L'annonce de la nouvelle me fit un choc à moi aussi... Je parvenais à peine à comprendre alors qu'un Chûnin était entré dans mon appartement en pleine nuit, me donnant l'information cruciale... De suite la première question désigna Kibo, et d'ailleurs c'était là la raison de la présence de mon collègue : Il avait été interné à l'hôpital, de peur d'actes irresponsables. Je ne m'étais jamais levé aussi vite, je m'étais même qu'à moitié habillé, laissant mon torse nu. Je dévalais les escaliers de mon duplex sans prendre le temps de mettre mes chaussures, en fait je n'avais que mon bermuda. Je courais à travers les rues comme un dingue, bousculant le peu de personnes que je croisais. Il était encore tôt, entre six et sept heures. Je dévalais les rues, presque à tomber à chaque pas. Je me doutais de l'état dans lequel j'allais trouver le Rêveur, entrain de regretter d'en être un sans doute...

Je voyais l'hôpital, poussait les portes. Un shinobi médecin et une direction, une annonce d'un nombre quelconque, le numéro de chambre. De suite ils avaient su. Au loin je voyais la pièce où les corps sans vie étaient placés en attendant d'être rendus à la famille, dans le cas de la Fleur des Glaces, à son clan. Je courais ici aussi à toute vitesse, tournais au fond du couloir, trébuchais sur une dalle de carrelage mal collée avant de m'arrêter. La porte de sa "chambre". J'entendais des gémissements derrière, j'avalai une dernière fois ma salive, plaçai ma main sur la poignée doucement avant d'ouvrir avec la même intensité.

• Kibo... putain de merde...

C'était très rare que j'utilise ce langage, il le savait aussi bien que moi. Je passais ma main dans mes cheveux en bataille, descendant doucement pour la passer sur mon visage, comme pour m'éveiller à la situation. Il était placé sur un lit, maintenu par des menottes anti-chakra, comme un criminel. Bien entendu les paroles comme "ça va ?" ou les mauvaises blagues telles "tu aurais pas vu Yuki ?" n'étaient pas de mise non. Avant, alors que j'apprenais à le connaitre et à le détester, je l'aurais peut-être fait et encore, il y avait une notion de respect très importante, surtout dans ces conditions.

J'approchais de son lit avant de tirer une chaise et de m'asseoir, la tête abaissée dans mes mains, je ne savais pas quel mot utiliser dans de tels moments, alors je me contentais d'attendre. Presque inconsciemment je plaçais ma main sur son épaule, avec une douceur amical que je ne me soupçonnais pas. Il était tout mon opposé dans ses idéaux, et pourtant je ne pouvais pas le laisser : Qu'était le Yin sans le Yang ?

• Je suis désolé... Je ne sais pas quoi te dire... J'ai accouru dès que j'ai su. Je suis avec toi, toujours.

Je le fixais, attendant sa réaction et prêt à réparer ses rêves brisés. Il était si près du but, c'était une véritable torture. Et dire que depuis mon retour, j'envisageais moi aussi de me construire une vie de couple... Le destin avait fait comprendre au monde shinobi que de telles histoires n'étaient pas viables, malheureusement...

Comme j'aurais dû m'en douter, il voulait mettre fin à ses jours pour rejoindre sa dulcinée... Cas classique chez une personne en deuil, mais tellement idiot. Aurait-elle voulu qu'il le rejoigne aussi vite ? C'était stupide et pourtant je n'arrivais pas à décrocher un traitre mot sur son état. Je me contentais de l'écouter me demander de le tuer avec toute la brutalité d'un fou. Les machines s'emballaient et déjà des médecins entraient dans la pièce, et je savais pourquoi : pour lui donner quelque chose à même de le calmer. Je les voyais s'afférer autour de lui et tout ce bordel me mit les nerfs. Je me levais en commençant à en prendre un par le bras, comme pour le raccompagner vers la porte de la chambre. Je fixais les autres avant de m'exprimer sèchement, d'un ton qu'on ne me connaissait pas.

• Le premier qui le touche je l'égorge. Quoi tu as peur ? Allez va prévenir la Kazekage si ça te chante, rien à foutre. Et toi, enlève lui ses menottes, t'en fais pas il lui arrivera rien, grouille toi !

La plupart sortirent, l'un avait l'air totalement choqué par mes propos, un autre détacha Kibo dans la seconde, le laissant enfin libre de ses mouvements. On était pas dans un asile mais dans un hôpital, de tels traitements étaient inconcevables. Le dernier médecin de la pièce laissa bientôt place à un nouveau silence, entre le Rêveur et moi. Je sentais mon cœur battre d'une façon inexplicable : j'étais touché par son malheur bien plus qu'il ne le fallait. Je sentais par ailleurs chez lui quelque chose de différent, presque comme une part de noirceur, et j'espérais au plus profond de mon être que ce n'était pas le cas, bien que je n'aurais pas pu le blâmer si mes craintes se révélaient exactes.

Je ne savais pas vraiment comment exprimer mes sentiments avec lui, nous étions comme chien et chat à nous chercher constamment mais nous avions besoin l'un de l'autre, et aujourd'hui je devais lui montrer mon soutien. Je plaçais ma tête contre la sienne, face à face, d'un air grave , solennel.

• Si tu me redis encore une fois de te buter, je te jure que je t'en colle une. Tu crois que c'est ce qu'elle veut d'où elle est maintenant ? Montre lui que son homme est courageux et fort merde ! Arrête tes conneries !

Je frappais un coup assez fort sur le matelas, pour extérioriser le malaise que je supportais à ses côtés, il pouvait me frapper si ça lui faisait du bien, de toute manière d'ici à ce qu'il me fasse mal, il y avait du chemin. Sérieusement, je songeais à son futur. Je me doutais bien que cet évènement grave n'allait pas le faire rester en place, mais le suivre à la trace pour être sûr qu'il se comporte bien ne me plaisait pas non plus des masses, il devait rester à Suna, avec nous, entouré de gens bienveillants et qui l'aimaient. Pourtant j'avais comme le pressentiment que désormais plus rien ne le retenait dans sa vie actuelle... si ce n'était moi peut-être ? Ou Kioshi-Sama ?

Je le regardais, sa tristesse se lisait sur son visage, dans ses yeux, son âme, même son chakra était comme altéré, il avait eu tout son bonheur à portée de main et tout avait disparu en une fraction de seconde. Je ne savais pas comme la Samui était morte, j'avais juste appris qu'elle était à son hôtel et que c'était Kibo lui-même qui l'avait retrouvé, emmené ici en hâte, attendu devant la salle avant d'apprendre sa disparition.

• Je sais déjà ta réponse fréro, mais si il y a la moindre chose que je puisse faire, sauf te tuer, dis le moi.

Il n'était pas seul, ah ça non. Je ne le laisserais jamais seul, finalement en comparaison de ce que je voyais actuellement, le Rêveur était une personne plaisante et de forte agréable compagnie.

Je l'avais prévenu, mais tête de mule comme il était forcément, ma main était partie, avait claqué dans un bruit parfait. La marque était visible, tout comme son chagrin, pourtant cela ne suffisait pas à le calmer. C'est ainsi que je le regardais se relever, enlever les couvertures et comme si tout allait bien, commencer à vouloir partir. Et sinon il avait entendu ce que j'avais dis aux médecins ? J'étais sa sécurité pour le moment alors qu'il reste là ! Il m'annonça avec un ton plus que solennel qu'il devait partir, comme si on venait de lui donner une mission cruciale. Et dans ces conditions, quelle pouvait être cette mission si ce n'était rejoindre Yuki dans l'au-delà ? Je le laissais pourtant faire, n'ayant pas envie de lutter contre lui... Pas dans ces conditions.

Alors que je baissais la tête, résigné à l'idée de le garder ici, il m'annonça que je devais gérer son Midorhato durant son absence... Je ne savais rien de son équipe si ce n'était qu'elle n'avait pas la même organisation mais qu'elle existait plutôt comme une unité à part entière dans le village... Ses élèves, ses fonctions, ses locaux, je ne connaissais rien de tout cela. Surpris alors que je le voyais quitter la pièce, je ne lui répondais pas. Pas d'envie, ni de besoin et embêté par sa demande... Mais comment lui refuser ? J'approchais alors de lui quittant sa chambre, je le rattrapais par l'épaule, je connaissais le sentiment de départ, je l'avais vécu et suivi.

• Je ne peux pas t'obliger à rester ici, et un voyage te ferait le plus grand bien. Cependant je ne suis pas certain de réussir à faire perdurer ton organisation, alors que je ne connais même pas son fonctionnement, mais j'essayerais. Bonne route mon frère...

Je lâchais l'emprise, il était temps de le laisser se préparer. Dès son départ j'irais annoncer son entreprise aux responsables, pour éviter qu'il ne soit noté comme déserteur ou mort comme j'avais pu l'être moi-même. C'était là que se distinguait nos deux périples : le sien était compréhensible, le mien évitable. Je le regardais s'éloigner et je le haranguais une dernière fois.

• Fais comme moi surtout, reviens nous entier et en pleine forme, sinon tu vas le regretter !

Je me surprenais à connaitre un début de peine, moi celui qui rigolait pour tout. C'était un grand ami en plein chagrin décidant de son futur, et moi qui était revenu ne pouvais pas m'y opposer. C'est donc après cet au-revoir que je quittais moi aussi le bâtiment en direction de chez moi, rien n'avait changé depuis mon arrivée plus tôt à l'hôpital et pour cause : je n'y étais pas resté longtemps, pourtant une odeur dans l'air me faisait comprendre que tout ceci était réel, il y avait du rêve en moins à Suna, et un sentiment de tristesse absolue s'échappait.