Le regard du Blondinet était diffèrent de la veille. Il se faisait plus dur, plus sombre, plus … Lui ? Tout simplement. La récente soirée n’avait été qu’un égarement, une sorte de pause pour se resituer, se recentrer sur ses objectifs, renforcer sa vision du monde. Une vision qu’Eden ne partageait en aucun cas. Son but était clair, bien qu’extrêmement sombre. Il voulait abattre les têtes pensantes des Nations. Cela dans l’espoir de plonger le monde dans le chaos. Cette simple révélation fit froncer les sourcils de la Kaguya. C’était donc ça sn utopie ? La chaos et la mort ? Semer la détresse et le malheur ? Il voulait que les hommes retrouvent leurs instincts primaires : le meurtre, tel des animaux sauvages et sans civilité. C’était cruel … Trop cruel pour qu’elle approuve. D’ailleurs, son visage se fit un peu plus sombre à son tour, plus fermé, plus froid. Plus il en disait, plus elle sentait la colère la gagner. Le criminel pensait qu’après les batailles et les assauts sanglants, l’homme pourrait s’assumer pleinement. « C’est ridicule. » commenta-t-elle, plutôt sèchement. « Tu seras le seul à être satisfait de ce mode de vie. C’est égoïste. Ninja, Samouraï ou simple civil, la majorité souhaite la paix. Une vie tranquille ou ils pourront aimer leurs conjoints, élever leurs enfants. Tu n’as plus d’avenir dans tes crimes alors tu condamnes celui des autres à la noirceur et au choas. » C’était un discours plutôt dur, mais elle le pensait, sans méchanceté. Eden donnait juste son avis. Avec celui-ci, elle venait de trancher. Elle ne serait jamais de son côté. Non …. La Kaguya serait probablement en face. Peut-être prendrait-il sa vie sans la moindre hésitation, le moindre regret. Mais elle, elle ne regretterait pas son choix, ni sa place.

Toutefois, la jeune femme ne cachait pas une certaine déception. Déçue d’apprendre le chemin qu’il allait emprunter, ou qu’il avait emprunté ! Elle voyait cela comme une sorte de gâchis … Comme une âme perdue dans son errance et les affres de ses mauvaises expériences. Sans bouger, ni rien ajouter, la brunette fixait Yusuke, comme pour voir ce qu’il allait faire, peut-être l’abattre maintenant … Mais un malheur fit son apparition, poussant la porte du bras pour pénétrer dans l’auberge. En vue de sa tenue et son bandeau frontal, l’arrivant était un shinobi de Konoha. En voyant les deux individus, son visage changea du tout au haut, passant de la joie, à la ‘terreur’. Eden imaginait très bien la suite … Et son imagination fut fondée. Car le Blondinet se saisit aussitôt d’un sabre. Très vite, la lame du sabreur retrouva le cœur du malheureux … Pas d’hésitation, pas de peine ni de remord, juste au meurtre de sang-froid … La Kaguya ferma les yeux en baissant la tête quand il prit sa vie. Elle était si désolée pour lui, cet homme qui n’avait rien demandé à personne. Encore une victime pour attiser les haines du Pays du Feu. Elle soupira et ouvrit les paupières, regardant le sol, peinée. Elle ne regardait pas le corps, mais la flaque de sang qui se rependait rapidement était plus que suffisante pour la faire grimacer. Le Blondinet attrapa simplement le cadavre comme un vieux tapis et le traina sur le planché, sans le moindre respect pour sa dépouille.

Sans honte, il nettoyait son sabre, tout en ajoutant qu’il devait lui paraitre barbare. Mais qu’il luttait pour cela, pour libérer l’homme, le rendre de nouveau sauvage, un prédateur au-dessus des autres. « L’assommer et partir aurait eu le même effet. Le meurtre n’est pas une nécessité. » Répliqua Eden sur un ton qui se voulait réprobateur. Apres un léger soupir, elle posa les yeux vers lui. « Ta doctrine est dangereuse … Tu veux détruire la hiérarchie, mais dans un monde sauvage et chaotique, c’est la loi du plus fort qui règne. Les faibles et les innocents meurent, les plus puissants reprennent la gouvernance, l’impose même et dirige le peuple vers la dictature. » Son avis semblait plutôt neutre, elle ne jugeait personne. Non, Eden imaginait juste les conséquences de son utopie. De quelques pas, elle s’approcha du corps et se baissa vers le pauvre homme. Posant index et annulaire sur les paupières du Ninja, elle lui ferma les yeux avant de se redresser. « J’imagine que nous sommes comme nous sommes. Que ton vécu t’a rendu ainsi. Qu’importe … Fais ce que tu dois, advienne que pourra … » Conclu-t-elle en lui lançant un dernier regard. Enfin, Eden avança vers lui. En passant à ses côtés, elle passa sa main sur son épaule, un geste étrange, presque compatissant. « J’ai juste l’espoir que ta lame ne se teintera pas de mon sang. J’ai également des choses à accomplir avant d’accueillir la mort. » Peut-être se croiseraient-ils de nouveau, dans sa conquête de son héritage, sur les terres de Mizu, dans les ruines de la Majestueuse Kiri …

