— Allez, j'veux voir tout le monde bouger ! Put your hands up ! Put your hands uuuuup !

Un soir pas aussi banal que ça pour l'auberge du "Sake Vivace". D'ordinaire, cet endroit était similaire à toutes les tavernes situées dans les capitales : Animée par des chants guttural de nombreux paysans ayant consommés une pinte de trop... Voire deux... Voire... M'enfin, vous me comprenez quoi. A croire que ce spectacle d'ivrogne était amusant, la foule riait de bon coeur au mauvais goût de ces prétendus chanteurs. Les serveuses essayaient de faire au mieux leur travail en se frayant un passage à travers la foule suante, tentant d'atteindre leur objectif : A savoir la table à servir. Les videurs cassaient les gueules des gars qui commençaient à mettre leurs mains "accidentellement" sur les postérieurs des jeunes travailleuses. Jouant les gros bras, la sécurité virait des groupes par dizaine dans la soirée. Le Barman travaillait à une vitesse surnaturelle, devant abreuver une foule toujours plus nombreuse au fil des heures. De part et d'autre de la salle, on pouvait apercevoir quelques personnes affalées sur le sol ou sur une table, ne pouvant plus continuer cette soirée beaucoup trop arrosée pour eux et beaucoup trop bourrés pour se lever et rentrer dans leurs baraques. Ajoutez à cela la fumée des nombreuses clopes présente dans la pièce et vous avez à peu près la gueule d'une taverne bien remplie, chose habituelle dans les grandes villes.

Et bien ce soir à Kawazoi, tout était pareil. A une exception près -Bah oui, j'vous avais dit que ce n'était pas une soirée banal- : La chaudasse et talentueuse Hasü était là ! Faisant le show au "Sake Vivace". Voilà déjà deux heures qu'elle avait commencé son concert sur une petite scène miteuse en bois, table de son état. Des clones immatériels au nombre de 4 se trouvaient à ses côtés. Et à eux cinq, le groupe des Koken arrivaient à produire une mélodie totalement impossible à composer à l'aide de simples instruments. Ces sons sortaient d'une autre dimension. A croire que des êtres venus d'un autre temps avaient amenés leurs propres matos. Mais voyez vous, lorsqu'on possède un don qui permet de manipuler le son à souhait, on pouvait s'en permettre des choses niveau musical m'voyez. Et cette nouveauté instrumentale n'était pas pour déplaire à tous ces ivrognes qui n'hésitaient pas à être pris dans le rythme plutôt rapide de l'instrumentalisation de celle qui se faisait appeler "DJ Ridou". Se déplaçant sur sa scène, la véritable Hasü essayait de propager sa mélodie dans tous les recoins de la taverne, évitant soigneusement de se faire toucher par tous ces crados. On ne mélangeait pas les chats et les chiens yo. D'un côté vous aviez la populace et de l'autre une star aux capacités mélodique juste incroyable. Les chiens galeux, et la chat... Nan, laissez tomber ce slogan pourri...

Les dernières notes sortirent des bouches de nos chanteuses. Puis progressivement, le silence fit place à une pluie d'applaudissement. La foule était en délire. Ils avaient adorés et ce n'était pas pour déplaire à la DJ qui affichait un sourire satisfait ne pouvant s'empêcher de remercier ses fans de nombreux "Merci" et "Merci" et de "Merci... Encore". Entourée par les gorilles de la boîte, Hasü se fraya un chemin jusqu'au bar afin de satisfaire sa soif. Une heure à utiliser son don bah ça faisait mal à la gorge et sa fatiguait, la sueur qui coulait le long de son visage en était la preuve. Il était temps pour elle de se déshydrater et de passer à la séance d'autographe juste après.

J'aimais bien ce bar. Mais ça, c'était avant qu'une salope rousse vienne et gâche tout.

Elle était sur la vieille estrade en bois, là où y'a les anciens qui font les discours normalement. Et elle et ses simili-elles faisaient un rafut pas possible. Je l'aimais bien, moi, le calme habituel du coin. Surtout parce que comme ça j'entends personne, vu que j'aime personne. Bon, okay, parfois ça chante quand c'est bourré. Mais, vous savez ... Je trouve que ça ressemble un peu aux cris des animaux sauvages. Donc ça m'aide à faire passer la pilule.

Mais nan. Il fallait qu'elle vienne, et gâche tout. Et ça plaisait, à toutes ces bêtes d'ici. Et ça scandait. Et ça gueulait. Et ça essayait de tripoter tout ce qui passe. J'ai brisé combien de poignets, ce soir ? J'sais pas, j'sais plus ... C'est un peu comme le saké, je sais pus combien j'en ai bu ... Un, deux, cinq, dix, quinze ... Oh.

Je crois que j'ai bu. Un peu trop.

Alors quand la musique s'arrête, c'est à peine si je le remarque. C'est qu'au moment où je regarde par dessus mon épaule, pour constater la pimbêche se ramenant au comptoir, que je comprends que tout est fini. Sauf que nan, le public lui l'a pas encore compris et me fait pas le plaisir de la fermer. Je tords mes lèvres en une grimace, alors qu'elle finit à coté de moi, qu'elle commande un truc à boire. Et c'est avec un regard de travers que je m'adresse à elle.

- C'est toi qui chantait, tout à l'heure ?

Quelques secondes passent, alors que je le dévisage de façon malpolie.

- Bah je le dis direct, tu chantes comme une merde. UNE GROSSE MERDE. Tellement que si chanter mal c'était un crime, tu ... On t'aurait pendue sur la place du village !

BAM PREND CA ! Je glousse, désagréable, satisfaite de ma réplique. Avant de me redresser. Mais je tangue, et je suis obligée de m'accrocher au comptoir. Oh bordel ... Temps de rentrer dormir chez ... Ah, j'ai plus de chez moi, j'oubliais. Et cette constatation me met d'encore plus mauvais poil, alors que je lâche.

- Oh puis j'me casse, allez !

Pas le temps de faire plus de trois pas, que je me manque de trébucher et de m'étaler au sol.

- Putain d'sol qui bouge tout seul ...

Ce qui ne m'empêche pas de glousser, un p'tit sourire aux lèvres.

