Chaque invité avait pu découvrir l’Arène nouvellement construite sur le chantier d’une bâtisse abandonnée. Si le bâtiment était plutôt flamboyant de l’extérieur, il était surprenant de l’intérieur. En effet, lorsque l’on y entrait, on se retrouvait dans une sorte d’accueil typique des auberges ou autres hôtels. Mais une fois l’escalier de gauche ou de droite emprunté, l’étage d’au-dessus ne révélait pas moins de huit ascenseurs, chacun pouvant accueillir une vingtaine de personnes sans la moindre difficulté. Si ces derniers restaient assez archaïques, ils étaient bien fonctionnels et pouvaient délivrer les spectateurs et visiteurs à plusieurs étages de l’Arène.

Chaque étage se résumait d’abord à un long couloir oblique qui finissait par faire le tour de l’Arène. Là encore, huit portes d’entrée placées à intervalle régulier dans le couloir permettaient à chacun de trouver rapidement la place qui lui convenait.

Mais le plus impressionnant était après tout ça. L’Arène en elle-même était un petit bijou d’architecture. Sous la forme d’une cuve circulaire de plusieurs étages donc, chacune des quatre milles places permettait de parfaitement voir l’ensemble de l’Arène et forcément la zone de combat.

La zone de combat, parlons-en : un terrain artificiel – dont personne ne pouvait en sortir de sable, d’eau, de terre ou de quelconque chose naturelle – , plat et dur. Aucun obstacle sur une surface de 2500 mètres, et à l’extérieur des côtés de 50 mètres, un espace large d’une bonne dizaine de mètres était laissé entre le terrain et le public. Seuls quatre personnes, à chaque coin, étaient autorisées à se trouver dans cette zone, et déversaient leur chakra pour protéger d’une barrière de chakra presque invisible. Une technique de Fûinjutsu plutôt rudimentaire, mais qui tirait avantage du nombre et du chakra de ceux qui en soutenaient le flux. A chaque combat, ces quatre personnes changeaient avec quatre autres, puis le combat d’avant ils revenaient et ainsi de suite…

Le premier combat commença à vingt-et-une heures. Et deux heures plus tard, l’heure des quarts de finales était arrivée. Et comme avant chaque combat, l’Autocrate était apparu au centre du terrain sous les applaudissements d’un public hétérogène mais bel et bien lié à une grande partie de la criminalité de tout le continent.

« Ils étaient trente-deux au départ, et ils ne sont plus que huit au début de ce tour-ci. Et ils ont comme tous comme point commun de ne pas avoir dévoilé toutes leurs capacités, vous pouvez déjà tous les applaudir à nouveau ! »

Les applaudissements permirent à Alpha de faire une pause. Sous sa capuche, son regard parcourait presque l’ensemble du public.

« Laissez-moi vous rappeler les règles encore une fois, au cas où vous viendriez d’arriver. Un combat ne peut se terminer que de quatre manières : abandon, K.O., mort ou… »

Il pointa aussitôt la sortie du « ring » et une grande partie du public l’imita. Après tout, ils commençaient à être habitués et pris au jeu. L’Autocrate avait conquis son assistance depuis longtemps avec ces beaux combats. Et pour preuve, c’est le public qui hurla.

« … la sortie !
─ Sortir de la zone de combat d’une manière ou d’une autre est synonyme de défaite ! »

Une règle qui apportait un côté stratégique qui ne déplaisait à personne et qui n’enlevait rien au fait que la plupart des combats restaient bruts et durs. Les applaudissements prirent alors une nouvelle dimension, faisant alors comprendre à quiconque que les deux prochains combattants arrivaient.

« Etes-vous prêts pour le prochain combat qui opposera d’un côté l'Animal, dont la force bestiale a eu raison de ses deux premiers adversaires, et de l'autre Yamada Tetsui, qui n'a cessé de faire monter votre température, cher public ? »

Et comme à chaque combat, la salle sombra soudain dans le noir complet, pendant à peine deux secondes. Et lorsque toutes les lumières se rallumèrent, Alpha avait disparu pour se réinstaller en tribune… et les deux combattants étaient sur la zone de combat.

