« Seigneur, les représentants du clan Kawaguchi attendent à l’entrée.
─ Bien. Je suppose que les autres sont prêts ? »

Finissant de lacer lui-même ses brassards qui cachaient des gravures pour le moins étranges aux yeux des non-initiés, le Seigneur de Kaze no Kuni accepta le cimeterre d’apparat que son serviteur lui avait apporté, et sortit finalement de ses appartements. Traversant quelques pièces, il arriva enfin à la petite cour de la résidence qu’on lui avait assignée. S’y trouvaient déjà les membres du clan Kawaguchi censés les escorter, ses conseillers et ses hommes d’armes.

Il n’était nullement homme à se laisser aller à une vie de luxure, surtout en pareille occasion diplomatique. Mais quand la chef du clan Kawaguchi l’avait invité la veille à un banquet organisé en son honneur, il ne lui avait suffi que de connaître son identité pour accepter après une légère hésitation. Kawaguchi Tsukiko. Cette kunoichi accompagnait à l’époque Zanshi lors de leurs négoces et lui avait proposé elle-même des travaux plutôt osés. Pas pour Suna ni même son clan. Non. Pour le Pays du Vent tout entier.

C’était également elle qui avait finalisé les accords commerciaux avec le Pays du Feu qu’il avait à l’époque approuvé avec la Godaïme, accords plus adressés à sa nation que centrée sur son village miltaire. Une personne qui avait gravi les échelons depuis leur dernière rencontre mais qui était à présent digne de son intérêt et de celui de son pays. Il espérait juste secrètement que le goût du secret et des complots de ce village ne l’avait pas détourné de ses véritables allégeances.

« Nul besoin de palanquins, nous nous y rendrons à cheval. Hikori … »

S’adressant avec un petit sourire à son second, celui-ci fit amener les chevaux déjà sellés. Malgré toute la bonne intention des manieurs de sable, il n’était pas encore une vieille femme invalide pour se déplacer de la manière qu’ils proposaient. Ni une ni deux les palanquins disparurent et ils prirent la route pour le quartier Kawaguchi, plus précisément pour la demeure de la chef de clan.

Spoiler:

- Où sont les verres ? Où sont les coussins ? Quelle est cette tenue ? ne cessait d’enchaîner la voix de la blondinette pour tout le personnel.

La demeure des Kawaguchi était sûrement la bâtisse la plus malléable du Yuukan. Ces manieurs de sable utilisaient leur passion pour cet élément, et leur affinité avec le chakra pour bâtir leur propre toit et l’agrandir ou la réduire selon la composition de la famille – naissance, départ …. Dans le cas de Tsukiko, elle avait surtout eu besoin d’agrandir pour héberger le nouveau « Hall de Clan », soit une demeure suffisamment grande pour pouvoir héberger des banquets, cérémonies ou encore recevoir les Kawaguchi pour diverses plaintes ou réclamations. Ainsi, le « rez-de-chaussée » était un vaste hall où l’on aménageait des tables comme des coussins selon les besoins, ou alors tout simplement vide mais décoré durant les temps calmes. Le premier, lieu privé de la cheffe, était tout simplement son lieu de vie, sa « cachette » solitaire.

Cependant, qui disait grande bâtisse, disait grand entretien. Ainsi, la simple « organisation » d’un banquet pour le Daimyo nécessitait une véritable armée. Les tapisseries, les coussins, les meilleurs boissons ou thé – l’alcool était à bannir car elle avait eu vent que le Daimyo n’était pas porté sur le vin, après un soudoiement en règle et discret des propriétaires du lieu de la résidence du Seigneur -, les plats de viande ou encore les fruits. La tâche n’était que davantage ardue suite aux multiples choses qu’elle avait eu vent – et dont elle avait souvenir – sur le Daimyo, ainsi donc elle ne devait pas trop montrer sa richesse mais ne pas l’accueillir comme un mal propre non plus. Un équilibre ténu, mais faisable.

Ainsi, les mets étaient disposés sur des tables basses mais avec un fauteuil long confortable où quelques coussins moelleux aux couleurs de Kaze no Kuni – soit colorés – étaient disposés tant pour la position assise que couchée, et le tout dans un Hall spacieux avec des piliers par-ci et par-là. Evidemment, toujours dans l’esprit de ce Daimyo « proche du peuple », elle avait disposé les tables en un et, si les Kawaguchi seront disposés un peu partout, les Conseillers du Daimyo, ce dernier et elle-même seront en tête. En somme, un regard sur un « clan » mais malgré tout avec une certaine distance pour une ou deux discussions propices aux affaires.

« J’espère ne pas commettre d’erreur » s’inquiéta-t-elle sérieusement. A l’heure actuelle, le Daimyo était sa plus grande chance pour « avancer ». Autrement, ses promesses faites au clan risquaient d’être mis à mal, et en parallèle, l’avenir de son clan l’inquiéterait. Finalement, après une longue matinée où tout fut prêt à grande pompe, on annonça l’arrivée du Daimyo et de ses Conseillers. Ces derniers allaient être accueillis avec sourire par les plus curieux du clan, deux enfants – une fille et un garçon – vont offrir quelques roses des sables confectionnaient par eux-même – quoique avec de l’aide des plus experts – au Daimyo avec le sourire. Et, c’est à ce moment que Tsukiko rentrerait en scène.

- Daimyo-san, Conseillers, je suis heureuse de vous revoir, et de vous recevoir dans ma demeure, dit-elle poliment, en s’inclinant autant qu’elle pouvait malgré sa jambe qui criait martyr.

Chacun de ces hommes et femmes voyaient là une cheffe de clan habillée d’une longue robe bleue qui soulignait son regard, maquillée légèrement, avec une coiffure simple. Le tout orné de quelques accessoires en or. En somme, et à nouveau, elle tentait d’être digne tout en indiquant son « rang ». Il fallait avouer, ce Daimyo était un homme difficile, et déjà elle craignait un tantinet la suite de la discussion.

Elle ne tarda pas à les inviter et à les installer et au fur et à mesure, son clan se déversait, saluait respectueusement l’homme qu’ils avaient indirectement promis de protéger – protéger Kaze signifiait soumission au Daimyo – ainsi que ses Conseillers puis allait s’asseoir pour pouvoir déguster aux multiples mets. Les discussions allaient bon train, et elle profita pour connaître un peu chacun des hommes. Etaient-ils mariés ou non ? Avaient-ils un faible pour un sujet en particulier ? Etaient-ils altruistes ou opportunistes ? Est-ce que Suna a su accueillir ses Dirigeants dignement ?

Puis, de fil en aiguille, elle prit son courage à deux mains.

- Daimyo-sama, et Conseillers, je souhaiterais vous parler d’un sujet qui me tient à cœur. Il y a quelques temps de cela, durant le vivant de Feu Godaime, Suna avait promis de travailler main dans la main avec vous pour développer économiquement le pays, en apportant des solutions aux problématiques quotidiennes du Pays.

Projets fort ambitieux … mais qui étaient vites tombés aux oubliettes.

- Suite à la mort de la Godaime, une démocratie aurait dû être installée à Suna même.

Elle voyait déjà certains sourcils s’arquer, ou encore des regards tiquer … bon signe, ou non, elle ne saurait dire.

- Depuis qu’elle est morte, Suna n’a nullement tenu ses promesses à l’égard de ses villageois et à votre égard. Les projets en faveur du développement n’ont plus continué, les alliances avec d’autres pays ne sont plus qu’une suite d’échec. Il suffit de prendre en exemple Ki no Kuni. Nous aurions dû établir une alliance économique favorable, pour ne plus être totalement dépendant du bois ou de la faune et flore de Konoha mais nous avons tous abandonné ce Pays après une intervention suite à une catastrophe naturelle. Je ne souhaite guère connaître la réputation que nous avons actuellement là-bas. Et je ne suis guère fière de nos actes. J'avoue que cet événement a été "l'illumination" sur la situation actuelle, et sur ce que je désirais plus tard en me basant sur les promesses du passé. Si je continue à attendre que Suna agisse en faveur du développement, mes cheveux en deviendront blancs ... et encore si je ne meurs pas avant dans une mission. Le Conseil est composé de personnes bien trop jeunes et inexpérimentées dans un domaine tel que le bien-être de nos Civils. Par contre, je ne doute nullement de leurs capacités militaires.

Tout semblait négatif vis-à-vis de Suna - du moins, pour l'aspect "économie"-, et déjà les interrogations devaient s’élever auprès de ces hommes et femmes.

- J’ai promis d’apporter mon aide à Kaze no Kuni, car mes vœux de Kunoichi vont avant tout à Kaze no Kuni et non Suna. Nous sommes votre force militaire, nous vous sommes soumis, dit-elle humblement. Cependant, je me suis vite rendue compte que j'ai plus de force de proposition pour développer un aspect d'une ville ou d'un pays que d'idées pour prendre d'assaut quelques brigands pour une mission. Et maintenant, je suis cheffe de clan et plus que jamais, une chose est évidente : je dois grandir. Je ne peux pas continuer à ne me contenter que de missions ou d'envoyer en missions mon clan. J'ai une vision aujourd'hui, que j'ai partagé avec chacun de ces membres. Et je me suis engagée à la respecter. Aujourd'hui, je m'oriente vers vous directement car vous avez une vision similaire à la mienne, ainsi que l'expérience nécessaire à ce que je souhaite faire.

Elle dirigea naturellement son regard vers ses regards souriants.

- En temps de paix, mon clan ne « sert » à « rien » à Suna, et nous prenons du retard dans un monde qui évolue trop vite. A ce rythme, nous serons que de vulgaires constructeurs de château de sable alors que nous avons la force nécessaire, et la volonté également, pour modeler le pays comme bon nous semblerait. Je veux apporter un nouveau souffle aux miens, tout en respectant la promesse que je vous faite auprès de la Godaime, soit développer Kaze no Kuni.

Elle appela un des hommes pour lui dire d’apporter deux ou trois choses, soit une petite maquette de train imaginée par la défunte Saibogu Lina, une carte des futures routes ferroviaires de Suna ainsi qu’une carte des Ruines.

- Beaucoup des vivres peuvent venir de la mer mais comment les distribuer dans le pays sans un risque de pourrissement, de vol par les brigands sans parler des dangers naturels du désert ? Imaginez transporter tous ces vivres dans un lieu à l’abri de tout ceci, et surtout à température ambiante et constante ?

Ce n’était pas militaire sa proposition. Et c’était le but.

- Je sais que tout Kaze est la terre de tous, et là où vous dirigez et avez autorité, sauf... les "sous-sols". Les « sous-sols » ne sont qu’un labyrinthe complexe, imaginé par nos Ancêtres avec l’aides des premiers Marionnettistes … Mais extrêmement dangereuses en raison des nombreux pièges, ou encore les « Gardiens », soit des Kuchyose libres ayant promis de protéger ces lieux de tout intrus externe au clan Kawaguchi, et ayant élu demeure. En somme, un lieu hors de contrôle pour toute personne externe au clan. Même les chefs ont du mal à s'imposer à certains Gardiens centenaires, dit-elle à grand regret. Il faut dire, chaque discussion avec un de ces Gardiens n'était qu'une suite de longues négociations. C'était à se demander qui était le chef.

L’existence de ces Ruines n’était pas un grand secret mais elles avaient été toujours ignorés au vu de la complexité, du travail et de l’investissement que cela exigeraient … sans parler des longues négociations nécessaires avec les anciens chefs de clan assez sensibles sur ce sujet.

- Je souhaiterais mettre ces Ruines à votre disposition, pour apporter une solution au pays vis-à-vis de sa logistique. Une fois rénovée, nous pouvons mettre en place un système de transport mêlant les connaissances des marionnettistes et les nouveaux Saibogu ingénieurs ayant élu domicile à Odaichi. En plus des biens, nous pourrions aussi transporter à terme des hommes en sécurité dans tout Kaze no Kuni. Plus important, nous brillerons dans le Yuukan pour notre capacité à innover pour le bien-être de nos citoyens.

Elle se tut, laissant l’information faire leur route dans leur esprit.

- Ce projet est important pour moi car j’ai promis à mon clan de Donner un nouveau souffle en restaurant certaines reliques du passé comme nos Ruines. Je vous propose ceci en premier car vous êtes ceux qui seront les plus gagnants et parce que j’ai promis d’apporter ma pierre dans le projet noble de développer Kaze no Kuni au mieux. Cependant … j’aurais des conditions. Désirez-vous que je continue, ou pensez-vous que c’est une idée bien trop folle pour voir le jour ? finit-elle.

Ces dernières paroles ont pu être rudes, mais c’était le but recherché. Elle voulait montrer, à sa façon, que Kaze no Kuni l’importait mais qu’elle n’était nullement tenue d’attendre le bon vouloir de quelques hommes. Elle était cheffe de clan, elle avait là une idée forte intéressante … elle trouvera forcément son investisseur. A vrai dire, et clairement, elle indiquait-là qui avait les cartes en main, et qui ne les avait pas. Depuis leur dernière rencontre, la petite Chunin qui osait à peine manger par le trac avait gagné bien de l’assurance, peut-être même trop.

