Je pense avoir donné suffisamment de ma personne à ce monde. Il est peut-être temps que je pense à moi. A moi et à moi seul. Avec les récents évènements, je me suis rendu compte que je me suis trop reposé sur mes lauriers. J’ai passé trop de temps à me ménager, passé trop de nuit à dormir sur des lits douillets, passé trop de journée le ventre plein. Mais cette époque est révolue. On ne devient pas un combattant de légende en vivant comme les autres. Tout comme on ne peut pas espérer renverser le monde entier tout seul. Mais dans cette guerre contre le mensonge, je ne suis pas seul. Mon compagnon de toujours et moi sommes maintenant réunis pour mettre ce monde à feu et à sang. Nous ne négligerons aucun village ni aucune contrée. Toutes doivent être libérées du mensonge perpétuel que les villages entretiennent sur leur population. Mais allez expliquer cela à des gamins sortis tout droit de l’académie ou à des vieux croulant trop âgés pour changer d’idéologie. Nous n’avons aucune chance de convaincre le peuple avec de simples mots. Il faut abattre les têtes les plus importantes une par une. Et pour cela, il faut du pouvoir, de la force et de l’influence. Mais plus encore, il faut de la fourberie…

Un bruit attire mon attention. Je pose ma plume et referme mon carnet. Je le range dans un tiroir et me rapproche de la porte de ma chambre. Lentement je tourne la poignée et passe ma tête dans le couloir. Il n’y a personne. Le bruit m’a semblé provenir de la salle commune. Je sors de ma chambre complètement et referme la porte derrière moi avant de marcher vers celle-ci. Je m’y aventure et remarque que Goren est en face du frigo. Il cherche activement quelque chose et n’a sans doute pas remarqué ma présence. Comme pour le surprendre dans son crime de gourmandise, j’hausse le ton volontairement lorsque je prends la parole.

« C’est toi qui a fait ce bruit ? C’était comme une porte qu’on claque. »

Le golem se redresse et se retourne vers moi. Il a des traces de mayonnaises sur le coin de la bouche. Il y a vraiment des hommes qui ne pensent qu’à se remplir la pense qu’importe ce qu’ils bouffent. Il s’apprête à me répondre mais au même moment, Near fait irruption dans la salle, hors d’haleine et presque trop essoufflé pour que ce soit normal.

« Reprends ton souffle gamin, calme toi. Tu as visiblement quelque chose à me dire… »

Un ton plus professionnel que celui employé avec Goren. Après tout c’est avec un gamin à mon service que je parle. Mes yeux inquisiteurs s’infiltrent dans les siens et un instant, le jeune homme a trop peur du danger que je représente pour ne pas m’obéir et ne pas reprendre son souffle. Il s’exécute.

« Je viens d’apprendre qu’une espèce de dragon de pierre géant a fait son apparition près de l’un des villages de Mizu no kuni. Je n’ai pas toutes les informations nécessaires mais il semblerait que ce soit du sérieux. J’ai d’ailleurs reçu une lettre de l’un de mes contacts dans ce village, il me demande de contacter mes employeurs pour régler le problème, on vous expliquera tout sur place. »

Je continue de fixer Near pendant quelques secondes, m’assure qu’il n’a plus rien à dire. Je tourne ensuite la tête vers Goren tout en faisant signe à mon subordonné qu’il peut disposer. Ce dernier sort et je me retourne complètement vers le golem qui se rassasie maintenant de je ne sais quelle mixture. Mon regard se fait à la fois dégoûté et sérieux.

« Ça t’intéresse toi cette histoire de dragon ? Ça m’a tout l’air d’être du pipeau. Quel intérêt on aurait à prendre ce contrat ? »

Je ne sais pas à quel réponse je m’attends de sa part. Peut-être quelque chose de réfléchi pour une fois. Peut-être quelque chose ayant du sens autre que : je veux me dégourdir les bras. D’un autre côté, qu’est ce que j’en pense moi ? Un dragon géant, je n’y crois pas trop. Les dragons, de pierre de surcroit, ça n’existe pas. Après je peux toujours me tromper mais j’en doute fortement. Néanmoins, obtenir la gratitude et peut-être mettre la main sur le contrôle d’un village du pays du brouillard peut s’avérer vraiment intéressant sur le long terme. Toujours en continuant d’analyser la situation, je m’en remet à mon compagnon.

