Le procès de Kakeshuou devait surement être terminé ou en phase terminale à l’heure qu’il était. A vrai dire, Aokiji n’en avait aucune idée, il n’y avait pas assisté. Pourquoi ? Pour des raisons professionnelles avant tout. En effet, le Samui devait préparer sa prise de fonction en tant que Gouverneur de Tori no Kuni, sans compter le lancement de l’opération « Conquête de Mizu no Kuni » qui n’allait pas tarder à débuter. Toutes ces choses retenaient donc le jeune homme à la capitale, et d’ailleurs, il se demandait si sa présence sur les lieux aurait vraiment eu un quelconque impact. De plus, son maître aurait-il vraiment apprécié la présence de son élève ? Il pouvait se montrer si froid et distant. Depuis l’avènement de l’Empire, la relation entre les deux Samui semblaient se désagréger peu à peu. En effet, Aokiji pouvait sentir le fossé qui existait déjà entre lui et son sensei s’élargir de jour en jour. Etait-ce peut-être le signe qu’une émancipation de la part du jeune homme était à envisager ? Il est vrai que l’Empereur avait à de nombreuses reprises su récompenser le blond pour sa loyauté et son dévouement. Pourtant, ce dernier avait construit toute sa réussite en s’appuyant sur celui qu’il considérait comme un modèle. Aujourd’hui, un sentiment d’indépendance envahissait le nouveau Gouverneur, et il avait l’étrange impression qu’il s’agissait en quelque sorte de la volonté de son sensei…

Quoiqu’il en soit, le travail n’était tout ce qui avait retenu Aokiji au Shozaichi. Il y avait également des raisons un peu plus personnelles. En effet, avec tous les évènements récents, il y avait une personne qui s’était faite très discrète. Setsuna. Cette dernière ne se sentait pas très depuis plusieurs semaines déjà et malgré les recommandations du Samui, cette entêtée ne souhaitait pas consulter un médecin. Il vrai que le blond aimait les femmes fortes et indépendantes, mais il commençait vraiment à s’inquiéter. Un jour, la jeune femme finit par faire un malaise et fut transportée, consentante ou non, à l’hôpital. Aokiji fut appelé à son chevet et une nouvelle aussi déroutante que surprenante leur fut annoncée. Tous deux étaient si jeunes, l’un comme l’autre n’étaient pas prêt à une telle révélation. Pourtant, un sentiment de bonheur s’installait peu à peu, un bonheur qu’ils gardaient secret pour le moment. Après une longue discussion, tous deux se mirent d’accord sur la première personne à informer. Etant donné qu’aucun d’entre eux n’avait de la famille proche, ils choisirent une personne qui s’en rapprochait le plus, Yuki.

La nouvelle chef de clan Samui et Seigneur de Yuki no Kuni, se trouvait désormais dans les contrées enneigées, surement dans un Palais démesurément immense. Le couple fit donc le voyage jusqu’au Pays de la Neige pour annoncer cette nouvelle à Yuki en face à face. De plus, après le Conseil clanique et le procès de Kakeshuou, ils voulaient également prendre des nouvelles de la jeune femme. La pauvre se retrouvait avec beaucoup à gérer, et ce dans un laps de temps très court. Après un premier arrêt au Palais, on informa le binôme que la jeune Samui n’était pas présente, qu’elle se trouvait actuellement dans les appartements réservés au chef de clan. Une fois sur place, Aokiji frappa une première fois, aucune réponse. Il insista donc, jusqu’à ce qu’une Yuki aux yeux rouges et enflés leur ouvre la porte. A peine eurent-ils le temps d’échanger un regard, que la princesse des neiges s’effondra en sanglots.

« Yuki-chan ? Que se passe-t-il ?! »
« Yuki-senseï ! Emmenons-la à l’intérieur Aokiji. »

Aokiji la releva donc, un bras soutenant les jambes de sa cousine, l’autre soutenant son dos, il l’a porta jusqu’au canapé dans le salon. Setsuna quant à elle s’empressa d’aller chercher de quoi éponger les sanglots de sa maîtresse. Alors que la noiraude tamponnait délicatement le visage rosé par la larme de Yuki, le Samui regardait sa cousine d’un regard inquiet.

« Yuki-chan, c’est la première fois que je te vois dans un tel état. Explique-nous ce qu’il se passe. Est-ce à cause de Kakeshuou-sama ? Quelque chose est arrivée pendant le procès ? »

Aokiji avait toujours vu Yuki comme une jeune femme forte et caractérielle. La voir aussi diminuée et affectée était très perturbant pour le jeune homme.

La jeune femme reprenait peu à peu son calme, mais celui-ci fut de courte durée. Plongeant son regard dans celui de Setsuna, puis dans celui de son cousin, Yuki fut prise à nouveau d’une autre crise de sanglot. La tête engouffrée dans un coussin, la jeune femme libérait sa peine et son embarras. S’excusant de son état entre deux respirations entrecoupées, la Samui finit enfin par se reprendre en main, le temps de répondre à Aokiji. Apparemment, sa tristesse n’était pas du fait d’un seul évènement, mais plutôt de l’accumulation de diverses péripéties. Kibo, Kakeshuou, sa famille. Le blond ne comprenait pas exactement ce qui était arrivé à sa cousine, mais une chose était sûre, malgré son fort caractère, elle restait encore très jeune. Et tout ce qui semblait lui tomber dessus en ce moment était de toute évidence trop lourd pour ses épaules. Même dans le flou, Aokiji tentait tout de même de la réconforter.

« Il ne faut pas laisser toutes ses mauvaises nouvelles prendre le dessus sur toi Yuki. Tu es une adulte avec de grande responsabilité désormais, tu dois… »

Mais les paroles d’Aokiji ne semblaient avoir aucun effet. Yuki se renfermait sur elle-même, faisant abstraction des mots de son cousin. Elle se tourna ensuite vers Setsuna, continuant d’exposer son désarroi. Elle mentionna sa famille, son mariage qui n’était plus d’actualité apparemment, et Yusuke ? Aokiji n’était pas certain de la personne à qui elle faisait allusion. Parlait-elle de Katano Yusuke, le nukenin ? Le Samui n’eut pas le temps de se pencher sur la question, car sa cousine s’était à nouveau tourner vers lui. Elle accusait leur famille d’être pourrie, de mauvaise foi et le jeune homme ne pouvait la contredire. Lui aussi avait fait les frais de cet aspect du clan lors de son enfance. Mais il ne voulait pas enfoncer Yuki davantage dans sa tristesse.

« Ne te laisse pas submerger par la colère. Mettons les choses à plat, et expliques nous lentement tout ce qu’il se passe. »
« Aokiji a raison. Tout d’abord explique-nous ce qui s’est passé entre toi et Kibô. Vous avez rompu vos fiançailles ? »
« Et ce Yusuke, que représentait-il pour toi ? Tu peux tout nous dire Yuki…. »

Aokiji esquissa un large sourire pour mettre sa cousine en confiance. En espérant que celle-ci allait se montrer coopérative.

Après de nombreuses hésitations, Yuki finit enfin par s’ouvrir à Setsuna et Aokiji. La tête baissée, elle n’osait pas regarder ses deux amis en face. Elle était de toute évidence extrêmement gênée et le jeune homme pouvait parfaitement le comprendre. Ils l’avaient trouvé dans un piteux état et se montrer aussi vulnérable face à autrui n’est jamais très agréable. Mais la jeune femme trouva le courage de passer outre cela et dévoiler la nature de sa relation avec ce fameux Yusuke.

Comme Aokiji le soupçonnait, il s’agissait bien de Katano Yusuke, épéiste de Kiri, un jeune homme qu’il avait eu l’occasion de rencontrer une seule et unique fois lors de l’expédition à Mizu no Kuni. Malgré l’atmosphère hostile qui régnait lors de cette rencontre, cette dernière se clôtura sans aucune altercation. Enfin bref. Pour en revenir à la relation de ce Nukenin et la Samui, elle était d’une nature bien différente de ce qu’avait pu imaginer le jeune homme. Yusuke fut le premier amour de Yuki. Quelle surprenante nouvelle. A en croire la tonalité dans sa voix, l’épéiste avait beaucoup compté pour elle. Mais il finit par la trahir lors de sa désertion. Apparemment, malgré les diverses tentatives de la jeune femme, Yusuke ne semblait pas pouvoir, ou vouloir, s’éloigner des ténèbres dans lesquels il s’était engouffré.

Aokiji et Setsuna pouvaient percevoir la peine de leur amie à chacun des mots qu’elle prononçait. Plus elle avançait donc son récit, plus ils se rendaient compte qu’il serait difficile pour eux de lui annoncer la raison de leur venue au Pays de la Neige. Après un rapide regard échangé avec son conjoint, la noiraude se retourna vers son senseï.

« Yuki-senseï, je sais que je n’ai pas spécialement beaucoup d’expérience dans les relations de cœur, mais je sais ce que c’est de perdre un être cher. Cette peine ne s’évaporera pas du jour au lendemain. D’ailleurs elle ne s’en ira surement jamais. C’est pour cela que la meilleure chose à faire est de se tourner vers l’avenir sans regarder en arrière… La seule personne à blâmer pour la chute de Yusuke dans les ténèbres est lui-même. »

Un silence s’installa alors. Il y avait peu de chance que ces paroles finissent par balayer tout le chagrin de la princesse des neiges, mais que leur restait-il ? Pas grand-chose…

« Mais tu avais réussi à tourner la page, non ? Je veux dire, tu as rencontré Kibô, vous vous êtes même fiancés. J’ai eu l’occasion de le rencontrer lors d’un de ses visites au Shozaichi et il m’a paru d’être quelqu’un de bien, le type sur qui on peut compter… Que vous êtes-t-il arrivés ?... »

Aokiji savait pertinemment que soulever ce sujet allait lui aussi causer de la peine à Yuki, mais ils devaient crever l’abcès. Une fois qu’elle aurait vidé son sac, elle se sentira beaucoup mieux.