L’accueil était bien plus prestigieux que celui auquel il avait eu droit aux portes du village. Laissant son majordome prendre les roses des sables, le Daimyo remercia d’un sourire les enfants, ébouriffant le garçon au passage avant de continuer sur les invitations de ses guides. Ses gardes se postèrent d’eux même dans la place, les Kawaguchi ne s’offusquant pas ces formalités. Ils avaient visiblement reçu des directives allant dans ce sens.

« C’est un plaisir de vous revoir Tsukiko, et une agréable surprise de constater par moi-même votre nouvelle position parmi les vôtres. »

La jeune femme était par ailleurs ravissante. Mais s’il le lui disait, il avait peur qu’un de ses prétendants ne surgisse de nulle part et commence à crier au loup. Il s’en garderait donc pour le moment. Exprimer certaines impressions semblait proscrit ici… Ô douce ironie.

Le banquet était plaisant, musiciens, rires, et bonne nourriture étaient au rendez-vous. Une bien belle prestation et tout à son honneur. Mais il savait que la frénésie du banquet n’allait pas durer indéfiniment. Il n’avait sans conteste pas été invité pour une visite de courtoisie.

« En effet, poursuivez-donc. »

Fit-il alors que la délicieuse chef de clan semblait vouloir commencer à aborder un sujet important. Calme et réfléchi, son sérieux dans ce genre de situation ressortait naturellement. Mains jointes et coudes posés sur la table, il l’écouta attentivement parler tour à tour de la Godaime, de Suna et de Kaze no Kuni, tiquant légèrement alors qu’elle mettait en avant les raisons pour lesquelles il était venu lui-même dans le village militaire. Malheureusement les retours qu’il avait eu semblaient fidèles à la réalité. Un égocentrisme croissant et une émancipation que Suna entretenait depuis quelques temps.

Faisant signe à un serveur pour qu’il vienne remplir le verre de de Tsukiko qui avait probablement le gosier desséché à force de s’épancher de la sorte sur les malheurs de son pays, le Seigneur de Kaze resta un petit moment silencieux, pensif. Plusieurs de ses conseillers le poussaient dans cette voie mais il continuait d’hésiter à arpenter le chemin dangereux qui revenait incessamment hanter ses pensées.

« Oui j’ai en effet pu constater par moi-même l’immaturité de l’homme nommé pour être second par le Kazekage à mon arrivée … Mais dites-moi, vous critiquez l’inexpérience et la jeunesse de ce Conseil incomplet … N’est-ce pas là une critique qu’ils pourraient vous renvoyer ? Si jeune et déjà chef de l’un des plus grands clans de Kaze no Kuni. Pensez-vous véritablement que votre clan réputé si attaché aux traditions vous suivra dans vos choix de changements révolutionnaires ? »

Marquant une pause, le Daimyo décida d’enfin répondre à la question finale de son interlocutrice.

« J’apprécierais en effet que vous continuiez sur votre lancée plus qu’intéressante et qui serait très probablement appuyée par les ingénieurs d’Odaichi, cependant avant toute chose, je reste moi-même curieux vis-à-vis de certaines parts d’ombre dans votre discours … N’avez-vous pas peur de représailles de la part des autorités Sunajins ? D’être accusée de manquements ou autre à l’image de la partie du clan Saibogu qui a décidé de consacrer son travail au pays dans son ensemble et plus seulement à son village militaire ? Qu’avez-vous en tête exactement quant à la situation des vôtres et de leur allégeance ? Pensez-vous véritablement que votre Kazekage vous laissera jongler indéfiniment ? »

L’ironie et l’amertume se sentaient dans ses paroles qui étaient devenues plus sèches qu’il ne l’aurait voulu. Ses conseillers les plus proches s’étaient tus également de solennité. Cette question n’aurait jamais dû être. Il lui demandait de choisir entre son pays et le village militaire censé protéger ce pays… une situation plus qu’incongrue. Mais c’était bel et bien une réalité.

Face aux interrogations du Daimyo, Tsukiko ne s’empressait nullement de répondre. Son impatience l’avait à plus d’une reprise orientée vers le chemin de l’erreur et, aujourd’hui, ce chemin était à exclure.

- Le Bras Droit du Kazekage n’est pas immature. Il est seulement naïf, se contenta-t-elle de répondre, sans s’épancher sur cette réflexion. Ils étaient ici pour parler de l’avenir de son clan, et indirectement de la sienne, et nullement celui du Rêveur. Je ne me suis jamais targuée d’une quelconque expérience, Daimyo-san. Si j’avais ceci, ainsi que la maturité due à l’âge, je serais peut-être à votre place à cette heure … disait-elle sur un ton mêlant défi et taquinerie.

Effectivement, elle était jeune, et encore un brin impulsive. Ajoutons à cela que ce titre, et le soutien de son clan, l’avaient enorgueilli que davantage. Etait-ce une bonne ou mauvaise chose, voilà une bonne question … Cependant, elle n’allait nullement laisser Dastan dans le flou total. Elle voulait – pour la première fois – être la plus sincère possible.

- Pourquoi aurais-je un quelconque ennui avec les autorités Sunajins si vous ordonnez ma présence à vos côtés ? Depuis quand un Shinobi doit choisir son allégeance, je pensais que nous ne formions qu’un …. Finit-elle, laissant cette phrase bien en suspens. Par cette « question », vous prouvez que les temps changent. Je préfère prendre les devants, avant d'être dans l'incapacité totale d'agir.

Elle se tint soudainement droite, bomba ce torse, et glissa un regard décidé sur l’ensemble de ces hommes.

- Le clan Kawaguchi est un clan fier, au passé glorieux. Nous modelions le désert à notre guise, nous y régnons en maître tant à la surface, que dans les sous-sols, et nous avons toujours cherché à être en avance sur notre temps avec l’aide des Premiers Marionnettistes. Nous avons juré allégeance à Suna car c’était une « base » militaire où nous pouvions protéger avec d’autres clans la Nation entière.

Soudainement, son visage devint plus sombre et plus grave. Et, un court instant, le Daimyo pouvait voir la fragilité de la jeune femme qui se cachait sous ce masque de Cheffe. Oui, elle avait peut-être un clan qu’elle dirigeait, mais un chef ne régnait nullement. Un chef était « soumis », et il avait à agir vite et bien pour garder cette place. Elle en était consciente, et à chaque fois, cela avait don à l’agacer. Plus le temps avançait, et plus l’impatience montait … C’était maintenant ou jamais.

- La disparition des Conseillers sans un seul suspect « attrapé », l’attaque de Kyoshi Rei avec le soutien d’un Saibogu, le départ de certains Saibogu pour Odaichi suite à la tentative de vente de la technologie de leur chef aux autres nations avec votre appuie, le départ de certains Yamada pour une existence nomade, et la mort de la Godaime … Plusieurs événements qui ont affaibli ou rendu l’avenir de Suna incertain. Aujourd’hui, ce sont des interrogatoires et fouilles constantes …

Soudainement ses traits parurent révoltés. Elle l’était, dans le fond. On suspectait l’innocent, et cela l’agaçait depuis qu’elle connaissait la vérité derrière l’histoire de la mort de la Godaime.

- Pourquoi avons-nous à être traités en suspect alors que nous avons toujours été les plus fidèles à notre Nation alors que nos « présumés » traîtres vivent bien ? Les Saibogu continuent à nous envahir avec leurs appareils – forts utiles, je le conçois – et une représentante siège même au Conseil à l’heure actuelle. Pourquoi les Kawaguchi devraient se limiter à un rôle de « chien de garde » alors que nous avons bien mieux à offrir, pour grandir ?

Le sentiment était de plus en plus partagé, et déjà certains s’enflammaient pour retourner à la vie de nomade. C’était sûrement la pire des erreurs !

- Pour obtenir le titre de cheffe, nous avons à prouver un parcours exemplaire, prouver d’être parmi les plus forts et les plus ingénieux et présenter l’objectif qui nous anime pour être un Cheffe … Ils m’ont choisi sur la base de ce projet. Ils me suivront, car ils veulent du changement, Daimyo-san. Et quel changement de plus honorable que servir sa nation avec un projet innovant et brillant ?

Oui, elle désirait aider la Nation, mais elle ne pouvait nullement attendre le bon vouloir du Daimyo et de son Conseil. Son clan désirait un nouveau souffle et la patience commençait à atteindre certaines limites.

- Je ne compte nullement abandonner Suna, et les Kawaguchi non plus. Nous avons encore une promesse à respecter. Le village reste un point vital pour l’organisation de notre défense, disait-elle. Des rotations se feront entre les gardes à Suna et ceux à Odaichi, si je suis à la Capitale pour ce projet. En somme Daimyo-san, je compte laisser ma force guerrière défendre Kaze no Kuni dans sa totalité, mais je ne compte nullement attendre sagement d’être une relique du passé, un vulgaire constructeur de sable …

Et venons-en maintenant aux conditions …

- Pour que vous puissiez vous joindre à ce projet à mes côtés, je souhaite deux choses. Tout d’abord, je souhaite siéger au sein de votre Conseil, afin de continuer à apporter mes idées pour le développement de Kaze no Kuni, mais également garder un contrôle raisonnable du projet que je vous ai présenté à cet instant. Plus important, je souhaite mettre mon esprit au service de la Nation mais avec votre clairvoyance, votre expérience et votre connaissance bien plus importante de Kaze. Sans votre expertise, je ne pourrais avancer comme je le souhaite.

Elle se tut, laissant cette information faire son petit chemin dans chacun des esprits.

- Précisément, les Kawaguchi sont paradoxaux : de la nouveauté, tout en gardant les traditions. Je ne peux pas « vendre » les Ruines, même si je le désirais, car le clan et ceux qi protègent les lieux depuis des siècles refuseront. Le projet tombera à l’eau. En somme, le clan gardera le droit de propriété, imposera surement les conditions adéquates pour la bonne exploitation de cette future logistique.

Les conditions étaient posées, mais, déjà elle reprit la parole.

- Je ne souhaite nullement une réponse dans l’immédiat. Prenez le temps de réfléchir, de peser le pour et le contre. J’attendrais une invitation au sein du Palais, à Odaichi, pour obtenir cette fameuse réponse, quelle qu’elle soit. J’ai toujours été curieuse de ce grand Palais, et peut-être pourrions-nous discuter à nouveau sur une terrasse en face de la mer. Nous manquons cruellement de paysage aquatique ici, conclut-elle avec un ton un tantinet boudeur, mais clairement feint.

Elle sous-entendait par-là, si l’esprit était assez aiguisé et tortueux, qu’elle ne voulait nullement une lettre explicite au vu de la sécurité alambiquée actuelle de Suna, et qu’elle avait sûrement encore des choses à dire, mais clairement pas ici.

- A moins que vous n’ayez d’autres questions, profitons maintenant du spectacle à venir !

« Je réfléchirai à tout cela plus tard en effet. ֤À la fois sur la question des ruines et du nouveau moyen de transport, mais aussi sur une possible position de Conseillère. Une chose est sûre en tout cas, vous avez gagné en culot depuis notre dernière rencontre. Mais ... ce n'est pas pour me déplaire. Vous avez du cran. Et votre dévouement est admirable. »

Qui plus est, elle semblait honnête. Elle ne cachait pas ses intentions de revaloriser son clan en proposant son projet de plus grande ampleur. Au contraire d’ailleurs. Mais sa fidélité à son clan semblait être à la hauteur de celle de son pays. Tous les shinobi n’étaient pas corrompus.

« Mais parlons d'autre chose ce soir, garçon ? »

Appelant le serveur le plus proche de lui, pour qu'il remplisse sa coupe, il remarqua l'air renfrogné de ce dernier. Comme s'il avait été contraint de faire le valet à l'occasion de cette soirée.

« J’y pense, votre clan va très probablement proposer des Genins pour l’examen à venir. Des pronostics sur leur réussite ? Vas-tu y participer garçon ? »

L’apprenti valet avait l’air robuste, tenace. Probablement un shinobi manieur de sable à l’image des autres de son clan. S’adressant initialement à la chef de clan, il avait finalement bifurqué sur le jeune Kawaguchi debout devant lui, avant de se retourner à nouveau vers Tsukiko, la coupe à présent remplie.

« Des pronostics tout court d’ailleurs sur les Genins sunajins et même ceux des autres nations ? J’avoue ne pas m’y être réellement attardé ayant d’autres soucis en tête. »

De quoi parler de tout et de rien. Il était à vrai dire curieux de voir les affrontements par lui-même et de se faire une idée de la puissance militaire de chacun des villages. De la distraction aux enjeux politiques...

Spoiler:

Ce que c'est chiant la politique... Quand je serai Kazekage j'engagerai des conseillers exclusivement dédiés à la pratique de cet art occulte. Mais le dialogue entre Tsukiko et le Daimyo commence à sérieusement m'ennuyer. Les sujets évoqués sont passionnants, c'est vrai. Et puis c'est toujours un honneur que d'être en présence du dirigeant de notre nation. C'est la première fois que je le vois et je suis forcé de constater qu'il a une certaine prestance. Ainsi qu'une intelligence digne de ce nom. Il n'est pas réfractaire à la discussion et semble même appuyer ma cousine. Mais seul l'avenir apportera des preuves concrètes de son implication.

Je vacille légèrement sur place et me force à rester droit comme un I, ma carafe d'eau à la main. Oui parce que je vous ai pas dit: Tsukiko souhaitait que j'assiste à cette réunion. Sûrement pour me donner une première expérience de la politique ou tout simplement pour me valoriser aux yeux de notre dirigeant. Mais elle a oublié de stipuler que je devrais rester debout tout le long, en retrait. Et être ainsi relégué au rang de serviteur, considéré comme un esclave et non un dominant, ça m'irrite. Ho ça oui...

*La prochaine fois je lirai les petits caractères...*

Je fronce les sourcils lorsque le Daimio m'appelle comme si j'étais un simple serveur. Et par réflexe je regarde autours de moi en attendant qu'un vrai serviteur réagisse. Mais oui, nous sommes seuls. Ou presque. Je lance un regard noir à ma cousine puis m'approche du Seigneur. L'idée de renverser le contenu de la carafe sur l'homme me traverse l'esprit. Mais le Daimio n'est pas mon ennemi, même s'il n'est pas non plus notre ami. Et puis je sais qu'un tel acte de rébellion, fusse pour ménager mon ego, ne m'apporterait que des ennuis. Dans la vie il vaut mieux ravaler de temps à autre sa fierté. Sous peine de la perdre très rapidement...

Je remplis donc la coupe de l'homme sans toutefois arriver à masquer complètement mon irritation. Je ne sais pas si le Daimyo la remarque mais il s'adresse toutefois à moi, me demandant si je compte participer à l'examen Chûnin. Qu'est-ce qu'il croit? Je ne suis pas un simple valet. Il aurait du le remarquer à la prestance que je dégage. Je jette un vague regard à Tsukiko et n'attends pas son autorisation avant de prendre la parole en retour.

"Oui Seigneur, je vais y participer!" inutile de lui préciser que je ne suis pas son "garçon" je suppose? "Et heureusement pour le village et la nation par ailleurs. Parce que pour être honnête les candidats des autres clans méritent à peine le grade de Genin... Alors Chûnin..."

Fallait pas me lancer sur le sujet! Puisqu'il me donne l'opportunité de m'exprimer sur l'examen et sur les candidats, pourquoi m'en priver? Je n'enfreins aucune règle. D'ailleurs je suis tellement content de pouvoir discréditer les autres candidats que je ne remarque pas que le Daimyo se désintéresse de moi. Et lorsqu'il questionne Tsukiko sur les pronostiques du l'examen, je considère naturellement que c'est à moi qu'il s'adresse.

"Des pronostiques? Ouais, les voilà: Suna va l'emporter assez aisément sur les shinobis des autres nations. On a l'avantage de pouvoir combattre à domicile: nos supporteurs seront là en masse et le climat joue pour nous également. Et puis nous sommes meilleurs parce que le sang de Kaze coule dans nos veines!" je marque une pause. "Quant aux genins Sunajins... Franchement, je vois pas ce qui pourrait empêcher les Kawaguchi de s'illustrer. Nous sommes pratiquement les meilleurs dans chaque domaine... D'ailleurs j'espère que vous me ferez l'honneur de votre présence pendant le combat que je mènerai! Je vous dédierai respectueusement ma victoire, même si elle est d'ors et déjà assurée..."

Voilà, je crois que j'ai bien résumé la situation. Un léger silence réponds à ma tirade et je jette un vague regard à Tsukiko. C'est moi ou elle a l'air agacée? Peut-être que j'ai outrepassé mes fonctions? Il faut dire qu'un Valet n'en a pas beaucoup hormis celles de servir et de se taire. Je m'incline donc légèrement et retourne à ma place, le long du mur, carafe toujours en main. Bon, il faut au moins voir le bon côté des choses: j'ai pu ainsi me distinguer aux yeux du Daimyo. Reste à savoir si c'est en bien ou en mal...