Une journée comme une autre à Suna, mon agenda se vidait peu à peu; je pouvais enfin entrevoir la fin de la journée bien qu'au final mon travail au sein du village n'avait pas vraiment de fin. Je passais mes journées à travailler sur des dossiers, des projets et mes nuits à penser au lendemain et à l'avenir, bien sûr; je dormais quand même entre temps. Je repliais donc le dernier dossier de la journée quand le Sunajin qui faisait office de secrétaire frappa à la porte et fit dépasser sa tête.

"Kazekage-sama, vous aviez un rendez-vous de prévu ?"
"Non, je ne crois pas."
"Vous deviez rencontrer quelqu'un ce matin, l'avez vous..."
"Ce matin ?"

Je réfléchis un instant me demandant avec qui j'aurais dû avoir un rendez-vous, le matin même. J'avais beau tenter de m'en souvenir, ça ne revenait pas. Ça devait être sans importance. Je soupirai...

"Tu rédigeras une lettre pour cette personne, et tu lui accordes un entretien pour demain matin alors..."
"Et bien... Cette personne est ici."
"Ah... Hum.. Qui est ce ?"
"Howaito, madame."

Cela me revint subitement. Howaito, celui que j'avais rencontré la veille. J'avais donc éclipsé notre entretien du matin... Il fallait dire que j'étais plutôt occupée cette matinée, enfin, cela n'excusait rien. Je me frottai le crâne et repris.

"Bien, j'ai encore le temps... Fais le donc entrer."

La tête du Sunajin disparut à nouveau derrière l'épaisse porte en bois, et quelques secondes ensuite elle se rouvrit pour laisser entre l'étranger que j'avais plus ou moins accueilli la veille. Sa compagne de voyage n'était pas avec lui, je m'attendais pourtant à les voir tous les deux... Bien, qu'à cela ne tienne. La même et éternelle question se reposa : que pouvait il avoir de si important à me dire pour me demander un entretien à peine arrivé aux portes du village.

"Bonjour Howaito, comment allez-vous ? Daini n'est pas avec vous ?"

Souriais-je.

Il avait ravalé sa salive, signe d’une tension qu’il ressentait actuellement. Ce n’était pas arrivé depuis longtemps, trop longtemps à vrai dire. Etait-ce parce qu’il savait que dans les acteurs de ce qui allait arriver, il y avait l’Homme Masqué – un homme sur long terme plus intelligent que lui – mais aussi la Kazekage qu’il avait du mal à jauger. Ce n’était pas tout, des centaines voire des milliers de vies étaient en jeu. Quelle était la décision à prendre ? Il avait fait son choix depuis longtemps à vrai dire, mais il n’arrivait pas à se retirer cette question de l’esprit. Faisait-il le bon choix ?

« Non, j’ai pensé que le mieux serait que nous ne parlions qu’en privé. A vrai dire, j’ai causé plus d’agitation ici que prévu, n’est-ce pas ? »

Il repensa forcément à son entrevue avec la jeune Ketsueki. Elle faisait assurément partie des services spéciaux de Suna. Mais même si ça n’avait pas été le cas, elle avait forcément parlé de sa discussion avec quelqu’un. Est-ce que Habashi Zanshi était au courant de ce qui s’était passé hier soir ? Etait-elle au courant que sur un bout de papier Howaito avait dit qu’il était Kyoshi Rei ? L’homme soupira une fois assis.

« Je ne suis pas Kyoshi Rei, vous devez vous en douter. Mais c’était le meilleur moyen que j’ai trouvé pour que ma surveillance soit… accrue. Il fallait que vos hommes soient formels sur le fait que je n’ai rien fait d’étrange hormis parler à Ketsueki Yami et rendre visite à Kawaguchi Tsukiko. »

Se redressant sur le dossier de sa chaise, il remit sa coiffure en place, mèche derrière l’oreille. C’était un sujet trop délicat pour ne rien laisser transparaître.

« Je connais l’Homme Masqué. Et je sais qu’il prépare un attentat sur Suna. Je suis venu vous prévenir de ce fait, mais ce n’est pas tout… »

Ses doigts se rejoignirent et s’embrassèrent. L’embarras avait laissé place à une voix faible, pour être sûr que personne n’allait l’entendre, excepté son interlocutrice.

« Il y a une taupe parmi les membres haut-placés de votre village, une taupe qui aidera Kyoshi Rei. »

Chose surprenante mais vraie, le moine ricana. Mais ça ne dura pas assez pour être indécent.

« Je sais que ça peut paraître dingue, que vous ne m’accorderez pas votre confiance. Mais laissez-moi vous prouver que je dis la vérité. Consultez les registres de sortie du village pour les membres hautement placés de votre entourage et voyez qui n'était pas là il y a trente jours très exactement. Il y aura forcément quelqu’un, et c’est cette personne qui est la taupe. »

Ses yeux ne quittaient désormais plus ceux de l’Ombre du Vent.

Elle hésitait, et ça se voyait. Mais plus que tout, c’était compréhensible. Comment une dirigeante d’un des plus grands rassemblements de shinobis pouvait-elle se contenter de ce genre d’informations de la part d’un étranger, surtout quand ses agissements n’étaient pas totalement clairs. Howaito n’était pas dans une très bonne posture, mais il avait au moins l’avantage d’en être totalement conscient. Et il avait eu le temps de ruminer cette affaire et de savoir comment agir pour obtenir ce qu’il voulait.

« C’est plus compliqué que ça. J’ai rencontré Kyoshi Rei avant qu’il ne commence à faire ce qu’il a fait, avant qu’il ne soit Kazekage… Nous avons, quelque-part, sûrement été amis. Mais vous savez bien que cet homme n’a pas d’amis, et que même s’il en avait il n’hésiterait pas à… »

Il s’arrêta de façon totalement intentionnelle. Ses mains se cherchaient, tout comme ses doigts qui dansaient et s’éviter avant de se toucher. Une entrevue difficile et complexe. Mais Howaito se devait d’éclaircir le plus de choses.

« Je l’ai vu, il y a trente jours. Et je l’ai surpris en train de discuter avec quelqu’un. Qui ? Je n’ai pas pu m’en apercevoir. Mais cette personne a fait tomber son bandeau dans la précipitation, et vous vous doutez de quel sigle il était question… Il m’a avoué qu’il comptait attaquer Suna, et m’a demandé un service. J’ai accepté, car je me doutais que si je refusais il n’hésiterait pas à me le faire payer. »

Il réfléchit un instant. Oui, il était sûr de lui. Il fallait en parler.

« Il compte attaquer par le sud du village, à l’opposé de la Voie Illusionnée, et il voulait que je vous le dise. Néanmoins, et je suis sûr que vous en êtes confiance, c’est sûrement un stratagème. Espère-t-il que vous envoyiez vos hommes là-bas pour attaquer ailleurs ou espère-t-il que ça paraisse si idiot que vous délaissiez totalement cette zone et qu’il l’attaque finalement ? C’est compliqué. »

Howaito se souvint alors de ce qu’il avait dit, surtout à propos des hauts placés. Il ne devait pas y avoir de méprise, surtout de la part d’Habashi Zanshi.

« Je vous ai parlé d’un haut placé, car je sais que votre village est sûr et qu’il a du changer depuis l’ère de Kyoshi Rei. Un simple shinobi ne lui serait pas suffisant. Et, si je puis me permettre, il est possible que ce haut placé ait été envoyé en mission ou qu’il ait une raison officielle à sa sortie. Il faut confiner cette personne et si elles sont plusieurs, trouver qui est le coupable. »

Il soupira, avant de finalement se lever. De toute façon, il avait assez réfléchi à la situation pour savoir que ça serait la meilleure chose à faire.

« J’ai conscience que la situation n’est pas facile, et que vous devez douter de ma volonté de vous aider. Mais je suis votre allié. Et pour vous le prouver, je suis prêt à être enfermé le temps de cette affaire. »

Sur quoi il tendit les mains en secouant la tête, signe de sa volonté d’être bien vu. Il voulait montrer qu’il était prêt à tout.

J'allais répondre lorsqu'on frappa de nouveau à la porte, le chuunin que j'avais envoyé chercher les registres était déjà de retour. Il entra sans attendre, par habitude. Il tenait entre ses mains l'épais pavé de feuille. Son arrivée rompit le geste du ninja face à moi et le document arriva sur mon bureau. J'observai un instant l'homme qui s'était levé et feuilletait le registre. J'arrivai à la date qu'il avait souligné.

Je longeai la liste du doigt, du haut en bas. Il y avait eu ce jour de nombreux mouvements, autant d'entrées que de sorties. J'aurais dû demander à l'assistant de faire le tri parmi tous ces noms. Je passai donc quelques secondes à chercher des noms. Puis soudainement mon doigt s'arrêta sur un nom, puis un autre. Au final cinq Sunjins ressortaient du lot dont deux ninjas ayant ou ayant eu des responsabilités au sein du village.

Finalement, une partie de ce qu'avait raconté Howaito semblait vrai. Des "hauts placés" avaient bien quitté le village à cette date pour des missions officielles. Cependant, tout un tas d'autres idées me venaient; cet homme pouvait tout aussi bien me donner de fausses informations afin de faire arrêter des Sunajins innocents et me faire perdre ma crédibilité... Tout était possible aujourd'hui et bon nombre de personnes commençaient à comprendre qu'il était plus simple d'utiliser les mots pour arriver à ses fins plutôt que les armes.

Manipuler son entourage, convaincre ou persuader les acteurs principaux d'un plan, mettre en place des machinations... Je n'étais sans doute pas la seule à employer ce genre de méthode. Néanmoins j'étais -presque- obligée de prendre toute cette affaire en considération.

"Ce que l'on voit ou ce que l'on entend... Peut facilement être une manipulation. Il pourrait y avoir plusieurs raisons à ce que vous dites. Plusieurs buts poursuivis... Mais je ne peux pas ignorer ces informations. En attendant que nous éclaircissions cette affaire, vous serez assigné dans une chambre du palais."

Le chuunin n'avait pas quitté le bureau. Je lui fis signe et quelques secondes après deux autres gardes arrivèrent.

"Vous conduirez Howaito dans une chambre du palais. Vous tâcherez de retrouver Daini, sa comparse et de la conduire dans une autre chambre. Vous n'userez de la violence que si nécessaire."

L'un des gardes posa sa main sur l'épaule de l'étranger. Puis tous tournèrent les talons pour quitter le bureau. Je pourrais ainsi constater de la sincérité de cet Howaito, voir s'il tenterait de s'enfuir, voir comment réagirait sa subordonnée, voir s'ils nous aideraient en cas d'attaque ou au contraire n'étaient que des complices...

Il ne restait plus que dans la pièce le chuunin qui attendait d'autres ordres. Je griffonnai quelques mots sur parchemin, pliai le papier et le marquai d'un sceau à la cire. Lui tendant le pli, j'ajoutai.

"Transmets ce document à la communication, qu'il le publie et le remette à tous les chef d'équipe."
"Bien Kazekage-sama."