Jubilatoire. Ouais, c'était le mot. Hasü jubilait de son succès triomphant. Et ce n'était que le début ! Elle allait devenir une star mondiale. Une référence de la musique. Et ce à un tel point que les dirigeants de toutes les nations payeraient des millions de Ryos pour ne serait-ce que bénéficier d'une petite heure de ses services musicaux légendaire. On érigerait des statues afin d'ancrer son talent dans l'histoire de l'art. Ainsi, les nouvelles générations d'artistes sauraient que grâce à la fameuse DJ Ridou, le monde de la musique fur propulsé vers une nouvelle ère musicale encore jamais vue. Les musiciens de tout horizon viendraient prier devant sa tombe lorsqu'elle passerait de l'autre côté du Voile afin de chercher une nouvelle source d'inspiration. Mais bon pour ça, il fallait que notre protagoniste continue ! Parce que pour l'instant, sa renommée s'étendait à Kawa. Il allait falloir qu'elle chante pendant un petit moment avant d’espérer à de pareilles ambitions.

Mais passons. Hasü était désormais assise au bar. Le proprio' ne se fit pas attendre. A peine le postérieur de notre protagoniste se posait sur son tabouret, qu'une pinte se posa devant la DJ. D'un merci ressemblant plus au râle d'une mourante, la Koken s'empara du récipient cristallin et le porta à ses lèvres. Un océan de fraîcheur remplaça le désert présent dans sa gorge. D'un soupir de satisfaction, la jeune femme reporta le contenant du liquide ambré à sa bouche. Prenant de grosses gorgées, la DJ entendit une voix à ses côtés. D'un regard en biais, elle remarqua q'une meuf était assise juste à sa droite. Cheveux noir, regard noir. Si on enlevait le fait qu'elle devait être un tantinet bourré au fait de ces yeux injectés, elle avait une jolie petite bouille. Et c'est probablement ce qui avait traversé l'esprit d'Hasü. L'inconnue lui demanda de lui rafraîchir la mémoire : A savoir si c'était elle la chanteuse. A croire que le style inoubliable de la DJ n'avait pas assez marqué les esprits. Toujours en train de prendre de grosses gorgées d'hydromel, la Koken ne put lui répondre directement, ce qui permit à la jeune femme aux cheveux couleur nuit de continuer. Et qu'elle suite ! Elle lui annonça qu'elle avait trouvé Hasü nul à chier ! La réaction ne se fit pas attendre : Ouvrant grand les yeux et n'arrivant pas à contenir son offuscation, la Koken recracha tous les centilitres de bières qu'elle allait absorber. Le barman se retrouva la face recouverte de salive et d'hydromel. Ne payant pas attention au résultat, Hasü se retourna vers la salope qui l'avait insulté en public.

— Qu'est ce que t'as dit ?! Yo ! Toi là, reviens par là !

Elle allait se barrer comme une grosse lâche voulant laisser la DJ dans sa honte. Se levant de sa chaise, la chanteuse tenta d'attraper l'épaule de la pimbêche qui l'avait blessé au plus profond de son amour propre. Alors qu'elle allait l'intercepter, la saoularde tomba sur le sol. Ayant pris de l'élan, la Koken qui pensait se lancer dans une grosse course poursuite ne prévu pas cette chute. Le résultat ? Le corps de la bourrée la fit trébucher ! Tombant sur le sol comme une grosse conne dans un bal de sueur et de cheveux rouge, Hasü chuta juste à côté de son ennemie. Se relevant avec difficulté, les larmes aux yeux en constatant son état, et verte de rage elle jeta un regard noir à la responsable de tous ses problèmes :

— BAAAAAAAH ! Regarde ce que t'as fait ! S'pèce de GROGNASSE ! J'vais te défoncer !

Des " OOOOH " et des "BATTEZ-VOUS !" retentissant se firent entendre dans la taverne. Ne se maîtrisant plus la Koken se jeta sur la connasse et lui attrapa les cheveux dans une envie de la scalper rien que par la force de sa poigne de gamine. Aaaaand, let the fight begin !

- Quoiiiii ?!

J'ai senti un truc qui trébuchait sur moi, et je constatais une rousse de très mauvais poil s'écroulant au sol, à coté de moi. Et j'ai pas pu m'empêcher de rire davantage, tellement je trouvais ça drôle. J'en avais les larmes aux yeux, comme elle. Pas pour les mêmes raisons, je suppose, mais sur le moment c'est difficile de s'en rendre compte. Même son regard n'arrive pas à me rendre mon sérieux. Alors quand elle commence à se plaindre, directe je la coupe.

- Rien à foutre !

Et voilà un nouveau gloussement, au visage. Mais ça, c'est avant qu'elle se jette sur moi ! Qu'elle me plaque au sol et se saisisse de mes cheveux, sous les acclamations d'un public excité par le spectacle ! Battez-vous qu'ils scandent ! A poil qu'ils disent d'autres ! Mais ça je l'entends pas. Le sang pulse dans mes veines. La salle continue de tourner autour de moi, je ressens à peine la douleur de me faire tirer les cheveux.

Battez-vous.

Mes paupières se ferment, alors que je marmonne vaguement des propos incohérents.

Battez-vous.

- Azy, j'te casse la-

BATTEZ-VOUS !

Un haut le coeur qui me prend, me fait lever la poitrine haut face à l'ennemie d'un soir. Et je me penche sur son décolleté pour rendre toute ma boisson, mon repas de ce soir, et sûrement un peu du repas de midi dans un râle horrible. Je tousse, je crache, l'oeil vitreux, avant de marmonner.

- T'es qu'une ... sale conne ...

Une bagarre entre meufs ça avait toujours un petit côté sexy. Un petit truc presque érotique m'voyez ! C'était toujours un vrai bonheur d'admirer les formes des deux personnes de la prétendue "classe inférieure" fusionner. La sueur toussa... Ahem. Oui, pardon je m'égare... Ouais donc là, c'était que les préliminaires. Hasü tenait d'une poigne ferme les mèches de cheveux noirâtre de la jeune femme. La fête était gâchée, et tout ça c'était la faute de la bourrée. La Dj allait lui faire payer cher ce chaos ! Jamais la Koken n'avait été aussi humilié devant son public. On en arrivait même à un point où elle décidait d'en venir aux mains. Elle qui d'habitude n'osait pas se salir les dextres ou qui s'évanouissait à la moindre goutte de sang, on peut dire qu'elle avait dû puiser dans ses forces les plus profondes pour effectuer ses dernières actions. Mais ce qui était fait, était fait ! Et sur ce coup, elle n'allait clairement pas se démonter. Non, elle allait vraiment gifler cette connasse, lui faire tâter de son talon 5 centimètres, la massacrer. Bref, l'humilier comme elle l'a fait quelques minutes plus tôt !

La salle était en délire ! On avait l'impression d'assister au meilleur spectacle du siècle ! Un concert et maintenant une baston ? Trop la classe ! Il était clair que les clients reviendraient dès demain pour ré assister à ce show magistral. Tous avaient déjà un petit titre en tête : Chanson, Baston et Beauté. Bon après baston était peut-être un mot assez gros quand on savait dans quel monde nous vivions. Mais soit ! Soyons fou, disons que cette chamaillerie féminine était un combat. Quoi ? Moi, un macho ? Pas du tout. Les gens continuaient de hurler dans la pièce. Autres encouragements allaient à l'inconnue, d'autres à la Koken. Certains ne cachaient pas leurs envie que ce combat tourne en production Marc Dorcel, en leurs disant de s'arracher leurs fringues. Chose à laquelle, moi, le Narrateur était totalement pour ! Mais l'inconnue décida d'une issue bien différente à celle que tous les spectateurs s'étaient imaginés : Dans un son des plus écoeurants, la femme plus bourrée que l'ensemble de l'auberge réunie régurgita l'ensemble de ce qui était à l'époque dans son bide. Vomissant sur la poitrine parfaite de la Koken, elle lâcha une petite insulte, histoire de bien marquer le coup. Le mélange visqueux plus liquide que solide dégoulinait abondamment sur une Hasü incrédule. Les yeux grand ouvert, elle observait ses mains, ne croyant pas à ce qu'il s'était passé. Dans la salle, le silence s'était installé. De nombreuses personne manifestaient leurs dégoûts par différentes moues. La foule ne manifestait plus du tout son envie que ce combat se poursuive.

— J'crois... Que je m'sens pas bien...

Prise de vertige, la Koken essayait tant bien que mal de rester consciente. Elle était à deux doigt de s'évanouir ! Après tout, il ne lui restait plus que ça pour essayer d'éviter le regard de la foule. Se serait plus simple pour elle. Demain, serait un autre jour. Elle aurait juste à s'éclipser en douce et ne reviendrait jamais dans ce village. C'est alors qu'elle sentit une matière douce solide se posrer sur ses épaules : Une couette ? Non, c'était une serviette. Une poigne masculine l'aida à se relever. Un verre au contenu translucide, fut mit devant ses yeux. D'un geste machinale, la Koken prise d'un soudain coup de barre, s'empara du verre et l'amena à sa bouche. C'était de l'eau, une eau glaciale de quoi vous geler le cerveau. Réveillée, la jeune femme voyait que le même traitement était apportée à la truie. Le gérant annonça alors la fermeture de la taverne, il demanda à ce que les résidents regagne leurs chambres et que le reste regagne leurs maisons. Les serveuses s'attelaient désormais à nettoyer le sol tout en lançant des regards meurtriers aux deux responsable. D'un pointage du doigt, Hasü se tourna vers la grognasse :

— T'as vraiment aucune tenue ma pov' fille... Sans compter qu'une meuf comme toi à autre chose à foutre que de se saouler la gueule dans une taverne... Et de vomir sur les gens !

Marquant une petite pause, elle reprit :

— Pourquoi, il a fallut que tu gâches tout ? T'aurais pas pu juste fermer ta bouche ? Si t'avais pas aimé le show t'aurai juste dû te casser... A croire que t'utilises ta tête juste pour dire des conneries... Pff, du gâchis quoi.

Si je vous disais que j'étais mal, là tout de suite, je serai en train de mentir.

En fait, j'étais pire que mal sa mère sa race tout ça ! Bordel, j'étais vraiment aussi allumée qu'il était possible humainement de l'être, et je ne déconne pas ! Quoi que, j'exagère peut-être un peu ... Mais c'pas comme si c'était mon genre, nan ? Nan ..? Bah, on s'en fout, j'ai raison, c'est tout ce que toi, putain de lecteur, a besoin de savoir. Et si t'es pas d'accord, on peut se retrouver dehors et en discuter, si si ! Je t'assure ! Je suis un délice de fille, toujours prête à la discussion censée et raisonnée ! Mais uniquement quand je fais parler mes poings.

Mes poings, y'a que ça de vrai.

Tout ça pour dire qu'on me redressait, sans mon consentement. Je me marmonne un truc qui ressemble à "s't'arrêtes pas de me toucher tu peux dire au revoir à tes doigts" mais qui sonne comme "abrebreubreu toucher brudheu doigts", avant que je me retrouve sur un siège, une serviette sur les épaules, et un verre d'eau entre mes doigts tremblants.

Je bois une gorgée du liquide, et ça me fait pas du bien. Je sens que ça a envie de ressortir, mais je me retiens à grande peine. Je bois une autre gorgée. La sale meuf qui a provoqué tout ce bordel me cause. Et je recrache tout devant moi. Sur un barman qui définitivement, en a marre d'être arrosé. Je m'étouffe toute seule alors que j'essaye de reprendre ma respiration.

Je tourne mon visage lentement en sa direction, alors, mes yeux gris fulminant. Avant que je dise sur mon ton le plus méprisant.

- Ta gueule, j'étais là avant toi, c'toi qui d'vait t'casser la clocharde.

Et de un !

- Et c'ta faute si t'es toute dégueu' là, tu m'aurais pas secouée comme un vieux chiffon, tu t'serais rien apporté de cette merde.

Et de deux ! Même si tout est de ma faute.

- Puis sérieux, t'es jolie comme meuf. Vraiment. On dirait une de ces poupées gonflables qu'on voit dans les vitrines de cette boutique chelou ... Alors pourquoi tu gâches tout en ouvrant la gueule ? Hein ?

Et de trois, je suis vraiment trop bonne. Qu'est-ce que je m'aime, halala ...

Il fallait croire que la déclaration de la Koken avait blessé la saoularde à un tel point qu'elle en arrosa un Barman déjà bien aspergé. Comme quoi, même les connasses les plus insensibles ne restaient pas de marbres face aux propos de la DJ. Un regard haineux en direction de la Koken, la bourrée déballa son sac tentant de déstabiliser notre protagoniste bien aimée. Au fur et à mesure du discours de la meuf aux cheveux noir, la rousse fut comme revitalisée. Les paroles proférées par la bourrée avait eu sur la Koken un effet dopant. Son coup de barre s'effaça. Elle pouvait désormais passer à l'attaque. Un assaut verbal. Dans cette catégorie, la Koken n'était pas dégueulasse. A l'époque, elle s'était pas mal exercée à l'auberge familiale. Cette grognasse n'allait être qu'un petit échauffement de plus pour la DJ, désormais de nouveau en pleine possession de ses capacités. Le Barman d'une humeur plus que râleuse, s'eclipsa à son tour, laissant le duo de pin-up seul. Elles avaient désormais champ libre.

— Oh, mais toi aussi t'es mignonne, beauté. Mais en parlant de gueule, comment tu fais pour dire et vomir autant d'la merde ? Enfin pour vomir, t'as un peu forcé sur la bouteille carrée. Suffit de regarder ta face... Mais concernant les conneries que tu sors à chaque putains de mots ?

Et BIM ! Chez Hasü on avait toujours été comme ça. Le genre de meuf qui répondait du tac au tac. Aucune personne ne pouvait mordre la rousse sans qu'elle ne vous arrache le bras en retour. La Koken avait une fierté, un peu trop grosse. Tant que le dénouement ne se finirait pas sur un combat, vous pouviez être sûr qu'elle allait se lâcher. Et actuellement, c'était le cas ! L'autre était bourrée comme pas permis. Elle semblait même avoir du mal à décuver pour vous dire... Enfin bon, elle était encore capable de vous sortir tout un tas d'insulte pouvant faire pâlir l'aubergiste vétéran. Mais, si elle voulait jouer à ce jeu, elle avait trouvé un adversaire à sa hauteur.

— Yo, qu'est-ce que tu crois ma vieille ? Que j'allais te laisser me gueuler dessus sans répondre ? Faut croire que t'as parié sur le mauvais cheval, grognasse. Des critiques j'en reçois des centaines. Tu crois franchement que celles d'une bourrée doublée d'une conne vont changer ce que je suis ? Arrête de rêver ! Crois tu être un tant soit peu crédible actuellement ? Même Charlie, le clodo du coin, rigolerait en t'entendant déblatérer tes conneries. Va donc te saouler avec ces gros ivrognes aux coins de la rue, peut-être que leurs mentalité de sombre idiot te permettrait de caser tes vannes à deux ryos.

Combien de temps allait durer ce clash ? Si c'est ce que je croyais, on était bien parti pour la soirée ...

Je me rends compte que je suis vraiment pas douée dans le dialogue.

Pourtant, ça n'a pas toujours été le cas. Avant, j'aidais Père avec son commerce. Je prenais plaisir à discuter de futilités avec les clients et les ménagères. Le sourire ne quittait jamais mon visage. Mais ça, c'était avant qu'on brûle ma baraque, enlève ma Mère et mes sœurs, et que Père me fasse comprendre qu'il voulait plus jamais revoir ma gueule.

Ça vous change une fille, croyez-moi.

- T'as raison.

C'est tout ce que j'ai répondu au fiel qu'elle a déversé, en réponse au mien. A savoir lequel sentait le plus l'égout, ça serait difficile de le départager. J'aurai dû juste me casser, je pense. Laisser tomber. Elle en valait pas la peine, cette meuf. Plastique de rêve, mais rien derrière. Elle est pourrie jusqu'à la moelle, je le sens. Pourtant, c'est pas parce que je savais que le mieux était de la laisser en plan comme elle le méritait, que j'allais le faire. J'avais trop d'orgueil, de fierté, d'amour propre. Et d'alcool dans les veines, aussi.

Alors, je m'étais décidée à lui parler comme je savais mieux le faire.

Avant qu'elle ne puisse réagir, je me saisis de son poignet, et l'enserre dans une poigne d'acier, à l'en faire mal.

- J'ai jamais cru que tu te tairais.

Un sourire tout tordu se loge sur mes lèvres, alors que je me lève, lentement. Lui faisant comprendre bien clairement mes intentions.

- Et c'est tout ce que j'attendais pour te péter la gueu-

- PUTAIN PUTAIN PUTAIN AU FEU AU FEU FEUUUUUUU !

Ce cri, c'est ce qui m'empêche d'aller jusqu'au bout de ma pensée. Je fais volte-face, j'allais dire avec autant de mépris possible qu'il se la ferme et arrête de dire de la merde. Mais en regardant par la fenêtre, je constate bel et bien l'éclat rougeâtre des flammes, qui n'a rien de bienveillant.

- Et merde.

Je me retournais vers miss Salope, et lui jetais un regard accusateur. Histoire de lui faire comprendre que je la jugeais responsable de cette calamité.

Même si, soyons sincère, c'était pas possible que ce soit elle. Quoi que ..?

Hasü n'allait pas tarder à voir si cette grognasse allait répondre à cette argumentation implacable. Le récit avait été bien ficelé tout en restant mélodieux. La Koken était contente de sa performance sur ce coup. Elle n'hésiterait pas à ressortir ce genre de réplique à la prochaine "connasse-bourrée-aux-cheveux-noir" qu'elle rencontrera. Ce genre de méchanceté, ça vieillissait jamais m'voyez. Mais passons. Un silence de mort c'était installé entre les deux interlocutrices depuis quelques secondes quand, la meuf se décida enfin à parler. Ce fut un simple "T'as raison" qui émana de sa bouche. Un sourire triomphant apparut alors sur les lèvres voluptueuse de la Koken, qui pouvait désormais savourer sa victoire comme il se devait. Elle avait vaillamment combattu, et elle avait vaincu. Une victoire de plus à son palmarès de Superstar.

Mais malheureusement, cette joie se transforma vite en surprise puis en crainte. D'un mouvement imperceptible aux yeux peu entraînés de la DJ, la grognasse, pas si bourrée que ça finalement, s'empara de son poignet. Un petit cri de douleur se fit entendre côté Hasü. L'emprise était ferme et brutale : Cette barbare voulait clairement faire du mal à notre protagoniste. Les traits faciaux autrefois assurés de la chanteuse se muèrent en peur, lorsque qu'un sourire sadique apparut sur le visage de l'Inconnue. Ce que craignait la femme aux pupilles rose était arrivé. La connasse avait elle même prévu le programme : Un cassage de gueule. En bonne et dû forme. Pas d'échappatoire du côté de la DJ. Elle était prisonnière de la poigne solide de la bourrée.

C'est alors, qu'un cri bien plus puissant se fit entendre à l'extérieur de l'auberge. Une personne située sur le trottoir, en face de la taverne venait d'annoncer un incendie. L'éclat rougeoyant des flammes transperçant les habitations voisines ne faisaient qu'approuver les dires de ce témoin. Des hurlements étaient clairement audibles dans ces mêmes bâtiments recouvert par un brasier encore déterminé à tout détruire sur son passage. Des cris d'appel à l'aide. Des gens qui voulaient des secours. Hasü n'était pas une soldat du feu, elle n'avait pas non plus le courage d'un Spartiate. En gros, c'était une quiche. Mais, elle savait, intérieurement, qu'elle devait allait secourir ces gens. Et puis comme ça l'autre conne lui lâcherait aussi le poignet qui faisait super mal à notre protagoniste préférée. Entre deux élans de douleur, elle tenta de placer quelques mots :

— ...Lâche moi merde. Des gens... Vont peut-être y passer, alors qu'on peut... Les sauver...

Elle espérait fortement que cette déclaration fasse mouche dans l'esprit de l'inconnue. La ville se réveillait peu à peu dans les alentours. Mais ce n'était pas assez rapide. Le feu aura déjà tué tout le monde dans ce pâté de maison d'ici quelques heures avant même que la foule ne puisse l'éteindre. Le duo et les quelques personnes encore réveillés étaient donc le seul espoir pour tout ces pauvres gars prisonniers des flammes.

— Grouille toi !...

Le feu est terrible, il dévore tout. Tout et tout le monde sans exception. Face à lui, nous sommes tous égaux, au fond. Je dois quand même avouer qu'après la première surprise passée, le brasier me fascinait. Ca ne devrait pas, nan, mais c'était quand même le cas. Alors quand l'autre salope émet quelques sons, faisant comprendre que d'un, je lui faisais mal (bon point, mais ça allait pas la sauver) et que de deux, il faudrait aider ces gens. Aider ces gens, WHAT ?! Elle était sérieuse ?! Elle m'avait pris par surprise, là ! Tellement que je la lâchais, pour la regarder avec des gros yeux ronds où une totale incompréhension trônait.

Et là, d'une voix hésitante, je lui demande.

- Attend ... T'es sérieuse là ?

Je cligne des yeux à plusieurs reprises, comme si j'essayais de me convaincre que j'avais rêvé. C'était pas le cas ! Comment aurait put-on croire que cette pouffe soit au fond animée de plein de bonnes intentions ? A moins que ce ne soit qu'une ruse pour éviter de se faire casser la gueule ?

Si c'est le cas, c'est pas de très bon goût. N'empêche que je pose mes deux mains sur ses épaules, et vrille ses pupilles des miennes.

- Regarde-moi bien. Et détourne pas le regard, ou j'pourrai être moins agréable.

Et tu sais que je peux l'être, j'avais envie d'ajouter, mais c'était sous-entendu.

- Je m'en fou de ces gens, pourquoi je les sauverai ?

Ca, c'est dit. Mais histoire de pas passer pour une salope totale, je rajoute rapidement.

- Y'a que des connards, des voleurs, des meurtriers et des mendiants. La lie de l'humanité. Pourquoi je risquerai ma vie pour eux, hein ?!

Et je la secouais comme une poupée de chiffons, violemment. Avant de la relâcher tout aussi vite. Tss, tu m'énerves ... Est-ce que j'étais jalouse, moi ? Je sais pas. Elle m'agaçait en tout cas. Ce qu'elle représentait ne me plaisait pas trop. Et même si normalement, je me serai contentée de la frapper jusqu'à la rendre méconnaissable et en avoir mal aux phalanges ...

- Tss ... Fais c'que tu veux. Va les sauver, ces pauv' nazes. Mais j'te tiens à l’œil. Et si t'essayes de t'échapper ... Bah, si tu pensais que j'étais méchante, là, bah ... J'te laisse imaginer ce qui t'attend.

Je souriais même plus, alors que je me levais et me dirigeais vers la sortie, à longues emjambés furieuses. Avant de me retourner, pour ajouter un simple.

- BOUGE TON CUL ! PLUS VITE QUE CA !

Hasü avait presque honte d'avoir ouvert la bouche. Prisonnière d'une garce qui avait sans doute pas mal de cases en moins, la Koken risquait de se faire péter la gueule pour avoir osée parler. Mais ce qui était fait, était fait ! Pas de marche arrière possible. L'agresseuse allait désormais soupeser sa demande. Les premiers mots qui émanèrent de l'Inconnue ne présageaient rien de bon aux yeux de la chanteuse... Visiblement surprise, la barbare demanda à notre protagoniste si elle était sérieuse dans ses propos. Hasü ne savait plus trop quoi penser face à cette réaction. Etait-elle réellement sous le choc suite aux envie héroïque de la DJ ? Ou était-ce juste une petite mise en scène qui précédait un passage à tabac ? C'était la première fois que la surprise était lisible sur le visage de la grognasse, et la chanteuse ne savait pas quoi penser de ce changement d'attitude. A peine le temps de s'interroger, que deux mains se posèrent fermement sur ses épaules. La connasse ordonna alors à Hasü de la regarder et de ne pas la quitter des yeux. La peur que ressentait la DJ augmenta d'un cran, lorsque la bourrée annonça ne pas se soucier de toutes ces personnes. Elle allait laisser ces gens brûler vifs. Durant sa jeunesse, Hasü avait souvent entendu que ce monde était ingrat, ignoble et terrible et que les personnes qui le peuplait avaient oubliés le sens du mot "entraide". Jamais elle n'aurait cru voir ça de ses propres yeux aussi tôt. Cette femme avait-elle seulement de la compassion pour la vie humaine ? Il fallait croire que non.

Terrifiée, Hasü laissa la Sans-Coeur continuer son discours. Elle n'osait plus parler. La nausée commençait à se manifester. Et si jamais elle ouvrait la bouche, ce serait elle qui allait gerber. Cette femme la dégoûtait. Sous ses airs de beauté fatale, cette connasse n'était qu'une putain d'abomination. Seul son physique était encore celui d'une femme, derrière il n'y avait plus rien. la Koken avait envie de crier, de la raisonner, de l'insulter. Bref, elle voulait lui montrer qu'il y avait aussi les gens simples. Comme sa famille qui travaillait d'arrache pied pour vivre et préparer sa future génération. Et ceux qui étaient dans ces baraques en feu n'étaient sans doute pas si différent ! Elle allait les aider, même si elle ne savait pas trop dans quoi elle allait se lancer. C'est alors que l'improbable se produisit : la Biatch, allait justement laisser la DJ exécuter son délire d'héroïne. Cette fois c'est Hasü qui cligna les yeux de surprise. Elle n'eut même pas le temps de chercher l'explication de la chose que la Barbare lui demanda de se grouiller.

Se massant son poignet meurtri, la DJ courut en direction de l'incendie. La bête avait prit bien plus d'ampleur. Les quelques dizaines de personnes présentes faisaient la chaîne pour tenter d'amener des sceaux remplis d'eau de la rivière jusqu'au lieu du brasier. C'était trop peu. Les habitations ne pourraient pas être sauvées, mais les habitants si. Hasü déglutit lorsqu'elle comprit qu'il ne restait qu'une seule chose à faire pour espérer de sortir les gens de ce merdier. S'approchant de la maison la moins envahie par les flammes, la jeune femme fonça tête baissée ignorant les cris des gens qui venaient de comprendre ce qu'elle faisait. la Koken ne réfléchissait plus. Elle ne pensait pas aux conséquences comme la mort. D'ordinaire, elle n'aurait jamais fait sa Superwoman. Ce n'était pas son genre. Hasü n'était pas un soldat, elle était maladroite sur le plan physique et seule la danse lui permettait de garder la forme. Alors que foutait-elle là ? Elle voulait empêcher des gens de crever. Voilà la raison de sa présence ici. Le sauvetage était désormais son seul objectif dans cette bâtisse condamnée.

— Y'A QUELQU'UN ?! RÉPONDEZ !!

Accroupie, la jeune femme tendait l'oreille dans l'espoir d'entendre une voix. Personne ne répondit. Avançant tout en regardant avec inquiétude les poutres embrasées qui menaçaient à tout moment de tomber, la Koken discerna alors les sons d'une ou plusieurs personnes. Des pleurs. Ouvrant une porte, elle vit alors deux enfants d'environ 4 ou 5 ans. Surpris et terrifiés, les gamins poussèrent tout deux des cris d'exclamation à la vue de la Koken. Elle même terrifiée, Hasü tenta tout de même de mettre le duo enfantin en confiance :

— Ne vous inquiétez pas... J'vais essayer de vous sortir de là...

Pas du tout confiante en ses propres capacités, elle prit tout de même les deux enfants avec elle. Une main dans le dos de chacun, le trio tenta de se frayer un passage à travers ce brasier furieux. Les flammes se faisaient de plus en plus grande dans la maison. Et la suite vous vous en doutiez : Le groupe ne tarda pas à être encerclé. Regardant dans toutes les directions, Hasü ne voyait plus qu'un rideau rougeoyant. Le désespoir l'envahissant, la jeune femme était à court d'option.

— Merde... Merde !

Elle fit la seule chose qui lui restait à faire. Elle hurla à s'en détruire la voix, son don amplifiant le son de cette dernière :

— A L'AIDE !!

Elle avait du cran, la salope rousse. Mais était super conne, surtout.

J'étais sortie peu après elle, de cet établissement. J'avais bien pris le temps de finir mon verre d'eau, et j'avais pris encore plus de temps à bouger dehors. J'étais pas pressée, après tout. J'en avais rien à faire de tous ces gens. Rien à faire de ce village, et encore rien à foutre de ce brasier. Qu'ils crèvent tous, ça me concernait pas. J'avais déjà mes emmerdes, c'était pas pour que de parfaits inconnus m'apportent les leurs. Si bien que j'étais posée, dos contre un mur, contemplant les flammes montant haut et plus haut.

Je commençais un peu à comprendre Hanako, il y avait de la beauté dans le feu qui purge et consume, ce feu qui ne fait nulle discrimination.

Les gens s'agitaient, inutilement. Rien si ce n'est le temps stopperait ce démon de feu. Et l'autre conne s'était engouffrée dans ce bâtiment, y'a quelques minutes. Il était désormais cerné par l'enfer, et il était probable qu'elle y passe. Cette pensée ne me faisait ni chaud ni froid, je l'avais prévenue après tout.

Mais un quelque chose me dérangeait là dedans.

Même si c'était une grosse conne. Même si je ne sentais pas le moindre affect pour sa personne et son engeance. Ça ne me semblait pas juste. C'était qu'une inconnue, hein. Après cet épisode, nous ne nous reverrons plus jamais. Mais j'ai pas oublié. Rinnie, les Bois de Tsura, Ibuki. Et j'en avais marre de tout ça.

Un soupir perce mes lèvres. Tu pourras pas me dire que j'ai mal agi, hein.

