- C’est mauvais, Daimyo-sama. Suna est notre défense militaire principale. Si jamais nos voisins l’apprennent, ou même nos ennemis, on est vulnérable à une quelconque attaque.
- Votre clan est noble, et nombreux. Et le terrain est à votre avantage mais, cela ne ferait que ralentir un potentiel ennemi.

« Je sais tout cela, bande vieux » râla-t-elle mentalement. Avant d’être Seigneur du Pays du Vent, elle avait été longtemps une Shinobi. Et avant d’être une Shinobi, elle avait la fille d’un groupe de mercenaires au Pays du Feu durant la Grande Guerre Shinobi. En somme, elle savait très bien les risques que le Pays et le Village du Sable encouraient suite à la désertion irresponsable du Kazekage. Refoulant toujours plus profondément sa rage grandissante devant un tel acte, elle continuait à éplucher quelques feuilles laissées dans les dossiers personnels du précédent Daimyo. Il avait là des profils extrêmement sérieux, compétents et fidèles avant tout.

- Nous ne pouvons pas choisir un Kazekage sans nous assurer avant tout de son … sérieux, finit-elle par dire, évitant de parler de « lâcheté » ou de « stupidité ». Il fallait clairement un dirigeant durable, qui n’avait pas ou que très peu d’antécédents « criminels ». Le peuple de Suna allait être critique, quoi qu’il arrive. Et le peuple de Kaze en général n’allait pas tarder à trembler, en sentant la vulnérabilité qui pesait sur leur toit. Mais nous ne pouvons laisser à l’abandon Suna. Il faut continuer à reconstruire le pays.

Elle se tut longuement, et écouta divers avis donnés par les conseillers. Finalement, dans cette longue discussion, une idée finit par germer : une « Régence ». Si jamais un Daimyo n’avait pas été choisi par Dastan lui-même, le Chambellan aurait été chargé d’être un Régent le temps d’élire un nouveau Seigneur. L’affaire ne risquait que peu de coup d’Etat au vu du sérieux, et de la fidélité sans faille du Chambellan pour les lois de ce pays.

- Hum.

Elle ne tarda pas à mettre la main sur le profil « parfait » à son sens. Une certaine « Lame Assassine », du clan Akuzu, qui avait toujours su répondre aux besoins du Pays au travers de missions sensibles, dangereuses mais avant tout « capitales » tant pour Kaze no Kuni que Suna. Elle fut bien vite appelée.

- Bienvenue à vous « Lame Assassine ». Le pays va avoir à nouveau besoin de vos services pour une mission. Cependant, je ne sais quelle était les termes du contrat avec le précédent Daimyo, mais j’aime voir le visage de mon interlocuteur. Pouvez-vous enlever ce masque ? demanda-t-elle avec politesse, mais avec une certaine fermeté malgré tout.

Etait-ce surprenant ou non, c’était une demoiselle, et d’une grande beauté.

- Tu as du avoir vent du dernier « scandale » qui a frappé Suna, suite à sa destruction. Le Rokudaime Kazekage a « démissionné » de ses fonctions.

« Il a abandonné » se contenta-t-elle de penser. Elle avait été longuement critiquée pour avoir « abandonné » Suna, malgré son retour avec une belle alliance commerciale. Et pourtant, ces mêmes personnes qui l’avaient critiqué longuement – avec justificatif ou non – quittaient tout autant le navire détruit. Ironie du sort.

- Nous ne pouvons laisser Suna sans « Chef », mais nous ne pouvons pas en choisir un à la hâte et le voir partir quelques mois plus tard. L’idée retenue sera de mettre en place une régence temporaire, le temps d’étudier les profils, les faits et les besoins.

Elle avait annoncé tout cela calmement, étudiant toujours les expressions de la « demoiselle ».

- Votre mission sera de devenir une « Régente », le temps que nous puissions élire un Kazekage, ou une Kazekage, de confiance. Vous aiderez principalement à la reconstruction de Suna. Après cela, vous vous retirerez … pour une autre mission. Je vous en révélerais la teneur qu’après cette première mission accomplie.

Il y avait matière à avoir des missions bien plus importantes, une fois Suna rétablie. Elle aurait besoin de cette « Lame Assassine » pour bien, bien autre chose.

- Auriez-vous des questions ?

Spoiler:

Lame Assassine. Aurait-elle pu mieux se présenter qu’en entrant de sorte à ce que seules les portes ne trahissent son arrivée ? Si le grincement de ces dernières était grossier, la silhouette de l’inconnue n’en était rien. Caressant le sol mielleux de la plante de ses pieds, celle que le nouveau village de la seigneurie de Kaze no Kuni avait convoquée ne tarda pas à prendre place au milieu de l’assistance. Mais Kawaguchi Tsukiko voulait voir le visage de celle qu’elle considérait d’ores-et-déjà comme son arme. Toutes ses missions avaient apporté à la Lame Assassine une réputation singulière, et cette même réputation semblait presque lui avoir enlevé sa condition humaine. Une arme.

Tu vois, je te l’avais dit.