La mission:

Ainsi nous devons faire route vers Hai no Kuni. Après notre discussion, j’ai laissé deux heures à Goren pour se préparer. Faire son sac, emporter ce dont il a besoin, je sais cependant qu’il n’est pas du genre à voyager avec une grosse valise sur le dos. Non, avec Goren, s’est plutôt le contraire. Je le vois bien me faire attendre pour au final ne rien emmener. Voyageant carrément torse nue. Oui, ce serait bien lui. Toujours est-il que moi, de mon côté, je rempli un sac de quelques vivres, de mon arsenal et accroche ma ceinture de katana autour de ma taille. Je baisse ma capuche et me dirige vers la porte d’entrée du repaire. Quelques mudras et cette dernière se voie retirer son sceau protecteur. Car oui, il faut savoir garder en sécurité certaines informations importantes que l’on ne souhaite pas partager avec les autres.

« Goren dépêche toi, on doit-y aller »

Je n’arrive pas à croire que je suis en train de crier ça à travers mon propre repaire. Comme si j’étais une mère et lui mon gosse de deux mètres et demie. Le golem de pierre arrive du bout du couloir et comme d’habitude, il voyage léger. Il se rapproche et je pousse la porte sans rien dire de plus. Je ne suis certes plus indifférent avec lui mais je ne vais tout de même pas m’engager dans une conversation familiale avec ce gros renne ! Une fois dehors donc, je lui demande de refermer le sceau au cas où quelqu’un aurait dans l’idée de prendre d’assaut notre repaire pendant notre absence. Ensuite, le plus simplement du monde, nous nous dirigeons vers la côte et le port.

Nous faisons une heure de marche tout au plus. C’est le début de la journée, nous n’avons encore rien dépensé de nos forces herculéennes, nous sommes complètement apte à nous battre et donc à marcher rapidement.

Bien vite donc nous nous retrouvons au port et nous nous dirigeons vers un capitaine que j’ai rencontré il y a cela quelques temps lors de l’une de mes missions. Tout en me dirigeant vers lui accompagné de mon acolyte, je baisse ma capuche et lui jette un petit regard de complicité.

« Goren, je ne veux pas payer la traversée, peux-tu faire usage de ton grand sens de la persuasion sur monsieur le capitane ? »

Un léger sourire au coin des lèvres, il est vrai que je remarque de plus en plus un montant des dépenses trop accrue dans nos comptes et il faut éliminer les dépenses qui sont donc superficielles. Nous arrivons au niveau du capitaine qui nous remarque et nous fais un signe de révérence en haussant d’une main son couvre chef.

« Bien le bonjour capitaine, nous aimerions voguer vers Mizu no Kuni. »

Le capitaine sourit de toutes ses dents et m’affirme qu’il serait honoré de nous emmener sur l’île pour une somme conséquente. Je jette un nouveau regard à mon acolyte et admire le spectacle qui se déroule devant moi tout en prenant un peu le temps de me relaxer au soleil d’hiver. La conversation n’est pas longue et, arborant une expression de peur et de désarroi, le capitaine hurle à ses hommes de lever l’encre tout en montant sur son navire.

Nous sommes maintenant sur le pont et je vois que mon compagnon a déjà trouvé l’emplacement du rhum et s’est posé contre le bois de chêne pour commencer à picoler. Toujours avec un sourire amusé aux lèvres, je me pose à côté de lui et lui arrache la bouteille des mains pour me servir une gorgée avant de la lui rendre. Un petit soupire et je me mets à penser comme un Goren…

« Alors pour toi il s’agit d’un homme qui l’aurait invoqué ? Tu ne penses pas que certains Dieux peuvent exister ? »

