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Mon père avait raison. Depuis qu'il avait scellé Megami où tout du moins, ses souvenirs, ma puissance était sur le déclin et je sentais ma maladie sanguine accroître sa virulence. J'avais bien tenté de ne pas prendre en considération les premiers signes mais je devais me rendre à l’évidence : cela allait en s'empirant. J'avais donc décidé de me rendre à l'hôpital, une fois de plus, pour réaliser tout un tas d'examens qui permettraient d'en apprendre plus sur mon état en plus de ceux que je devais faire pour vérifier que mes côtes brisées dans mon affrontement contre les Furyou, s'étaient bien remises également.

Je patientais dans une salle, seule, attendant les résultats l'estomac noué. Je me doutais que les nouvelles ne seraient pas des plus bonnes... Qu'allais-je faire si tel était le cas ? Aucun remède, aucune cure n'existait pour me sortir de ma maladie. Bien sûr, il y avait la solution évoquée par Eien mais elle incombait de nombreux sacrifices et je n'étais pas certaines d'avoir envie de les affronter pour que ma maladie cesse... Et si c'était le prix à payer pour continuer à mener mon existence ?

Toutes ces questions qui me taraudaient avaient le don de me saper le moral. J'essayais donc seulement de ne pas y penser et d'attendre que le couperet ne tombe, parfois arrêté par des gerbes de sang qui s'écoulaient de ma bouche sans raison ou par des vertiges qui eux se faisaient de plus en plus fréquents.

Justement, après plusieurs heures à mariner, le médecin en charge de mon dossier et qui me suivait depuis mon enfance, entrait dans la pièce et s'installait à son bureau face à moi, la mine grave.

« Je ne sais pas ce qu'il s'est passé Yami mais la béta-thalassémie dont tu es atteint s'est aggravée. Tu es anémiée, d'où tes étourdissements et tes essoufflements. Tes globules rouges se détruisent plus rapidement qu'auparavant. Tu vas devoir subir des transfusion plus régulière encore et... »

Il marqua un temps d'arrêt que je n'aimais pas mais auquel je m'attendais.

« Ton espérance de vie se situe aux alentours de cinq ans... Tu es une shinobi et tu uses de ton sang très régulièrement ce qui affecte grandement ton organisme qui ne parvient pas à suivre. Attend toi à ce que cette espérance soit écourtée si tu ne te ménages pas. Je suis désolé... »

J'avais cessé de fixer le médecin, mon regard neutre observait un point invisible, perdue dans mes pensées avec moi même, le temps semblait comme figé à cette annonce. Cinq ans tout au plus... Que pouvais-je faire en cinq années ? La maladie m'emporterait et me ferait souffrir toujours plus... Je pouvais espérer profiter du temps qu'il me restait mais je ne voulais pas me sentir si diminuée moi qui prônait la puissance, les faiblesses m'irritant au plus haut point...
J'étais parvenue à me libérer de l'emprise de Megami de façon temporaire mais voilà que je me rendais compte que si j'étais parvenue à tenir jusqu'ici contre ma maladie c'était justement grâce à sa présence... Sans elle, je n'étais pas suffisamment forte pour combattre le mal qui gangrenait mon corps depuis déjà tout ce temps.

J'étais sonnée, comprenant que je devenais tout ce que j'avais toujours détesté. Sans même m'en rendre compte, mon corps s'était mis à trembler de toute part. J'étais pourtant assise mais mes mains ne tenaient pas en place sur leurs accoudoirs. Le monde ne voulait-il vraiment pas de moi ? Pourquoi avais-je toujours été rejetée alors même que le sort s'acharnait sur moi ?! J'étais toujours parvenue à me relever mais je ne parvenais pas à voir comment m'en sortir cette fois si ce n'était accepter l'offre de mon père et de goûter à l'immortalité.... Le pouvais-je ? Il m'avait prévenu, ce serait un lourd tribu à porter et une malédiction supplémentaire à endosser : un maux qui vous laisse voir tous ceux qui comptent pour vous, trépasser alors même que votre temps s'est figé sans possibilité de retour en arrière. J'allais sûrement perdre de mon humanité et devenir peut-être l'être froid et distant qui se complaît dans sa solitude comme je l'étais autrefois... Tout cela me faisait peur... J'étais tétanisée à l'idée de devoir effectuer ce choix qui changerait la face de mon existence et peut-être celle de d'autres...

Mon cœur s’emballait, tambourinant fortement contre ma cage thoracique alors que mon sang pulsait à travers mes veines. J'étais en train d'être tuée à petit feu par le fluide que je parvenais à maîtriser comme damnée de mon clan pour une raison inconnue... Le sang était beau, pur mais implacable. Il était source de toute vie et s'apparentait également à la mort : même moi qui le contrôlait n'était pas épargnée par cette règle immuable.

Mes yeux se révulsaient, ma peau devenait moite et je perdais pieds. Le médecin appela quelques infirmières qui m'aidaient à marcher pour me rendre dans une nouvelle chambre immaculée où elles préparaient de quoi me faire subir une nouvelle transfusion. Les larmes me montaient aux yeux, les embuant avant de s'écouler abondamment le long de mes joues, me laissant seule avec moi même dans cette pièce vierge de toute vie. La solitude était mon lot...

Devais-je en parler à mes amis ou bien me taire ? Ce n'était pas tant la maladie qui me plongeait dans cet état mais le choix crucial qui en découlait : vivre cinq ans de souffrances - ou peut-être moins - mais entourés de ceux que j'aime ou bien vivre pour l'éternité mais seule... Choisir la voie de la faiblesse et de l'affection ou celle de la puissance et de la solitude ? Devais-je faire le choix pour eux ou pour moi ? Il y avait quelque temps encore, ma décision aurait été simple et rapide, je n'avais que faire d'autrui mais au jour d'aujourd'hui j'en venais à douter car je ne voulais pas les perdre...