Sous son masque qui faisaient écho aux tissus sombres de ses vêtements se révéla un visage particulièrement lumineux. Les quelques traits de ce dernier ne semblaient être là que pour soutenir ou ses yeux océan ou alors la racine de cheveux d’or. Son pendentif – une petite pierre bleue – s’échappa après ce mouvement, mais la demoiselle la replaça aussitôt à embrasser son torse.

Une nouvelle mission. L’annonce ne se résumait qu’à une banalité. Combien de tâches avait-elle exécutées pour le compte de la nation du vent, sa nation ? Voilà longtemps qu’elle s’était arrêtée de compter. De toute façon, tout était pareil à chaque fois. Un flot de paroles, dont le roc qu’était la Akuzu en subdivisait le cours pour en retenir les informations nécessaires.

Régente ? Tu ne peux pas être enrôlée dans une tâche aussi lourde sur une durée aussi… indéterminée.

Shizuru le savait parfaitement. Voilà peu qu’elle avait obtenu une mission qui avait enfin du sens, il était hors de question de la supplanter avec autre chose. Jusque-là accroupie, elle se releva.

« Je refuse, madame Kawaguchi. Je n’ai pas les connaissances et les capacités requises pour diriger ou gouverner, même de façon provisoire. Néanmoins, je peux vous aider d’une autre façon. »

Oui c’est bien. C’est parfait.

« Envoyez-moi à Suna, et donnez-moi la liste des personnes à surveiller. Je vous ferai le compte rendu de leurs actions jusqu’à ce que votre décision soit prise. »

De ses yeux azurs, la Lame Assassine n’avait fait qu’exprimer ses capacités avec ses mots. Elle était une assassine, pas une diplomate. Elle ne reconstruisait pas, elle détruisait. Devenue aussi muette que sa lame – étrange d’ailleurs puisque le fourreau était ridiculement petit – la Akuzu attendait la réponse du Daimyô dans un silence qu’elle appréciait tant…

- Vous refusez un ordre que je donne ? demanda-t-elle d’une voix neutre. Un lourd silence s’installa, que Tsukiko ne tarda pas à briser. Si je vous ai choisi, c’est que j’avais en confiance en vos capacités.

En soit, Tsukiko comprenait. Mais en soit, elle était Daimyo. Et en soit, elle avait marre des « non » ou des départs subits de toutes ces personnes qui l’entouraient. Trois ou quatre jours – elle ne comptait plus les jours à force, à vrai dire – elle n’avait pas cessé d’enchainer les misères de Kaze no Kuni. Les ressources à destination de Suna qui prennent du temps, les rapports détaillés sur les événements de Suna toujours pas à sa disposition, Yamada Kioshi qui quitte « comme ça » son poste sur un mensonge honteux qui remettait en cause toute sa parole, son honneur et sa légitimité et … et ce poste de Kazekage libre.

- Et j’ai toujours confiance en vous, et j’espère avoir raison, dit-elle avec politesse. Je vais vous croire quand vous dites ne pas avoir les capacités, et je vous remercie pour votre sincérité.

Tsukiko soupira. La candidate au poste de Régente n’avait pas totalement tort : pourquoi confier un tel rôle à une Soldat habitée à accomplir de simples missions ponctuelles – mais capitales, cela va de soi. Ajoutons à cela que la poser comme une régente risquerait, peut-être, de mettre à mal un certain anonymat nécessaire aux missions. Pour finir, sans volonté, aucune mission : la blonde ne pouvait clairement pas donner un tel rôle si on refusait ainsi, de face.

« Je n’aurais pas le choix, alors » conclut-elle en lançant un premier regard aux profils des différentes personnalités constituant tantôt Kaze no Kuni – les plus vieux conseillers, ou encore les meilleurs soldats –, tantôt Suna – les Shinobis aux parcours impeccables, les différents postes laissés à l’abandon ou occupé -. Il faudra choisir, et dans la hâte. Malheureusement. « Et je dois choisir d’une façon transparente » conclut-elle. Suna avait été détruit, elle a été choisi soudainement comme une Daimyo, elle avait modifié considérablement la politique de Suna – qui risquait de ne pas avoir été communiqué par Kioshi - … Elle ne pouvait clairement pas apporter un autre coup politique, et presque tyrannique, en choisissant elle-même le futur Kage.

En somme, des votes devaient être mis en place.

- Je respecte votre décision. Cependant, en ces temps troubles et malgré certaines réticences sur le « recul » des habitants suite à tant de catastrophes, je vais offrir le choix du futur dirigeant au peuple. Je ne veux pas qu'on considère mon "règne" comme un règne de terreur, je veux être sûre que chacun sera entendue, finit-elle par dire. La personne choisie devra être surveillée malgré tout, pour s’assurer qu’il est un homme de confiance, qui met en avant le bien-être de la nation avant tout chose. La façon de l’approcher, de gagner sa confiance ou de soutirer les informations nécessaires … faites à votre guise. Mais restez discrète, cela va de soi, annonça-t-elle.

Elle souffla d’épuisement. Ses différentes entrevues n’étaient clairement pas finies. Elle avait encore beaucoup de choses à mettre en place et elle devait être à la hauteur, au risque de perdre toute future crédibilité.