Un sourire léger s’imprima sur mon visage lorsqu’Eden se pencha sur le cadavre du Konohajin que je venais sèchement d’exécuter. Pour elle, il était clair que mon geste était exagéré, que j’aurais sans doute dû me contenter de l’assommer. A cet instant, j’aurais voulu lui dire que si je ne l’avais pas fait, il y aurait eu un témoin de plus, un ennemi de plus à combattre. Dans une situation comme la mienne, je n’étais pas en mesure de faire des compromis. Je ne prenais pas plaisir à tuer, comme cela ne me dérangeait pas non plus. Encré dans la plus grande indifférence depuis mon premier meurtre, je me contentais d’ôter la vie comme on cuisine ou on jardine. Une activité éreintante parfois mais qui n’absorbe pas vos nuits pour les transformer en cauchemar. Etait-je un psychopathe, insensible aux souffrances de ses victimes ? Certains ont certainement dû le penser. Mais je connaissais la souffrance, la solitude, la haine et le remord. J’étais moi-même un gouffre d’émotion mais, par économie de temps sans doute, j’avais décidé de retirer à ma conscience le chagrin qu’occasionne le fait de donner la mort lorsque celle-ci n’est pas amplement mérité.

« Les forts qui prennent la place des puissants sur l’échelle du pouvoir… C’est déjà le cas Eden. Sauf que toute la machination est camouflée. Les ninjas ne choisissent pas leur Kage, ce sont des vieillards élus par la descendance qui le font. Les Kages exercent ensuite au nom de ces vieillards leur pouvoir dictatorial. Mais dans le monde que j’essaye de construire, certes les faibles meurent mais ceux qui le méritent vivent. Cela peut te sembler archaïque, voir stupide, mais tu comprendras si jamais j’y arrive. »

Je ne parlais ni avec colère ni avec tristesse. Mais cela, Eden s’en rendit compte. D’ailleurs elle ne m’en tint pas rigueur. Elle se contenta de soupirer comme le font les femmes lorsqu’elles rencontrent des hommes qu’elles ne pourront jamais changer. Elle posa sa main sur mon épaule et prononça sa réplique avec compassion et résignation. Notre entretien touchait à sa fin, je le sentais bien. Il y avait dans notre rencontre quelque chose de particulier alors. Nous nous entendions trop bien pour que nous en restions à de simples connaissances mais nos vies respectives nous poussaient à nous rejeter. Curieux phénomène en somme mais en soi complètement réaliste. Et lorsque la jeune fille, compréhensive de mes idées partagea sa crainte de finir au bout de ma lame, je ne pus retenir une sorte de soupir involontaire, une impulsion fragile de mon diaphragme. Je n’avais pas à l’esprit de lui ôter la vie. Loin de moi s’était envolé cette idée depuis que je savais qu’elle ne m’était pas hostile. Je tuais ceux qui voulaient ma mort et mes cibles uniquement quoi que ces deux catégories se mélangeaient parfaitement. Un instant j’eus une mine déconfite alors que marchais vers l’extérieur. Prenant le ton presque triste des adieux, je lançai un dernier regard à la jeune fille avant de m’envoler dans la fumée de cendre qui se dispersait de mes sabres.

"Je ne pense pas qu’il y ait quelque chose à ajouter…"

Je n’aimais pas les au revoir mais il fallait bien se séparer. La magie de notre rencontre venait d’être brisée. Nous n’étions dès lors plus que deux hommes qui ne se connaissent que trop et qui, pour des raisons inconnues étaient irrémédiablement attirés l’un vers l’autre. Si je n’étais pas parti, évaporé comme un lâche ou un couard, je me serais sans doute abandonné à l’amour que la jeune Eden ne m’offrait pas. Mais il n’y avait rien à faire, parfois on ne peut pas se battre contre les desseins du ciel.

PS: