Que de belles étoiles en cette soirée pleinement arrosée. Un vent doux, un ciel éclairé par une lune ronde et brillante, et une tête qui tourne à plus de 200km/h. Kurasa étant absent pour quelques jours, Luka s'était retrouvée seule. Elle avait longuement réfléchi à tout ce qui allait sûrement arriver, à tout ce qui allait s'enchaîner, à tout ce qu'elle allait devoir stopper pour être au mieux de sa forme et ne pas décevoir celui qui lui avait promis - bien sombrement - monts et merveilles. Juste sa vengeance en fait... Mais c'est tout ce qu'elle voulait en ce monde. C'est donc tout naturellement que Luka avait décidé de prendre une dernière cuite en cette douce nuit, comme pour enterrer à tout jamais ce qui était derrière elle. Tout allait changer. Sa vie, son comportement, son futur. Elle allait devoir tout modifier pour cet homme qu'elle connaissait à peine. Si un jour on lui avait dit qu'elle abandonnerait sa liberté pour l'homme de sa vie, jamais elle n'y aurait cru. Et là, elle allait l'abandonner pour un type sorti de nulle part dont elle connaissait uniquement le nom et la réputation. Un peu de sa vie aussi, qu'il lui avait lui même raconté, mais rien ne laissait supposer que c'était la vérité. C'était un projet totalement fou et stupide, mais c'était bien la seule chose sensée qu'elle avait fait depuis toutes ces années d'exil. Fixant son propre regard dans le miroir, Luka avait fait un petit effort. Mais vraiment très léger... A cause de Kurasa, ses vêtements étaient toujours déchirés et elle n'avait pas spécialement pris le temps d'aller faire les magasins. Elle avait donc découpé son pantalon en short et son t-shirt - qui normalement lui descendait jusqu'en dessous des fesses - en biais le long de son ventre, l'un des côté s'arrêtant à la limite de sa poitrine. Poitrine qui était de faible intensité et qui ne rendait donc pas vraiment la tenue vulgaire, juste un peu affriolante. Son regard descendit sur les marques de coupure qui n'avaient pas encore totalement disparues de sa cuisse et de son abdomen et qui traçaient une ligne courbée dans un tracé parfait. Elle y fit glisser lentement ses doigts et soupira en repensant à la façon dont cela était arrivé. Connard de petite fouine à lunettes. Elle attrapa un rouge à lèvres sur le bord du bac d'eau et ajouta une fine couche couleur pêche sur ses lèvres, alors de le reposer et d'aller prendre de l'argent, qu'elle glissa dans les poches de son ex-pantalon. Elle enfila ses chaussures plates et sortit de l'auberge pour aller profiter d'une dernière nuit de débauche.

Que de belles étoiles en cette soirée pleinement arrosée. Luka avait largement trop bu, elle avait aussi charmé quelques hommes, juste pour le plaisir, juste pour s'assurer que le laisser-aller qu'elle s'était octroyée pendant tout ce temps n'avait pas effacé tous ses charmes, et elle errait maintenant dans les rues du petit village civil. Une bouteille à la main, chantonnant une douce mélodie dont elle n'avait plus aucun souvenir de la provenance, elle se sentait légère, dansant presque au rythme de ses propres notes. Et puis soudain elle sentit une présence derrière elle, quelque chose que son chakra aurait immédiatement détecté sans même qu'elle n'ait à activer de techniques si elle n'avait pas autant bu. Quelque chose qui arriva bien trop vite pour son esprit embrumé. Elle sentit un corps beaucoup plus lourd que le sien la projeter un avant et sa joue rencontra le sol à une vitesse bien trop rapide à son goût, lui égratignant la peau. Sa bouteille s'éclata un peu plus loin et sa tête subit comme l'effet d'un résonnement brutal. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait, pas encore. Puis des mains baladeuses la firent tilter. Un des gars du bar avait dû la suivre. Elle tendit machinalement la main devant elle pour attraper un morceau de verre brisé et balança un coup aussi fort que possible sur son agresseur, qui lâcha un juron à l'encontre de sa victime. Luka n'attendit pas qu'il se remette se tourna à moitié, comme elle le put, en lui écrasant son coude au coin de l'oeil. Il s'écarta alors enfin et la jeune femme tenta de se relever mais la chute qu'elle venait de se taper, le choc qu'avait subi sa joue et l'alcool qui tourbillonnait dans sa caboche à toute vitesse, elle se retrouva de nouveau bien vite les fesses par terre. Elle releva alors les yeux et, malgré sa vision un peu flou, discerna la pierre que son agresseur tenait et qu'il était sur le point de lui éclater sur le crâne. Étourdie et sans aucune capacité de réflexion à cause de l'alcool, son seul et unique réflexe fut de mettre un bras devant elle en tournant la tête sur le côté, afin de ne pas voir le choc brutal qui allait lui arrivait en plein visage. Un choc qui n'arriva jamais.

« Non non ! Mais qu’est-ce que tu branles punaise ? T’es un Kaguya oui ? Alors frappe ! … Fait pas le faible ou je te balance par la fenêtre ! »

Ouais, instruire à quelqu’un n’est pas franchement dans mes aptitudes. Bizarre, avec Ether c’était plus facile. Je lui montrais une fois et puis elle s’occupait du reste. Avec lui c’est bien plus long. C’est un des gamins de la nouvelle génération, le petit-fils de la doyenne mais punaise, qu’est-il est chiant ! A peine une décennie dans les pattes et il fait déjà la forte tête, car voyez-vous, monsieur ne veut pas se battre. Il trouve que la violence est l’apanage des lâches, tss tu parles d’un Kaguya …

« Écoutes-moi morveux, j’ai acceptée de te montrer quelques tours mais c’est uniquement parce que ta mamie me l’a réclamée ! » Lui lançai-je en le soulevant de terre par le col. « Mais si t’y met pas du tiens, autant arrêter tout de suite. J’ai autre chose à faire que jouer à la baby-sitter ! »

L’effronté osa me tirer la langue, suivit d’un sourire narquois. Tant pis pour lui, il passa par la fenêtre. Marre de ces mioches qui se croient tout permis. Ça va, on est qu’au troisième étage, ce n’est pas non plus une chute vertigineuse … Et puis y a des marchants dans la rue, avec de la chance il tombera sur un truc mou. Un soupire et je descendis à mon tour, par la fenêtre ouaip pour atterrir à côté du gamin sans la moindre difficulté. Bien, il est encore vivant et entier, en fin de compte cette journée n’aura pas été totalement inutile. Il aura au moins apprit à encaisser.
Le soleil finissait lentement de disparaitre derrière l’horizon, les derniers rayons perdaient en intensité de seconde en seconde. Je raccompagnai l’enfant jusqu’à son tuteur, à l’entrée de Kaiyou, cette petite ville civile à l’est de Kiri semblait totalement hermétique aux problèmes extérieurs. La population n’était pas non plus immense mais bien suffisant pour être tranquille sans que ça devienne un endroit abandonné. Des étalages un peu partout, le long des longues rues traversantes et des places illuminées. Mmh, c’est l’heure de se manger un truc, qu’est-ce qu’ils vendent par là ? Oh des crêpes ! Ça fait super longtemps !

Quelques minutes plus tard, le temps que la file d’attente arrive jusqu’à moi, que le cuistot fasse son œuvre et que je m’offre généreusement un verre de cidre en plus. Ah punaise c’est tellement bon ! Une au jambon-fromage, l’autre au chocolat. Miam ! Oh ? Qu’est-ce qu’il se passe par là ? Une baston ? Approchons-nous, la bouche pleine évidemment.
Dans la pénombre de la ruelle abritant cet acte de violence, je pus reconnaitre la carrure d’un homme par-dessus celui d’une femme. Et cette dernière n’avait vraiment pas l’air contente de cette activité. L’agresseur se redressa pendant que la demoiselle semblait avoir perdue ses repaires, et attrapa un gros caillou. L’alcool fait décidément toujours autant de ravage, le débris de la bouteille à proximité de la jeune fille ne démentait pas ce fait. Cependant là il faudrait l’aider.

Avant que le bloc rocheux ne fût projeté sur sa victime désignée, j’attrapai soudainement le poignet de l’homme. Celui-ci se figea instantanément :

« Je peux savoir ce que tu fais à cette petite ? »

Jurons et insultes suivirent. Curieux, les miennes sont quand même plus classe. Bon, fais dodo mec.
Une tape dans la main de l’agresseur et le caillou qu’il tenait encore vint s’écraser contre son propre crâne. Oups, j’y ai peut-être mis trop de chakra … C’est qu’un civil après tout. Bon bah tant pis. Le corps évanoui et à présent muni d’une belle plaie derrière l’oreille s’écroula sur le côté. Au moins il ne devrait plus embêter personne avant quelques jours. Je reportai alors mon regard sur la jeune fille et lui tendis la main.

« Ça va aller ? Trop boire et le ventre vide en plus, ce n’est jamais une très bonne idée. Tiens. »

Je lui offris un morceau de ma crêpe au chocolat, juste un petit bout parce que bon, c’est la mienne quand même … et je l’aidai à se relever ensuite. J’en profitai également pour la détailler du regard. Elle ne ressemblait pas à une kunoïchi mais je ressentais tout de même en elle la présence d’énergie indispensable et typique à tout ninja.

« Tu ne me semble pas être originaire de Mizu no Kuni. Qui es-tu ? » Sans suspicion, sur un ton presque amical et un léger sourire aux lèvres. « Moi c’est Milly. »

Pas un son, pas une seule douleur, rien du tout. Luka n'attendit pas que l'inconnue parle pour relever la tête et voir ce qui se passait. Une nana sortie de nulle part avait stoppé le bras de son agresseur et se la jouait héroïne à la cool. Tant mieux hein... La petite blonde soupira un peu et la regarda faire, en silence. Elle se sentait un peu mieux, l'adrénaline avait un peu estompé les effets de l'alcool et, mise à part la tête qui tourne, elle se sentait prête à se relever. Mais pour l'instant elle était bien trop occupée à admirer le coupé porté à ce connard qui se prit sa propre pierre en pleine face. Un léger sourire, discret, presque imperceptible, vint alors raviver un peu le visage de Luka. Ok, c'est définitif, cette fille à la classe. Et puis soudain quelque chose tilta, lui effaçant l'ombre du sourire qui commençait à naître sur ses lèvres. La pierre n'était pas assez lourde pour qu'elle le blesse autant, ou même ne l'assomme, simplement en tombant dessus, et elle avait bien sentit le chakra passer dans cette "tape". Elle releva alors les yeux sur celle qui lui tendait la main, cherchant un bandeau du regard. Rien du tout... A première vue du moins. Des réflexions se bousculaient dans le crâne de la blonde, accentuant son mal de crâne. Elle posa alors une main sur son front alors que sa jumelle attrapa celle de Milly pour se relever. Elle la relâcha aussitôt pour la poser contre le mur et ne pas perdre son équilibre. "Ca va aller." grommela-t-elle légèrement. Ce n'était en rien de l'agressivité envers sa sauveuse, c'était plutôt contre elle-même qu'elle grognait. Elle finit par retirer sa main de son front pour regarder l'inconnue en face d'elle... Et rester coite devant le morceau de crêpe qu'elle lui tendait. Elle releva les yeux vers elle d'un air dubitatif mais prit finalement le morceau. Après ce que cette fille venait de faire pour elle, se la jouer méfiante serait un manque de respect assez conséquent. "Merci..." lâcha-t-elle d'une bout des lèvres, d'une voix presque inaudible. Elle enfourna le morceau de crêpe dans sa bouche, espérant ne pas vomir sous le goût de l'huile et du chocolat... Mais c'est tout le contraire qui se produisit. Depuis combien de temps n'avait-elle pas avalé ça ? Depuis qu'elle avait quitté la maison, c'est à dire il y a... Longtemps. Ce n'était rien, juste un petit bout de pâte sucrée et un peu de chocolat, ça ne serait même pas efficace pour caler quelqu'un qui avait trop bu et qui avait besoin de manger. Mais le goût qui chatouilla les papilles de Luka la fit sourire, un vrai sourire cette fois, pour elle-même. Elle lécha les trois doigts dont elle s'était servi pour prendre le morceau de crêpe et sur lesquels s'était étalé un peu de chocolat, puis passa sa langue sur ses lèvres.

Elle se sentait mieux... Psychologiquement, ce petit morceau de rien du tout offert généreusement avait réussi à lui réchauffer un peu le coeur, bien plus que tout l'alcool qu'elle avait pu avaler ce soir. Mais ce moment fut de courte durée puisque, comme il fallait s'y attendre, le temps des présentations arriva. Et merde. Luka releva alors ses yeux bleus vers l'inconnue - qui ne l'était plus puisqu'elle venait de se présenter comme étant "Milly" - et analysa la situation pendant... Aller, 3 secondes. Qu'est-ce que ça pouvait bien coûter de donner son nom après tout ? C'était la moindre des choses après ce qu'elle venait de faire. "Luka... Merci pour..." Ses yeux se posèrent sur le type par terre et elle hésita un instant sur l’appellation à lui donner. "Ça ?" Puis elle détourna de nouveau le regard, frottant un peu son bras d'un air gêné. Elle était en train de réfléchir à ce qu'elle pourrait dire à cette inconnue qui avait l'air tellement avenante et... Gentille ? Aller Luka, un petit effort. Mais pas facile de trouver un sujet de conversation lorsque le silence a fait partit des compagnons d'une femme pendant plusieurs années. Elle reposa alors les yeux sur le reste de la crêpe de Milly et tilta une nouvelle fois. S'en était presque impressionnant tellement le petit singe au tambours s'éclatait dans son crâne. "Viens, je te paye une autre crêpe. De toute façon j'en veux une aussi maintenant." Sa voix était toujours peu audible mais elle faisait un effort pour se faire entendre. Son timbre était déjà brisé de base alors elle était consciente que pour la comprendre quand elle élevait à peine le ton, c'était pas forcément de la tarte. Et dans sa tête, une liste de choses se dressaient avec en priorité : ne JAMAIS rien dire à Kurasa de cette soirée. Oh il n'allait pas l'engueuler ou quoi que ce soit, après tout elle n'avait pas de compte à lui rendre. Mais ils étaient tout de même censés travailler ensemble alors s'il apprenait que sa coéquipière du moment venait de frôler la mort à cause d'un civil avec une pierre... C'en était presque risible tellement c'était ridicule.

La miss prit quelques temps pour reprendre le contrôle sur sa situation. Déboussolée, elle ne refusa pour autant pas le bout de pâte huileuse et chocolatée. La voyant se tenir au mur le plus proche pour ne pas retomber une fois debout, je restai tout de même prête à la rattraper si cela devait arriver. Un accident est si vite arrivé. En plus à la façon de se tenir la tête, elle devait avoir un sacrée migraine, dans le genre épuisante, à vous transformer en légume si vous avez le malheur d’arrêter une seconde la lutte. Même le timbre de sa voix était faible. Tss, l’alcool ça n’a jamais fait de bien, à personne ! Pourquoi tout le monde s’obstine à continuer de picoler encore et encore ? … Je dis ça mais je suis aussi la première à aller dans un bar pour boire un verre sitôt que j’ai les nerfs à fleur de peau.
Un sourire s’afficha tout de même sur le visage de celle qui se présenta ensuite sous le nom de Luka. Pas très commun, m’enfin Milly c’est pas mieux non plus.

J’attendis en silence qu’elle retrouve ses esprits, tout en terminant mon grignotage. Flemme de chercher des noises à tout le monde ce soir. Il faisait bon, un esprit de festival trônait dans les airs, pas envie de tout pourrir avec des pulsions agressives. La jeune fille me remercia ensuite pour le sauvetage, à quoi j’haussai les épaules simplement. Ce n’était vraiment pas grand-chose, au contraire c’était normal et tout le monde devrait avoir la même réaction. Normalement.

« Viens, je te paye une autre crêpe. » Annonça-t-elle soudainement après une nouvelle hésitation. « De toute façon j'en veux une aussi maintenant.

- Avec joie. Ça tombe très bien, j’ai encore faim et je n’ai plus aucun sous en poche, héhé. »

Mais t’as tout le temps faim Milly, tout le temps ! Doit-on te rappeler tout ce que tu t’es engloutit à toi toute seule devant Ether l’autre fois ? Non hein, ça vaut mieux. Morphale va !
Je suivis Luka en marchant à côté d’elle tout en me léchant les doigts, ignorant totalement les remarques de ma conscience. Indirectement, ou alors elle connaissait la route aussi, je continuai jusqu’au vendeur cuistot. L’homme me reconnu de suite et ricana, les mains tapotant son gros ventre, par-dessus son tablier. Je préférai lui sourire simplement, histoire de ne pas le froisser et montra la carte des choix à la jeune fille.

« Tu en as tout plein, regarde. Chocolat, sucre, beurre, confiture de fraise, crème de marron, jambon, fromage et tout et tout ! Moi j’en prendrais bien une aux marrons cette fois … »

Du coin de l’œil j’aperçus un tout autre étalage, bien plus bling-bling. Dans le genre attrape-touriste voyez-vous ?

« Hum, juste une seconde je reviens. »

Et aussitôt je filai vers ma cible. Pas loin, une dizaine de pas grand maximum du cuistot. De là je pouvais garder Luka en vue, au cas où elle s’enfuit avec ma crêpe. Ou si elle se fait encore kidnapper oui … M’enfin la crêpe c’est quand même plus important !
Bref, l’objet de ma fuite, c’était cette abondance de choix de bague. De toutes les couleurs possibles, de toutes les tailles et toutes les formes. Certaines étaient réellement moches d’ailleurs, mais d’autres valaient le coup de la visite. Faudrait voir si je ne peux pas en reproduire une dans le même style avec mes os. Ça risque d’être vraiment difficile, ça demanderait énormément de précision, mais Tsubaki en vaut la peine. En revenant auprès de Luka, je lui chuchotai un mot à l’oreille :

« Dit-moi, tu sais sculpter des petits objets ? Genre tout petit. »

