Mon interlocuteur savait se mettre rapidement à l’aise. Je me doutais bien que lui poser des questions sur sa terre d’origine pouvait entrainer des réactions. Cependant, je constatais qu’il s’en sortait bien, même s’il ne me donnait pas plus d’informations que cela sur Shimo no Kuni. Au vu de son rang de Jonin, les chances étaient grandes qu’il n’ait plus eu le temps de réellement se consacrer à Shimo. Peut-être ne disposait-il plus autant d'informations à ce sujet que cela. La vie d’un Jonin n’est pas de tout repos. Les missions, les missions, encore les missions… J’avais pas mal donné dans ce registre. Je savais de quoi je parle.

Perseus se sentait à priori tel un poisson dans l’eau dans mon bureau. Il sortait une cigarette et m’en proposait une. Fumer dans le bureau du Kage ? Même s’il me demandait indirectement mon autorisation… J’en restais perplexe. Dans mon esprit, sur une des cases de test de la personnalité du Jonin que j’avais en face de moi, une croix venait d’apparaître. Bonne ou mauvaise. Je savais en tous cas comment interpréter au mieux la chose. Je déclinais la cigarette tout en invitant le shinobi à bien vouloir ouvrir l’une des fenêtres du bureau. S’il tenait tant que cela à fumer, pas de soucis.

Lorsque j’eu le shinobi à nouveau face à moi, je pus lui répondre :

« Toute personnalité est intéressante. Toute histoire. Je respecte la tienne Perseus… »

Mes mots étaient sincères. Je ne faisais ni dans la démonstration, ni dans le cinéma ou le théâtre. Même s’il devait prendre aujourd’hui mes propos pour des paroles de politicien, au final, il finirait par découvrir l’implacable vérité : tous les kumojins sont des joyaux à mes yeux ; d’où qu’ils puissent provenir. D’ailleurs, n’étais-je pas moi-même d’un pays étranger à la base ?

« L’émulation est la meilleure chose pour un shinobi. Nous avons le devoir de tenter de nous parfaire sans arrêt. Toutes les personnalités auxquelles tu fais référence peuvent apporter, à leur manière, leur pierre à l’édifice. Il suffit juste que chacun le comprenne et que chacun accepte de jouer son rôle dans l’intérêt de tous. »

Me comprendrait-il ? Dans ce monde de compétition, tel qu’il l’affirmait, j’étais un exemple de combativité. Toute ma jeunesse j’ai dû me battre contre moi-même, puis contre les autres pour sans cesse aller de l’avant. Ne jamais rien lâcher, tant que ses objectifs ne sont pas atteint, mais surtout, savoir se mettre au service de Kumo quand nécessaire. Je percevais que beaucoup de shinobis ne parvenaient plus à faire cette distinction. Les enseignements de la voie shinobi se délitent. Il ne reste que très peu qui en soient de véritables.

« Quelles nouvelles de Shimo no Kuni dis-moi ? »

Le moment détente allait bientôt passer. Cependant, aucune raison de hâter les choses. Même le Raikage que j’étais pouvais se permettre une petite pause histoire de savoir comment se sentent ses shinobis.

Le Jonin l’avait fait. Il embaumait mon bureau de sa fumée toxique. Il l’avait fait. Le truc que je n’aurai jamais osé faire. Mais après tout, les gens sont différents, et curieusement, je ne lui en tenais pas rigueur. D’autant plus qu’il avait l’amabilité de ne pas relâcher la fumée sur mon visage. C’est déjà ça… Je sentais en tout cas qu’il se braquait suite à l’idée que j’avais formulée. Il n’était pas d’accord sur ce que je disais. L'idée de "toute personne est intéressante" lui posait problème. Probablement n’a-t-il pas saisi dans quel sens j’ai prononcé ces mots ?

La chose me paraissait pourtant tout ce qu’il y a de plus normal. En regardant la personnalité de chacun, on peut ,après réflexion lui trouver un rôle à jouer eu égard à ses aptitudes, ses capacités physiques, mentales ou intellectuelles. Mon rôle de Kage, allait dans ce sens. Je me devais de tirer le meilleur de chacun. Forcément, je devais trouver ce qu’il y a d’intéressant dans chacun. Et ce côté intéressant existe forcément. Il m’appartient uniquement à orienter mes shinobis dans la bonne direction - celle que j’indique - à partir de ce qu'ils sont capable d'apporter.

