Dragon à trois têtes qui va t'faire ta fête [Mission C]

La madame de la Racine, v’là qu’est-ce qu’elle dit:

Une lune froide et blanche brille d’un éclat dur dans un ciel sans nuage. Les ombres se découpent parfaitement dans la nuit et le vent frais d’automne laisse les branches frémirent sur son passage. Visible du bout de la route, une silhouette chemine aux abords du Shozaichi. Elle frissonne à l’instar des arbres qu’elle dépasse, puis ressert le col blanc de sa tunique. Une âme qui guette le long de son périmètre dont la pâleur de l’uniforme ne laisse planer aucun doute : un soldat de l’Alliance. La silhouette en croise une autre, un frère d’arme avec qui elle échange sur cette soirée claire et propice à la surveillance.

- « Toujours aucune trace du monstre de mon côté. Mais avec cette clarté, on n’devrait avoir trop de mal pour le repérer… . » Un nuage de fumée s’échappe de ses lèvres tandis que les deux ombres se séparent, poursuivant chacune la mission pour laquelle elle est payée.

Fuusho remonte ainsi la route tandis que Mikami surveille les cieux d'un peu plus bas. Ils se sont mis d’accord sur un plan d’action relativement simple, quelques heures plus tôt, à la réception de leur ordre de mission. Ils se réservent ainsi une première nuit de vigilance, sur une zone à la croisée des deux derniers chemins où le dragon a été aperçu.

Les heures défilent et le petit matin se rapproche dangereusement. Un premier essai qui s’assure raté, à moins que le démon ne pointe l’un des trois bouts de ses nez. Mais plus le temps s’écoule et plus le fumeur s’attriste d’un échec potentiel. Non pas sur l’aspect négatif de leur non-réussite, mais bien sur le sous-entendu que cela transporte : réitérer la manœuvre jusqu’à ce qu’une écaille ne brille dans la nuit. Autrement dit, sacrifier une nouvelle soirée de détente… .

Leur pari porte ses fruits et s’annonce en un rugissement dantesque. Le cri résonne au-dessus du trentenaire, lequel, pétrifié par ce qu’il croit distinguer être un monstre à trois têtes, ne peut que subir le spectacle éphémère qui plane pour disparaître au loin. Alors que Mikami le rejoint, il implore d’une voix craintive le soutien de son compagnon.

- « Dis-moi que tu l’a vu, toi aussi. » L’être grandiose, sublime et ô combien terrifiant qui vient tout juste de les survoler semble s’être posé à quelques centaines de mètres d’eux. Et de cet atterrissage vibre le cri immédiatement étouffé d’une enfant. Toujours paralysé, Fuusho ne sait que faire.

Trois hurlements retentirent dans le même temps. La semelle de Mikami vint frapper le sol terreux pour stopper sa descente et un frisson remonta de son talon jusqu'au plus haut de sa nuque. La peur, la surprise, l'excitation, qui aurait pu le dire ? Le vent lui brossait le dos dans un souffle puissant qui aurait pu provenir des battements d'ailes, alors que sa tête penchait en arrière pour diriger ses yeux cherchant dans les étoiles. La lune, scintillante, se trouvait derrière lui ; et dans son champs de vision une ombre menaçante, furtive et imposante traversa le sentier plus bas à ses pieds. Le jeune homme se retourna d'un mouvement vif dans lequel ses bras ne purent que suivre impuissants le demi-tour rapide qu'effectua son torse, et ses yeux jaunes s'écarquillèrent à la vue de la silhouette nocturne de l'hydre volante qui fendait les cieux.

On pouvait lire à son regard la stupeur, la contemplation et l'accueil fringant d'un monstre qu'ils n'attendaient plus. Aussitôt il se mit à courir à grandes enjambées, remontant la pente vers Fuusho qui semblait ne pas réagir.

- Dis moi que tu l'as vu, toi aussi.

- Suis-moi faut pas qu'on le perde !

Ceci voulait dire oui. Une machine montée de toute pièce, une illusion globalisée, l'avènement d'un monstre du jugement dernier... Durant leur enquête, ils en avaient entendues des théories et imaginés bien des scénarios, des plus modérés aux plus loufoques et des plus rassurants aux plus insensées. Une bonne poignée d'éparses personnes l'avait vu mais aucune ne put le décrire avec précision, ses apparitions n'ayant été que trop furtives pour que l'on puisse étudier son comportement ou ne serait-ce que sa façon de se déplacer. Aucun moyen de savoir s'il était finalement réellement menaçant, mais l'inconnu est le père de la peur et lui cède très vite sa place. Voilà pourquoi l'intervention des deux shinobis se faisait on ne peut plus pressante, la peur étant un sentiment qu'on ne peut se permettre de laisser s'installer au sein d'une population...

- Imagine que ce soit un vrai !

Mikami se retournait vers son co-équipier alors que ses iris trahissaient le plus profond de sa pensée. Sur la sombre couleur de ses pupilles ne se reflétait pas la terreur d'un monstre cruel et sans pitié mais des dizaines d'étoiles brillant de mille feux, à s'en demander si elles étaient l'image de ce qui se trouvait dans le ciel ou de l'enthousiasme, l'emportement et l'ivresse qui s'agitaient en lui. En un seul mot, son expression pourrait être résumée par un « Déliiiiiire !! » transparaissant de sa pensée sans avoir besoin de s'échapper de ses lèvres entre-ouvertes. Le jeune homme frôlait la transe et l'hystérie à l'idée qu'une bête de ce calibre, digne des plus grandes histoires médiévales et fantastiques, indépendante de la volonté de tout clan ou être humain puisse exister. Quelconque personne ayant connu le garçon avant son amnésie n'aurait jamais cru cela possible. Mais soudain, comme sorti par la fenêtre, un cri court dans la nuit.

La voix d'une enfant alors que la bête semblait s'être posée. Le binôme ne put s'empêcher de se demander ce qu'elle avait vu, s'il y avait réellement un dragon à trois têtes. Il fallait y aller pour le savoir et ce avant qu'il ne redécolle ou ne disparaisse. La manœuvre était risquée mais leur chance inespérée, sans compter que quelqu'un était peut-être en danger...

- Magne-toi où je viens te chopper par la barbe !

- « Ah non hein ! La barbe, elle est sacrée. » Menace suffisante pour l’obliger à l’action et suivre son compagnon. Le cri de l’enfant n’a fait écho à aucun autre, et c’est un calme plat, presque angoissant, qui imprègne à présent les lieux. Seules leur course effrénée et leur respiration haletante apportent un semblant de vie à travers ces bois endormis. Et alors qu’ils progressent jusqu’à l’épicentre du mal, les premiers rayons de l’aurore concurrencent une lune éclatante. Une lueur chaude et généreuse, flottante dans le temps, qui permettrait une pause des plus savoureuses… s’ils n’étaient en mission. Oubliant le dragon durant cette fraction de seconde, Fuusho jette un regard par-dessus son épaule pour apercevoir la naissance du jour. Doux spectacle familier n’ayant de cesse de l’émerveiller.

Un grésillement très distinctif accapare alors toute son attention. Y reconnaissant là l’activation d’une note explosive, il plonge vers Mikami sans plus s’attarder sur l’emplacement exacte du danger. Face contre terre tout en plaquant celle de son coéquipier au sol, ses craintes se concrétisent en une tempête de copeaux et de flammes. Un shrapnel de bois arrose la zone et l’orchestre crépitant des arbres qui se rompent s’intensifie.

- « On bouge ! » Hurle-t-il, tandis que ce chant destructeur se répète à travers des sceaux de plus en plus proches d’eux. Les flammes lèchent leurs arrières alors que la silhouette d’un monstre déployant ses ailes se révèle devant eux. Ils ne sont plus très loin, Soleil, Lune et Enfer éclairent l’obscurité jusqu’à leur dévoiler la nature du dragon qu’ils chassent.

Ce serpent à pattes n’est en réalité qu’une vulgaire poupée, une carcasse à priori métallique drapée d’un patchwork maladroitement cousu et qui sert de support à des inscriptions de contrôle. Pourtant, aucune trace d’un maître. Le cerbère tourne ses têtes vers ces nouveaux nuisibles, et dans ses yeux, Fuusho y perçoit une lueur anormalement éveillée.

Le ballet des écorces explosées se clos dans un rugissement démonique. Entre les pieds de la bête, gît le corps inerte de l’enfant recherchée.

- « C’est pas le moment où on est censé partir en pleurant nos mères ? » Sa peur est à son paroxysme, au point d’inhiber tout raisonnement lucide. Les contes dont il s’est abreuvé plus jeune ne l’y aident pas plus. Dragons, serpents mythiques et immortels…. Bien que celui-ci fasse un peu chiffon, son cri n’en reste pas moins bien réel, tout comme son intention de réduire les deux genins au silence.

D’une ondulation étonnamment vive, sa queue s’élance dans leur direction.

Ô rage, Ô désespoir que de découvrir des guenilles de tissu et les crissements de rouages métalliques plutôt que des écailles flamboyantes et trois haleines repoussantes. Ce ne fut pas l'envie de poser un pied conquérant sur l'amas de débris de ce rêve factice réduit à l'état de ruines qui manqua, mais à en juger par l'élévation du nuage de poussière témoin de la puissance du coup de queue qui les menaçait... ce ne serait pas pour de suite. Au tour de Mikami de bondir sur son coéquipier pour le plaquer au sol, sentant la bourrasque soulever leurs habits par dessous lesquelles se glissaient maintes brindilles et morceaux de terre. À peine s'étaient-ils relevés que le monstre s'était envolé et disparaissait au travers des hautes montagnes du pays de la terre, emportant la jeune fille dans ses serres.

- Mon cher Fuusho, je pense trop m'avancer si je disais que nous sommes bredouilles... je crois qu'un bon débriefing s'impose.

***

Assis à la table d'une taverne donnant sur la rue qui petit à petit s'animait, les deux shinobi se regardaient à travers des cernes traduisant une nuit mouvementée alors qu'ils se regardaient sans mot dire comme si la dame blanche leur était apparu et leur avait montré son cul. Les breuvages chaud qu'ils tenaient entre les mains auraient pu être collés à la table qu'ils ne s'en seraient pas aperçu.
Un bref rapport avait été fait à l'ôda, qui avait promis de leur faire passer un relevé des éventuelles disparitions d'enfants ou de toute autre personne dans les lieux où le dragon avait été vu.

- Bon, voilà c'que j'pense : on a affaire à... une machine, animée par une tierce volonté. Je pense que toi aussi tu as vu dans ses yeux et ses mouvements une certaine vivacité, ainsi que le sceau qui la marquait. Ce doit être la clef de son fonctionnement, reste à savoir si celui qui l'a apposé en a encore le contrôle et dans quelle mesure...

C'était bien beau tout ça, mais le seul moyen que les deux hommes avaient pour le moment de remonter à la source du problème était ce qui constituait le problème lui-même, à savoir la bête elle-même qui jusqu'à la nuit précédente n'avait pas encore fait de dégâts. Mais la donne venait de changer et les événements allaient être forcés de se précipiter. Restaient encore des points que Mikami n'avait pas éclairés.

- En revanche ce sont les présences de ces parchemins explosifs et de cette petite fille à l'orée de l'aube perdue dans la colline que je trouve anormales. Même s'il peut y avoir quantité de raisons à la seconde, la première me paraît ciblée et dans un trop bon timing pour être anodine... Aussi pourquoi s'en être allé avec le corps de cette petite fille, un corps mort ne peut pas servir à grand chose... ?

Prononcée comme pour se rassurer, cette dernière phrase n'était empreinte d'aucune conviction pour lui qui n'avait pas bien vu l'expression de la gamine, et les événements se mélangeaient encore dans sa tête tandis qu'il avait du mal à garder les idées claires. Dans l'instantanéité et au milieu du chaos il avait réussi à saisir le plus important et à s'emparer des détails les plus pertinents, mais le recul et le sommeil troublaient ses souvenirs. Ils devaient se préparer à un plan d'action qui leur permettrait d'en apprendre bien plus et y retourner à têtes reposées, car la prochaine confrontation s'avérerait sûrement bien plus longue sans compter sur les pièges surprises sur lesquels ils pouvaient encore tomber.
Le jeune homme imberbe plongea ses lèvres et sa moustache nue dans sa tasse de thé, puis s'étira les bras vers le haut frottant la peau douce de ses joues contre ses épaules brutalisées. Se caressant le dessous du menton il méditait à un moyen de prendre en filature la grosse bête dès sa prochaine apparition - en espérant qu'il y en aurait une autre.

- Toi qui t'y connais en sceau t'aurais pas une technique de pistage à sortir du paquet de clope ? On pourrait la lier à un kunai et il nous mènerait jusqu'à son repaire...

Oui, sortie du paquet de clope et non pas sortie de la barbe, Mikami n'allait pas plus faire une fixette sur l'épaisse toison qui recouvrait la moustache, les joues et le menton de son vis-à-vis. Il finit par se lever en plaquant ses mains sur la table comme pour s'aider à se redresser.

- Je sais pas ce que tu penses de tout ça mais vaut mieux qu'on en reparle ce soir quand on se reverra, mon cerveau ne peut plus rien absorber. Je te propose qu'on se retrouve un peu avant le coucher du soleil, ça nous permettra de réfléchir et d'en profiter... ... Je t'ai vu jeté désespérément un coup d’œil au lever pendant qu'on courait. Moi aussi je trouve ça dommage que le rythme que nous suivons ne nous permette pas de profiter pleinement de ce genre d'instant, mais il faut savoir se dégager le temps libre même pendant les missions... sinon nous deviendrons des armes dénuées d'émotions, ou des hommes frustrés et aigris par le vie qu'ils ont suivie. Allez à dem... à tout à l'heure mon petit Fuusho, je sens que la chasse va être épique.

Puis il se mit à marcher.

Ah oui et au fait, je n'ai absolument aucun souvenir de ma mère.

Et il lui adressa une tape amicale sur l'épaule alors qu'il venait de le dépasser.

Sa fatigue reste pour l’instant incertaine. L’image des sceaux présents sur le monstre le questionne davantage. Il partage également le point de vue de Mikami sur ces petits détails douteux relevés durant cette folle rencontre. Une enfant, la nuit, au milieu de nulle part. Des pièges explosifs, disséminés autour de la position de la fille… . Le doute s’installe dans l’esprit du fumeur.

- « La petite était immobile, pas obligatoirement morte... . » Une remarque, lancée de façon pas totalement anodine. « Et les disparitions d’enfants n’en sont peut-être pas. » Paranoïa ? La tête dans les vapeurs du thé qui réchauffe ses mains, il lève le nez pour constater à quelle vitesse la rue s’est remplie. De plus en plus de regards se portent sur eux, des coups d’œil, pas toujours discrets, alors que les habitants continuent leur route. Ont-ils tous deux à ce point une mine décrépite ? Ou bien ces regards, parfois insistants, traduisent-ils un autre mal aise ?

- « Je crains que ce soit un senseur qu’il nous faille pour remonter sa trace. Et mes compétences dans ce domaine sont bien en dessous du niveau de l’acceptable. Mais le monstre finira bien par se montrer une nouvelle fois… alors nous l’aurons. » Un encouragement, plus pour lui à vrai dire, comme un mensonge à soi-même pour pallier sa fatigue physique et psychique.

Faisant rouler le bout de sa barbe entre son pouce et son index, il hoche la tête au départ de son ami. Sa remarque était tout à fait exacte, et Fuusho ne souhaite aucunement perdre de vue qui il est réellement, au point de chérir chaque émotion, bonne ou mauvaise, encore intacte en lui. « Oui, à tout à l’heure. »

La remarque sur la mère de Mikami n’a pu trouver écho dans l’esprit préoccupé du trentenaire. Il ne voit plus que ces sceaux. Les formes. Les croisements. Et extrapole l’ordre dans lequel les dessins ont été réalisés ; car tout a son importance. Et ces têtes, trois crânes animés d’un but qui le dépasse.

- « Outch ! » Douloureux rappelle à la réalité lorsque la chaleur des cendres rougeoyantes, grimpant le long de sa clope, atteint ses doigts. Il écrase le reste de mégot dans le cendrier, puis quitte à son tour l’établissement en secouant sa main brûlée.

Mais une fois chez lui, le sommeil ne semble pas au rendez-vous. Fuusho décide alors d’écouter son obsession du jour et parcourt ses ouvrages sur le Fûinjutsu, une idée bien précise en tête. « Contrôle, contrôle… » parcourant du doigt les différents sommaires il pointe enfin sur le but de cette recherche. « Te voilà. »

* * *
* * * *

Des croquis sur des feuilles volantes, des livres ouverts qui gisent un peu partout dans la pièce, des rapports de missions comme d’interrogatoires récupérés plus tôt et épluchés à la loupe, et cette épaisse fumée de cigarette qui embaume l’atmosphère, caractéristique d’une journée entière enfermé à l’intérieur. Le trentenaire, fort occupé, en a oublié de manger, se contentant de boire du café dès qu’un gargouillis se faisait entendre. Cette idée fixe de contrer les sceaux du monstre, de leur apposer un étau pour défaire son ossature métallique, et finalement, le briser, lui ronge l’esprit. Une toquade qui s’est imposé à l’instant où le dragon s’est envolé avec la fillette.

Plus que deux heures avant la tombée de la nuit et le prochain vol du démon ; il doit retrouver Mikami au plus vite pour préparer leur piège. Rassemblant maladroitement plusieurs dessins plus une carte qu’il enroule sous le bras, il quitte son appartement bordélique et se rend à la sortie du village.

- « Mikami !! » Braille-t-il en le saluant, euphorique. « C’est cyclique Mikami, c’est cyclique. Regarde… » Il déroule la carte du Shozaichi et des alentours, et tapote frénétiquement d’un index tremblant de caféine les points qu’il a entourés en rouge. « Ce sont les zones où la bête a été vue. Avec les dates des rapports et des entretiens de villageois un peu trop portés sur le mysticisme, j’ai pu déterminer un schéma de passage. Le dragon opère selon un cycle propre, regarde. » De nouveau son doigt vient indiquer les différents cercles avant de s’arrêter sur celui d’hier soir. « Le dernier en date étant celui-ci, celui de ce soir devrait être…» il glisse l’index à l’opposé de leur position par rapport au centre du village, « ici ! Haha ! On le tient. On peut enfin avoir un coup d’avance et partir inspecter les lieux avant même sa venue. D’ailleurs, je me suis questionné sur la présence de la fillette et… une hypothèse m’est apparue. Et si… c’était des sacrifices !? » Son débit, anormalement rapide, reflète le paradoxe d’un manque conséquent de sommeil. La surconsommation de café y est probablement aussi pour quelque chose… .

Perdu dans son idée, il poursuit l’explication. « Peut-être pourrions-nous faire d’une pierre deux coups. En s’y pointant plus tôt nous pourrions découvrir qui vient poser les enfants avant le passage du dragon. Ah d’ailleurs, t’as du nouveau sur le nombre de disparitions, l’Ôda est revenu vers toi ? Hein ? Bon, bref, passons, tu me diras en chemin. Pour revenir à l’idée. Tandis qu’on intercepte le prochain sacrifice, à l’aide d’un henge on peut prendre sa place et se trouver au plus près de ce dragon mécanique. Non ? Qu’est-ce t’en dis Mikami ? »

Il accompagne la plupart de ses explications par des gestes désordonnés, faisant chuter ses papiers, les ramassant, avant que d’autres ne tombent… un spectacle dont il n’a pas conscience et qui ne l’empêche aucunement de se focaliser sur l’objectif final : découvrir qui contrôle la bête. « Tiens, aussi, regarde. T’as vu ? » Demande-t-il en agitant un papier sous le nez de son ami. « Ça va nous permettre d’inhiber les sceaux de contrôle du dragon. On s’y rend ? » Sans attendre de réponse, il débute sa marche pour traverser le village et se rendre de l’autre côté de la colline.

- « Alors, ces disparitions ? Combien d’enfants ? Ca alimente la thèse des sacrifices d’après toi ? »

Fuusho ne s’en rend pas encore compte, mais à l’avenir, il serait avisé de ne plus prendre de café sur toute une journée.

Décidément, ce trentenaire semblait s'avérer quelqu'un de surprenant. Lui qui paraissait plus habituellement enclin à la paresse se présentait ce soir avec la mine pas resplendissante d'un étudiant survolté et au travail d'arrache-pied. Ses dossiers dégueulaient de feuilles s'envolant parfois, sans pour autant que ça ne semble avoir d'importance comparée à la quantité astronomique de papiers s'écrasant sous ses bras s'agitant. Il aurait pu crier Eurêka derrière d'épais verres optiques que la sensation aurait été la même. Toutefois arrivé à distance de Mikami, le parfum froid et ancré de la caféine vint trahir les raisons de son hyperactivité. Mais la journée de recherche avait l'air d'avoir été fructueuse et la logique des lieux d'apparition de la bête allait leur être d'un secours décisif.

De son côté le garçon aux pupilles jaunes n'était pas ce genre de bosseur, en tout cas pas régulier. Cela pouvait très bien lui arriver, mais il était plus du style à rester allongé et méditer, cherchant des réponses au travers du plafond le crâne confortablement reposé sur ses deux mains jointes. Ce à quoi il s'était attelé avant de se laisser tomber dans les bras de Morphée. La thèse des sacrifices, il y avait pensé aussi mais voir plus loin lui était impossible, il manquait bien trop d'éléments. Peut-être aurait-il mieux fait de se plonger dans les archives tel que Fuusho l'avait fait. Enfin chose relative, ses explications partaient dans tous les sens et il avait du mal à en saisir les tenants et les aboutissants. Pour contraster avec son effervescence plus que démonstrative, il s'était assis en tailleur en face de lui pour tenter de se pencher calmement dans ses théories - oui au milieu du chemin, bas les boules.

Mysticisme, sacrifices, apparitions cycliques... À vrai dire Mikami n'était pas vraiment inspiré et n'avait pu élaborer de réel plan d'action ou hypothèse. En chemin il s'était rendu aux offices de l'ôda, où l'on put lui faire part de sept autres disparitions pouvant être mises en relation avec les apparitions du dragon ; les précédentes remontaient bien en arrière dans le temps où avaient été résolues. Le récit de la veille permit de mettre en corrélation ces récentes disparitions et les apparitions du dragon, et avec le dossier qu'on lui remit, le genin put dénouer certaines parties du problème. À son tour, il sortit un rouleau de papiers du sac à sa ceinture et les étala devant son acolyte de telle sorte à ce que ce dernier puisse les lire.

- Justement regarde, tous ces dossiers concernent des disparitions survenues depuis les jours où notre cher ami à la carcasse de fer s'est montré la nuit, il y en a autant que de soirs où il a été vu. Et comme tu peux le constater ce ne sont QUE des enfants... Et regarde là, là, et là... Soit ils sont étudiants à l'académie soit au moins un de leurs parents était un ninja, autrement dit il étaient tous voués à en devenir un. Il se tut alors quelques secondes pour leur laisser le temps de réfléchir, la main posée sur le menton. Considérant ceci et l'hypothèse des sacrifices, je pense que c'est leur réserve de chakra qui est prise pour cible... sinon à quoi bon se cantonner à ce genre de gamins ?

Leur mission prenait une tournure morbide. Autant jouer à cache-cache avec une bête apocalyptique en cherchant un talon d'Achille l'amusait, autant la course contre la montre avec les faibles réserves d'énergie de petits êtres encore à l'écart des vices et turpitudes de ce monde souillé lui ferait très vite perdre patience. Aujourd'hui un nouvel enfant allait être enlevé si ce n'avait pas déjà été fait, et à défaut de pouvoir protéger tous les enfants du shozaichi et des alentours, le meilleur moyen d'arrêter cette série malsaine était d'abattre la bête aux allures fantastique et à la puissance bien tangible ; et avec la logique d'apparition que Fuusho remarqua ils partaient avec de l'avance. La carte que ce dernier sortit de sa manche pour interférer avec les commandes du monstre s'avérerait sûrement d'un atout de taille et promettant pour les évènements à venir. À eux deux ce serait du gâteau avec de la liqueur de dragon en digestif.

