Ces derniers jours, ma mort semblait me poursuivre. Comme un fantôme que l’on ne voit normalement que trois fois par ans et qui soudain décide de vous apparaître trois fois par jour. Chaque fois que je me retournai, que je portai mon attention à un détail de mon environnement, une pensée macabre m’accablait comme une malédiction psychique. Au début, j’avais cherché à l’ignorer, à ne pas considérer la présence funeste de ce malencontreux visiteur. Mais après ma rencontre avec le Furyou dans mon épée, je n’avais plus le choix, il fallait regarder la vérité en face et se dresser devant mon destin inéluctable. Mais mon esprit, mon humeur, ma façon d’être avait changé, allez savoir pourquoi. Plus mélancolique et sérieux que jamais, je n’avais pris qu’une heure pour décider de ce que j’allais faire.

J’avais rejoint le fond d’une caverne, je m’asseyais sur un rocher et attendis. J’attendis longtemps, peut-être quelques heures. Mais au bout de cette longue descente dans les terres de l’ennui, j’entendis soudain des pas se rapprocher. Ne sachant pas s’ils étaient porteurs de menaces ou de bonne nouvelle, je maintenais ma main sur le pommeau de ma lame. Toujours assis, je fixais la seule entrée de la caverne. Mais je n’eus pas à dégainer car de l’ombre surgit celui que j’attendais, celui que j’avais invité à me rejoindre : Saibogu Mitriya. J’avais connu l’homme au cours d’une mission contre les intérêts du pays du Feu. Il avait su se montrer ingénieux et je savais que si un homme sur terre serait apte à m’aider, ce serait lui. Je le lorgnai donc de mes yeux sérieux et vindicatifs tandis qu’il se rapprocha en poussant un petit rire niais.

« Vous n’avez pas beaucoup changé, Nukenin, que puis-je faire pour vous ? »

Il n’avait pas digéré le fait de s’être fait convoqué comme un vulgaire larbin mais j’avais besoin de lui. Je le savais capable de bien des magies et sa technologie dont il m’avait fait part m’intéressait tout particulièrement.

« Excusez moi de vous avoir invité de la sorte, mais il faut que nous parlions de cet automate dont vous m’avez parlé. »

Le regard de mon interlocuteur se figea tout d’un coup sur ma personne, cherchant à comprendre pourquoi je m’arrêtai sur ce point. La dernière fois que nous nous étions vu, il m’avait fait part de cette invention abracadabrantesque qu’il avait mis au point. Un homme fait entièrement de fer et recelant tous les secrets des Saibogu. Mais le pauvre scientifique n’avait pas pu le faire fonctionner. Le géant de ferraille demandait un cerveau humain de la première qualité pour fonctionner. De plus ses muscles étaient fais à partir de fibres humaines ce qui fait qu’il fallait quelqu’un de suffisamment puissant pour le faire se mouvoir. Le cerveau d’un être surpuissant, voilà ce qui faisait défaut à notre ami le chercheur. Chercheur qui m’interrogea du regard avant de le faire oralement.

« Pourquoi mon « chasseur » vous intéresse-t-il ? »

Je souris, d’abord parce qu’il le savait et ensuite parce que je n’avais pas envie de l’expliquer. J’étais plus proche de la mort que je ne l’avais jamais été et si il fallait avoir cette discussion, il fallait l’avoir à ce moment là. Je ne me perdis donc pas en proses infinies pour expliquer mon choix, comme je le faisais souvent, j’allai droit au but.

« Vous avez besoin d’un cerveau puissant pour faire fonctionner votre engin. C’est le seul élément qui vous fait défaut pour le faire marcher n’est-ce pas ? »

« En théorie, oui. Mais il me faudrait aussi l’aide d’un ninja médecin. »

« Et le dit cerveau conserverait tout ses souvenirs ? »

« En effet, s’il n’est pas trop endommagé, avec ce que j’ai volé comme informations aux Yamanaka, je pourrais, avec le matériel approprié, rendre au dit cerveau tout ce qu’il savait d’avant son extraction. Mais pourquoi toutes ces questions. »
Je me levai alors, le fixai dans les yeux et me rapprochai de manière menaçante. Je sentis la peur monter en lui même s’il avait toujours été l’homme de science imbu de lui-même et qui ne craignait rien. Il avait peur cette fois-ci, il tremblait de cette frayeur dont je me délectais tel un croquemitaine.

« Je vais bientôt mourir docteur. Je veux que ce soit mon cerveau qui soit implanté dans cette machine, je veux ensuite que vous envoyiez la machine à Suna, comme un cadeau de votre part au clan Saibogu. Je suis sûr qu’il existe des manières détournées dans votre clan pour ne pas passer par la case douane. Une fois à l’intérieur du village je veux pouvoir me réveiller et agir comme un cheval de Troy. »

L’homme me regarda avec un air encore plus inquiet. Il tremblait maintenant de tout son être. Je voulus le rassurer, lui dire que mes desseins n’étaient pas aussi noirs qu’il semblait le croire mais cela n’aurait été que mensonge car ils l’étaient. Alors il regarda l’homme qui prévoyait sa propre mort et m’annonça avec le calme olympien qu’il avait subitement retrouvé :

« Il y a de grandes chances pour que vous ne surviviez pas… »

Je quittai la caverne avec une démarche lente et pleine de sens…

« Je serais déjà mort de toute façon. »