La chose me paraissait simple donc. Mais, je ne peux en vouloir à un Jonin s’il ne partage pas mon point de vue. Nos nos hauteurs de vues sont différentes. Mais au-delà de toute cela, je me rendais bien compte que nous avions une histoire différente et donc un caractère différent. Cependant, j’espérais tirer le meilleur de cet homme. Allais-je y parvenir ?

Je ne comptais pas poursuivre le débat avec Perseus. Du moins, pas sur cette question. J’aurai aimé continuer sur Shimo, en savoir plus sur cet homme se tentant devant moi, mais je voyais bien qu’il se braquait. Il détestait parler de son passé. Du moins, n’appréciait pas le faire. Pourquoi ? Question qui mériterait réponse. Mais pas aujourd’hui...

« Soit. Tu me sembles être un homme pressé Perseus… »

Était-il un homme d’action ? Était-ce qui justifiais son empressement ? Nous allions le savoir sous peu. Je le regardais tout en ouvrant un des tiroirs de mon bureau. J’en sortais une carte. Une petite qui reflète l’état du monde. Du moins, ce qu’en connais Kumo. Une carte actualisée via les rapports espions de Kumo. C’était la toute dernière version en ma possession et la mission que je comptais confier à Perseus allait permettre de l’actualiser. En un sens.

Je tournais la carte vers lui, attirant son attention sur la zone qui m’intéressait actuellement : Mizu no Kuni.

« Comme tu le devines, tu as là la carte du monde avec l’emplacement des points stratégiques militaires et économiques des pays alliés et de ceux avec qui Kumo est en tension… »

Je le sentais captivé par ce que je lui racontais. Au moins un minimum ; assez pour que j’ai envie de poursuivre avec lui.

« J’ai eu vent récemment, du déplacement d’une flotte shukaijin dans ces eaux. Probablement as-tu déjà eu vent de Kiri et de ce que ce village a représenté dans le monde pendant une décennie ? Je veux que tu couvres la zone de l’ancienne Kiri ainsi que les positions stratégiques, anciens ports, villages phares, zones d’habitation des Kaguyas. N’hésite pas à nouer des relations. Apprends le maximum de ce qui se fait sur place. Essayes de savoir ce qu'on fait sur place les shukaijins ou ce qu'ils y font s'ils y sont toujours. »

Je le regardais dans les yeux. Je ne rigolais pas. Cette mission était des plus sérieuses. Et j’espérais qu’il le comprenne. Je n’allais pas discuter avec lui de questions géostratégiques. Il n’était pas Conseiller et probablement qu’il ne comprendrait pas certaines choses. Non pas qu’il soit peu intelligent, loin de là, mais plutôt, parce qu’il n’était pas dans une posture similaire à la mienne. Les informations dont nous disposions étaient incomparables puis, nos visées et nos ambitions pour Kumo ne peuvent être les mêmes. Cependant, en tant que Jonin de Kumo, j’attendais de lui qu’il réussisse avec brio la mission que je lui confiais. C’est le minimum.

« Bien évidemment, durant le temps que tu passeras sur place, tu n’appartiendras ni à Kumogakure no Sato, ni à Kaminari no Kuni, encore moins à Shimo no Kuni. Rien qui ne laisse penser à ton appartenance à un ordre de près ou de loin lié à notre village. »

Je continuais de le regarder le plus sérieusement du monde. Visage neutre, mais regard oh combien expressif. Je lui laissais deux semaines maximum hors temps de voyage. C’était largement suffisant. Il prendrait le rôle qu'il voudrait, l'essentiel est que sa mission soit menée à bien.

Je sortais un nouveau parchemin, vierge, exécutais des mudra et y appliquais un sceau complexe au centre. Ce sceau laissait un emplacement rond. Une place pour qu'une signature de chakra y soit apposée. Je posais ma main droite au centre de ce cercle et ma main gauche sur la carte dépliée sous les yeux du Jonin. La partie concernant l'archipel du pays de l'eau sembla s'éclairer avant de se stabiliser. Je remettais le parchemin sur lequel j'avais appliqué un sceau à Perseus. Je lui expliquais que s'il voulait voir la partie concernant l'archipel, il lui suffirait d'apposer sa signature chakratique. En réalité, la première signature chakratique après moi tiendrait lieu de clé de verrouillage des informations que je venais de copier via mes connaissances en fuinjutsu. Voilà pourquoi j'exhortais Perseus à faire un premier essai, là sous mes yeux. Ensuite, il serait libre de s'en aller. Il avait une mission à mener à bien dorénavant.

Je rangeais la carte du monde. Et attendait les probables réactions du Jonin.