Oge Gin se complaisait dans son petit confort princier. Elle se réveillait aux premières aurores – soit tardivement si l’on se referait au levée tardif du soleil sur les sols de Yuki no Kuni -, mangeait à sa faim, faisait quelques études pour satisfaire son entourage qui la voulait un tantinet savante – et surtout experte dans l’art de plaire un homme ou d’être une parfaite épouse – et terminait sa journée à s’entraîner rudement au piano principalement et seulement après au violon. Voilà des instruments extrêmement classiques mais pourtant « rare » dans les froides contrées de ce pays.

Ainsi, durant une de ses journées lambda où elle s’étalait dans un confort sans nom et où la vie s’écoulait tel un long fleuve tranquille, sa vie connue un tournant inattendu. A fouiller dans la bibliothèque du Palais du Daimio à la recherche d’un livre bien précis, la tête toujours dans les nuages, elle mit malencontreusement la main sur le haut d’une étagère poussiéreuse non fréquentée depuis bien des années. Dans un premier temps, elle retira sa petite main, dégoutée par temps de poussière. Cependant, elle reporta à nouveau sa main, consciente d’avoir senti autre chose que du vieux bois poussiéreux.

Elle mit la main sur un morceau de parchemin extrêmement aplati et vieux de plusieurs années. Elle le déplia avec précaution et découvrit la une carte étrange. Cela ressemblait fortement à une de ses cartes de pirate … quant à l’objet entouré, c’était une torche à la forme des plus étranges. Haussant les épaules, elle descendit son petit escabeau sur lequel elle était montée, et marcha jusqu’à la sortie même, le nez rosé plongé dans l’étude de la carte.

Regardant à peine où elle marchait, elle ne vit clairement pas le jeune homme en face d’elle. Malheureusement, elle ne se contentait de le cogner. Il était un tantinet plus en contrebas qu’elle – assit ou recourbé pour chercher quelque chose – et elle trébucha sur lui. Elle ne tomba pas sur lui et ne se retrouvait pas nez à nez avec, comme dans ces films à l’eau de rose faisant fondre plus d’un cœur marshmallow, mais tout simplement et bêtement, tel est la triste vie, sur la neige, visage en premier et fesse bien derrière.

Lorsqu’elle se relève, c’est avec le visage plein de neige, complètement rosi par ce froid soudain mais également par la honte. Elle s’inclina aussitôt.

- Excusez-moi ! Je ne vous avais pas vu ! Vous ai-je fait du mal ? demanda-t-elle avec une sincère inquiétude. Perdue dans sa contemplation du petit homme aux cheveux blancs, cherchant à voir si elle l’avait fait mal ou non, elle oublia royalement la carte pirate tombée au sol même, se recouvrant petit à petit de neige, étant toujours un peu plus humide.

Elle ne s’en souvint que plus tard, se retournant pour ramasser la carte et la tapoter pour enlever l’excédent de neige. Un « ouf » s’échappa de ses lèvres lorsqu’elle vit que les écritures étaient encore plus ou moins visibles.

- J’étudiais cette carte et euh … Je ne vous ai pas vu.

Etudier était un grand mot. Elle avait étudié la géographie de Yuki no Kuni … mais n’était guère une experte. Elle avait très, très souvent la tête en l’air. Cependant, voilà un trait de caractère qui allait changer bien vite au vue des futurs éléments qui se préparaient au sein de la Capitale même de l’Alliance des Pays Neutres.

- Oh … vous êtes un ninja de l’Alliance, conclut-elle en voyant le bandeau. Aussitôt, un petit peur l’a saisi. Les Shinobis et leur effrayant don qu’ils nommaient « Chakra » l’effrayaient.

Spoiler:

- On … a l’habitude avec le verglas. A force, finit par dire la petite Gin en rougissant un tantinet devant le langage bien trop familier de ce garçon inconnu.

En effet, jusqu’ à maintenant, on ne cessait de l’interpeller par du vouvoiement ou encore par des formules de politesses extrêmement pompeux. Même l’enfant de cinq ans lui parlait dans ces termes, du moins pour les habitants de Yuki no Kuni. Il semblerait que le garçon aux cheveux aussi étranges que les siens n’était pas du « coin ». C’était une nouvelle figure de contrées lointaines qu’elle ne visitait que de temps en temps, lorsque ses frères ou ses parents avaient à rencontrer quelques hauts dignitaires.