« Plus je passe du temps avec toi et plus je me rends compte qu’au fond, tu es beaucoup plus profond que tu en as l’air. C’est peut-être ta consommation d’alcool quotidienne qui fait ça. Tu ne devrais pas arrêter à mon avis. »

Tout en émettant un léger ricanement, je reprends la bouteille de rhum des mains de mon compagnon. Il ne peut tout de même pas espérer pouvoir la finir tout seul. Je me prends donc une seconde gorgé et la lui tend de nouveau. Le rhum n’étant pas ma liqueur favorite, je grimace un peu au bout de la seconde ingurgitation mais demeure tout de même capable d’intérioriser la majorité de ma réaction répulsive. Je prends une profonde inspiration et réfléchis à la question de mon golem de pierre qui n’en finit pas de se rincer le gosier.

« Est-ce que je crois en un dieu ? Non pas vraiment. Néanmoins je suis assez d’accord avec ta vision des choses. Un Dieu au final, c’est juste quelqu’un de plus puissant. C’est triste mais certains humains, au lieu de se battre jusqu’au bout, préfère courber l’échine. Ils enseignent ensuite à leurs enfants à se mettre à genoux et c’est comme ça que les mythes sur les divinités naissent à mon avis. Mais non, je ne crois pas en dieu. Je garde pourtant l’esprit ouvert. Il se pourrait bien que ce dragon soit effectivement une ancienne entité. Il faut savoir se préparer à toutes les situations… »

Ma voix s’éteint dans le vent à mesure que j’arbore un air pensif. La question de mon acolyte a en effet pénétré mon esprit et semer le trouble dans ma réflexion. Suis-je vraiment sûr de ne croire en aucun dieu ? Après tout pourquoi remettrais-je ma vie entre les mains d’une puissance supérieure ? Qu’aurais-je à y gagner ? Absolument rien. J’ai souffert toute ma vie et je continue encore. Si dieu ou ses semblables existent, ils ne m’aiment pas ce qui fait que je n’ai aucune raison de me montrer serviable et loyal.

Mon regard se perd dans le vide et c’est comme ça que se termine notre conversation. Je laisse Goren à sa dégustation de rhum et je me dirige vers la cabine des passagers d’honneurs. Inutile de dire que la persuasion musclée de Goren nous a permis de nous attribuer un luxe supplémentaire. Je m’engouffre donc dans la chambre aménagée et essaye de rattraper un peu du sommeil que j’ai perdu ces derniers jours. Car si pour Goren ces dernières semaines étaient synonymes de vacances, je n’ai pas cessé de croiser les sources, les informations et toutes les pistes que j’ai sur les Furyous, le Shukai et Konoha. Je garde à l’œil mes ennemis et c’est plutôt éreintant comme travail. Je m’écrase donc sur le lit et ferme les yeux. Il ne me faut pas beaucoup de temps pour basculer dans le pays des rêves.


Je suis réveillé par un bruit sourd et imposant. Mes yeux s’ouvrent tout de suite à leur maximum et je me redresse d’un coup, mon sabre à la main. Je me dépêche de sortir de ma cabine et remarque qu’il fait presque nuit. Le soleil est en train de se coucher et un autre navire, assez imposant lui aussi, est en train de mener l’abordage sur le notre. Je m’arrête quelques secondes pour me replacer dans le monde réel lorsque j’aperçois Goren qui s’occupe lui-même de cogner dans les quelques pirates qui essayent déjà de sauter sur le pont. Les pauvres sont ses véritables jouets et le géant de pierre n’a pas l’air décidé à les laisser s’en aller. Il me remarque et me lance une invitation à me joindre à la fête.

Un sourire se dessine sur mes lèvres lorsque poussé par la force du réveil, je fonce tout droit sur le pont, lacérant tous les hommes sur mon passage arborant les couleurs pirates. J’avoue en retirer un certain plaisir et lorsque je me rapproche de Goren, je transperce avec toute la joie du monde une femme pirate tentant de l’attaquer par derrière. Nous nous retrouvons dos à dos et je n’ai le temps de lui dire qu’un tout petit quelque chose avant de devoir repartir au combat.