J'inspire profondément, alors que je pose ma main sur le pillier. Clos les paupières. Laisse l'énergie envahir mon corps. Elle palpite. Elle me fait vibrer. Et je sens quelque chose se briser. Puis une deuxième. Et enfin une troisième. J'ouvre les yeux, pousse un cri de guerre, me saisit à deux mains de se pilier. L'embrasse. Et dans un effort qui aurait dû être colossal, mais qui se révélait finalement enfantin, je l'arrachais et m'en saisissait à deux mains, vision grotesque d'une ado' portant un instrument deux plus haut et large qu'elle.

Je me dirige, rapidement, vers la maison en flammes sous les regards ahuris de la populace qui n'en croit pas ses yeux, et arrivée devant, pousse un nouveau cri, avant d'enfoncer avec toute la violence possible le mur de cette baraque avec mon arme improvisée. Devant moi ? Du feu, des cendres et du bois se consumant. Un crépitement qui ne se termine pas. Et bien plus près que je ne l'aurai voulu l'entendre ? Un appel au secours ultra amplifié de cette grosse salope ! Tellement que limite il me perce les tympans ! Bordel, t'arrêtes pas de te faire chier hein, tu peux pas t'en empêcher ?!

Nouvel hurlement, rempli de colère, alors que j'exécute un arc-de-cercle avec le pilier, et voilà que je défonce ce mur là. Ce mur qui abritait, derrière, une salope rousse et des gamins.

Je me devais de dire un truc adapté à la circonstance.

- MAIS PUTAIN FERME TA GUEULE ! T'ENTENDS ?! FERME TA GUEULE !

Et je lâchais le gros morceau de bois, vu que j'en avais plus besoin.

Est-ce que ça allait faire mal ? Voilà à quoi pensait la Koken. Prisonnière des flammes, la jeune femme regardait frénétiquement dans toutes les directions possible. Elle espérait discerner une échappatoire à travers cette cage de feu. Mais il ne servait à rien de rêver. La maison ne tiendrait pas plus longtemps. Le son des poutres carbonisées qui sévissaient au dessus des têtes des trois malheureux en était la preuve. Dans peu de temps cette habitation s'écraserait sous son propre poids et le trio avec elle s'ils ne recevaient pas d'aide dans les prochaines minutes. La chaleur présente était intense, et les enfants comme la jeune femme étaient couverts de transpiration, leurs corps luisant sous la lumière du brasier. Cette même chaleur n'allait pas tarder à les consumer... Hasü s'en voulait profondément, elle n'avait pas été capable d'aider ces deux âmes errantes. Il n'y avait plus aucun espoir pour les enfants. Ils ne voyaient plus que la Mort comme issue. Les yeux en larmes, les gosses attendaient le jugement dernier. Ils avaient eu la volonté de suivre la rousse, mais cette dernière s'était révélée inefficace dans leurs détresses. C'est d’ailleurs ce qui était le plus horrible : En la voyant, les gamins avaient vu, en Hasü, une chance de salut. Cependant l'Appel à l'aide lancé plus tôt montrait seulement qu'ils allaient mourir en trio plutôt qu'en duo. Hasü s'en voulait terriblement, elle avait l'impression de leur avoir tendu un cadeau et de le leur avoir arraché des mains. La sensation que ces gosses devaient ressentir en ce moment devait être horrible. Dans une dernière tentative, afin de rehausser le moral autant pour eux que pour elle, la DJ s'adressa aux gamins :

— Vous inquiétez pas... Ils vont nous retrouver...

Ça sonnait faux et elle le savait. Une larme coula le long de sa joue. Quelle conne elle avait été d'avoir quitté le nid familiale. Quelle idiote elle avait été d'avoir dépassé les murs de son village dans le seul but d'assouvir son besoin d'aventure. A l'heure actuelle, elle aurait dû être à son concert hebdomadaire devant un public qui l'écouterait et qui l'adorerait. Non, elle avait préféré répondre à l'appel de l'exploration. Et qu'avait-elle découvert pour l'instant ? Un monde qui l'a dépassé. Un monde dicté par les plus fort. Un monde où la Mort se trouvait à chaque coin de rue. Un monde remplit de Terminator. Voilà c'est fait pour la rime ! Ahemm... Bref.

Pour Hasü, il était trop tard pour faire marche arrière désormais. Revenir au bercail serait un échec, un déshonneur à ses yeux. Elle avait tout donné pour convaincre sa famille de la laisser partir. Pas question de rebrousser chemin après tout ça ! Elle allait s'adapter à cet environnement hostile et finir cette tournée dont elle avait tant rêvée. Enfin... Si elle survivait à cette merde.

C'est alors qu'un immense vacarme se fit entendre dans la bâtisse condamnée. Secoués dans tous les sens, les 3 captifs hurlèrent de terreur. Que se passait-il ? Ils n'en savaient strictement rien. Les débris voletaient dans tous les sens et le souffle provoqué par ce brouhaha faisait vibrer les flammes. Le silence retomba alors. Mais il fut de courte durée. En effet, à peine le temps de souffler que les oreilles de la Koken souffrirent le martyr lorsque des "Ferme ta gueule" lui détruisirent l'ouïe. Pour n'avoir qu'entendu cette voix peu agréable toute la maudite soirée, la DJ ne doutait pas une seconde sur l'identité de la coupable. Relevant les yeux, elle vit une ado rebelle lâchant une poutre qui faisait trois fois sa taille et son poids. Derrière elle, se tassait une foule hébétée. Hasü aussi n'y croyait pas. Venait-elle juste de voir une gamine porter un morceau de bois qui nécessitait au moins 4 hommes ? Sans compter que ce bordel massif était en train de flamber ! Mais putain cette connasse n'avait réellement rien d'humain à part son physique... Le regard de la Koken allait de la grognasse à la poutre et vice-versa. Quand je vous disais que ce monde échappait totalement à la logique de notre protagoniste.

La foule s'empressa de relever le trio et de les emmener à l'extérieur. Loin des flammes. La ville s'était désormais bien réveillée, et une foule conséquente s'attelait désormais à éteindre cet incendie. Le danger et la Mort était désormais loin derrière la DJ. Mais elle n'avait toujours réalisé ce qu'il venait de se passer. La poutre enflammée, la brèche béante de la maisonnette, la salope. Elle n'avait jamais vu ça. Elle ne connaissait pas les capacités des Shinobis.

— Putain... Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je rêve c'est ça ? C'est un putain de cauchemar hein ? Je vais me réveiller.

Se pinçant, elle vit que rien ne se passait. Soit elle était profondément endormie, soit c'était la merde. La bonne grosse merde ! Ne comprenant rien à rien, la Koken commença même à se mettre en colère. Toute seule. Comme ça. OKLM.

— Bordel ! Mais il s'est passé quoi ?!

Elle se tourna alors vers sa "sauveuse".

— Est-ce que tu viens juste de porter un putain de gigantesque morceau de bois ?! Et t'as aussi détruit une maison ?! MAIS WHAT THE ACTUAL FUCK ?! T'ES UN PUTAIN DE MONSTRE HEIN ?!

Les gens n'en croyaient pas leurs yeux. Ils seraient restés des heures durant à contempler ma silhouette, si un incendie un peu trop et immédiat ne les avait retirés de leurs rêveries. Ils s'agitaient, se déplaçaient autour de moi. Ils récupèrent la rouquine débile et les enfants tout aussi débiles (parce que sérieux, faut pas être futé pour rester dans un logement en flammes !), et finalement, lorsque tout ce beau monde était évacué, je décidais de m'extraire des ruines embrasées.

Plus et plus de gens étaient dehors, et s'empressaient à contenir la catastrophe. Les chuchotements et les regards allaient bon train sur mon passage. D'alcoolique foutant le bordel, j'étais passée à monstre inspirant la crainte et la défiance. Ça me convenait, hein.

Ce qui me convenait moins, c'était l'autre conne qui se réveille et commence à causer. Cauchemar, ça ? Nan, c'était juste la réalité, princesse.

- Juste la routine dans mon monde.

Puis je la laisse s'égosiller, entre l'hystérie et la panique, alors qu'un sinistre sourire illumine mon pâle minois. Puis, je me décide à m'approcher d'elle, très près. Puis mon visage, je le calle au plus près du sien, menaçante, avant de lui chuchoter langoureusement.

- Oh oui, je suis un monstre. Et tu sais quoi ..? Je suis pas le pire d'entre eux.

J'hésitais à glousser, mais je la sentais trop chamboulée. Ça serait de mauvais effet, mais c'est pas comme si au fond, le paraître que je lui exposais avait de l'importance. Et j'étais toujours un peu très saoule, ça doit pas aider nan plus. Puis je dépose mes lèvres sur son front, en un long baiser humide, avant de lui sourire, plus amicale.

- Arrête de faire la tronche, salope. J'dois toujours te casser la gueule, mais ça me dérangerait de le faire devant tellement de gens ...

Et je me saisis de sa main, sans douceur aucune, avant de le lever haut, alors que je me retourne vers la foule agglutinée autour de nous, qui finit par nous acclamer et hurler en notre honneur.

Hasü était là debout. Elle n'osait plus bouger. Elle était crevée, un mouvement en plus et elle tomberait comme une conne sur le sol où cendre et pierres se mélangeaient. Sa déclaration avait fait mouche, stoppant la salope dans sa lancée. Une foule impressionnante s'était tassée autour des deux jeune femmes. Tous regardaient la dame aux cheveux noir avec un mélange de peur et de stupéfaction. C'était pas tous les jours que l'on voyait une gamine soulever une poutre enflammée... Pour sûr, c'était la première fois que la Koken était spectatrice d'une telle chose. Dommage que ce spectacle avait été plus interactif que prévu. Il était temps pour elle d'assumer ses paroles et de faire face à cette abomination à l'apparence humaine. Tétanisée par la peur et la fatigue, c'est sans un mot que la rouquine laissa son interlocutrice avancer en douceur vers elle. Un sourire tout aussi sadique s'était dessinée sur ses lèvres. Serrant les poings, la DJ espérait que ce qui allait se passer n'allait pas être trop douloureux... Mais il s'avéra que l'Inconnue n'avait pas raccourcie la distance qui les séparaient pour lui mettre son poing dans la gueule. Pas encore en tout cas. Se contentant de rapprocher son faciès de celui d'Hasü, elle ne manqua de faire apparaître quelques rougeurs sur les joues poussiéreuse de la Koken. Finalement, elle murmura d'une voix langoureuse qu'elle n'était pas la plus dangereuse... Mais à qui faisait-elle allusion lorsqu'elle disait à "eux" ? Les Ninjas ? Ou à autre chose ? De toute évidence, ce susurrement avait eu l'effet escompté : Ecarquillant les yeux, la jeune femme, effrayée, tenta de faire un pas en arrière et tomba sur son postérieur. C'est alors que contre toute attente la grognasse posa un baiser humide sur le front de notre protagoniste. Hasü, rougissant légèrement, se demanda la raison de tant d'affection... A croire que cette ivrogne ne faisait qu'enchaîner des actions plus incohérentes les unes des autres...

Reprenant son vocabulaire favori, la rebelle des rues lui saisissait la main et la brandissait vers les cieux et tout ça devant une foule qui se décida à acclamer les deux héroïnes de la soirée. Deux enfants avaient été sauvés d'une mort certaine et tout ça grâce à ces deux demoiselles. Enfin... La femme aux cheveux noir était réellement la seule à applaudir. Hasü n'avait fait que compliquer les choses. Elle ne savait pas trop quel rôle elle avait bien pu jouer ce soir à part celui de victime... Toujours sous les acclamations, Hasü extirpa sa main de la poigne de la connasse et s'éloigna. Elle ne voulait plus rester là plus longtemps. Elle ne mettrait plus jamais les pieds dans ce village. C'est alors qu'elle se retourna et posa ses yeux verts une dernière fois sur celle qui l'avait sauvé :

— Merci pour m'avoir sauvé.

Lui sortant alors un doigt d'honneur, elle rajouta :

— Mais j'espère que nos chemins ne se croiseront plus jamais pétasse.

Tournant le dos définitivement, la DJ s'en alla d'une démarche lente et fatiguée.