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Du moins c'était sans compter sur une intervention extérieure comme une nouvelle explosion en chaîne, les faits antérieurs démontrant le rôle joué par de tierces personnes. Mikami n'avait de cesse d'y songer alors qu'ils arpentaient la colline rocailleuse où la nouvelle rencontre devait avoir lieu sous les lueurs flamboyantes du crépuscules. Les deux hommes marchaient le profil baignant dans la chaleur pudique de l'astre solaire s'effaçant timidement derrière les monts surplombant la vallée. Alors que le dernier de ses anneaux sombrait en laissant place à un ciel allant de l'azur au marin en passant mystérieusement par un bleu s'approchant du pourpre, ils commençaient à s'engouffrer dans la partie boisée. Sans lieu précis où se rendre, les deux shinobis ne pouvaient se payer le luxe de tenir une embuscade et monter des pièges aurait été trop risqué tenant compte de la présence d'un enfant. Mais lorsque l'on cherche on finit toujours par trouver... même s'ils n'auraient jamais penser tomber nez à nez avec ces deux hommes en chaperons marrons attachant un jeune garçon inconscient à un chêne comme un chien que l'on abandonnait...

- Merde fais gaffe ! Les deux ninjas d'hier !
- Putain comment ça se fait qu'ils soient déjà là ?!
- J'en sais rien mais nous on a fait notre part ! On se barre !

Et laissant tomber les extrémités de la corde déjà serrée ils s'apprêtaient à disparaître derrière les fougères. Malgré le manque d'implication et de sérieux dans la tâche pernicieuse qui leur avait apparemment été incombée, Mikami fut saisit de l'importance que revêtait ces charlatans dans cette affaire ; et sous la pénombre les envahissant un peu plus à chaque seconde, dans l'optique où le dragon pourrait être détruit le soir même, les laisser filer ici revenait à les voir disparaître pour de bon et une bonne fois pour toute dans la nature. Il bondit alors sur une branche d'arbre pour ne pas les perdre de vue.

- Fuusho je les prends en chasse ! Suis le plan je te rejoins dès que je peux, bonne chance !

Et il disparut dans la forêt laissant son camarade, à son humble regret. Il était le seul à pouvoir user de la technique dont il lui avait parlé et il restait à espérer que leur principale cible soit patiente avant de pointer les bouts de ses nez...

- « Le plan ? Mais quel plan !? » Trop tard. Les deux fuyards pourchassés par un Mikami résolu l’abandonnent face au petit être fragile. *Aller, panique pas… panique pas…* L’enfant, à moitié ligoté, n’exprime qu’un apaisement profond. *Serait-il…*. S’approchant de lui, Fuusho place ses doigts sous la gorge du petit pour vérifier la présence d’un pouls et se rassure aussitôt à l’idée que l’enfant vive.

Boue, feuillage, couleurs, branches… l’automne a cette beauté d’apporter la matière suffisante à la dissimulation. Usant de ce que lui offre ainsi la nature, le trentenaire extirpe de ses liens l’enfant, le transporte en lieu sûr et l’ensevelit jusqu’au cou de feuilles mortes. D’une profonde inspiration, il se rassure, se persuade que son idée est la bonne, puis expire, confiant. « Suivons le plan » Plaisante-t-il avant de s’apercevoir qu’il est tout seul pour en rire… .

D’un Henge il vole l’apparence de la victime supposée et s’encorde au tronc. De sa position, il distingue plusieurs entailles dans l’écorce du chêne et ne peut qu’imaginer le nombre de prélèvements que la bête a bien pu faire ici. Un rite macabre qu’il découvrira avant le lever du jour. Tout en espérant que l’hypothèse émise par Mikami sur l’absorption de chakra ne se vérifie pas aussitôt le dragon apparu, Fuusho perd peu à peu sa concentration, puis s’endort. La lutte contre le sommeil, bien que perdue d’avance, lui aura permis de tenir une journée… pas plus.

* * *
* * * *

L’horreur de la réalité l’arrache alors du tronc comme de son repos. Paniqué comme jamais, le fumeur aperçoit la bête si saisissante de vérité, qu’il en éprouverait presque une admiration sinistre pour son créateur. Allongé sur les serres du monstre, les bras et les jambes tombants vers le sol, il observe et contemple les sigles dessinés. La ligne du temps, les points de l’esprit et le cercle de la domination. Tout y est pour que la bête ne soit plus que pantin, à moins que… une trace d’encre interpelle Fuusho. Un sceau inconnu ? Ou bien est-ce là une scorie due à l’inattention d’un geste brusque ? L’ensemble du dessin prend alors une toute autre dimension. Le contrôle n’était peut-être pas l’effet recherché. Ce qui se voulait possessif lui apparaît à présent comme l’image d’un transfert.

Le vol l’emporte un peu plus loin dans les montagnes de Tsuchi. De cette hauteur, il aperçoit toujours la colline du Shozaichi, et prend pleinement conscience qu’il n’y retourna peut-être jamais. Déposé à l’entrée de la tanière, il plonge son regard dans l’obscurité de la grotte, dans l’espoir d’y trouver une échappatoire, mais seules les ténèbres s’affichent à lui. Bousculé par le Dragon, il s’y engouffre et progresse jusqu’à un croisement. En chœur, trois voix sifflent alors dans sa tête, sans que les mâchoires du monstre ne bougent. « Reste avec les autres ! ». Et d’un coup de museau, il est propulsé sur la droite, dans une alcôve étonnamment grande. Ici gisent plusieurs autres gamins terrifiés, aux portes du trépas ; que certains ont d’ailleurs déjà franchies… . L’inquiétude gagne Fuusho à l’idée qu’un sort tout aussi funeste l’attende.

Lueur d’espoir lorsque deux voix humaines ricochent sur les parois de son tombeau. « On a rempli notre part du marché. »
- « Nous aimerions être payés à présent… . Fumuki-sama, où êtes-vous ? » Mais seul le grognement du châtiment leur fait écho.

Les cliquetis métalliques s’articulent de plus en plus vite et s’achèvent en un claquement sec de mâchoires. Le cri de la vie qui s’échappe s’étouffe aussitôt et le bruit sourd des corps tapant lourdement le sol apporte derrière lui un silence dérangeant. Les deux rançonneurs ne sont plus. Par réflexe, Fuusho écarte ses bras pour faire reculer les rares enfants ayant suffisamment de force pour le faire, une attitude protectrice qu’il se découvre, instinctivement, comme le reflet de ce qu’il aurait aimé recevoir en pareil situation.

Ne pouvant compter que sur ses propres moyens, il se décide à agir. Préparant les enfants, il demande aux plus forts d’aider les plus fatigués à quitter la grotte lorsqu’il l’ordonnera. Reprenant son apparence d’adulte à la barbe hirsute, il se redresse et marche vers le monstre, vers sa fin.

N’étant plus qu’à quelques mètres, il se jette littéralement sur lui et appose de toute sa force le sceau qu’il avait préparé plus tôt. Mais une fois activé, le verrou censé brider le dragon et le réduire à un amas de mécaniques sans vie ne fonctionne pas. Le sceau est pourtant le bon. Alors quoi ?

- « Tu es comme tous les autres adultes, arrogant d’ignorance. Laisse-nous te montrer la force d’une fratrie ! » Et de nouveau, comme la veille, la queue de la bête fuse vers lui. À la différence que ce coup-ci ne sera pas esquivé.
Un « Et merde » s’extirpe de la bouche du trentenaire alors que son corps se fait propulser contre la paroi rocheuse.

Conscient de ses limites, comme de la douleur qui lui tiraille chaque muscle, il donne le signal aux enfants et adresse au démon à trois têtes sa seule offensive directe. Le parchemin explosif détonne à quelques pas du flanc gauche du monstre, cendres et flammes embrasent l’espace confiné de la grotte. Et de cette épaisse fumée s’extirpe le dragon, tel un immortel, intact.

Dernière édition par Yorurai Mikami le Jeu 1 Jan 2015 - 23:00, édité 1 fois

Cris, fracas, et lueurs menaçantes venaient se mêler à l'humidité ambiante. Cela faisait plusieurs minutes que Mikami se repérait en tâtant du pied le sol rocheux et glissant du couloir sans frontière visible dans lequel il se trouvait, s'orientant en suivant les parois de ses mains et tendant l'oreille à tout bruit de fond déphasé du brouhaha silencieux et déconcertant que courants d'air, goutte d'eaux et cliquetis de chauves-souris imposaient au lieu sans la moindre lumière dans lequel il évoluait. De temps en temps il trébuchait sur des torches murales qui avaient volontairement été renversées pour qu'il ne puisse plus se retrouver. Ne se résignant pas à avoir été semé dans un lieu potentiellement sans sortie, il avait suivi les échos inquiétants qui résonnaient au loin. Puis il reconnu distinctement la détonation d'un parchemin explosif et entendit un hurlement strident et puissant qui se répétait sur lui-même à deux reprises.

*Fuusho... !*

Guidé par le souvenir du bref éclairement de la grotte entre murs mouillés aux tâches brillantes et leurs revers plongés dans le noir, il accouru en tombant et se relevant à plusieurs reprises jusqu'à entrevoir les silhouettes de la bête et du trentenaire sous les faibles lumières flamboyantes des luminaires. Le genin redoubla de vitesse. Sous ses yeux impuissants, son ami fut percuté par l'impitoyable queue du monstre à trois têtes. Alors que ce dernier se retournait en poussant un cri évacuant fureur et puissance, Mikami fut instantanément envahit d'une rage indomptable se mêlant à une sensation familière qui semblait lui envahir les tripes en tirant son corps d'une force qu'il ne contrôlait pas mais suivait instinctivement, ses jambes accélérant d'elles-mêmes sans plus se soucier de la fatigue et soulevant son buste et ses bras dans une course vers la lumière sous laquelle l'hydre de métal s'apprêtait à adresser un coup fatal à son coéquipier d'une de ses têtes aux regards aigres et répressifs. Il n'en était pas question.

Le jeune homme sortit de l'ombre comme un fauve jaillissant des hautes herbes, les dents serrées comme s'il retenait des flammes de férocité, un coude s'étirant vers l'arrière alors qu'il laissait remonter l'énergie provenant de l'impulsion de son dernier bond jusqu'à son épaule ; et dans un laisser-aller mêlé de frénésie, de déchaînement et de détermination, il vint frapper le crâne assaillant de la bête à la manière de la foudre qui s'entremettait dans un ouragan, de tout son poing, de tout son poids et de toute sa course.

On entendit le fer, les os et la foudre craquer. L'attaque de mâchoire pourtant puissante fut déviée dans un choc qui eut l'air de libérer un éclair dont peu de lumière s'échappait, comme un flash absorbant le feu des torches plutôt que le recouvrant. Mikami se tenait debout, interposé entre Fuushô qui se relevait et le dragon qui se redressait, adoptant l'allure d'un coq aux mouvements menaçants et intimidants, les surplombant de toute sa splendeur et son intensité. Alors que dans son champs de vision il pouvait voir des silhouettes d'enfants se dépêcher malgré leur petite taille, dans leur grandeur d'esprit s'entraider malgré leur peur, le ninja fusillait de ses yeux semblant s'embraser la bête monstrueuse dont la lueur dans les regards avaient l'air de se noyer sous l'amertume. Combien de temps ce défi allait-il durer, pour cette machine qui le dépassait en force et en carrure, le briser sous une pluie de crocs serait facile... Alors sa situation se faisait réellement délicate. Mais il fallait temporiser pour que les prisonniers puissent mettre de la distance avec leur fléau et s'éloigner de cette grotte à l'existence douteuse.

La filature qu'il avait mené derrière les deux hommes chaperonnés l'y avait conduit, quelques minutes plus tôt. Leur ayant laissé penser qu'il avait été semé, il put les suivre discrètement à travers les sous bois jusqu'à un mur de roche dans lequel une voûte était dissimulée, mais à peine assez haute pour y laisser passer un être humain. Mikami ne pensa pas de suite s'être retrouvé devant la tanière du dragon, il comprit plus tard qu'il devait y avoir une autre entrée. Voyant qu'un mécanisme permettait de fermer ce passage de l'intérieur, il dut s'y précipiter et ainsi se découvrir ; puis finir par se faire perdre dans les méandres d'un couloir de pierres au parcours s'effaçant pour le ralentir, et au fur et à mesure que ses proies le distançaient...

Ces dernières il les retrouvait étendues au sol, massacrées d'un coup violent qui les avait littéralement déchirés et laissait dès lors leur sang se déverser entre les roches mouillées. Peut-être qu'en intervenant de la sorte, le shinobi avait agi trop vite. Sa main se mettait à saigner à son tour, le tonnerre de son coup résonnait encore au loin dans les couloirs alors que des graviers tombaient du plafond sur leurs épaules et sur la carcasse métalliques provoquant des cliquetis significatifs. Il ne paressait pas avoir remarqué la fuite de ses prisonniers, les interventions successives des deux ninjas lui en ayant sûrement détourné l'attention ; mais dans son for intérieur Mikami ne put que reconnaître la bonne part de boulot que venait d'accomplir son camarade en libérant les otages restant qui purent ainsi déguerpir et changer la donne de la configuration du terrain.

- Tu es bien hypocrite toi qui t'interpose comme un sauveur, mais où étiez-vous quand nous criions à l'aide perdus entre la peur et l'impuissance ?!

Ses paroles s'avéraient dans leur prononciation marquées de désespoirs et d'une profonde déception aux traces indélébiles. Il ne se serait jamais attendu à ressentir de telles émotions à l'écoute de mots sortants de mâchoires de fer aux dents acérées. Puis l'on entendit le bruit d'un enfant qui trébuchait et dont le cri fut étouffé, sûrement par l'un de ses compagnons de galère qui fit en sorte que le bruit reste discret. Mais leur tyran fut interpellé et dans un élan d'urgence, se retourna sans demander son reste pour se précipiter à eux dans un cri de fureur. Non, ç'aurait été trop bête qu'ils se fassent rattraper ici, pensa le ninja aux yeux jaunes alors qu'il pouvait distinguer au loin la lumière de la lune formant un halo d'espoir au bout de ce sombre tunnel. Qu'était cette monstruosité pour avoir recours à l'énergie de faibles garçons et filles encore dans la fleur de l'innocence, quelle genre de pensée malsaine avait put faire naître cette bête sans la moindre pitié, faisant preuve de tant d'impétuosité alors qu'elle sentait sa seule pauvre nourriture ou source de vie s'en aller...

D'un geste précis Mikami dégaina à son tour un kunai armé d'un parchemin explosif qu'il lança sur le plafond sur la route du dragon, qu'il dépassa en passant entre une aile et une de ses têtes. Il se planta dans les rochers et la détonation en fit s'effondrer une partie qui barra la route entre le monstre et les évadés. Il se retourna encore, cette fois dans une rage folle. Et vue la tournure des évènements, il n'avait plus d'autres choix que de charger les deux shinobis...

- Mon ami, je crains que dans l'immédiat nous ne soyons ses deux seules cibles possibles... Si on lui tend pas un piège on risque encore de se retrouver désavantagés dans un combat de front ! Tiens, attrape ça on va en avoir besoin !

Mikami lui lança une torche murale qui se trouvait à portée de main et l'embarqua par le bras on le passant au-dessus de ses épaules pour l'aider à courir alors que le dragon aurait pu grièvement le blesser, mais il n'avait pas pu prendre le temps de sonder ses blessures. Mais à ce rythme, ils avaient un avantage de vitesse conséquent sur leur énorme poursuivant qui peinait à se mouvoir rapidement dans ces étroites galeries. Dans leur fuite, et alors qu'ils n'entendaient plus que les tremblements assourdissants que produisaient les pattes de la bête dans sa course effrénée, le jeune homme ramassa une autre torche qui était au sol et l'alluma péniblement grâce à celle que tenait Fuushô ; et en tournant la tête il put s'apercevoir au loin de la présence d'une bifurcation qu'il ne put remarquer à l'aller.

- Par là !

Et il lança la torche qu'il avait allumé dans l'autre direction. Elle continuerait de brûler un temps et servirait de diversion pour leur faire gagner du temps alors qu'il s'engouffrait dans cette autre voie à l'atmosphère différente de la précédente...

Tandis que le dragon gronde en direction de l’appât, les dédales guident les deux shinobi vers les souvenirs d’un passé, mais pas le leur. Avançant à tâtons, il bute du plat de la main sur une torche ; il craque une allumette et dissipe l’obscurité dès lors que le torchon s’enflamme.

Trois lits au matelas éventré, une table basse, des papiers déchirés un peu partout, quelques dessins d’enfants… est-ce là que les jeunes victimes séjournaient avant que la Mort ne les emporte ? Ecartant les crayons ou soulevant simplement quelques cahiers pour savoir ce qu’il se cache en dessous, Fuusho laisse ses doigts virevolter entre les différents débris d’un passé d’enfants. De trois enfants, à en croire la photo froissée perdue entre deux pages d’un conte.

- « Trois… ils étaient trois… comme… » Le froid s’empare alors de son corps comme de son cœur. « Ce n’était pas un sceau de contrôle sur le dragon, mais de transfert… . Quel dégénéré peut infliger ça à des gamins ? » Sa torche lui apporte la réponse dans une lueur d’horreur. Au fond de la salle, dans un recoin, un corps d’adulte conservé par le froid est assis par terre, le torse portant les stigmates en pointillé d’une large mâchoire aux crocs acérés. Et dont les bras enlacent jusque dans la mort un porte-documents. Le trentenaire le lui arrache non sans dégout et l’ouvre, à la recherche de réponses à ses questions.

- « Tiens, regarde ça. » Murmure-t-il à son ami en lui tendant la première photo qu’il y découvre. « Les trois mêmes gosses que sur l’autre photo, mais avec monsieur le mort en plus. » Son regard jongle entre le visage blafard et déformé par la douleur du cadavre, et l’homme de la photo. « Ouaip, c’est bien lui… . Leur père, probablement ? Un oncle peut-être ? »

Le reste des documents détaillent plusieurs expériences de Fûinjutsu, sur l’être humain. Les yeux du fumeur s’écarquillent alors qu’il lit la dernière expérience décrite. « Un père j’sais pas, mais un monstre oui. Il a transféré l’âme de ses gosses dans le dragon. » Il farfouille encore, vide petit à petit la pochette et y trouve très certainement leur salut : les plans de cette gigantesques marionnettes à trois têtes. « Et voici l’autopsie de notre cerbère. »

Du revers de la manche, il balaye tout ce qui se trouve sur la table basse pour y étaler ce trésor et en débuter l’étude. D’une certaine façon, le monstre ressemble à un humain. Brisez un genou, l’homme boitera ; briser un rouage, la bête tanguera. Deux pupilles attentives scrutent alors chaque croquis, et luisent d’une curiosité enfantine. Curiosité qui distingue l’écart et le révèle.

- « Y’a un truc qui cloche sur ce fichu plan. Ces trois engrenages successifs, là, ils obligeraient les pattes d’un même côté à avancer de concert… or on l’a vu tous les deux se mouvoir avec infiniment plus d’adresse. Quelque chose a changé depuis les plans initiaux et ce quelque chose se trouve entre ces trois rouages. »

L’idée serait de le faire péter, mais… Fuusho n’est pas des plus enthousiastes à tirer au hasard sur la mécanique d’un monstre à trois têtes.

Transfert d'âmes, fratrie, photos souvenirs tâchées de sang. Le tableau du laboratoire de l'horreur se dessine au fur et à mesure que Fuusho avance et l'éclaire de sa torche. Mais il y a des blessures qui cicatrisent, et d'autres qui transforment l'âme irrémédiablement. Père, oncle, parrain, ce... scientifique, si l'on peut se permettre de qualifier d'homme de science une personne capable de telles monstruosités, ne guérirait pas. En revanche, il avait affligé des plaies bien plus profondes à ces enfants... ou ses enfants. Les preuves de leur lien et d'une forme d'amour étaient irréfutables, images à l'appui. Mais un désir si profond et poussé de la connaissance, de l'expérimentation, ou de la domination, l'avait poussé à créer l'œuvre démoniaque depuis son idée même et qui se retournerait bien évidemment contre lui.

Mikami se pencha sur la table où son camarade avait étalé les documents aux informations pertinentes et utiles, et au fil du parcours de ses yeux sur les enchevêtrements de papiers se dressaient le parcours d'un homme qui perd la raison, de frères qui laissent innocemment leur âme glisser vers l'enfer et d'une machine qui se construit sur la démagogie, la confiance et les immondices morales.
Pour le moment les lieux étaient calmes, seuls le bruissement des flammes, les battements d'ailes des premières mouches et un début de parfum de putréfaction venait troubler l'inquiétude de voir la bête revenir trop tôt.

À en juger par la documentation à leur disposition... la gueule cassée affalée plus loin s'était attelée au transfert d'esprit avec un objet amovible comme réceptacle. Pour quelles desseins ? Quelles sinistres raisons l'avaient poussé à monter une bête destructrice plutôt qu'une sorte de véhicule, ou un animal pouvant se rendre furtif ? Tout ceci, la Mort l'avait emporté avec lui qui devait garder ses projets dans un coin de son cerveau... le lui rongeant au fur et à mesure que ses ambitions se concrétisaient. Rien sur la table basse ne pouvait en attester, mais entre deux plans le jeune homme fit la découverte du témoignage d'une obligation qui fut sûrement le levier qui fit définitivement basculer cette affaire dans son côté le plus obscur.

Sans dire mot, mais pointant du doigt la partie qui l'intéressait, il extirpa d'une légère frappe du coude son équipier des parchemins qu'il examinait pour attirer son attention sur ce qui semblait traiter de la source d'énergie du dragon. «Un esprit fort ne peut être envisagé comme canalisateur» «Nouvel échec. Aucun substitut apparemment possible pour le chakra. Utilisation, connivence, participation de shinobi inenvisageable» «Réserves latentes suffisantes. Enfants envisageables...» Et ce genre de note découlaient. Le binôme eut dans un souffle d'aversion la raison des disparitions et la réponse à leur point commun.

Puis Mikami se tourna sur cette histoire de rouage dont le trentenaire lui parlait. Il s'y arrêta, et lui vint une réflexion. Peut-être trop extrapolée quant à la situation, mais dont le sens était à son humble avis des plus pertinents. Et même s'ils ne pouvaient en saisir les mécanismes, ni le pourquoi, et surtout le comment, la théorie qui lui vint à l'esprit pouvait être la raison de la décoordination dépassant les possibilités de la simple machine et de plusieurs évènements dont ils furent témoins mais dont les fondements leur échappaient encore.

- Dis-moi Fuusho... est-ce que tu crois que ce que l'homme crée peut véritablement se transcender et finir par lui glisser des mains à chaque fois ?

Mais il n'eut pas le temps de préciser ses pensées, les pas lourds et menaçants de l'hydre montée de toute abomination retentissaient à nouveau dans les couloirs et prenaient leur direction. Le temps, si fugace, leur échappait encore une fois...

Lisant les textes en même temps que l’index de Mikami les parcourt, Fuusho réprime une forte envie de vomir. Les gamins servent de cartouches, de recharges au maintien en vie du monstre, cet agrégat d’atrocités, ce concentré d’horreurs qu’un parent peut affliger à sa famille. De nouveau la nausée monte, et seul le bruit sourd d’une enfance volée s’approchant à grands pas l’extirpe de son dégout… pour le plonger dans un cauchemar.

- « Je l’ignore. Mais nous le saurons bien assez tôt.» Se contente-t-il de répondre à son ami, le timbre empreint d’une crainte profonde et viscérale.

Pétrifié, faute d’idée pour les sortir de là, il attend la venue du dragon. Que les cliquetis tintent dans cette alcôve ressemblant de plus en plus à un tombeau, que les mâchoires claquent et que tout s’achève enfin. Que pensait-il en attaquant la bête ? Qu’ils étaient de taille face à un monstre ailé à trois têtes ? Le poult augmente, la chaleur avec, et un étau se resserre sur son crâne. L’impression d’exploser par le haut, trop de pression, trop de craintes qui cherchent à s’échapper. Que font-ils ici ? Et les enfants ? « Les enfants ! » Réalise-t-il soudainement. La peur reste intacte mais le mouvement s’initie, il récupère la photo froissée de la fratrie et demande à Mikami de se cacher dans la pénombre, à l’entrée de cette pièce.

Lui ? Il se positionne au plus près du mur faisant face à l’entrée, cachant de son corps un miroir accroché juste derrière, tandis que la chaleur de la torche lèche le côté gauche de son visage. Pas de gros plan, rien qu’un pari fou avec la Mort. Celle-ci insère alors ses trois têtes dans la pièce puis avance, prête à bondir sur l’unique proie visible, éclairée d’une faible lumière chancelante, à l’image de la lueur d’espoir qui réchauffe faiblement son cœur.

- « REGARDEZ ! » Hurle-t-il en levant la photo vers la bête. Celle-ci s’arrête, un sursis suffisant pour que l’optimisme retrouve son chemin dans les pensées de Fuusho. « Regardez ce que vous étiez ! » L’une des têtes ondule lentement jusqu’au morceau de papier qu’il maintient en l’air. Mais le trentenaire ne lui laisse pas le temps de parler, « Et regardez ce que vous êtes devenus ! » D’un pas sur le côté, il s’écarte et laisse le miroir renvoyer l’image immonde du monstre à trois têtes. Celle qui s’était alors approchée, cou tendu, se redresse d’un bond. L’action fait mouche puisque le dragon semble lui offrir toute son attention. « Si c’est cet homme qui vous a ôté votre enfance, c’est vous et vous seuls qui avez ôté celles des gamins attachés aux arbres. »

- « Enfance ? » Le terme résonne comme un mensonge dans ses bouches, « mais ce n’est qu’illusion. Votre monde ne laisse aucune place à l’enfance. » Sans pour autant avoir la capacité d’afficher des émotions, le dégout se reflète très clairement dans ses mots.

- « Votre survie tient à un mensonge. D’où vient la peur des gamins que vous gardiez d’après vous, sinon de celle de perdre leur innocence ? »
- « Innocence ? Ils n’en ont même pas conscience, où est l’intérêt de leur mentir à eux, sur un monde qui n’existe pas !? »
- « IL EXISTE !! » S’insurge Fuusho, totalement perdu émotionnellement, entre la crainte de mourir et cette envie irrépétible de combattre des propos immérités. « Il existe. Ces gamins avaient des souvenirs et s’en construisaient chaque jour. J’ai des souvenirs ! Où le sang n’est pas omniprésent. Où la peur n’existe que pour être dépassée et offrir la découverte de l’inconnu. Où la joie se rencontre à travers les rires de ces mêmes enfants. »
- « On nous a privé de ce droit ! Notre rire s’est éteint trop tôt et n’a jamais pu nous offrir de souvenirs.»
- « Et ça alors ? » Leur demande-t-il en agitant la photo sous leurs museaux. « N’est-ce pas la preuve matérielle d’un souvenir ? De trois frères heureux ? » Mais il ne comprend que trop tard son erreur, celle d’avoir énoncé le terme de frères. Ce simple mot réduit à néant ses efforts d’une conclusion en souplesse, et pousse le dragon à amorcer une attaque. Se redressant de toute sa hauteur, il offre une splendide ouverture à Mikami, la seule qu’ils n’auront jamais plus. La seule qu’il fallait saisir pour éviter un trépas certain au fumeur.

L'insouciance, l'innocence, l'enfance... Comment ne pas dire que Mikami hésita à frapper en assistant au discours de son camarade et aux propres hésitations de l'ancienne fratrie, aujourd'hui trio de mâchoires lacérantes. L'enfance était un thème qui lui était cher, cher car il représentait une réelle période de pureté en ce bas monde et la touche d'espoir sur les éventuels paix à venir. Pour faire bref, mêler toute forme de conflit à un enfant revient à faire de cet enfant une part du conflit, et ainsi repousser la prochaine paix. À commencer par celle qui repose en eux.

En outre s'en servir en tant qu'êtres faibles pour faciliter l'avancée de tel ou tel projet ne mérite qu'un retour de force équivalant à l'écart entre l'utilisateur et les abusés. Le jeune homme ne put que regretter que les trois frères perdirent leur innocence en ôtant la vie à sa place à leur propre père... Et l'œuvre de ce dernier se dressait au milieu de la pièce, avec sa rage et ses doutes, la carcasse sous les lueurs des torches et le regard flamboyant de vie, dont les déchirures sur les tissus laissent apparaître certaines parties du mécanisme.

*Fuusho, ton parchemin explosif de tout à l'heure n'aura finalement pas été vain.*

Silencieusement, il passa les mains dans son équipements. Malgré la virulence des propos de son homologue et de la bête, le jeune homme sentait chacun de ses mouvements dégager un bruit qui aurait pu tous deux les trahir, de ses propres articulations jusqu'au moindre frottement. Laissant son souffle au compte-goutte s'échapper, il observait tapi dans l'ombre un détail qu'ils ne purent distinguer plus tôt, à l'arrière d'un flan du dragon.
Cependant il admirait le travail de son camarade, du sens de ses paroles jusqu'à leur pertinence sur les réactions du dragon. Malgré le pari avec la mort. M'enfin, il était l'atout caché au cas où les choses tourneraient au vinaigre. Et bien sûr ça n'loupait pas. La bête se souleva dans une posture entre le coq qui se gonflait et la mouette qui s'apprêtait à plonger ; découvrant ainsi la partie de son flan qui intéressait le jeune homme aux yeux jaunes. À son tour de parier.

Sorti de l'ombre, le sifflement d'une glissade longue, irrégulière et très fine retentit. Un bruit métallique, bien plus subtil et plus aigu que les rouages décoordonnés de leur adversaire. Un filin de fer glissant le long d'une poche, tiré par un kunai qui vint se planter dans un des tuyaux dépassant des lambeaux de tissus. Un courant électrique en émergea et vint se projeter dans la pénombre. La bête vit son mouvement ralenti et même restreint, dans une surprise que ses regards flamboyant trahissaient. Ses pattes rejoignirent lentement le sol alors que Fuusho reculait. Mikami sortit de se cachette, laissant la lumière l'éclairer progressivement, de ses pieds à ses jambes, en passant par ses mains autour desquelles était enroulée une partie du filin métallique sur lequel on pouvait observer un mouvement circulaire d'électricité.

Ses yeux jaunes pourtant sombres brillaient alors que la lumière ne baignait pas encore son cou, puis en avançant il laissa apparaître son visage satisfait. Les trois têtes se tournèrent vers lui dans un mélange de colère et de confusion. Le shukaijin, tenant en respect le monstre comme l'on tient éloignée la tête d'un serpent, retourna vers la table basse et son camarade d'une démarche qui ne laissait pas pour autant transparaître la plus grande assurance. Un doute planait. Une réflexion lui tiraillait l'esprit, l'empêchant de s'adonner de suite à l'implacable et impartiale fin de la mission. De sa seconde main il enroula le fil autour de l'avant-bras le tenant, de la main jusqu'au coude, de sorte à ce que le courant puisse continuer de circuler. Cette seconde main enfin libre il se saisit de deux feuilles de papiers dans le tas concernant la conception de la machine, et la souleva pour que Fuusho puisse la lire alors qu'il ne détournait pas ses yeux de leur adversaire.

- Regarde, l'énergie conduite par le sceau de transfert passe de l'état de chakra brut à énergie électrique en passant par ce transformateur qui se situe... sur son flan gauche. J'imagine que la haine, la rage et le désespoir vous ont permis de vous libérez des restrictions qu'imposaient ces plans. Mais la machine que vous habitez a besoin de cette énergie pour fonctionner, même si le fonctionnement des rouages et autres mécanismes est dépassé. Ouais je sais on en a appris beaucoup ici... Sachez que cette énergie se trouve en train de circuler autour de mon bras, et que le fil qui me relie à vous est doublé. Autrement dit ce qui vous sert à bouger le reste de votre... corps, effectue une boucle entre ce kunai et mon bras. Je dispose donc de cette énergie, et peut vous la rendre comme la disperser dans le sol.

Laissant les plans aux mains de son camarade, il lui en posa une sur l'épaule.

- Je pense que nous avons à discuter, tous les cinq. Je crois que nous devons tous cet instant de répit à mon coéquipier ici présent. Peu importe la rage qui vous anime et vous donne l'envie de nous déchiqueter. La vie peut s'avérer longue, et le temps puissant. Vous en avez encore pour vous racheter, retrouver goût à la vie et créer de nouveaux souvenirs. Alors... parlez-nous du fonctionnement de votre sceau, d'un moyen de l'inverser et à défaut de la quantité d'énergie nécessaire pour vous... ... pour vous maintenir en vie, et peu importe votre état... Je ne veux pas mettre fin à la vie d'enfants qui n'ont pas eu le temps d'être vraiment entourés d'amour !

Par un moyen totalement inconnu de Fuusho, la bête est tenue en respect. Mais la bête seulement, et non les trois frères. Ignorant la façon dont Mikami peut bien réaliser ce miracle, le trentenaire y voit là la possibilité d’offrir aux gamins le moyen de subsister sans absorber d’autres enfants. Pourtant cela le gène, un cas de conscience. Car ils ont tué, à quatre reprises, ces pauvres gosses qui gisent dans l’autre niche de cette caverne en sont la preuve.

- « Ce sursis ne nous sauvera pas. Notre chakra s’épuise et sans le régénérer… nous mourrons. Peut-être est-ce là tout ce que nous méritons. Nous ignorons la nature de ce sceau tout comme la quantité exacte de chakra à absorber. Un enf… un enfant pour sept jours... » De la peine, des remords. Verbaliser un acte cruel les renvoie à leur propre barbarie, alors ils saignent d’un cœur inexistant, pleurent des larmes absentes, et regrettent. Fuusho la voit dans chacun de leurs six yeux, cette profonde tristesse du chagrin et de la honte.

- « Chérissez le souvenir de qui vous étiez et faites en sorte de le rester. » Fermant le poing il brise l’unique miroir de la pièce. « Par-delà les apparences. »

S’approchant alors de Mikami, il place sa main ensanglantée d’entailles sur son bras. Lui faisant comprendre de lâcher prise et de leur accorder leur confiance. « Viens m’aider à ramener le vrai monstre de tout ceci, veux-tu ? » Lui demande-t-il en s’approchant du cadavre du père. Récupérant le drap d’un des lits, il commence à l’enrouler dedans.

La photo est restée sur la table, bien visible. Les trois têtes s’en approchent et chacune leur tour, viennent la toucher du bout du museau, comme un repentir, une réminiscence. Débutera alors pour eux un long voyage sur le chemin du pardon. Un chemin sur lequel ils pourront compter sur ce binôme de l’Alliance, car tous deux, au même titre que ces frères, chérissent et cherchent leur passé, leur enfance.

- « Nous reviendrons dans deux jours pour vous apporter de quoi vous défaire définitivement de cette dépendance chakraïque. » Leur propose Fuusho, tandis qu’il tracte le corps de leur bourreau à travers un drap. En passant prêt du bureau, le trentenaire en profite pour récupérer les documents ayant servi à construire toute cette folie. Notamment les détails du sceau, pour l’étudier à tête reposée et trouver une solution, pour l’instant inexistante.

Leur silence reflète leur approbation tout comme leur attente. Celle d’être pardonnés.

Accordant alors sa confiance à leur ennemi en se basant sur celle qu'il avait pour son coéquipier, Mikami relâcha son raiton et laissa alors tomber le circuit en dérivation, rendant enfin l'énergie électrique disponible au dragon pour qu'il puisse de nouveau se mouvoir. Observant les agissements de son camarade, il alla jusqu'à laisser tomber le filin électrique. Il se frotta le bras, le courant lui ayant procuré quelques picotements malgré la couverture de chakra usuelle pour ce genre de jutsu. Avançant, manifestant tout de même un soupçon de méfiance, il retira le kunai sans faire de mouvement brusque afin de ne pas plus abîmer leurs circuits, comme une trêve signée entre les deux camps dont aucun des deux ne fit marque d'agressivité.

Puis il jeta un coup d'œil à son bras marqué du sang de Fuusho. Remarquant les immondes salissures, il jeta un regard noir à celui-ci qui s'arrêta un instant alors qu'il remballait le corps. Puis le jeune homme lui rit à la barde, fier de sa boutade et se contrefoutant des tâches sur ses vêtements. Ils venaient peut-être d'arrêter la folie meurtrière d'une énorme bête ailée, alors sa veste...

Restait à savoir si la remise en question s'était réellement effectuée de façon définitive et si le changement allait s'avérer profond. Il n'y avait aucun doute sur le fait que les trois enfants, ou le dragon, exprimai(en)t des regrets. Mais comment être sûrs qu'ils n'allaient pas replonger dans les ténèbres et commettre de nouveaux carnages... ? Jusque là pas énormément de sang n'avait coulé, mais quatre enfants avaient perdus la vie... et si le shûkai n'était pas intervenu si tôt, d'autres seraient tombés, c'était sûr. Alors avant qu'il n'aille l'aider à soulever le cadavre du réel responsable, il se retourna vers le dragon qui n'avait pas franchement bougé, et s'adressa aux trois têtes en même temps.

- Vous savez, au début, quand on m'a parlé d'un dragon à trois têtes... j'me suis tout de suite dit qu'on allait faire une rencontre super-classe, avec une entité mythique aux pouvoirs faramineux. Au lieux de ça... Voilà quoi. Ce que je veux vous dire par là, c'est que vous avez un bel avenir devant vous quant à la protection d'enfant.

- ...

- C'est peut-être naïf de le dire comme ça, mais vous allez avoir la possibilité de racheter vos actes. Quand aux enfants décédés...

Mikami exprima un long et profond soupir, alors qu'il baissait la tête en se passant la main sur le front et dans les cheveux.

Inutile de vous cacher que même les meilleurs de nos shinobis ne pourront pas faire revenir les choses en arrières, sur aucun des plans. Mais la souffrance n'est pas un mal absolu. Elle est la base du changement, et les choses peuvent changer. Alors souffrez. Malgré votre jeune âge, vous êtes en passe de devenir des hommes...

Paroles dures. À vrai dire il ne savait pas trop comment les prendre, alors parler cruement était sûrement la seule solution. À défaut de prendre le risque de se voir attaquer de nouveau, il couvrait peut-être celui de les voir déchaîner leur rage sur les villages alentours. Alors comme le dit Fuusho, revenir dans deux jours leur permettrait aussi de surveiller leur évolution. Leur silence traduisait sûrement une introspection... du moins c'était à espérer.

Ils reviendraient, hors du contexte de leur mission. En la débutant, jamais Mikami n'aurait imaginé que ça se termine ainsi. Restait à voir après tout. La menace venait d'être éradiquée, non ? Le jeune homme soulagea alors son camarade des rouleaux de papiers, puis se tourna une dernière fois sur le dragon à trois têtes. Un échange de regard dans un profond silence, exprimant la demande d'un peu de patience et beaucoup de confiance mutuelles. Comme un accord dans un vent d'espoir, puis ils sortirent. Retrouvant les enfants cachés plus loin dans la forêt, il les raccompagnèrent au Shozaichi où l'ôda allait pouvoir s'en occuper. Quant à eux, ils allaient pouvoir faire leur rapport sans oublier de s'occuper des corps restants... en espérant que les hautes instances de prennent pas de mesures radicales contre les derniers coupables de ces barbaries, plus grande victime de toute cette histoire.

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