- J’espère que vous vous plaisez à Yuki no Kuni … Hiko, dit-elle, encore peu habituée à s’adresser à un pur inconnu dont elle ne connaissait que le prénom. Et elle se souvint qu’elle ne s’était guère présentée. Je suis Oge Gin, petite-fille du Daimio de ce petit pays. Enchanté de vous rencontrer Hiko.

Petit était presque un mot « hypocrite » - ou était de la modestie ? – car Yuki no Kuni n’en restait pas un grand étendu de désert glacé où le puissant clan Samui vivait. A leur façon, ils avaient apporté un grand support militaire à l’Alliance. Un support qui allait se retourner contre eux malheureusement… Mais ils le ne sauront que plus tard, à leur détriment.

Elle ouvrit grand les yeux lorsqu’il disait être un Shinobi. Certes, elle l’avait vu … mais il était difficile d’accepter l’idée qu’un enfant de son âge – voire plus jeune – était un militaire au service de l’Alliance. Enfin aussi fort soit-il, il n’en restait pas moins un être effrayant aux yeux de Gin. Un Shinobi maîtrisait un « Chakra », soit une puissance mystérieuse effrayante qui pourrait tuer tout innocent juste à leur bon vouloir.

Elle aurait voulu s’en éloigner, par instinct, mais fut retenue par les dernières paroles du garçon. Il avait la carte en main de la jeune fille et s’y intéressait déjà. Elle ne pouvait plus le cacher – c’était inutile face à un ninja aux mille et une astuces !- et tendit à contre cœur, les mains un tantinet tremblantes vers le garçon.

- Oui. Je pense. Je l’ai trouvé … par hasard. Je pense … Je pense qu’on devrait le donner à des autorités … compétentes ou … Ces gens spécialisés dans l’histoire. Nous n’avons rien à faire avec, n’est-ce pas ? demanda-t-elle, incertaine. Je veux dire … si c’est une carte de trésors, il doit y avoir plein de pièges. Et … euh … de monstres peut-être ?

Le mot pouvait paraître ridicule mais pourtant, dans le mystérieux monde ninja, rien n’était impossible. Quelques sceaux anciens pouvaient se dissimuler et se réactiver à tout instant, les invocations n’étaient pas tous liés et vivaient librement sur le Yuukan et les Civiles étaient tout aussi aptes à mettre en place d’habiles et dangereux pièges pour garder un ou deux secrets.

- Et puis, peut-être que c’est une fausse carte hein ?

Quelque chose la dérangeait dans ces yeux brillants du garçon.

- Non, non, pas de simples bonhommes de neige … Je …

Et l’enfant aux cheveux aussi argentés, voire davantage plus blancs que les siens, commençait à marcher, ne laissant guère le temps à l’Argentée de terminer sa phrase. Sans le vouloir, sans pouvoir le contenir, un petit rire amusé s’échapper devant la marche « drôle » de « pingouin » d’Hiko sur le verglas, qui se transforma bien vite en un fou rire lorsqu’il tomba encore sur son fessier.

Cependant, elle se rappela vite de son rang, de sa relation avec cet étranger, du titre de Shinobi de ce dernier ou encore de l’embarras d’une telle situation et se tut aussitôt. Elle vira au rouge, tantôt de honte d’avoir manqué ainsi de manière, tantôt de peur à l’idée de subir des représailles d’un Shinobi entraîné.

Silencieuse, elle prit les devants, obéissant à la demande implicite du garçon. Cependant, elle s’arrêta, voyant qu’il semblait avoir autant de difficulté à marcher. Il suffisait qu’elle lance un regard critique à ses chaussures pour en comprendre la raison. De sa main, elle montra son pied qu’elle releva afin de découvrir une chaussure à l’allure particulière : les semelles étaient plus épaisses, et quadrillés, avec quelques pointures fines par ci et par là.

- Nous portons ces chaussures à cette époque de l’année. Cela nous permet d’accrocher un peu à la glace et ainsi, de ne pas glisser. Je veux dire… Je peux marcher … mais vous … vous devriez patiner, et pas marcher. Enfin … si cela ne vous gêne pas.

Elle espérait qu’il n’exigerait pas un échange de chaussure. On racontait que les Shinobis pouvaient être très capricieux.