Règles:

Arène:

Me reposant légèrement entre les deux rondes du Tournoi, je repensai à tout ce qui s’était passé en quelques jours. Cela paraissait pourtant si lointain. Cela avait commencé par une lettre de Miko-dono – pourquoi faire différemment? – qui nous envoyait Yusei-san et moi à la Métropole de Kawa no Kuni pour un Tournoi organisé par l’Autocrate et la Corporation. Déjà là il y en avait assez pour faire dégonfler n’importe qui, mais lorsque c’était ton Hokage qui te le demandait personnellement on pouvait difficilement refuser. Laissant mon bandeau derrière moi mais gardant l’insecte de la Nanadaime, j’étais donc parti avec le Yôgan vers Kawa et en quelques jours nous étions dans la Métropole à chercher ce fameux Tournoi. L’attraction devait être récente puisqu’une foule se dirigeait vers une certaine Arène, que nous comprîmes rapidement comme étant ce que nous cherchions. Notre cible trouvée, le restant fut relativement rapide : une inscription en tant que shinobi errant sans anicroche, un premier combat pour le moins décevant, un deuxième combat qui manqua un peu de challenge et une salle d’attente pour les quarts de final, où je me trouvais présentement. Espérons que maintenant qu’un tri avait été fait dans les adversaires, ce combat serait digne d’un Tournoi organisé par la Corporation. Avec tout ce que j’avais entendu d’elle, cela serait bien dommage que cela soit tout ce qu’elle avait à offrir.

Finalement, on demanda aux combattants de se diriger vers Arènes respectives, prenant chacun un chemin différent pour ne pas connaître à l’avance leur adversaire. Tandis que je me rapprochais de l’entrée de la Zone de combat je pouvais sentir l’odeur musquée de l’excitation de toute la foule qui n’attendait que nous, les combattants. Amplifiées par un moyen inconnu, une voix que je devinais être celle de l’Autocrate rappeler les règles aux spectateurs qui, évidemment, se rappelait fort bien de ces dernières. Lorsque vint le temps d’annoncer les prochains combattants, en l’occurrence mon adversaire et moi, un mince sourire s’étira quelques secondes à l’entente du surnom que ce Tournoi m’avait affublé : l’Animal. Avec la compagnie que j’avais, c’était effectivement un surnom des plus appropriés. J’allais faire voir à ce Yamada Tetsui la fureur du règne animal.

Les lumières s’éteignirent soudainement autour nous et ce fut le noir total. C’était étrange, même mon odorat ne me permettait pas de me localiser, s’en était un peu étourdissant. Heureusement, cela ne dura que quelques secondes, mais lorsque la lumière revint je réalisai que je n’étais plus au même endroit. En effet, si quelques secondes plus tôt j’étais dans l’embrasure de l’entrée à écouter la fin du discours du présentateur je me retrouvais maintenant directement dans l’arène face à mon adversaire. De nouveau dans la Zone, je ne pouvais m’empêcher d’être impressionné par l’immensité de celle-ci. Plusieurs dizaines de mètres autant de longueur que de largeur, elle était de la même surface lisse et dure qui rappelait… rien du tout, en fait. Je n’avais toutefois pas le temps de m’attarder à la contemplation de la place, puisqu’un nouvel adversaire était devant moi. Une bonne vingtaine de mètre, si ce n’était pas plus, nous séparait, ce qui rendait la tâche de le détailler complexe, mais des effluves terreuses et arides réussissaient à traverser la Zone pour parvenir à mes narines. Maintenant que j’y pensais, le clan Yamada ne venait-il pas de Suna? Cela expliquerait bien des choses, sauf qu’encore une fois j’avais plus ou moins le temps pour un cours d’histoire de Suna, mais je gardais toutefois cette information en tête; j’étais tout de même en mission en plus de pouvoir m’amuser.