Eh bien voilà, c'était pas si compliqué que ça. L'inconnue avait même été plutôt patiente, terminant calmement sa crêpe pendant que Luka se remettait un peu les idées en place. Cela lui avait paru une éternité avant que son esprit accepte de tourner rond, mais ça ne l'avait visiblement pas été tant que ça puisque quand elle releva la tête, Milly finissait sa crêpe. Cette dernière accepta d'ailleurs la proposition de Luka d'aller en rechercher et les deux jeunes femmes partirent vers le stand. Il n'était pas si tard que ça apparemment, sinon tout serait fermé. Mais Luka n'avait pas vu le temps passer et avait enchaîné alcool sur alcool, donc forcément... Elle avait perdu toute notion du temps. A vrai dire, elle ne savait pas quelle heure il était et elle s'en foutait complètement. C'était sa dernière nuit en tant que déchet mobile, sa dernière nuit en tant que l'ombre d'elle-même. Au réveil, elle irait chez le coiffeur pour reprendre sa couleur naturelle, elle irait acheter de nouvelles fringues pour remplacer les bouts de tissu à peine portables qu'elle avait encore sur elle et elle ferait sûrement deux ou trois autres petites folies dans le genre. Mais pour l'instant, son estomac se réveillait et grognait tout ce qu'il pouvait. Elle crevait de faim... Une fois placée dans la fil d'attente - courte heureusement - pour les fameuses crêpes, l'odeur venant jusqu'à ses narines excita encore plus son ventre qui commença à se tordre. Elle posa alors une main sur son ventre en soufflant.

« Ca tombe bien, j'ai encore de la monnaie à ne plus savoir quoi en faire. »

Et c'était vrai. Elle avait jeté des billets à tout va pour les bouteilles d'alcool qu'elle avait acheté et la petite monnaie qu'on lui avait rendu pesait maintenant assez lourd dans ses poches.

« Tu en as tout plein, regarde. Chocolat, sucre, beurre, confiture de fraise, crème de marron, jambon, fromage et tout et tout ! Moi j’en prendrais bien une aux marrons cette fois … » récita Milly.

Ok, message reçu. Luka se surprit elle-même à sourire, alors qu'elle secouait légèrement la tête d'un air faussement désespéré. Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais elle n'eut pas le temps d'en placer une que sa nouvelle "amie" venait de se tirer vers un autre stand. La petite blonde se pencha alors légèrement pour la suivre du regard et releva les yeux vers l'enseigne de la boutique devant laquelle elle s'était postée pour voir ce qu'il en ressortait. Bijouterie ? Enfin, des babioles, en quelque sorte. Bah, peu importe. Elle se remit droite, attendant que Milly revienne, alors qu'elle continuait d'avancer, jusqu'à ce que ça soit son tour. Le temps que la demoiselle à la poitrine opulente revienne, Luka était en train de commander. La crêpe la plus grosse possible avec beaucoup de crème aux marrons pour Milly, et une pleine de chocolat pour Luka. La nukenin paya en tout petite monnaie, gardant un sourire narquois alors que le vendeur comptait en râlant, juste au moment ou Milly revenait et lui chuchotait quelque chose à l'oreille.

« Dit-moi, tu sais sculpter des petits objets ? Genre tout petit. »

La sculpture, c'était bien une des seules choses que Luka n'avait pas testé pendant ses longues années d'attente. Elle fit donc un petit non de la tête alors qu'elle prenait les crêpes que lui tendait le vendeur et quitta la file, tendant la sienne à Milly.

« Non, mais je connais quelqu'un à Senun qui pourrait le faire, si jamais les voyages ne te font pas peur. C'est un très bon sculpteur. C'est pas la porte à côté mais ça vaut vraiment le coup si tu veux quelque chose de joli, durable et très précis. »

Indirectement, Luka venait de dévoiler qu'elle n'était pas d'ici et qu'en plus elle avait passé un moment à Senun, ce qui pouvait soulever un bon petit tas de questions. Mais elle s'en fichait. Sans trop savoir pourquoi, elle avait l'impression qu'elle ne risquait pas grand chose avec Milly. Et de toute façon, au pire, qu'est-ce que ça changeait ? Même sans être ninja, les voyages étaient de plus en plus fréquents et il n'était pas rare de voir des civils avec des sacs à dos sur la route des "vacances". Luka avait tout l'air d'une civile, bien qu'elle sache que généralement un ninja sait reconnaître un autre ninja, elle estimait donc qu'elle n'avait pas à se justifier. Elle mordit enfin dans sa crêpe, se foutait un peu de chocolat sur le bord des joues. Mais c'était vraiment le dernier de ses soucis quand sa tête tambourinait et que son ventre hurlait à la mort pour qu'on le nourrisse. Instinctivement, les pas de Luka la dirigeaient lentement vers l'auberge dans laquelle elle vivait en ce moment. Elle ne connaissait pas trop les projets de Milly pour cette nuit mais en ce qui la concernait, elle comptait terminer sa crêpe et aller se vautrer comme une crêpe dans son lit pour dormir au moins jusqu'à midi.

« Tu vis ici ou tu es juste de passage ? » demanda finalement Luka.

Elle aurait pu lui dire qu'une ninja n'avait rien à foutre dans un village civil sans bandeau si ce n'était pas une nukenin, mais elle n'en fit rien. Soit Milly était un agent infiltré de dieu sait quelle organisation ou n'importe quel village à la con, soit elles étaient dans la même situation et la déduction n'avait pas été difficile à faire. En tout cas Luka voyait un bon flux de chakra défiler dans le corps de Miss Poitrine Opulente donc si jamais elle avait pu avoir ne serait-ce que l'ombre d'un doute, il était à jamais effacé.

« Non, mais je connais quelqu'un à Senun qui pourrait le faire. » Répondit-elle tout en remuant négativement la tête. « Si jamais les voyages ne te font pas peur, c'est un très bon sculpteur. Ce n’est pas la porte à côté mais ça vaut vraiment le coup si tu veux quelque chose de joli, durable et très précis.

- Senun ? » Répétai-je en prenant la crêpe qu’elle venait me tendre. « Je ne sais même pas où ça peut bien être … mais oui ça peut être intéressant. Par contre si c’est vraiment loin, j’ai bien peur de ne pas avoir le temps d’y aller. »

Nous nous écartâmes un petit peu de marchant et de toute l’animation, et tout en mordant dans ce casse-croute bien gras, je sortis un papier d’une de mes poches.

« Je participe à l’examen chunin de Suna. Et ça comme bientôt donc il vaut mieux ne pas être en retard. Tu y va aussi ? Ça pourrait être intéressant. Personnellement, même si je ne fais pas partit de leur village, j’aimerais y aller et me mesurer à toutes leurs épreuves. Juste pour évaluer mon niveau. »

C’est bien vrai, même si Luka n’était pas très solide ni douée dans le combat – en imaginant que cela le soit hein – elle pouvait voir ce qu’il en ait, connaitre ses lacunes et savoir quoi faire pour s’améliorer.
Cependant je me tue ensuite en voyant que nous approchions d’une auberge. La demoiselle demanda même si je vivais ici ou si j’étais de passage. C’est curieux, on dirait qu’elle justement, elle ne vient pas d’ici. Pas que ça change grand-chose hein, c’est même mieux, cela signifie que Mizu no Kuni attire encore des touristes. Oui on peut être touriste et ninja ! Parfaitement !

« Je vis ici. Enfin pas dans cette ville mais à Mizu no Kuni. Tout l’archipel est mon foyer, ahah ! Et toi jeune fille, tu viens d’où du coup ? Une contrée lointaine au-delà de l’horizon ? Je connais petit peu Konoha, Yu et Suna moi. Pas beaucoup plus, hélas. Ah si, j’ai fais un aller-retour au Shukaï il y a longtemps, mais pour le temps que j’y suis resté, ça ne compte pas franchement … Toi tu es venue ici toute seule ? Pour rejoindre quelqu’un ou autre chose ? »

Je lui souris en entrant dans l’auberge et observai les lieux. Un très grand salon qui faisait à moitié office de bar, et à moitié restaurant. Des tables ici et là avaient été reconvertit en zone de jeu où l’argent et l’alcool ne manquent pas, tandis qu’ailleurs ça restait beaucoup plus calme et familiale.

« Si je pose trop de question, ou que c’est trop intime, n’hésite pas à le dire hein. J’ai souvent du mal à ne pas aller trop loin. » Ajoutai-je à la demoiselle avant de m’étirer. « Pouah, c’est qu’il commence à faire tard mine de rien … Faudrait que je me trouve une chambre aussi, grosse flemme de retourner à Kiri ce soir … »

Peut-être qu’elle m’offrira l’hospitalité, ça m’évitera de devoir payer ! Hey ce n’est pas interdit de rêver. Un canapé ou un grand fauteuil ça suffit amplement.

« Senun ? » Expliqua la jeune femme. « Je ne sais même pas où ça peut bien être … mais oui ça peut être intéressant. Par contre si c’est vraiment loin, j’ai bien peur de ne pas avoir le temps d’y aller. »

Luka sembla réfléchir un instant avant de s'expliquer également.

« Disons qu'il faut quelques jours... »

« Je participe à l’examen chunin de Suna. Et ça comme bientôt donc il vaut mieux ne pas être en retard. Tu y va aussi ? Ça pourrait être intéressant. Personnellement, même si je ne fais pas partit de leur village, j’aimerais y aller et me mesurer à toutes leurs épreuves. Juste pour évaluer mon niveau. »

Oups. Question piège. Qui dit examen, dit quelque chose d'officiel, dit devoir dévoiler son identité. Luka était restée dans l'ombre plusieurs années durant et elle n'avait certainement pas envie de débarquer comme une fleur : "coucou, c'est moi, évadée de prison il y a plusieurs années alors que j'étais condamnée à mort. C'est par où pour s'inscrire ?". Non, vraiment pas. Elle fit donc simplement un petit non de la tête.

« J'aime pas spécialement m'afficher. Et j'ai pas non plus de quoi le faire. Je suis pas vraiment... Offensive, si tu vois ce que je veux dire. » expliqua-t-elle.

Cacher à Milly sa nature de ninja serait inutile. Elles avaient toutes les deux devinés les capacités de l'autre et le mensonge ne ferait que briser un semblant d'entente qui semblait s'installer entre les deux jeunes femmes. Tirant sur ses manches trop longue, Luka fixait le sol en marchant. Elle avait vraiment piètre allure dans ses fringues déchirées et trois fois trop larges pour elle. Enfin, elles étaient arrivées à l'auberge et Milly répondit volontiers à sa question. C'était bien la première fois que Luka se sentait aussi à l'aise avec quelqu'un. Même avec Kurasa, dont elle comprenait peu à peu l'estime grandissante qu'elle ressentait envers lui, elle s'était montrée peu bavarde. Remarque, avec lui ça valait mieux. Mais avec Milly... C'est juste un plaisir de discuter. Elle n'avait pas vraiment adressé la parole à qui que ce soit pendant toutes ses années d'exile, et là, cette femme débarquait de nulle part avec son sourire joviale et ses crêpes au chocolat, et voilà que Luka se sentait libérée d'un poids. Merci.

« Je vis ici. Enfin pas dans cette ville mais à Mizu no Kuni. Tout l’archipel est mon foyer, ahah ! Et toi jeune fille, tu viens d’où du coup ? Une contrée lointaine au-delà de l’horizon ? Je connais petit peu Konoha, Yu et Suna moi. Pas beaucoup plus, hélas. Ah si, j’ai fais un aller-retour au Shukaï il y a longtemps, mais pour le temps que j’y suis resté, ça ne compte pas franchement … Toi tu es venue ici toute seule ? Pour rejoindre quelqu’un ou autre chose ? » [...] « Si je pose trop de question, ou que c’est trop intime, n’hésite pas à le dire hein. J’ai souvent du mal à ne pas aller trop loin. »

Effectivement, elle posait trop de question. Mais Luka avait envie d'y répondre... Sans trop savoir pourquoi. Elle comprenait juste que cette fille n'avait rien de méchant en elle. Aucune preuve pour affirmer ça, juste... L'intuition féminine ?

« Ça va, je peux répondre. Ça fait longtemps que j'ai pas parlé à quelqu'un comme ça, alors ça va. »

Elle répondit alors aux questions une par une, dans l'ordre dans lequel elles avaient été posées.

« Je ne suis pas venue seule, mais mon compagnon de route est repartit en voyage pour quelques temps. Je l'attends juste. » Elle prit une profonde inspiration, la suite semblant lui tirer un peu de mauvais souvenirs étant donner l'air grave sur son visage. « Je viens d'ici, en fait. Dans les environs, du moins... Je suis partie pendant quelques années et... Et j'avais envie de revoir du pays ?» termina-t-elle.

Cette dernière affirmation sonna plus comme une question parce qu'elle ne savait pas vraiment quoi inventer comme histoire pour justifier son retour. Mais peu importe. Avant que Milly ne puisse poser d'avantage de questions sur sa présence ici, Luka reprit de plus belle.

« Tu peux passer la nuit dans ma chambre si tu veux. C'est complet de toute façon. »

Puis elle monta un étage pour rejoindre une porte en bois. Elle l'ouvrit à l'aide d'une clé et laissa entrer Milly. La pièce était relativement petite mais n'avait pas besoin de beaucoup de place. A gauche il y avait un lit, défait, et à droite un autre lit, fait et avec quelques affaires dessus. Luka se rendit alors jusqu'à celui-ci pour se laisser tomber assise dessus. Au bout de la pièce, un petit balcon discret mais pratique, avec des rideaux pour masquer la lumière du jour le matin si jamais les clients le voulaient.

Mais prenons les choses dans l’ordre, voulez-vous. Après tout, ne ditons pas qu’il vaut mieux courir que partir à point ? Nan attendez c’est l’inverse justement … Complètement stupide cette réplique !
Luka confirma d’abord que la ville de Senun était en effet à plusieurs jours de voyage d’ici. Autant dire que c’était foutu. Du moins pour le moment, après l’examen certainement mais pas là. D’ailleurs la demoiselle n’y participait pas, elle. Se défendant de ne pas être quelqu’un de très offensif. En effet, si elle ne tenait même pas face à un civil, il valait mieux ne pas chercher à hausser le niveau.

« Je vois, je vois … » Répondis-je simplement en me grattant le menton. « Dommage, mine de rien ça aurait pu t’aider à combler tes lacunes. Rien de mieux qu’un bon combat pour mettre à jour ses faiblesses et de suite savoir quoi travailler en particulier ensuite. »

Vous croyez qu’on ressent trop la nature guerrière sous mes propos ? Ahah, Kaguya c’est plus qu’un héritage, c’est un style de vie ! Mais de toute évidence, peu de personne étaient comme nous. Pas manipuler ses os non ! A casser des dents avant de poser des questions. A se battre à longueur de journée pour des raisons parfois aussi stupide que juste aller chercher le pain. Bah quoi ? La boulangerie est loin, et franchement, flemme de faire tout le voyage. Hum ? Chacun devrait aller chercher le sien ? Nan mais ça va pas la tête ? Nous sommes une famille voyons … Et puis ce serait nettement moins drôle !

Enfin bref, revenons à nos histoires. La jeune Luka apporta tout un tas d’information à la suite de mon pseudo-interrogatoire. En plus ça ne la gênait pas du tout, parfait !
Elle serait venue jusqu’ici avec son compagnon, mais ce dernier était déjà repartit sur les routes pour plusieurs jours. Je vois, un vagabond. Ou un aventurier dans l’âme, enfin quelqu’un qui aime prendre l’air sans doute. Peut-être un amoureux de la nature ? Dans le genre à parcourir la faune et la flore de cet archipel, et s’émerveillant un peu plus à chaque nouvelle découverte ! Ou alors c’est le genre de gros matcho à faire des tas de trucs louches dans son coin et à n’attendre de ce qui lui sert de femme que ce qu’il faut pour continuer sa vie égoïste. A savoir, de la bouffe, du pinard et un coin où dormir … Hélas si, ça existe encore ce genre de type.
Oh, Luka serait une ancienne Kirijin ? Je l’invente pas, elle vient de le dire à l’instant, qu’elle venait d’ici. Et que son retour était stimulé par le besoin de revoir son pays natal.

« C’est une bonne raison. » Approuvai-je d’un mouvement de tête et d’un sourire.

« Tu peux passer la nuit dans ma chambre si tu veux. C'est complet de toute façon.

- Oh ? Sérieux ? Merci ! »

Trop énorme ! En plus, une fois que nous étions montées à l’étage et entrées dans l’une des chambres, il s’avéra que celle-ci avait deux lits séparés. Et je précise bien "séparé", hein. Cela veut dire qu’elle et son compagnon ne sont pas si proches que ce que j’aurais imaginé dans un premier temps. Peut-être juste pote de voyage du coup. La pièce n’était pas bien grande, cela convenait très bien à un lieu uniquement fait pour dormir, et non pas pour y vivre.
Un seul lit était défait d’ailleurs, celui sur lequel Luka vint se poser en patapouf. Cela laissait sous-entendre en effet que son partenaire n’était pas revenu ici la nuit dernière. Ou c’est qu’il est bien élevé et qu’il refait toujours son lit après le réveil.

« Dit-moi, c’est quel genre de personne, ton compagnon ? En observant les lieux je penserais qu’il est bien plus souvent dehors que dedans. Mais peut-être qu’au contraire il a simplement reçu une éducation stricte. Ou alors c’est le genre super macho qui s’éclate de son côté et qui laisse sa petite femme à la maison pour avoir la soupe chaude le soir et le plancher propre … »

Je vins m’asseoir face à elle, sur l’autre lit, afin de ne pas lui donner l’impression d’une oppression. Ce n’était pas une agression, juste une question, la curiosité, tout ça.

« Si c’est le cas, ne te laisse pas faire hein. Ce genre de type, ça n’a aucun avenir. Si tu as besoin d’aide pour quoi que ce soit, n’hésite pas. Je me ferais une joie de le remettre à sa place. Je pourrais même t’apprendre quelques trucs pour que tu te défendes toi-même. »