Il aurait été difficile voire impossible de décrire les sentiments que ressentait l’homme, assis sur un débris de Kiri. Sans rien, il avait réussi à faire un voyage en traversant terres et mers et en somme presque toute la largeur du Yuukan pour finalement n’y voir que déception. Il essayait de relativiser en se disant qu’il avait appris certaines choses durant ce périple. Ce n’était pas faux : il avait rencontré des hommes, des femmes et même des enfants et tous lui avaient apporté des façons différentes d’aborder certaines questions existentielles. Mais à quoi bon ? Eux ne cherchaient pas à savoir qui ils étaient.

Est-ce qu’Alpha avait été idiot de penser que ce serait à Kiri qu’il trouverait des informations sur son passé ? Lorsqu’il y repensait – et ça lui arrivait souvent – il ne pouvait cracher sur l’ordre logique de sa réflexion : il était un amnésique qui semblait pourtant posséder un certain chakra et le village caché de la Brume était le seul qui avait eu une histoire tragique. Des vestiges, c’était tout ce qu’il en restait… Non, il avait eu raison de venir, d’essayer.

A un moment, loin de savoir lequel ni l’heure précise, l’homme se leva et se laissa retomber au sol. Après un profond soupir, il jeta un dernier regard à l’ancienne cité qu’il avait visitée. Bien entendu, il y avait toujours une infime chance qu’il ait un lien avec cette dernière, mais c’était auprès de personnes bien plus compétentes qu’il devrait se tourner. Et il n’était pas sûr d’en avoir la force ou l’envie…

Tellement perdu dans ses pensées pourtant reliées à si peu de choses, le balafré se retrouva dans le mauvais navire, qui alla vers le sud au lieu de retourner vers le nord. La grande île sud de l’archipel… Etait-ce un signe du destin ? Lorsqu’il pensa à ce mot, il se rendit compte qu’il n’en connaissait pas réellement le sens. Cela lui arrivait relativement souvent, son instinct lui remettait des choses sans chercher à lui redonner des raisons.

» Excusez-moi mais…

Il n’y avait plus de navire avant l’aube et vu le soleil qui était en train de se coucher, la soirée n’allait pas tarder. Alpha s’était donc tourné vers la première personne qui lui inspirait confiance et s’en était approchée. Une jeune femme, avec laquelle il allait probablement continuer d’être maladroit. Difficile d’être un homme ayant tout oublié.

» Je dois attendre un navire à l’aube et… je ne sais pas trop quoi faire en attendant. Alors si jamais vous êtes dans un cas semblable peut-être, je dis bien peut-être… que nous pourrions attendre ensemble ?

Chef de clan … mmh Milly chef de clan, ou Milly chef du clan Kaguya, ou encore Chef Milly du clan Kaguya ! Mine de rien ça sonne bien, on y prend vite goût héhé. C’est sans doute pas la meilleure famille si on voudrait se la couler douce, pas du tout même vu que sitôt qu’ils n’ont plus rien à faire ils se tapent dessus, mais bon. Il fallut quelques heures de repos pour me remettre de mon dernier combat, et un bon repas pleins de … de légume et de fruit … Merde alors, pas un seul steak ! Et pour toute excuse, ils n’y avaient plus d’animaux sur l’île et les préposés à la pèche étaient tous tombé malade à force de plonger trop en profondeur.
Heureusement, j’ai pu avoir droit à un navire - de fortune - pour repartir en quête d’alliés. Tsubaki était restée sur place, au moins comme ça elle était en sécurité.

Le soleil commençait à toucher l’horizon au moment où le port de Shu était en vue. Heureusement, je ne suis pas une navigatrice dans l’âme, et même avec le phrase j’aurais été largement capable de ne jamais arriver au bon endroit, ou de faire naufrage, c’est selon. Mais non ! Du coup j’accostai à une place libre, salua la capitainerie parce que bon, on est poli quand même. Et maintenant cherchons de quoi manger de la viande ! Un petit cuistot avait installé sa baraque non loin, avec un petit bar, des tabourets, des lampions rouges et tout le bazar.

« Une … heu … une sudiste s’il vous plait. » Lui commandai-je en regardant le nom des menus sur la carte.

Ce plat-ci se composait d’un steak de bœuf, de spaghetti, de tomates et de quelques herbes aromatiques. Un truc simple quoi. Et puis il est sympa le monsieur, même s’il n’y avait que moi pour le moment, on a pu discuter un petit peu n’importe quoi, comme la météo de ces derniers jours ou encore des prix du poisson qui deviennent plus accessible dernièrement. Que des sujets dont je n’y connais rien, en gros. Jusqu’à ce que le plat arrive et que je commence à tout engloutir. Putain de la viande ! Enfin ! Qu’est-ce que c’est bon !

« Excusez-moi mais … » Fit une voix derrière. « Je dois attendre un navire à l’aube et … je ne sais pas trop quoi faire en attendant. Alors si jamais vous êtes dans un cas semblable peut-être, je dis bien peut-être … que nous pourrions attendre ensemble ? »

Je le regardai, sans répondre dans un premier temps, la bouche pleine et de la sauce tomate largement tout autour des lèvres. Un homme, grand, cheveux longs bruns ou châtain, yeux marrons semble-t-il. Du poil au menton et un air de voyageur égaré. La cicatrice sur son œil gauche qui allait de son arcade sourcilière à sa joue lui donnait une tête de brigand également.
J’avalai ma bouchée en me retournant vers le bar, m’essuyai même s’il restait encore des taches de rouge ici et là, puis fis face à l’inconnu, sans pour autant descendre du tabouret.

« Heu bah si vous voulez, mais je ne restes pas dans le coin moi. Après manger il faut que je me trouve un hôtel. Vous avez déjà manger ? C’est super bon ici et pas bien cher. » Le cuisinier émit un rire pendant qu’il faisait la plonge. « Vous vous appelez comment ? Moi c’est Milly, enchantée. Venez, posez vos fesses là et choisissez. »

Je tapotai de la main le tabouret à côté de moi, avant de reprendre mon assiette.