La route que j'empruntais pour me rendre dans les territoires du nord n'était sans doute pas la plus simple ni la plus courte, mais elle était celle qui me permettrait de faire faire le plus de rencontres, qu'elles soient banales, anodines ou bien plus véhémentes. Depuis Kusa, le chemin que j'avais parcouru, au sens propre; avait été assez long et ennuyeux. Je songeais donc fortement à changer mon itinéraire et privilégier un axe plus... fréquenté. Quitte à faire de mauvaises rencontres, et quand bien même... Je n'étais pas la plus vulnérable des voyageuses.

Après quelques heures ou jours passés -je n'avais plus vraiment la notion du temps- à marcher dans ce pays au milieu de paysages plus variés les uns que les autres, je fis une pause le temps de me restaurer, et repartis. Ici il y avait un peu plus de monde, j'avais croisé trois ou quatre personnes, sans grand intérêt. Jusqu'à cette altercation mineure. En effet, j'étais rentrée dans quelque chose ou plutôt quelqu'un. Je me retournai et posai le regard sur cet inconnu. Une jeune femme portant le bandeau de Suna. Quelle coïncidence ?

Je l'aidai à se relever.

- "Tout va bien ? Désolée, j'étais plongée dans mes pensées. Oh, tu viens de Suna ? M'excusais-je de ma maladresse."

Oué, c'était étonnant de rencontrer, à cet endroit; une Sunajin. C'était peut-être le genre de rencontre que j'attendais inconsciemment en changeant mon itinéraire. Deux solutions s'offraient à moi, soit l'éviter, soit lui taper la causette. Bon, avoir quelques nouvelles de ce qui passait dans ce village n'était pas la plus mauvaise chose qui pouvait m'arriver. Je tirai donc un bandeau de Suna d'en dessous de ma cape noire et lui montrai.

- "Je viens aussi de Suna, je m'appelle Umi Ji. Alors, que fais-tu par ici ? Lui demandais-je simplement."

Je pensais qu'il était impossible de se douter un instant de qui j'étais vraiment et je doutais aussi, pour ma part, que je ne le lui révèle quoi que ce soit de sensible. N'être qu'Umi Ji serait bien suffisant... Enfin, peut-être que notre échange aboutirait sur quelque chose de plus intéressant mais cela restait à voir, encore et toujours. Je ne savais pas, pour le moment, quel profil elle pouvait bien présenter...

"Non ça va aller, je ne fume pas. Merci. Dis-je le signifiant d'un geste de la main."

J'observais la jeune Sunajin que je venais de rencontrer et bien vite de ses paroles, naquirent dans mon esprit quelques interrogations. Une genin maintenant aspirante, soit rétrogradée en somme, s'était retrouvée face à un Furyou ? Ketsueki La... Ce nom me disait quelque chose, peut-être l'avais-je déjà vu quelque part, dans un dossier ou un rapport à l'époque où j'occupais le siège du Kazekage, à Suna. Enfin, peu importait...

Fort heureusement pour moi, je connaissais très bien la vie d'Umi Ji avant que je ne me "réincarne" en elle. Ce que j'allais dire n'était donc pas un mensonge, tout au moins, pas tout à fait.

"Non, je suis plutôt... Discrète, c'est plutôt normal que tu ne m'es jamais vu. Je suis aussi en mission pour Suna, depuis quelques temps déjà. Malheureusement, je ne peux pas t'en dire davantage. Par contre, qu'on envoie une genin ou aspirante en mission ou en "repentance" dans d'autres pays... m'étonne un peu."

Etonnée, c'était assez faible comme mot pour désigner l'impression que me donnait cette pseudo-nouvelle. Je me demandais ce qui pouvait bien passer par ta tête des nouveaux gradés de Suna. Enfin, aujourd'hui cela ne me concernait plus vraiment. Après tout, ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient à ce sujet. Je supposai que la kunoichi du sang avait mérité sa rétrogradation, mais en revanche, de se retrouver ici, et d'avoir rencontré un Furyou... J'étais assez sceptique.

"Et tu as rencontré un Furyou ? Comment s'appelait-il ? Enfin... ça me paraît étonnant que la Kazekage t'ai envoyée... à une mort certaine.. D'autant plus une genin... ou une aspirante. Tu as dû faire quelque chose de particulier, non ?"

Feindre que j'ignorais la mort de Godaime -ma mort- afin d'en apprendre davantage me semblait être une bonne idée; on appelait ça prêcher le faux pour connaître le vrai. En théorie, je ne devais pas pas éveiller de grands soupçons chez la jeune femme, je me comportais assez normalement, pour ne pas dire banalement. Je verrai bien où mènerait cette rencontre, et cette conversation; peut-être saurais-je ce qui se passe dans le village, apprendrais-je si mon ou mes successeurs avaient suivi le bon chemin, ou pas; s'il y avait pour le monde shinobi toujours de l'espoir... ou pas.

La Kazekage est mort ? Quelle nouvelle. Au moins cela montrait que la Sunajin m'était bien et surtout qu'elle n'était pas idiote. Être observateur, ou au moins attentif était une qualité commune mais semblait de plus en plus se raréfier. Non, j'étais sans doute à cet instant ce que l'on appelle : une mauvaise langue. Peu importait. Tout le truc était maintenant de feindre la surprise. Ce n'était pas si compliqué, comme mentir. Je devais juste faire attention de ne pas en faire des caisses et aussi de ne pas me montrer trop indifférente. Un juste équilibre en somme.

"Ô... Elle est morte ? Dis-je feintant un haussement de sourcils.Comment est-ce arrivé ?"

Je l'observais un instant et me retins de lâcher un long soupir. Plus je l'écoutais et plus je me disais que les nouvelles générations avaient du mal à comprendre ce que représentait être un shinobi œuvrant au sein d'un village. Certes il pouvait subsister des divergences avec la hiérarchie, quelques désaccords même; mais de là à exprimer une telle véhémence envers... un village. Cependant, je pouvais comprendre son point de vue et d'autant plus lorsque j'entendis le mot démocratie dans sa bouche. Il s'agissait bien de ce qui m'était apparu, ou plutôt que j'avais compris; lors de ma dernière rencontre avec des Sunajin. Alors, une question se posait dans mon esprit de plus en plus étriqué. Le village était il enclin à une guerre civile ? Ou un autre soulèvement d'une même ampleur ?

Enfin, quoi qu'il en fut ma réponse aux explications de la Ketsueki fut la même que celle que j'aurais pu donner lorsque j'étais à Suna.

"Si je comprends bien, tu n'attends que de devenir plus forte pour... Hum... Si tu n'aimes pas la vie de Shinobi, tu n'as qu'à la quitter. Si tu n'aimes pas ton village, tu n'as qu'à en déserter. Bien sûr, chaque action a sa conséquence; mais ne vaut il pas mieux vivre heureux en acceptant les conséquences que malheureux en subissant les affres de la vie ?"

Vivre heureux, malheureux... Les mots étaient un peu forts. D'après moi, et uniquement moi, être un shinobi ne pouvait apporter aucun bonheur et par conséquent ne pouvait pas rendre heureux. C'était ma vision. Je n'avais jamais aimé être une Kunoichi, cela m'avait apporté plus de problèmes qu'autre chose. Mais avec le temps, je devais bien avouer qu'une part de ce métier m'avait plut. Je me demandais d'ailleurs comment avais-je réussi à tirer une quelconque satisfaction des ravages que j'avais pu causer... En fait, peut-être étais-je un cas marginal, comme quelques autres. Enfin, sans importance; tout au moins, cela n'en avait plus.

"Quoi qu'il en soit, je suis assez contente d'être ici plutôt que là-bas. Je n'ai jamais aimé les restrictions, et encore moins qu'on manque à ce point de respect à un compatriote, qu'il soit supérieur ou subordonné."

La Ketsueki pouvait très bien prendre cette phrase pour elle, considérer que je parlais pour les autres ou envisager que j'en pensais autant pour tout le monde, elle y comprit. Effectivement, elle devrait bien se douter que mes propos ne l'épargnaient pas, loin de là. Après tout elle venait de m'avouer qu'elle avait craché au visage du Kazekage. Se serait elle permit la même chose face à moi ? Enfin, face à Habashi Zanshi ?

"Enfin, c'est comme ça, tu n'y peux rien. C'est la vie, comme diraient certains."

Je pouvais ressentir sa rancœur envers certains sans avoir à en comprendre la raison, c'était si explicite. En revanche je n'étais pas tout à fait sûre de suivre tous ses propos, ou plutôt je n'étais pas persuadée qu'elle, la genin rétrogradée aspirante, ait compris tout le sens de mes paroles. A vrai dire, je me demandais si cette rencontre avait vraiment du sens, ou tout au moins cette discussion. Des nouvelles ? J'en avais déjà eu par d'autres intermédiaires. La Ketsueki ne faisait pas partie de mon plan et son caractère ne me semblait y correspondre. Même si les dissidents des différents villages m’intéressaient plus que tous les autres, je ne pouvais pas me permettre de placer ma confiance en n'importe qui, et encore moins une personne instable.

Cependant, comme je n'étais pas encore totalement dénue de "bonté", je n'allais pas clore le débat ici. Peut-être sous cette faible jeune femme se cachait quelque chose de plus... grand. Alors, je repris ses remarques.

"Je n'ai pas dit que vivre caché permettait d'être heureux. En revanche suivre ta voix, et laisser derrière toi ce qui te déplait pour te concentrer sur ce qui t'intéresse pourrait être... mieux. Quant à la hiérarchie... Que tu ne sois pas une Sunajin dans l'âme, que tu n'en portes que le nom; c'est une chose. Mais le respect des aînés et des supérieurs, quoi qu'il en soit, est une clé qui ouvre de nombreuses portes."

Souris-je légèrement. Je n'allais pas lui jeter la pierre non plus, je n'étais moi même plus vraiment une Sunajin, et encore; seulement si je l'avais bien été un jour. D'ailleurs, je trouvais ça assez...

"Mais, au final, tu es une grande hypocrite non ? Tu n'as pas prévu de servir Suna jusqu'à la fin mais continues de suivre les ordres, tu retournes au village après une mission que l'on t'a confiée. Et ce même si tu stagnes à un niveau... faible. Qui t'empêche dès lors de changer de route ? De ne pas rentrer à Suna ? Tu as peur de déserter... et d'être pourchassée ?"

Ajoutais-je froidement. Elle pouvait maintenant arguer qu'elle restait à Suna parce qu'elle avait besoin du village, qu'elle l'utilisait dans son intérêt... Et je ne la croirais pas quand bien même serait-ce vrai. Que l'on soit faible ou fort, influent ou pas, il n'y a qu'une chose qui prime : la volonté. J'aurais pu continuer à diriger Suna, si j'y avais aspiré. Mais non, le but de ma vie, mon destin, n'était pas de diriger les shinobi vers la guerre, ce n'était pas de les mener à la gloire éternelle, ou éphémère. Loin de là. Finalement, j'avais toujours plus ou moins fait ce que j'avais voulu; et tout c'était toujours inscrit dans un dessein plus grand...

"A part devenir plus forte, plus puissante; quel est ton objectif ? Tu voudrais que les Ketsueki deviennent les maîtres de Kaze no Kuni ? Tu voudrais dominer les autres ? Ou répandre la paix ? Rigolais-je. Ou juste éliminer un homme ? Ah... Arrête donc de pleurnicher sur ton sort, et prends ton destin en main; sans quoi... Tu resteras ce que tu es aujourd'hui, à jamais. Repris-je plus sérieusement."

Une chose était certaine, cette jeune ou quoi qu'elle soit d'autre; parlait énormément. Il y avait un tri à faire dans ses paroles entre les simples provocations, les réactions à la cruauté des mes mots et ce qui valait vraiment le coup d'être retenu. Ainsi deux choses ressortaient : les shinobi et le Kage. Si j'avais tous les maux du monde contre ces premiers, lesquels m'avaient conduit ici aujourd'hui; et contre le second... Il était un homme comme les autres, un shinobi comme elle. Je n'avais aucun grief à lui reprocher si ce n'était de ne pas avoir su prendre sa tâche avec suffisamment de sérieux.

Nos points de vue divergeaient donc. Elle voulait "sortir les shinobi de l'enfermement", alors que moi je ne voulais qu'une chose : libérer le monde de leur emprise. Un projet très ambitieux et certainement un peu fou. J'étais moi même une Kunoichi après tout... J'observais la Sunajin un instant et répondis.

"Je vois. Tu sais ce que tu veux, en fin de compte. Hum, je pourrais t'aider à y parvenir si tu veux. Dis-je en souriant."

Je ne savais si je pouvais vraiment faire confiance à cette fille, mais je n'étais pas non plus obligé de lui dévoiler toute la vérité. Non, j'avais une autre idée en fait, quelque chose de plus consensuel, un genre de donnant donnant. Puis, elle pouvait tout aussi bien dire non et passer son chemin, et me dénoncer aussi; cela ne changeait pas grand chose. Je réfléchis un instant et repris.

"Nous avons à peu prés les mêmes objectifs, quoi que je vise certainement plus haut. Mais, pour être sûr... Peux-tu m'expliquer ce que tu entends par "sortir les shinobi de leur enfermement" ? "

En fait, peut-être avions nous exactement les mêmes objectifs mais qu'elle, ne savait pas vraiment les exprimer, puis pour le moment j'étais à ses yeux une Sunajin susceptible de la considérer comme une traitresse...

"Parce que moi, je voudrai... Purifier notre monde...Dis-je avec un grand sérieux."