Sans donc attendre un instant de plus, je contractai l’entièreté de mes muscles afin d’avoir le plus d’énergie cinétique emprisonnée dans mon corps puis relâchai le tout lorsque je m’élançai sur le Yamada. Filant à toute allure, je commençai immédiatement à tourner sur moi-même ce qui eut pour effet de rapidement créer un petit cyclone autour de moi. Avec la vitesse que j’avais, je tombai sur mon adversaire en l’espace de quelques secondes et enfonçai mes griffes dans tout ce qu’elles rencontraient sans pour autant arrêter de tourner. Je poussai sur mon opposant encore quelques secondes avant de retourner auprès des masses orangés et grises que je voyais à quelques mètre de nous dans ma vision momentanément troublée. Veux, veux pas, ça laissait un tantinet étourdi tourner aussi vite aussi longtemps, mais avec la pratique ce court lapse de temps n’était plus assez long pour laisser une ouverture à l’ennemi. Mes yeux à présent complètement concentrés sur le Yamada, je m’attendais n’importe quand à une contre-attaque, avec le seul hic de ne pas savoir comment. C’était ça le souci avec les shinobis, on ne pouvait jamais réellement dire de quoi ils étaient capables simplement en les regardant. On pourrait penser qu’avec les deux boules de poils à mes côtés j’étais exclus d’emblée de ce groupe, mais au contraire cela me permettait encore mieux d’avoir quelques tours dans mon sac. Laissons donc le combat suivre son cours et voir quelles surprises j’avais en réserve pour lui.

Spoiler:

Le décors défilait à mes côtés dans que je n’en voit réellement les détails tellement j’allais vite et allais commencer à pivoter sur moi-même lorsque je vis du mouvement en-dessous de moi et vis alors un double de mon adversaire jaillir du sol. Il apparaissait si inopinément que je ne pus rien faire lorsque ce dernier leva la main et posa ses doigts sur mon front. Avec l’élan que j’avais, on aurait presque dit que je m’étais jeté sur lui pour me laisser toucher. Un peu humiliant, mais je n’avais pas le luxe de me préoccuper de l’opinion des spectateurs. Il s’était passé quelque chose lorsqu’il m’avait touché et je mis quelques secondes avant de comprendre ce qui m’était arrivé : je n’avais plus de chakra! Ce furent toutefois quelques secondes trop tard, car j’étais déjà parti pour me lancer sur lui. Sauf que sans chakra, je ne pouvais rien faire, je me contentai donc de passer très près de lui avant de retourner prendre place aux côtés de mes ninkens, l’esprit tenaillé par ce qui s’était passé.

Mais bordel, comment cela avait pu arriver? Sans même l’avoir senti venir il était apparu tout bonnement devant moi. C’était d’ailleurs depuis cet instant que je ne pouvais plus sentir de chakra, ce qui ne faisait aucun doute que les deux éléments étaient reliés. C’était le double qui m’avait probablement posé un sceau restreignant mon chakra, mais malgré l’évidence de la réponse il y avait tout de même un détail qui me gênait. Dans les deux combats précédents, toute tentative d’interaction avec le matériau étrange avec lequel était construite la zone de combat s’était résolu par un échec qui avait souvent mis mes opposants dans de fâcheuses positions. Cela leur apprendra à avoir à se fier à leur environnement. Cela étant dit, comment avait-il réussi – et ce même s’il était un clone – à l’utiliser pour se cacher? Cela allait contre tout ce que j’avais vu à présent. Il fallait que je trouve une solution à cette embûche et au plus vite puisque sans chakra j’étais complètement impuissant.

Le besoin se faisait d’autant plus pressant puisque je voyais maintenant mon opposant sortir la lame qui pendait dans son dos. L’air qui ondulait autour de la lame ne me disait rien qui vaille et il fallait à tout prix que j’évite ça si vous ne vouliez pas vous retrouvez avec du rôti d’Inuzuka. Dans un dernier espoir je frottai mon front pour essayer d’effacer le sceau sur mon front, mais incapable de voir mon front je ne pouvais dire si cela avait fonctionné. Je jetai un regard désespéré vers mes ninkens et fut choqué par l’air intrigué qu’ils me jetaient. Pourquoi me regardaient-ils de façon si étrange, n’avaient-ils pas vu ce qui s’était passé? Ne voyait-il pas le sceau sur mon front? Ne sentaient-ils pas notre connexion rompue? Comme pour répondre à mes questions silencieuses je sentis l’énergie de mes compagnons déferler sur moi et je compris : on voulait me faire croire que ma connexion avec le chakra était rompu et si j’avais été le seul à être témoin de cette scène, il y avait fort à parier qu’une illusion était derrière tout ça. La pointe de l’épée était rendue haute dans les airs.

Devinant le coup qui allait venir dans les instants à venir, je concentrai toutes mes énergies à me défaire de ce monde illusoire dans lequel j’étais prisonnier. Lentement, je sentis une odeur de fumée autour de nous et reconnus aussitôt l’odeur mystérieuse des illusions. Aussitôt, cette dernière commença à s’estomper et je sentis avec soulagement le flux de chakra bouger à travers mon corps. Les cris des spectateurs me ramenèrent à la réalité lorsque je vis une immense vague de… d’air chaud? Une chaleur intense se rapprochait de plus en plus de moi. Avec la vitesse qu’elle fonçait sur moi et avec mon esprit qui se rétablissait encore un peu de sa privation momentanée de chakra, je pivotai au dernier instant pour éviter de recevoir cette vague de plein fouet et une douloureuse sensation de brûlure se répandit à la longueur de mon corps. J’avais évité le pire scénario, mais cette chaleur était vraiment atroce; j’avais l’impression que certaines parties de ma peau avaient fondue. Eux qui avaient pu se retirer à temps pour éviter de roussir, mes chiens-ninjas laissèrent échapper un cri trahissant leur inquiétude parmi lequel mon grognement de douleur passa inaperçu. Avec leur aide – et beaucoup de volonté – je fus sur pied après quelques secondes que mon adversaire eut la générosité de me donner. Peut-être qu’au fond il avait cru que je ne m’en remettrais pas. Cette pensée fut assez pour me donner la volonté de continuer ce duel jusqu’à ce que mes forces me quittent. Ma brûlure pourrait bien être traitée plus tard.

Si ma tentative solo avait été toute sauf fructueuse, il était maintenant temps de tirer profit de la compagnie que j’avais. Après tout, plus on était de fou plus on riait. Avec un timing qui était gage du temps que nous avions mis à nous entraîner pour être d’un synchronisme à toute épreuve, je me lançai de nouveau vers le shinobi – non sans ressentir des élancements de douleurs de mon dos – et cette fois-ci devancé de peu par mes ninkens. Maintenant que je savais que j’avais affaire à un illusionniste, j’avançais plus prudemment et prenait mes précautions avec mes sens doublement aux aguets pour le moindre changement trahissant une nouvelle illusion. Pas question de me faire avoir deux fois par le même tour. Lorsque nous fûmes sûr l’homme nous faisant face, nous le bombardâmes de coups de toute part, ne le laissant pas même faire un geste avant de subir un coup. Occupé à subir la vague de griffes et de crocs, il ne me vit pas me retirer et accumuler mon chakra dans ma paume. Quand je sentis que l’énergie ne pouvait presque plus être contenue, j’attendis le moment propice lorsque mes ninkens se retirèrent et projetai la boule de chakra sur l’homme. Cette dernière s’élança vers l’avant, impatiente de relâcher tout le chakra qui était confiné dans un si petit espace, pour aller se lover dans le corps de mon adversaire.

Ne voulant pas rester plus près de cette lame que nécessaire, je reculai de quelques mètres autant pour ne pas être affecté par l’éclatement de chakra que pour avoir une meilleure vue de mon adversaire et de ses mouvements. Je ne voulais plus avoir de mauvaises surprises et je voulais avoir le temps de réagir si, par exemple, quelque chose venait à me tomber dessus sans prévenir. Je l’avais échappé de justesse avec la vague de chaleur de plus tôt, pour ne pas dire par la peau des fesses puisque j’avais la très nette impression qu’elles n’avaient pas été épargnées, et même si les blessures restaient inévitables je ne voulais pas non plus faire exprès pour en ressortir en grand brûlé, hein. Espérons que mes instincts soient capables de m’avertir à temps cette fois-ci.

Spoiler:

Je devais lui donner, ce Yamada méritait bel et bien sa place dans ses quarts de final; sûrement était-il passé à travers ses premiers combats avec autant de facilité que moi. Peut-être méritait-il même plus sa place que moi à voir de la façon dont il évitait la moindre des techniques de mes ninkens. Moi qui les avaient envoyés en avant-garde afin de le distraire le temps que je prépare mon rasengan, j’aurais tout de même préféré qu’ils arrivent à le toucher une fois. Je ne pouvais cependant pas leur enlever qu’ils avaient très bien réussis à l’occuper assez longtemps pour que la boule de chakra se forme dans ma main. La suite était question de timing, à savoir que je devais lancer ma boule au bon moment, à la bonne ouverture, afin de ne pas toucher un de mes ninkens par inadvertance. Si nous n’eûmes aucun problème avec la synchronisation de notre attaque, le résultat fut pour le moins décevant. Moi qui croyais le prendre par surprise, ce dernier se contenta de recule suffisamment loin pour que tout le chakra amassé se disperse sans lui avoir fait le moindre dégât. Encore une fois, pas moyen de lui toucher ne serait-ce qu’un cheveu.

Revenus de nouveau à la case départ, nous nous regardions attentivement afin de déterminer qui serait le premier à agir de nouveau. Après plusieurs coups échangés et une douloureuse brûlure, l’issu du combat n’était toujours pas décidé bien que nous soyons tous les deux bien plus épuisés qu’au début. Mon adversaire faisait tout en son pouvoir pour terminer le combat aussi rapidement que les précédents, cela se voyait avec la façon rapide et efficace qu’il se battait. Quant à moi, je venais finalement de trouver quelqu’un qui rendait les choses intéressantes dans cette Arène, cela serait idiot de le laisser partir aussi vite vous ne pensez pas? Mon objectif ici n’était pas de remporter – même si je ne cracherais pas dessus – mais plutôt de faire juste assez de vagues pour m’assurer la sécurité de pouvoir me promener sans que l’on me pose trop de questions ni que l’on me reconnaisse à tous les coins de rues. Une bonne place dans le tournoi était justement ce qu’il me fallait.

Quelques secondes à peine s’étaient écoulés depuis que nous avions chacun repris notre place dans la Zone de combat lorsqu’il rangea finalement son épée. Je compris aussitôt qu’il changeait de stratégie et l’observai tout en me préparant à ce qu’il faisait. En y repensant bien, je crois bien que c’était cela qui enclencha ce qui suivit. Je le vis alors bouger son unique main et réalisai avec stupeur qu’il faisait des mudras à une seule main. Était-ce seulement possible? J’eus rapidement ma réponse lorsqu’un rhinocéros en terre apparut entre notre adversaire et nous et se rua vers nous. Après les quelques premières fractions de secondes de panique, mon esprit se reconcentra rapidement sur le combat et sentit – littéralement – que quelque chose ne marchait pas; malgré la création de terre qui se dirigeait vers de plus en plus vite, il n’y avait rien de l’odeur riche et terreuse qu’il devrait venir avec. Me rappelant de la puissante illusion qu’il avait lancée plus tôt, je me doutai aussitôt que j’avais peut-être affaire à l’une de ses créations. À peine cette réflexion traversait-elle ma tête que je savais que c’était le cas et après quelques secondes de concentration pendant lesquelles le rhinocéros se rapprochait toujours de plus en plus ce dernier se volatilisa, laissant finalement apparaître son maître.

Je n’avais toutefois pas été assez rapide, son objectif avait tout de même été accompli ou du moins en partie. J’avais vu à travers le voile illusoire qu’il avait jeté sur moi, mais les quelques secondes que je lui avais données avaient été suffisantes pour qu’il passe à la prochaine étape de son plan. Le temps que je repose mes yeux sur lui, ses mains se joignirent ensemble et une trentaine de boules d’eau se former au-dessus de nos têtes, leur destination plus qu’évidente. Devant autant de projectiles – et ce malgré que nous étions trois – je n’échappai pas à l’averse, ayant l’impression de recevoir de un coup de poing à chaque projectile aqueux me frappait. À travers le déluge, alors que les boules d’eau s’écrasaient autour de nous, je sentis soudainement un malaise qui me signala aussitôt que je devais être sur mes gardes. Suivant mon instinct, je levai le regard et tentai de voir quelque chose à travers les projectiles. C’était difficile en entendant mes ninkens glapir sous la pression des projectiles, mais, comme de fait, je finis par voir un projectile différent des autres. Différent dans le sens qu’il flottait dans les airs, comme animé de sa propre volonté, et qu’il se faufilait jusqu’à moi je n’en avais aucun doute. À la voir aller, je n’avais pas de difficulté à me convaincre que je ne pourrais pas l’esquiver aussi simplement que les autres. Comment faire alors?

Parfois, la meilleure défensive est l’offensive. Avec ceci en tête, je le laissai s’approcher puis lacérai l’air devant moi au dernier moment, là où la boule d’eau aurait dut se jeter sur moi pour faire peu importe ce qu’elle était venu faire – j’avais toutefois l’impression que ce n’était pas pour me faire un câlin. Traversée de part en part par mes griffes, la sphère liquide se divisa en plusieurs petites parties qui m’aspergèrent le torse. Bouger ainsi les bras me provoqua des éclairs de douleurs dans mon dos à la peau plus que sensible, mais je serrai les dents et y allai jusqu’au bout, ne voulant à tout prix pas voir ce qu’il avait eu en réserve pour moi avec cette boule d’eau. J’en ressorti mouillé et avec l’air de quelqu’un qui était passé à travers un orage en pleine mer, mais j’en ressorti néanmoins. Ressentant encore un peu la pression des projectiles là où il avait été les plus forts, je regardai mon adversaire tout en me gardant bien de le regarder dans les yeux. N’ayant aucun visuel précis de lui, me fiant seulement à mon odeur, j’eus soudainement une idée. Le meilleur moyen de parvenir à le toucher sans que je ne rentre dans l’une de ses illusions était de le frapper sans le voir et je savais justement quoi faire. Encore mieux, le meilleur moyen de l’empêcher de faire la moindre illusion était de l’empêcher de bouger. Le meilleur était de faire un mélange des deux.

Sans avoir besoin de leur dire quoi que ce soit, un simple coup d’œil était suffisant, nous nous élançâmes les trois en direction du Yamada, qui avait pris un peu de distance depuis. Alors que nous nous rapprochions de lui, je ralentis un peu afin de laisser mes ninkens accomplir leur travail. Avec toute la vitesse qu’ils avaient accumulés, ils sautèrent vers l’homme non pas avec l’intention de l’attaquer comme la dernière fois, mais bien avec celle de le clouer au sol. Avec des griffes et des crocs placés aux bons endroits - sans compter le poids de telles créatures – les possibilités de mouvement devenaient beaucoup plus petites. C’était en plein ce qu’il me fallait. Alors que mes ninkens sautaient sur Tetsui-san, je commençai à reprendre de la vitesse puis me mis à tournoyer sur moi-même. Pris dans ma propre tornade humaine, je ne pouvais pas voir l’homme; seulement me fier à mon odorat pour retrouver l’odeur de mes ninkens qui l’immobilisaient. Une fois ma cible repérée, je tournai sur moi-même et accumulai de la vitesse jusqu’à ce que je tombe sur le Yamada cloué au sol. Je le lacérai de mes griffes lorsque j’entrai en contact avec mon adversaire, puis je reculai lorsque je sentis que ma force rotationnelle commençait à retomber; il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin non plus. Je pris quelques pas de distances afin d’être prêt pour attaquer sans pour autant être à portée de main. Allait-il seulement se relever?

Spoiler:

Cette fois-ci il ne pouvait pas m’échapper, il n’y avait plus rien qui lui permettrait d’éviter mon attaque. Mes deux ninkens fermement attachés à lui, il n’avait nulle part où aller. Commençant ma lancée au moment où ils touchaient tous le sol, j’eu à peine le temps de le voir exécuter un mudra avec sa main avant de fermer les yeux et de commencer à tourner. Je n’avais pas été capable de stopper mon mouvement à temps une fois qu’il avait commencé et j’avais vu ce que je n’aurais pas dû. Tant qu’à ne rien être capable de faire, j’aurais préféré ne pas savoir. D’autant plus que c’était bien la dernière chose à laquelle je me serais attendu, faire des mudras avec une seule main. Comment était-ce possible, premièrement? Là n’était toutefois pas le moment pour avoir ce genre de question alors qu’une faible présence se faisait alors sentir dans l’arène, signe qu’il venait d’invoquer un clone à ses côtés. Voilà qui changeait les choses et je n’étais pas particulièrement pressé de savoir ce que cela allait donner.

Contrairement à ce que j’aurais cru, je pensais que le clone aurait essayé de dévier mon coup ou l’annuler un peu comme je l’avais fait, mais plus je me rapprochais de l’odeur de mon adversaire plus je me rendais compte que ce n’était pas ce qui allait se passer. En effet, plus je me rapprochais plus je sentais la température augmenter autour de moi. Je repensai à la vague de chaleur que j’avais évité de justesse – sans en ressortir indemne toutefois – et craignis ce que dans quoi je m’embarquais. Au milieu du chaos qu’était la tornade que je créais autour de moi et qui se dirigeait inéluctablement vers toute cette chaleur, j’entendis ce que je crus reconnaître comme des cris de mes ninkens qui, les pauvres, étaient au centre de tout cela. Et moi qui fonçais droit là-dedans. Malgré la lenteur avec laquelle je raconte cela, tout s’est passé en à peine quelques secondes, comme une réaction en chaîne. Je commençai à sentir le poil roussi, ignorant s’il s’agissait du mien ou de celui de mes compagnons, et certaines parties de ma peau commencèrent même frétiller là où les brûlures plaquaient ma peau, mais cela m’étais égal. Soit ça ou que je pouvais rien y faire, sans doute un entraînant l’autre.

À un certain point, même le clone disparut alors qu’il était lui aussi très près de la source de chaleur, que je devinais être le Yamada. C’est lorsque je perdis trace de la petite présence qui nous avait côtoyé peu de temps qu’une idée germa dans ma tête et il n’était pas trop tôt puisqu’il était justement temps pour ce dernier petit ajustement. D’un léger mouvement de bassin, je créai une inclinaison dans ma trajectoire, tout juste assez pour me faire dévier un peu vers la gauche. Quelques secondes plus tard, je me retrouvais là où le clone se tenait quelques secondes plus tôt alors que je percutais durement le sol et roulais quelques mètres. Disons que ma cible initial était un peu moins dure que le sol alors la vitesse à laquelle j’allais en conséquence. Bref, même à cette distance je me sentir littéralement bouillir sur place aussi en profitai-je immédiatement pour rouler un peu plus, question de remettre un peu de distance entre lui et moi. Ce qui évidemment mit de la pression sur les cloques qui étaient rapidement apparues sur ma peau me causant une douleur encore plus intenses que les brûlures elles-mêmes. Les spectateurs dans les premiers durent certainement m’entendre grogner par le mal que toutes mes blessures me causaient. Vous essaierez d’avoir des brûlures sur un dos déjà brûlé, vous m’en redonnerez des nouvelles.

Quelques secondes après avoir réussi à relever un genou du sol, mes ninkens apparurent finalement à mes côtés, fidèles mais ô combien amochés eux-mêmes. À un moment donné il avait certainement lâchés prises du Yamada, n’étant pas plus fous que les autres. Il s’avéra que le roussi venait d’eux finalement puisque çà et là il leur manquait quelques touffes de poil qui avait sans doute prises en feu d’elles-mêmes. Nous devions offrir un triste spectacle face à notre adversaire qui, outre les morsures et les traces de griffes de mes ninkens, semblait n’avoir subi aucune blessure. Ce ne fut donc sans surprise pour bon nombre d’entre eux – et à la déception de ceux qui voulait du sang – que ma voix finit par retentir dans l’Arène.

- Ça suffit, je ne suis plus en mesure de poursuivre. C’est sa victoire, dis-je en reprenant tout de suite mon souffle après avoir parlé.

On aurait dit que cela m’avait demandé tous mes efforts pour sortir ces quelques mots et ce n’était pas loin de la vérité. Je sentais mon corps entier palpiter à mon rythme cardiaque, chaque battement envoyant une vague de douleur à travers mon corps. Détourner mon attention de contenir toute cette douleur pour parler m’avait en effet pris beaucoup de force et de volonté. La foule se mit alors à rugir suite à la fin du combat que je venais d’annoncer, que ce soit en bien et en mal, alors qu’une petite équipe venait à ma rencontre et m’aidait à me relever pour m’envoyer à l’infirmerie. Une fois à destination, on m’enduisit d’un onguent qui eut aussitôt l’effet de refroidir ma peau – m’offrant quelques instants de répit. Ce fut tout ce dont j’eus besoin pour sombrer dans l’inconscience du repos de la guérison.

Spoiler: