la respiration d’autrui. C’est un potentiel début, même si très léger.

J’entends. J’analyse ce que j’entends. Je comprends ce que j’entends. Je réagis à ce que j’entends. C’est la base du son, l’analyse de ce dernier par le cerveau – il y a difficilement étape pouvant prendre plus de temps. Le temps de réfléchir, de penser l’interprétation et la réaction, il est trop tard. J’inspire une fois de plus, les yeux toujours fermés en face de mon sauvageon. Je dois y arriver. Mes muscles se contractent légèrement, se relâchent aussi tôt et s’apprêtent, à tout moment, à se déplacer en réaction immédiate au bruit environnant, sans passer par l’analyse de l’encéphale. C’est ce que j’aimerai atteindre, mais mes sens sont tempérés par l’illusion qui me permet de rester debout. Tant pis – s’il commence doucement, je vais tenir.

« Kai. »

L’illusion se brise et la douleur revient, forte comme jamais. Si je fais l’impassible et n’affiche aucun signe de souffrance sur mon visage, je me doute qu’il comprend exactement ce qu’il vient de se passer. Peu importe, je tiens encore debout. Tout au plus, mon corps sera trop distrait par la douleur pour accepter la douleur de ses coups lors des débuts. Je pense y être – reconcentrant mon chakra et établissant des réflexes nouveaux au sein de mon corps, je me sens intérieurement prête à réagir au moindre bruit environnant sans réfléchir. Reste à savoir si c’est efficace. Je fais un pas vers, puis un second – je titube, tangue légèrement et mon genou cède l’espace d’une fraction de seconde devant la douleur de mon flanc droit. Qu’importe, je tiens debout. Je me mets en garde et mes yeux croisent les siens, mon regard plus sévère que jamais.

« Vas-y. »

Alors que je me préparais à attaquer, je la vis se concentrer. Hak était bien plus réfléchie que moi qui agissait de façon plus instinctive. Ce n’était pas une mauvaise chose, surtout lorsqu’elle essayait de maîtriser une technique qui sortait de ses habitudes. Soudain, elle utilisa un Kai pour se sortir d’une illusion. Je compris alors qu’elle s’était elle-même plongée dans une illusion pour endurer la douleur. Elle resta néanmoins impassible et concentrée, sans afficher le moindre signe de douleur. Elle avait raison, elle ne pouvait pas être capable de maîtriser une telle technique tout en ayant des sens altérés.

Je compris néanmoins qu’elle était moins en forme qu’elle en avait l’air et c’était déjà pas beau à voir. Tant qu’elle était capable de tenir debout, je ne pouvais pas l’empêcher de s’entraîner, j’avais trop de respect pour elle pour le faire. Tout en gardant sa concentration, elle se mit en position et m’invita à commencer. Je n’hésitai pas une seule seconde avant de commencer à attaquer. J’aurais pu décider de ne pas porter mes coups, décider qu’elle n’était pas en état d’encaisser mes attaques et que ce n’était pas forcément utile à l’entraînement. Cependant, nous savions aussi bien l’un que l’autre, que c’était le seul moyen pour s’améliorer.

Mes premiers mouvements étaient lents, Hak réussit à les esquiver, malgré sa blessure. À chaque coup, j’augmentai le rythme, lui donnant de plus en plus de mal. J’augmentais volontairement ma vitesse sans essayer de la surprendre avec des frappes plus difficiles à arrêter. Mon objectif était de l’aider à réactiver ses mouvements, à augmenter sa propre vitesse de réaction et surtout, à l’habituer à combattre à plus grande vitesse.

Au bout d’à peine une minute, je me rendis compte que cette stratégie n’avait qu’un intérêt limité et que si je ne cherchais pas vraiment à la toucher, elle ne pouvait pas s’entraîner correctement. D’un coup, je fis circuler mon chakra dans mes deux jambes. Avec ma jambe gauche, je brisai mon rythme en stoppant mon mouvement et avec l’autre, je frappai au milieu de sa poitrine, la projetant en arrière de quelques mètres. Je savais que cela n’allait pas arranger sa blessure, mais j’avais fait preuve de précision, cela n’allait pas l’empêcher de continuer non plus.

- A partir du moment où ton adversaire n’arrive pas à t’atteindre, il va naturellement essayer de changer le rythme du combat pour te surprendre. Tu ne dois pas le laisser faire, l’objectif sera justement de repérer ce moment et d’en profiter pour frapper en retour. À partir de maintenant, ton objectif sera d’être capable de me porter un coup tout en esquivant tous les miens.

Je me mis à nouveau en position, attendant qu’elle en fît de même. Je me demandais si elle avait compris qu’en lui donnant ce conseil, j’allais particulièrement être vigilant là-dessus. Quant à moi, j’avais bien l’intention de ne lui laisser aucune chance en augmentant mon vitesse au rythme de ses progrès.

Frappe. Frappe. Frappe. Il entame et enchaine sans répit, mais hésitant énormément. Je connais sa force. Je connais ses capacités. Il peut plus. Est-ce pour ce niveau-là qu’il me prend ? C’est extrêmement frustrant, mais simple. Je souffre de ma blessure mais je n’y pense pas. Je continue aveuglement de bloquer ses coups, esquiver, parer – c’est une sensation nouvelle, mon corps ressentant ce qu’il veut faire et réagissant avant même que le cerveau ne soit informé. Aveuglément, je me laisse entraîner par le rythme et lorsqu’il ralenti brusquement pour asséner un coup différent, je me montre faible. Incapable. Mon corps vole, mais je sens encore qu’il n’a pas mis la totalité de sa puissance dans ce coup. Pourquoi me ménage-t-il ? Il s’arrête et me parle. Oui. Oui j’entends. Je lis entre tes lignes. Je ne sais pas faire. Je suis faible comparée à toi. Es-tu content ? Satisfait peut-être ? Ma blessure me fait souffrir de plus bel. Je dois réussir. Je suis obligée de réussir. Je n’ai pas le choix de réussir. C’est un ordre. Un ordre que je me donne à moi-même. Une garantie de résultat. Pas d’échec. Pas devant Otoke. Il ne m’a jamais prise de haut alors que je ne suis qu’une femme qui essaye de s’en sortir du mieux qu’elle peut. Je… Non.

« Tu n’as pas besoin de t’arrêter pour me dire ça. On continue. »

Je me relève et prends ma position de garde, refaisant circuler mon chakra – il a réussi à rompre ma concentration et me faire perdre mon flot. J’inspire et je sens d’ores et déjà mes muscles se tendres, prêts à réagir de leur propre chef. Le toucher alors que j’esquive ? Il pousse un peu le défi, mais je prends ça pour de l’estime et lui adresse un léger sourire avant de charger sur lui. Mon flanc droit me tire énormément mais je ne peux échouer. Continuer. Je dois continuer. Peu importe la douleur. Je ne peux pas relancer de Genjutsu et ça me tord en deux, mais je sais également qu’en choisissant le bon je pourrais tout simplement écourter ce combat. A quoi bon si je ne progresse pas ? Il sait que je suis en dehors de mon terrain habituel. De ma tradition. Entre nous deux, la différence est flagrante dans la méthode – lui détecte et achève, tandis que je prends mon temps et élimine sans le moindre soupçon.

C’est d’un amusant extrême – il fait enfin plus que parer et esquiver mes coups, il contre-attaque également. Pour le moment, je tiens la cadence, et le tout me fait penser à une danse macabre. Notre danse macabre. Comme deux animaux cherchant à s’accoupler par le biais de rituels d’approche extrêmes. Prêt à risquer leur vie seulement pour le regard de l’autre – mais je ne suis pas si conne, nos motivations sont différentes. Être les meilleurs. C’est un peu ce à quoi on aspire, chacun pour ses raisons. Coup de pied. Coup de poing. Coup de poing. Coup de pied. Demi-tour. Saut. Enchaînement de cinq coups. Rotation autour de l’ennemi et je continue. Encore et encore. La douleur, je la néglige. Ma réussite, je veux la voir.

« Tu comptes peut-être t'entraîner aussi, non ? Je ne suis pas là pour être ménagée. Vas-y. »

Elle ne put pas s’empêcher de critiquer le fait que je lui donnasse un conseil. Je savais que sa fierté était grande et que cela créait des réactions assez inattendues chez elle, mais cela l’aidait également à avancer et à se relever là où beaucoup se seraient écroulés depuis bien longtemps. Puis, nous reprîmes de plus belle. Si j’avais un avantage assez évident dans cet entraînement, celui-ci se réduisait bien vite. Tandis qu’elle maitrisait de mieux en mieux ce qu’elle voulait apprendre, j’étais obligé d’aller de plus en plus vite pour espérer la mettre en difficulté. C’était vraiment invraisemblable, je ne pouvais dire si l’adrénaline du combat lui servait d’anesthésiant pour sa blessure ou si elle combattait son propre corps tout en suivant mon rythme.

Au milieu d’un échange de coups, elle se permit même de faire une remarque, me demandant de ne pas la ménager. Elle n’avait que partiellement raison, car si je pouvais toujours augmenter le rythme et la puissance de mes coups, j’étais déjà à la limite de mes capacités physiques. La seule solution qu’il me restait, c’était d’utiliser mes techniques.

- Très bien, passons à la vitesse supérieur.

Esquivant l’un de ses coups, je profitai du moment de répit pour me reculer de quelques pas. Pendant ce court laps de temps, je concentrai mon chakra dans mes jambes et mes bras. Garder une concentration constante n’était pas facile et consommait beaucoup de chakra sur le long terme, mais si Hak était capable de suivre le rythme, ce voulait dire qu’elle faisait déjà de bon progrès.

Lorsque ce fut fait, et sans la prévenir, je repartis à l’attaque. Ma vitesse ayant changée drastiquement, elle ne put qu’être surprise de ce changement soudain. Cependant, elle réussit quand même à parer mon poing. Cela ne l’empêcha sûrement pas de le sentir passer, encaisser un tel coup sans préparation aurait très bien pu lui briser les os des bras. Sans lui laisser de temps de s’en remettre, je repris l’assaut. Je n’avais plus l’effet de surprise pour moi, mais ma vitesse était suffisante pour la mettre en difficulté. Cependant, au bout d’une vingtaine de coups, je me rendis compte que cela n’allait pas suffire. Si elle n’arrivait toujours pas à esquiver correctement chacun de mes coups, je pouvais bien voir qu’elle arrivait parfaitement à suivre mes mouvements des yeux. Alors, vous me direz que c’est bien inutile de voir un coup arriver si on ne peut pas l’esquiver ou le contrer et je ne vous répondrai pas, je fais ce que je veux putain…

Bref, il me fallait encore accélérer et si j’en étais encore capable en utilisant plus de chakra, j’allais bientôt atteindre mes limites. Je décidai donc d’attendre encore un peu avant de donner mon maximum.

Le mouvement. Le combat. Je vacille et renvoi toutes mes pensées loin, me concentrant pleinement sur ce combat. Je sens Otoke accélérer plus encore et encore, sans me donner de réel répit – il doit augmenter sa vitesse avec son Chakra certainement, j’en suis consciente avec la difficulté que j’ai pour ne serait-ce que parer ses coups, je ne parle même pas de les esquiver. J’ai mal au flanc, et c’est quelque chose qui persiste à me limiter durant l’entraînement, mais la douleur a changé – elle n’est plus aussi flagrante qu’avant, à taper tel un coup de couteau à chaque mouvement. Non, c’est plutôt quelque chose de constant, de sourd, d’inerte. Et un coup de plus que j’esquive de justesse. Trop juste. C’est encore absolument inutilisable. Parade. Parade. Esquive. Coup à droit. Coup à gauche. Coup de pied retourné. Les mots perdent de leur sens et le temps devient long, mais mon cerveau enregistre de moins en moins ce qu’il se passe – mon corps réagit seul, de plus en plus, et c’est tout juste si, lorsque je pense, mes pensées parasitent mon… C’est juste, une fois de plus. Je n’ai pas les réflexes nécessaire pour esquiver encore et, lors d’une fraction de répit presque inexistante – pourquoi je m’essouffle autant - je concentre une quantité plus importante de Chakra encore dans mon corps afin de fluidifier mes mouvements jusqu’au maximum que je puisse obtenir.

A droite. En haut. Ma tête tourne un peu. J’assène un coup de poing. Je vois ses gestes avec plus de netteté, ressentant progressivement les effets de la technique telle que, j’imagine, elle devrait l’être. Ce n’est plus voir le mouvement désormais, mais l’anticiper de surcroit en lisant les mouvements du corps adverse. Le prochain coup sera… Je ne réfléchis plus, et mon corps réagit seul – il se cambre totalement sur la gauche, laisse le poing d’Otoke passer à côté malgré la vitesse et mon pied enchaine de façon naturelle dans les siens, le poussant à sauter pour esquiver le mouvement. A-t-il fait exprès ? Non. Je pense qu’il peut faire plus et passer outre mes imprécisions, mais il se bride quelque peu – sans pour autant se laisser faire. Il attend certainement que j’arrive suffisamment à parfaire mon côté du jeu pouvoir jouer le sien à cent pourcent, histoire d’avoir une valeur de jugement fiable en face, et pas un vulgaire déchet faible comme moi… Difficilement, je me relève, la douleur bloquant la majorité de mes folies de plus en plus faible – pourtant j’ai toujours mal. Calmement, je porte ma main à mon flanc et y sent quelque chose de chaud. Est-ce du… Je porte ma main à mon visage, sans même la regarder. Ce n’est pas que ma tête tourne, mais j’ai un réel vertige. Ce qui veut dire que… Dans un dernier mouvement, je croise les yeux d’Otoke et lui envoie un Genjutsu rapide avant de m’effondrer sur le sol.

« Désolé… Reprenons demain s’il te plait. J’ai juste besoin de dormir un peu. Juste un peu… »

Dans ces quelques mots que je lui ai envoyé, ce n’est pas la moi habituelle qui parle. Je ne m’y reconnais pas. Trop de féminité. Trop de fragilité. Trop de… Je tombe inconsciente.

Je n’arrivais pas à savoir si la douleur de Hak diminuait ou si elle commençait à s’y habituer, mais ses mouvement devenaient de plus en plus fluides et précis. Enfin, c’était ce que je pensais, mais plus le combat continuait, plus je me rendais compte qu’elle faisait de gros progrès dans l’apprentissage de l’anticipation au combat. C’était surtout cela qui lui permettait de combattre à ce rythme dans cet état. Cependant, même si j’étais admiratif de sa détermination à continuer, je savais que cela n’allait pas durer indéfiniment, mes propres réserves de chakra commençaient à se vider alors je savais que c’était la même chose pour elle.

Puis, dans un petit moment de répit, Hak s’arrêta. Elle examina rapidement son flanc avant de tomber. Instinctivement, je me baissai pour la rattraper juste avant qu’elle ne percutât le sol, mais elle était déjà inconsciente. Elle utilisa cependant, avant cela, une de ses techniques de genjutsu pour me faire passer un message. Ce message était un peu particulier, il ne ressemblait pas à l’image que Hak renvoyait d’elle-même habituellement, mais cela ne me surprit pas vraiment, dans son état, il lui était difficile de soigner les apparences. Ne me voyant pas la ramener chez sa mère dans cet état, je décidai de la ramener jusqu’à chez moi où elle pouvait se reposer autant que nécessaire.

Spoiler:

Tandis que je marchai vers mon logement, je l’observai un peu. Cela me faisait un peu bizarre de la porter ainsi, elle qui avait tant de fierté et qui refusait de passer pour quelqu’un de faible. Elle aurait d’ailleurs sûrement refusé de me laisser faire si elle avait su. Je la comprenais un peu, moi aussi, j’avais dû faire des sacrifices pour paraître plus fort que je ne l’étais en réalité lorsque je devais protéger Karyuudo. Cependant, il y avait une différence assez grande entre nous, je n’avais jamais été réellement seul, il restait encore une personne à qui je pouvais tout dire sans le moindre mensonge. J’avais encore du mal à comprendre les pensées des humains, mais j’étais persuadé que cette solitude devait être pesante pour Hak, même si elle n’aurait jamais voulu l’avouer.

Tandis que j’arrivai chez moi, je la déposai délicatement sur le lit. J’examinai alors ses blessures et ses signes vitaux. Je n’étais pas médecin, mais je restais un chuunin entraîné. Si je n’étais pas capable de la soigner, je pouvais au moins vérifier qu’elle n’allait pas mourir à côté de moi pendant la nuit. En voyant l’état de sa blessure, je me demandais pourquoi elle avait décidé d’aller se changer si c’était pour salir d’autres vêtements tout autant.

Je n’étais pas un maniaque de la propreté, mais je n’avais pas non plus l’intention de la laisser imprégner mon lit de sang et je ne pouvais pas la laisser par terre. Heureusement, chez moi, j’avais de quoi laver sa blessure et arrêter le saignement. Après avoir utilisé la moitié de mes serviettes propres, quelques pansements et avoir retiré la moitié de ses vêtements, tachés de sang, je pus enfin me coucher également.

Je n’étais pas dans son état, mais j’étais quand même fatigué, l’entraînement ne s’était pas passé comme prévu, mais il m’avait épuisé. Retirant mon masque et ma tenue d'entraînement, je m’allongeais à côté de Hak, trouvant le sommeil presque immédiatement.

D’un coup brusque, je me réveille, agitée. Où suis-je ? Mes derniers souvenirs remontent à l’entraînement avec Otoke. A-t-il ? Non. Ce n’est pas l’hôpital – l’air n’a pas cet aspect aseptique que je déteste tant. Le lit est trop doux également. J’ai toujours mal au flanc droit, mais j’ai l’impression d’aller mieux tout de même. Quelle heure est-il ? Il fait nuit noire, j’imagine donc que nous sommes en plein dedans – la chambre, pour ce que j’en distingue, n’est pas la mienne également. Serais-je ? Je suis presque nue, allongée sur le lit. Des pansements bandent mon flanc. Le petit sauvageon inadapté socialement que j’apprécie tant a donc une part humaine en lui – suffisante pour ne pas me laisser mourir devant lui en tout cas. Alors que j’essaye de bouger dans le lit, mon bras effleure quelque chose chaud, de tendre. Quelqu’un d’autre. Aurait-il ? Non. Je l’aurai senti je pense. Délicatement, je retourne ma tête sur l’oreiller pour croiser le village d’Otoke. Il a enlevé son masque et dort paisiblement : à le voir ainsi, je n’ai pas l’impression qu’il puisse être ce sauvage capable de tuer en l’espace d’un clin d’œil. Sommes-nous tous pareils lorsque nous dormons ? Si… Innocents ? Il y a quelque chose de tellement décadent dans ce visage… Je m’adresse un petit sourire intérieur à m’imaginer que, sous son masque, ce garçon avait vraiment un charme certain – dire que j’ai toujours accepté de le voir avec, depuis tout ce temps.

Si seulement il acceptait que les gens soient plus proches de lui… Ensuite, je ne suis personne pour lui donner ce genre de leçon, ayant établi la majorité de mes relations sur des mensonges ou des farces pour obtenir quelque chose des gens – il doit être l’un des rares que j’estime de façon naturelle. Pour le coup, ça m’aura sauvé la vie. La douleur est toujours présente, mais tolérable et je sens que j’ai repris un peu de force – le pire dans cette histoire, c’est que le petit rat ne demandera certainement rien en échange, alors qu’il mérite ne serait-ce qu’un merci. Est-ce la fatigue ? Est-ce ma tête encore légère des suites de la blessure ? Je ne saurais le dire – la seule chose qui est vraie, c’est que je bascule mon corps sur le côté afin de lui faire face. Si ma mère nous voyait, tous les deux, presque nus, à partager un lit – la sale garce serait certainement déjà en train de penser à une descendance et un mariage. Quelle femme détestable. De ma main gauche, j’effleure délicatement ce visage si paisible tourné vers moi – et pour prévenir une quelconque réaction trop brusque de sa part, je m’efforce à reconcentrer mon Chakra dans le but de faire réagir mon corps plus vite que mon cerveau. Je suis trop faible pour répondre à un coup.

Nous avons toujours été proches. En quelques sortes, je me suis toujours attendue à ce que ce genre de situation se présente, mais j’étais dans une optique cruelle. Prête à me moquer. A le trainer dans la boue pour ses compétences et son approche si particulière – je l’imaginais bête sauvage au cœur tendre, après tout. Non. Cette nuit, il n’y a pas la place pour la petite fille que j’étais dans ma plus tendre enfance. Il n’y a pas la place non plus pour le petit garçon plein de haine et de violence. Ni pour la victime torturée par son père durant tout ce temps, et pas de place pour tous les masques et comportements fictifs que j’impose à mon corps dans les suites de cet entraînement. Ce soir… J’ai l’impression d’avoir enfin réussi à laisser place à la femme que je pourrais être. L’une de celles que, d’habitude, je qualifiais de faible ou de garce. Quelle sensation étrange ! Retirant ma main de son visage, délicatement, je bascule mon corps en cavalière au-dessus du sien, nos bassins côte à côte à travers les vêtements – puis je me baisse, scellant nos lèvres ensembles.

« … »

Rien de ce que je puisse dire n’exprime à la fois toute la reconnaissance et l’affection – j’imagine que c’est ça quelque part – que j’ai pour lui.

Tandis que je me réveillais doucement, je sentis une pression sur mon corps. Réagissant à l’inconnu avec instinct comme à mon habitude, j’utilisai tous mes sens pour comprendre la situation le plus rapidement possible. Ce moment fut très court et ma réaction presque instantanée, mais je me rendis compte qu’il s’agissait de Hak à temps. Arrêtant in extremis mon mouvement de défense, j’ouvris les yeux pour voir son visage à quelques centimètres du mien, m’embrassant délicatement. Si la situation était très surprenante, je compris assez vite qu’elle venait juste de se réveiller. Je ne me demandai pas vraiment les raisons de cela, si elle voulait me remercier, si la douleur et la fatigue lui avaient fait perdre la raison ou si c’était tout simplement la vue de mon corps qui l’avait empêchée de résister à la tentation.

Sans un mot, je l’enlaçai de mes bras comme pour la soutenir dans ce moment d’union. Pour être honnête, je n’avais jamais imaginé une telle relation, mais maintenant que cela arrivait, je me rendis compte qu’il ne pouvait en être autrement. Tous ces moments passés ensemble à jouer l’un avec l’autre, enfin, même si c’était surtout elle qui s’amusait avec moi. Il était évidement difficile pour moi de l’avouer, mais je le laissais faire la plupart du temps, sachant pertinemment que c’était toujours plus distrayant ainsi. Il devait sûrement en être ainsi, la conséquence et l’aboutissement de tous ces moments.

Au bout de quelques secondes, alors que je reprenais doucement mes esprits, je décidai d’arrêter de réfléchir à la situation et de savourer l’instant présent. Il était temps pour moi de reprendre les choses en main. Attrapant les côtés de Hak, je la retournai aussi délicatement que la situation le permettait, la plaçant ainsi sur le dos. Je m’attardai alors un instant sur la vue qui s’offrait à moi. Si ce n’était pas vraiment la première que je voyais Hak pratiquement nue, je n’avais jamais eu le plaisir de le faire avec cet angle-là. J’en profitai pour remarquer que sa blessure semblait s’être améliorer pendant mon sommeil, cela me rassura pour la suite.

Je me penchai alors pour l’embrasser à nouveau, tout en faisant glisser mes doigts le long de son corps. Je ne pouvais savoir ce que Hak avait en tête, mais j’espérais ne pas être déçu.

La matinée se passe dans le silence absolu, chacun vacant à ses activités comme si l’autre n’était pas là – pourtant, quelque chose a changé entre nous ce soir, et nous en sommes conscients tous les deux. A une reprise unique, alors que je sors dehors, je lui adresse un sourire sincère et chaleureux, comme pour le conforter dans l’idée que moi aussi, je le ressentais quelque part en moi. Le trajets jusqu’au terrain d’entraînement, nous le réalisons ensembles sans nous parler – ce n’est qu’une fois que nous nous retrouvons face à face que mon visage reprend cet air hagard et impétueux, prêt à l’affronter de nouveau.

« Je pense que ça ira. Ne t’inquiète pas. »

Y crois-je vraiment ? Peut-être bien. En tout cas, je connais la récompense pour l’exténuation et les sacrifices sur le terrain, et je ne redirai pas non à en bénéficier une fois de plus. Calmement, j’inspire et expire avant de concentrer mon Chakra – cette nuit m’a également permis de comprendre où était l’erreur qui me limitait. Ce n’est pas mon cerveau que je limiter, mais c’est le son que je dois laisser courir dans mon corps. Le ressentir comme j’ai ressenti Otoke en moi hier – le laisser prendre le contrôle et se répondre à lui tout seul. Je me mets en garde – il peut commencer à m’attaquer.

À nouveau, je me réveillai avec une présence à mes côtés, mais cette fois-ci j’étais bien plus serein. Ravi de me rendre compte que tout ceci n’était pas qu’une hallucination nocturne, je ne me permis pas pour autant de revenir dessus pour le moment. Aussi bonnes fussent les raisons de faire une pause, cela n’en restait pas moins une pause et nous avions un entraînement à terminer. Chacun se préparant plutôt rapidement, nous fûmes vite de nouveau en route vers le terrain d’entraînement.

Une fois arrivés, nous nous mîmes en position de combat pour reprendre immédiatement. Hak rompit alors le silence pour me dire qu’elle était en état de combattre. Heureusement d’ailleurs, cela aurait été assez stupide de s’être préparé et d’avoir refait le trajet pour rien.

Concentrant mon chakra dans mes jambes, je me propulsai dans sa direction sans prévenir. Si cela pouvait sembler un peu déloyal au premier abord, c’était un bon moyen pour percevoir les limites d’une bonne anticipation. Prenant appui juste devant elle, je balançai ma deuxième jambe à vive allure en direction de ses genoux pour la faucher. Il lui suffit alors d’un saut pour esquiver mon attaque, puis elle contre-attaqua immédiatement. Parant de justesse, j’effectuai un demi-tour pour atteindre son flanc de l’autre côté avec mon autre jambe et la surprendre. L’esquivant à nouveau avec brio, elle profita alors de l’ouverture que j’avais laissée pour m’atteindre.

Je reculai alors pour ne plus être à sa portée. Je ne savais pas si Hak s’en rendait compte, mais son niveau avait bien augmenté depuis la veille. A ce niveau-là, j’aurais pu le battre à l’usure puisqu’elle utilisait beaucoup de chakra, mais ce n’était pas l’intérêt de l’entraînement. J’allais enfin pouvoir m’y mettre vraiment sérieusement. Je n’étais pas capable de la surprendre pour le moment, mais j’avais déjà une petite idée sur la façon de m’y prendre. Récemment, j’avais amélioré ma maîtrise du Raiton qui n’avait presque plus de secret pour moi désormais et je savais que je pouvais m’en servir pour augmenter ma vitesse.

Je concentrai mon chakra dans mes jambes, comme j’avais l’habitude de le faire, mais cette fois, j’y associai l’affinité de la foudre. Petit à petit, une multitude d’étincelles jaillirent de mes jambes, donnant l’impression qu’une couche électrique les recouvrait. La préparation avait duré quelques secondes, nécessitant une petite pause dans l’entraînement, mais Hak allait vite se rendre compte que son avantage allait être remis en question.

J’esquive ses mouvements en valsant à travers ses coups, trouvant même l’occasion de répondre à ses attaques. Les bruits de ses mouvements traversent mon corps et l’alerte, réveillant de nouvelles boucles réflexes dans mon corps. Un sentiment d’inachevé demeure, mais je commence à comprendre le rythme – plutôt que de chercher de nouveaux mouvements, je contente mon corps de réaliser ceux qu’il sait déjà faire de base en utilisant le Chakra, les adaptant quelque peu à la situation. Mon corps prenant plus en compte ce qui se passe autour, je dirais même être capable de prendre du recul et de prévoir une attaque qui s’orchestre dans ce mouvement. Confirmation immédiate alors que je parviens à presque toucher mon compagnon sauvage qui décide de reculer. Nos regards se croisent à nouveau, concentrés chacun sur le combat et les mouvements de l’autre. Que fait-il à rester comme ça ?

En l’espace d’une fraction de seconde, il charge sur moi – de petites étincelles, liées à son Raiton j’imagine, jaillissent de sous ses pieds. Putain, tu parles d’une approche colorée de la vie, il veut peut-être commencer à danser également maintenant qu’il a les effets qui vont avec ? Il arrive vite. Et bien. Je m’écarte de justesse – sa charge me touche tout de même, effleurant mon corps. Le petit rat, il a décidé de jouer sérieusement sans me prévenir. Ses mouvements sont plus rapides. Plus complexes à éviter. Droite. Gauche. Haut. Haut. Droite. Droite. La cadence est extrême mais soutenable encore – comme s’il ne se donnait pas à fond. Ici. Là. Mon corps réagit seul, exécutant des mouvements d’esquive avec grande peine. Je suis. Je peux suivre. Je vais suivre. Je dois suivre. Pas après hier. Pas avant demain. Je ne suis pas faible. PAS FAIBLE ! Je peux résister. Je peux tenir. Je peux encaisser. Je peux lutter. Je peux répondre. Lui – plus que tous les autres – je refuse qu’il me voit en tant que faible.

D’un coup – il accélère brusquement. Perdue dans mes pensées, je ne vois mon corps basculer sur le côté que trop tard – rapidement, j’établi une armure de Terre sur l’endroit de mon corps qu’il vise. Sauvée, mais déconcertée. Le coup n’est pas puissant, seulement terriblement rapide – mon armure se montre donc suffisante. D’un mouvement, je saute en arrière, désengageant le combat et haletant. Il a fini de jouer, et les problèmes commencent désormais. Inspirant et expirant profondément à trois reprises, je reconcentre mon chakra d’une façon différente encore. Maintenant, c’est tout mon corps qui s’hérisse, prêt à entendre les sons sans attendre mes oreilles. Fluide. Agile. Disponible. Plus que son contact, c’est le léger sifflement du vent contre ma peau que je ressens – j’ouvre les yeux et croise le regard d’Otoke. Il peut revenir à l’assaut et je pense le tenir mieux encore, améliorant à chaque fois la portée de mon anticipation.

Ma technique fonctionnait, ma vitesse avait brusquement augmentée. Ce changement réussit à surprendre ma camarade d’entraînement, mais elle parvint tout de même à s’écarter à temps. L’effleurant à peine, mon coup ne la blessa pas, mais ce n’était pas mon intention. C’était la première fois que j’essayais de faire cette technique alors je ne m’attendais pas à une grande réussite. Hak commençait vraiment à maitriser l’anticipation et son entraînement dans un état déplorable de la veille l’avait sûrement aidé à s’améliorer et à rester concentré dans des situations difficiles.

Cependant, je n’étais pas sans reste, je venais tout juste d’essayer une technique et je me sentais largement capable de l’améliorer. Au fur et à mesure de mes coups, je sens que la maitrise de mieux en mieux, mais ce n’était pas suffisant. Sans prévenir, j’augmentai la quantité de chakra qui circulait dans mes jambes, augmentant ainsi brusquement ma vitesse. Tandis que j’étais persuadé que j’allais l’atteindre, elle réussit à faire une armure Dôton. Ce n’était pas forcément utile de sa part, puisque mes coups n’étaient pas bien puissants, mais je pouvais la comprendre, une frappe à cette vitesse était plutôt impressionnante.

Si elle était surprise à chacune de mes accélérations, elle arrivait à parfaire sa technique à chaque fois pour m’empêcher d’avoir le contrôle. Je n’arrivais pas à savoir si elle s’améliorait en même temps que moi ou si elle avait déjà un temps d’avance, mais je n’avais qu’un seul moyen de la savoir. Ma technique n’avait rien de compliquée, j’envoyais du Raiton dans mes jambes pour améliorer mes capacités physiques, plus j’en envoyais, plus la technique était efficace. Il me fallait juste réussir à contrôler une plus grande quantité et je l’avais déjà fait lors d’un entraînement avec Koüga et Karyuudo.

Cette fois-ci, je n’allais pas la surprendre en accélérant brusquement, en augmentant d’un seul coup l’intensité de ma technique, je créai une couche d’étincelles bien plus impressionnante autour de mes jambes. Puis, je partis à l’assaut à une vitesse bien plus grande que précédemment. J’avais sûrement atteints les limites de cette technique et j’avais déjà dépassé tout ce que j’avais été capable de faire jusqu’à présent. C’était la première fois que j’atteignais une telle vitesse sans l’aide de Karyuudo, il ne me restait plus qu’à voir si cela allait suffire ou pas.

Les quelques secondes de répit nous profitent à tous les deux et tandis que j’aguerris ma technique, lui accélère. C’est là que ça me frappe. Même si je suis consciente du fait qu’il est encore plus rapide, la différence de perception n’est pas énorme, c’est tout juste comme s’il courrait un peu plus vite. Petit sauvageon – j’ai compris. Oui. Tout bonnement. Le pourquoi. Le comment. Le quoi. Malgré mes pensées, mon corps se met en position tout seul pour s’opposer à Otoke tandis qu’il m’arrive dessus. Trop rapide. J’ai beau calculer ses mouvements, mon corps ne réagit que par des formules déjà connues d’esquives que j’ai mises en place – je n’en ai aucune qui agisse à cette vitesse, mais j’essaye tout de même.

Je bascule le poids de mon corps à gauche, fléchi un genou et touche le sol avec, prête à faire une roulade mais le voilà déjà sur moi. Trop rapide. Trop rapide. Trop rapide. J’inspire profondément et en l’espace d’un instant, une armure Doton extrêmement légère recouvre mon corps sur la zone que j’estime qu’il vise – automatisme de mon corps et réflexion contrôlée se mélangeant sur ce mouvement. Sa main heurte mon armure et l’endommage, sans la détruire entièrement – une fois de plus, ce n’est que vitesse et pure vitesse. Assez pour que je sois incapable d’esquiver aussi sereinement que ses petites attaques, mais malgré l’absence de réponse toute faite à cette vitesse je peux encore me défendre.

Alors qu’il tente de se relever et recommencer, je l’arrête. La fatigue se fait ressentir et, à nouveau, je ressens quelques pulsations douloureuses de ma blessure. Malgré ses soins, je ne suis pas encore parfaitement rétablie – Shigeru va certainement avoir le droit à une visite, et il a intérêt à faire un meilleur travail que les médecins de la dernière fois. Ce connard. J’adresse un petit sourire à Otoke et pose ma main sur mon flanc, comme pour signaler qu’il est temps de faire une pause – haletant de la fin de cette partie de l’entraînement. Un peu de repos, juste un peu : il ne pourra pas m’en vouloir non ? Je vois à sa respiration tout aussi saccadée qu’il doit être dans un état proche.

« Toi qui a plus l’expérience de l’anticipation que moi, tu en penses quoi ? J’ai été un peu juste sur cette dernière attaque, mais ton accélération ne paye pas de mine. Pas mon style pour autant – j’ai tout de suite à peu près compris ce que c’était, beaucoup trop tape à l’œil. Tu n’as pas peur que ça te gêne en combat ? »

Nos styles sont peut-être différents, mais un ennemi reste un ennemi après tout.

Ma façon de combattre ne ressemblait en rien à ce que Hak avait l'habitude de voir, oubliant la discrétion et la subtilité, je misais tout sur la vitesse. Lors d'un combat normal, je n'aurais jamais utilisé cette technique uniquement, elle augmentait ma vitesse à un niveau que je ne pensais même pas être possible, et pourtant, ma force restait inchangée. Lorsque je réussis à surprendre Hak et à l'attendre, elle fit une armure Doton, lui permettant de se protéger et ce fut suffisant. Si ma vitesse était impressionnante, mes coups n'arrivaient pas à percer sa défense. Cela m'aurait plutôt énervé si mon adversaire n'avait pas été Hak, qui était déjà blessée.

L'inertie du coup m'ayant fait avancer un peu trop loin, je me retournais pour attaquer à nouveau lorsque je vis qu'elle demandait une pause. Cela m'étonna un peu de sa part, mais c'était tout à fait légitime étant donné son état. J'annulai alors ma technique, qui avait vidé mes réserves drastiquement. Il me restait encore des forces, mais je devais bien avouer que je ne pouvais pas rester dans cet état bien longtemps. Cela ne m'étonnait guère, je consommais bien plus de chakra que Hak, mais notre objectif était différent. Si elle était encore incapable d'atteindre la vitesse que je venais de lui montrer, son entraînement payait ses fruits et elle arrivait à me suivre des yeux et à réagir à temps malgré notre différence.

- Ta capacité d'analyse en combat est bonne, il est évident que ma vitesse ne t'empêche pas d'agir et ton expérience te permet de te défendre malgré la différence de vitesse. Tu fais beaucoup de progrès, on va bientôt voir qui atteindra ses limites en premier.

Je savais que Hak tenait absolument à paraître forte en tout instant et si je n'appréciais pas forcément cela, je savais que c'était un excellent moyen pour la pousser à se dépasser. Si je la laissais se reposer pendant quelques instants, l'entraînement n'en était pas pour autant fini. Je savais que je pouvais pousser ma technique encore plus loin, j'en avais encore l'énergie et la motivation.

Lorsque Hak se remit en position, j'en fis de même, concentrant à nouveau une très grande quantitié de chakra dans mes jambes. Une fois que je réussis à maitriser le flux d'énergie du mieux possible, je me propulsai à nouveau. Il s'agissait très sûrement du dernier assaut.

Reprenant mes esprits sur les quelques secondes de pause, je soupir péniblement en me relevant. C’était éreintant comme entraînement putain – et j’étais une pétasse blessée. Pourtant, je sais qu’il y a de l’estime dans son geste, ou quelque chose qui s’en approche. Ou alors… Je suis totalement stupide et je m’imagine des choses que je veux bien croire. Ma technique n’est pas parfaite mais s’en approche selon lui, c’est un bon début – il refuse d’arrêter l’entraînement et enchaîne, ignorant délibérément la faiblesse dont je fais pourtant preuve. C’est… Horrible comme sensation. Si c’était quelqu’un en face de moi qui était dans ma situation, j’enchaînerai les pires idées pour le blesser ou le torturer parce qu’il ralentit la cadence ou se montre fragile. Quelle hypocrisie. Je me remets en position. Le sauvageon se montre bien plus humain que moi sur ce coup. J’inspire profondément. Il ne va pas me ménager. Non.

Je répartis, rapidement, mon Chakra Onkyoton sur la totalité de mon corps, sensibilisant une fois de plus ce dernier aux sons environnants. Les poils s’hérissent et ma peau se tend, telle une grande oreille. Parallèlement, j’inhibe la commande volontaire de mon corps au niveau de mon cerveau, me permettant de réagir de façon presque automatique à tout ce qu’il ressent en utilisant des mouvements déjà connus. Si j’étais un putain d’orchestre, je dirais que j’arrache la tête au dirigeant afin que les musiciens jouent comme ils le sentent, en vivant les notes plutôt qu’en les lisant. Une interprétation de vraie femme, ma mère serait presque fière… Je dois vraiment être épuisée pour penser de la merde en boîte comme ça. Brusquement, je croise le regard d’Otoke et la petite partie recommence à nouveau : il me charge avec son Raiton.

Non, quelque chose a… Changé. Sa vitesse est plus imposante encore qu’avant, mais j’arrive toujours à suivre son mouvement. C’est… Alors qu’il s’approche de moi à une vitesse folle, je comprends. Saloperie. J’ai enfin compris. Affichant un tout petit sourire – je sais qu’il le voit – j’observe mon corps agir seul. Appui sur le pied gauche. Propulsion avec le pied droit. Léger saut. Quart de tour dans les airs. Mes pieds touchent le sol à nouveau. Réussite. S’il s’en est fallu de peu mais j'ai esquivé le gros de l'attaque - il n'a fait que m'effleurer. Je me tourne vers lui et lui adresse un sourire, à moitié fière de ma réussite et à moitié taquine de son demi-échec. Mon corps à compris – si je peux suivre son mouvement, c’est que je peux ignorer son augmentation de vitesse. Malgré toutes les fioritures et autres étincelles qu’il puisse faire.

« J’ai réussi à atteindre ma limite la première, on dirait. »

C’est une façon bien curieuse de dire que j’ai gagné. Ou alors ai-je perdu ? C’était quoi le critère qui déterminait le gagnant exactement ? Mon regard soutient le sien, interrogateur. Accouche, merde.

Nouvelle tentative, nouvel assaut, mais cette fois-ci, j'étais à autre niveau, bien plus rapide. Je sentais mon chakra qui se consommait rapidement, mais en le contrôlant correctement, j'arrivais à augmenter ma vitesse comme je ne l'avais jamais fait auparavant. Je ne savais pas si Karyuudo était capable de me voir, mais je l'espérais, même si cela l'aurait passablement ennuyé que je fusse devenu capable de me débrouiller sans lui. Hak, elle, n'en démordait pas, malgré le fait qu'elle ne pouvait rivaliser avec ma vitesse, elle avait compris que cela n'était pas nécessaire. La seule chose qui rendait mes coups difficiles à esquiver était leur vitesse, tant qu'elle était capable de les anticiper, je ne pouvais pas la toucher, je le savais bien. Dans ce genre de situation, seule l'endurance aurait été capable de nous départager.

Après avor esquive un ultime assaut, elle s'arrêta, m'annonçant qu'elle avait atteint sa limite. Épuisé, j'arrêtai toute consommation de chakra. Je ne pouvais dire si j'avais encore la possibilité d'améliorer ma technique, mais ce qui était sûr, c'était que je n'avais plus la force de continuer pour le moment.

- Je te félicite, réussir à atteindre un tel niveau aussi rapidement n'est pas donné à tout le monde.

C'était totalement honnête, j'avais moi-même mis plusieurs semaines d'entraînement pour parfaire mon anticipation. Cependant, je n'avais pas non plus à l'envier, j'avais également réussi à maitriser une nouvelle technique qui, je l'espérais, allait se montrer très utile. Si je ne dépassais pas encore la vitesse maximale qu'on arrivait à atteindre avec Karyuudo, pour cette technique, je n'avais pas besoin de son aide et malheureusement, je ne pouvais pas toujours compter sur lui.

- Je dois bien avouer que je n'aurais pas été en mesure de continuer plus longtemps, cette technique demande une quantité folle de chakra, encore quelques secondes et je finissais par m'évanouir.

Je ne le montrais pas, mais mes jambes me faisaient souffrir, je les avais soumises à un effort bien plus intense que ce à quoi elles étaient habituées. Je m'y attendais un peu, mais j'avais besoin de repos, je ne savais même pas si j'allais être capable de marcher jusqu'à chez moi. Levant les yeux au ciel, je cherchai Karyuudo du regard. Comme je m'y attendais, il m'observait de loin, volant en cercle au dessus du village. D'un signe de main, je lui demandai de venir.

- En tout cas, ce fut un plaisir de m'entraîner avec toi, faudra qu'on remette ça à l'occasion !

Faisant le plus de bruit possible comme à son habitude, Karyuudo atterit entre Hak et moi, me jetant un regard hautain.

- Tu as l'air bien fatigué, tu n'as pas assez dormi ?

- Bonjour à toi aussi Karyuudo, tu me ramènes chez nous ?

- Assisté…

Sans répondre à ses remarques, je montai sur le dos de Karyuudo. Juste avant qu'il décolle, je saluai Hak d'un geste de la main.

- À la prochaine !

Puis, aussi bruyamment qu'il était arrivé, Karyuudo s'envola, m'emmenant au dessus du village.

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