« Mais ils sont au service des Pays Neutres. Ils sont là pour nous aider et nous protéger, c’est cela, notre accord d’Alliance n’est-ce pas ? Il n’y a rien à craindre … N’est-ce pas ? » se demanda-t-elle, tentant de se rassurer à l’égard de ce garçon qui semblait être la gentillesse incarnée. Petit à petit, inconsciemment, Hiko gagnait la confiance de Gin.

- Je reconnais la région de la première étape, indiqua-t-elle. Il n’y a pas de verglas dans cette zone.

Elle allait finalement l’accompagner pour trois raisons. D’une, elle était curieuse elle-même de ce prétendu trésor. De deux, elle avait affaire à un Shinobi et donc il pourrait « voler » cette carte pour mener lui-même cette expédition or elle ne voulait pas le laisser s’approprier d’un trésor de Yuki no Kuni. De trois, c’était le Trésor de Yuki no Kuni et de personne d’autre. En tant que petite fille de Daimio, elle le réclamerait s’il opposait une résistance.

« Et s’il me tuait ? » se demanda-t-elle soudainement, virant au blanc. « Non non, ils sont là pour nous protéger. Pour nous protéger ! ».

Gin et les Shinobis, c’était toute une histoire !

Elle le mena donc à la première étape de cette carte, soit le lac Rakshastal partiellement gelé tout au long de l’année. Tout au fond, une petite maisonnée était visible, vieille bâtisse qui n’intéressait personne si ce n’est les enfants pour son mystère ou les jeunes pour les bêtises possibles et imaginables à faire là. Sans tarder, ils s’en approchèrent et lurent une inscription.

- Je crois que … la cabane a toujours été là, dit-elle. C'était La demeure d’un pêcheur avant qu’il ne se noie dans le lac pour de mystérieuses raisons. On dit que ... l'inscription ne vaut rien, juste une folie de sa part. D'autres disent que c'est un message, annonça-t-elle, parfaitement au courant de chaque mètre carré de son pays.

Les deux pouvaient lire l’inscription mais pouvaient-ils la comprendre. Gin ne pouvait qu’hausser les épaules, en signe d’impuissance devant ce mystère.

- Mais cela date ... Même grand mère n'a jamais rencontré ce pêcheur. Tu crois qu'il a existé, et qu'il l'a vraiment marqué? Que Notos, c’est le lac ? demanda-t-elle sérieusement, en lançant un regard même à l’étendue glacée et sombre, n’inspirant guère la confiance. Je veux dire ... Je marche en direction de Notos, le Lac, pour trouver mon chemin, soit ... La mort ?

S'exprimer ... une véritable galère pour la demoiselle. Et plus elle parlait, plus elle s'en rendait compte, et plus elle s'embourbait dans les balbutiements ou théories sans queue ni tête. A terme, elle optait toujours pour le silence. Et c'est ce qu'elle fit. Elle se tut, attendant que le garçon fasse ses propres hypothèses et recherches.

Gin ne pouvait s’empêcher de regarder l’enfant avec de grands yeux ronds, étonnée devant tant d’insouciance et de « positivisme ». Effectivement, ceux qui se donnaient la mort étaient des cinglés, des êtres ayant perdus toute foi de vivre, ayant abandonné tout espoir en la vie. Cependant, cette perspective – ou idée – ne semblait pas effleurer l’esprit du garçon.

- Je … crois qu’il était un peu fou, finit-elle par dire d’une petite voix, continuant à observer le drôle de manège d’Hiko.

Toujours près de la cabane, la petite demoiselle de Yuki no Kuni fixait le petit Hiko s’approcher près du lac. Déjà il dirigea un pied pour le poser sur la couche de glace qui semblait bien fine. Déjà sa bouche s’ouvrit pour l’avertir comme sa main se leva dans un grand geste pour attirer son attention … Il allait tomber droit dans l’eau !

« Quoi ? » se demanda-t-elle, surprise de voir le garçon … tenir sur cette glace. Elle attendit encore quelques minutes, se demandant si la glace allait lâcher ou non mais non. Elle semblait supporter le poids du garçon comme son agitation. Suspicieuse, elle s’approcha lentement, tâta de sa main gantée la glace.

- C’est étrange. La couche est toute fine … mais elle vous supporte. Mais on ne peut pas aller au milieu du lac. Il n’est pas gelé … Il faut prendre une barque plutôt.

Cette explication semblait surprendre le jeune homme. Ce n’est que face à cet air un tantinet « ahuri » ou étonné que la petite Gin se rappela d’un point important : il était Shinobi, et elle non. Il pouvait se permettre de marcher sur l’eau et aller secourir quelques noyés ou inconscients ou encore détruire des zones entières grâce à une mystérieuse maîtrise d’une force invisible et propre à eux, mais pas elle. Elle n’était qu’une civile dont le seul talent était la musique et les manières.

- Je … ne sais pas marcher sur l’eau. Je ne suis pas une … Shinobi, comme vous, finit-elle par dire. Et puis … L’eau est vraiment froide. Vous pouvez y mourir en quelques minutes … L’eau est trop froide, votre corps s’engourdit, votre cœur ralentit et vous mourrez.

Dû à la fascination de la petite demoiselle pour la légende sur les Sirènes, sa famille n’avait cessé de garder un œil sur la dernière de la famille dès qu’elle approchait d’un point d’eau ou encore de la mettre en garde en lui expliquant en détail ce qui risquait de lui arriver si elle se penchait de trop sur l’eau, et qu’elle y tombait par accident. Malgré toute l’attention, un jour, elle était tombée. Et tout ce qu’elle avait dit s’était déroulée pour elle … Pour sa part, elle avait été secourue pile au moment où le cœur commençait à montrer des signes de faiblesse.

Depuis, elle prenait garde à l’eau … tout en s’approchant de temps en temps dans le secret espoir de découvrir l’une de ces créatures magiques.

- Regardez, dit-elle en enlevant son gant et en posant une main sur la glace. Elle fit pression … encore et encore jusqu’à ce que le bloc cède soudainement, s’emparant du bras de la demoiselle.

Elle extirpa bien vite cette main noyée, remettant ses gants aussitôt, et s’essuyant le visage des éclaboussures causées.

- Peut-être que le trésor est dans la cabane ! Les Pirates étaient des gens comme moi peut-être et donc, ils l’auraient caché là où ils ne risquaient pas de mourir ?

Elle ne voulait pas mettre un seul pied dans ce lac … du moins pas sans barque.

Il semblerait que l’enfant tienne à voir le centre du Lac. Elle aurait bien voulu lui dire que c’était fort inutile, que l’eau était bien trop sombre pour voir à plus de quelques centimètres de profondeur – en sachant que le fond était à quelques bons mètres – mais se retint. Il semblerait que son avis ne soit pris en compte qu’en deuxième option. C’était, souvent, le lot des Civils. Les Shinobis savaient toujours mieux grâce à leurs superpouvoirs mystérieux.

Un tantinet agacée – mais incapable de l’exprimer, s’enfermant dans un silence profond – elle fit demi-tour pour se diriger tout droit vers la cabane. Elle tenta d’ouvrir la porte mais, malheureusement, cette dernière semblait bloquée. Etait-ce de la rouille ? Ou alors un cadenas ailleurs qu’elle ne verrait pas ? Ou tout simplement de l’incompétence de sa part ?

Soudain, Hiko hurla. Un regard vers le lac … et elle eut l’impression de voir une scène épique digne d’un roman. L’enfant qui courait pour sauver sa vie, la glace qui ne cessait de se briser à chaque pas, s’enfonçant dans un grand jet d’eau glacé pour aussitôt ressurgir violemment et sauvagement. Gin courut à la berge pour s’assurer que l’enfant n’avait rien de mal … et attendit qu’il reprenne son souffle pour lui demander ce qu’il s’était passé.

Elle écoutait. Et soupirait.

- Ce n’est pas au centre du lac. C’est ridicule car tout le trésor sera congelé alors, dit-elle. Regarde, la cabane est ici sur la carte et … L’étape suivante semble vers … euh …

Le souci avec la carte, pour être exacte, était que le Nord et le Sud étaient mal indiqués. Pire, en raison de ses années, certains lui ne revenaient pas du tout à l’esprit de Gin.

- Il faut comprendre cet indice peut-être. Allons demander à quelqu’un ! proposa-t-elle. Il y a une petite auberge non loin de là, on peut demander à l’aubergiste qui est Notos ! ET où il se trouve ou habite s’il est vivant ou s’il a vécu, proposa-t-elle.

Certes, elle pouvait tenter de calquer la carte actuelle à la vielle - ou inversement – malheureusement elle avait trop « peur » de se perdre en faisant cela.

- Et il nous faut bien plus qu’une carte ! Des boussoles, un moyen de grimper une montagne … Enfin pour « moi » uniquement, et aussi un peu vivre. Je commence à avoir faim.

Douce enfance.
Sans tarder, elle le dirigea tout droit vers une Auberge. L’Aubergiste reconnut immédiatement la petite Argentée, et écouta attentivement les questions et demandes de la petite.

- Notos, c’est un dangereux monstre Gin, avec des ailes sombres et ruisselantes d’eaux glacées, un visage presque noir où tu te perds si jamais tu le regardes, et une barbe et chevelure encore plus dégoulinantes que ses ailes visqueuses ! Aussitôt après, il reçut une terrible tape de sa femme.
- N’écoutes pas ces sornettes ma petite Gin. Ce n’est que notre vent du Sud. Pourquoi t’intéresses-tu donc à cela ?
- Je l’ai vu sur la cabane, près du lac. Dîtes après le repas, je veux escalader des collines de neiges ... Mais je glisse un peu. Puis-Je peux avoir des piques et des cordes ?

Le couple acquiesça, haussa les épaules et donna ce dont la petite avait besoin, amusés de voir ce petit couple expéditif. Ils offrirent nourriture et hébergement -dernière proposition que l'Argentée repoussa très poliment, prétextant qu'elle allait rentrer. La petite Gin, durant le repas, lança un regard interrogateur à Hiko.

- On va continuer ? Parce que … Tu sais … peut-être que Notos est vraiment un monstre.

Elle avait la quinzaine oui … mais elle vivait constamment dans le monde des rêves. Si un homme pouvait marcher sur l’eau ou encore ériger de la glace à partir de rien, pourquoi n’existerait-il pas de monstres ?

- ON DEVRAIT RENTRER ! Hurla Gin pour se faire entendre en travers de cette tempête toujours plus violente. ON EST PERDU PEUT-ETRE ! C’EST DANGEREUX !

On pouvait glisser, on pouvait tomber sur une crevasse, on pouvait se briser le cou, on pouvait se perdre et mourir congeler. … tant de « on pouvait » effrayant qui compliquait encore plus l’ascension. En effet si la motivation n’était pas présente, qu’est-ce qui pouvait l’obliger à braver mont et montage, et surtout une tempête de neige ? Un Shinobi peut-être bien. Elle ne savait pas pourquoi mais elle se refusait qu’un parfait étranger mette la main sur un trésor de Yuki no Kuni, et ce petit refus personnel, fut la seule et unique motivation l’aidant à avancer.

Avancer … en ne cessant de proposer des demi-tours.

Soudainement … Elle s’arrêta, livide devant le spectacle qui s’offrait à eux. Un homme était enchaîné à une croix avec des chaînes. Il était presque bleu dû au froid, et semblait être mort. La petite Gin ne fit que se cacher derrière Hiko, laissant au « Grand » Shinobi le soin de gérer cette situation. Lorsque celui qu’elle pensait mort parla, prononçant les mots comme « enfer », elle émit un hurlement extrêmement aigu et des plus stridents.

Et elle courut sans savoir vers où elle se dirigeait, ne cessant de pleurer ou de répéter inlassablement la même phrase : Je veux rentrer à la maison. Stupidement, la petite prenait la direction même que le Mort lui avait indiquée … et lorsqu’elle s’en rendit compte, elle ne bougeait plus et restait interdite.

- Les « Enfers » sont au Pays du Neige ? susurra-t-elle pour elle et Hiko, dans un souffle mêlant tantôt la surprise, tantôt la peur. Tu crois … Qu’il faut rentrer ? Tu crois qu’on finira aux Enfers ? Peut-être …

Elle se tut, prit son inspiration et finit par murmurer quelque chose à l’oreille du garçon aux cheveux argentés.

- Emmener le mort là-dedans ? Il semble connaître l’endroit, il dit qu’il doit y aller … et puis il sera comme notre sacrifice pour survivre. Au cas où. Certaines religions … le font.

Elle demanda tout en lançant un regard interrogatoire à Hiko.

- Les légendes de Sirènes par exemple … On raconte qu’on sacrifiait des gens pour que leur fille soit jolie, à la naissance, et talentueuse !

Evidemment, tout n’était que légende mais lorsque « un mort parlait », peut-être que la légende n’était pas une telle légende. Tremblante, froide, elle se collait encore au bras d’Hiko, le laissant décider. Elle avait peur et était à deux doigts de ne plus retenir la vessie-même.

- J’ai très peur … dit-elle d’une toute, toute petite voix.

- Moi ?! Le porter ? s’exclama-t-elle à haute voix d’une voix aigüe, étouffée par ce vent toujours de plus en plus persistant et puissant. Absolument pas ! répondit-elle du tac-au-tac, sérieusement.
 
D’une part, Gin n’était qu’une civile à la faible constitution qui n’avait reçu aucune éducation militaire. D'autre part, le seul effort physique de la demoiselle – de toute son existence – avait été de composer des airs et mélodies sur divers instruments, en s’y entraînant jour et nuit. Ainsi donc, il était impossible qu’elle touche à un corps maudit, et encore moins qu’elle le transporte vers une destination inconnue. Elle n’en avait ni la force, ni l’envie.
 
Il semblerait que le petit garçon n’ait guère envie de jouer le transporteur. Une attitude qui faisait honte à la profession de Shinobi pour la demoiselle. En effet, ces personnes n’étaient-elles censées soulever monts et montagnes par la seule force de leur volonté ? Peut-être qu’était-ce le cas à terme de leur parcours militaire, et qu’au début, à l’image d’Hiko, ce n’était que des oisillons sans plume.
 
Ils se remirent donc en chemin, en abandonnant le cadavre morbide parlant derrière eux. Cependant, elle se demandait s’il n’aurait pas fallu l’enterrer quelqu’un, pour qu’il trouve éventuellement le repos. Aussitôt y avait-elle pensé, qu’elle abandonné l’idée. En effet, « s’il continuait à vivre », alors elle enterrerait quelqu’un de « vivant » ? Etait-ce un crime d’enterrer un mort-vivant ? Etait-ce tout aussi juste d’abandonner une telle immondice sur un pic, ou sur une croix – déjà ses souvenirs se faisaient flous ? Tant de questions qu’elle oublia bien vite au fur et à mesure qu’elle marchait.
 
Elle avait trop marché. Elle était épuisée et transpirante sous ses épais manteaux, pantalons, pulls et gants. Un était dont le petit garçon semblait être conscient, car il l’avait pris par les épaules pour lui faire une proposition des plus alléchantes : la laisser rentrer, car tout ceci devenait dangereux.
 
- Non, non ! C’est aussi dangereux pour toi, mentit-elle à moitié. Oui, c’était dangereux pour lui mais en bon Shinobi, il s’en sortirait n’est-ce pas ? Enfin, elle pensait encore et toujours au trésor appartenant à « Yuki no Kuni » et à personne d’autre !
 
Elle repoussa donc gentiment le garçon pour continuer cette fameuse route. Elle espérait tout de même trouver bientôt un abri – cabane ou grotte, qu’importe – où ils pourraient se reposer assez rapidement. Au bout d’une autre dizaine de minutes, elle s’arrêta pour faire face au garçon aux cheveux blancs.
 
- Tu penses qu’on est encore loin du trésor ? demanda-t-elle sincèrement. On risque de venir à ma recherche, bientôt. Peut-être devrions-nous attendre quelques autres Shinobis, qu’en penses-tu ?
 
Elle priait intérieurement qu’il dise oui. Oui, afin que de vrais soldats prennent la suite de cette aventure. Oui, afin qu’eux deux puissent rentrer chacun chez soi au chaud. Oui, afin que cette torture prenne fin.
 
- Personne ne s’inquièterait pour toi, chez toi ? demanda-t-elle encore, se demandant sincèrement s’il avait des parents. En effet, qui voudrait traîner sa progéniture à la mort ? Une phrase que plus d’un Civil disait et répétait autour.
 
Ce qu’elle ne savait pas, c’était que ces gens disaient cela par jalousie, un « peu » déçu que leur enfant n’ait pas ce grand « pouvoir ».