« Je suis sûr que c’est toi qui les a provoqués ! T’as fait quoi ? Tu leur a montré l’indescriptible ? »

Sans attendre la réponse je fonce vers le mat du bateau et tranche quelques membres en route. J’escalade le mat et me retrouve en altitude. Je balance alors ma chaine autour du mat de l’autre vaisseau et me propulse sur celui-ci. J’effectue un assassinat aérien sur deux des hommes sur le pont avec mes deux sabres avant de commencer le carnage. Certains d’entre eux sont armés d’armes peu conventionnelles ce qui rend la tâche un peu plus difficile. Néanmoins j’enchaine les victimes avec une facilité déconcertante et entre deux coups d’épées, je balance une bombe en boule dans la cale à poudre. Inutile de dire que c’est le genre de truc qui fait mal. Je me débarrasse alors aussi vite que je peux des gêneurs et saute à l’eau. La déflagration est impressionnante et le bateau ne perd pas son temps pour commencer à couler. Je remonte quant à moi sur mon propre navire avec mes chaines.

Là je vois Goren en train de buter du pirate. Il a l’air de s’amuser. Je le laisse faire, il n’en reste plus tellement sur notre propre navire. Je me contente de le regarder faire en souriant du coin des lèvres.

« Ce sont les dangers de la haute mer mes amis… on ne sait jamais sur qui on va tomber. D’ailleurs Goren, tu t’en ai fait combien ? Je suis sûr que j’en ai buté plus… »

Goren se marre, il me regarde et se marre… Je ne suis pas mécontent que cette situation l’amuse. Pour beaucoup, une attaque pirate est une tragédie. Pas pour nous. Nous n’avons plus le niveau de nous inquiéter d’une simple attaque de bateau ennemi. Il y a belle lurette que nous avons dépassé ce stade. A présent nous avons tous deux évolués et nos challenges sont autrement plus intéressants. D’ailleurs, lorsque Goren pose sa main sur mon épaule et m’annonce, un peu tard, que nous avons certainement laissé beaucoup d’or nous filer entre les doigts, je lui fais signe en montrant l’horizon.

« Nous ne sommes plus très loin .»

Et oui, Hai no Kuni n’est pas vraiment éloignée de Mizu no Kuni. C’est même l’une des archipels les plus rapprochés du pays de l’eau. Ainsi je montre du doigt l’île qui au loin se dessine entre la brume. Mon vieux pays, cela doit faire presque trois ans que je n’ai pas mis les pieds là-bas. Depuis ma désertion à peu près. Cela fait tellement longtemps que je m’étonne à me demander à quoi peuvent bien ressembler les lieux maintenant que les Furyous sont passés par là. Ça doit être bien différent de mes souvenirs… Je me rappelle à mesure que nous voguons. J’ai laissé la main de Goren et me suis accoudé sur le bois avant du bateau. Je reçois le vent de plein fouet sur le visage et ma capuche suite à un violent coup de zéphire s’écrase sur mes épaules. Goren se rapproche et regarde le même point que moi, nos regards ne se croisent pas.

« J’ai vécu le plus clair de ma vie ici. J’ai grandi, je me suis perfectionné. Je suis devenu une menace dans ce pays. Il possède mon histoire… Je ne sais pas vraiment ce que je m’attends à retrouver sur ce caillou. Toi, qu’as-tu retrouvé lorsque tu es revenu à Suna après ta désertion ? »

La question n’avait peut-être pas trop de sens vu que le golem de pierre s’était fait capturer avant d’être rapatrié dans les prisons du pays du vent. Quelque part, j’ai quand même besoin de son aide. Il y a des choses que je ne comprends pas dans ce bas monde, surement à cause de mon jeune âge. Je n’ai pas suffisamment d’expérience. J’ai besoin de conseil. Tout en écoutant la réponse de mon acolyte, je continue de fixer ce point à l’horizon. Mon objectif… mon ancienne vie. Tout comme je ne pourrais jamais redevenir l’homme que j’étais il y a si longtemps que je ne peux même plus m’en souvenir, je ne pourrais plus jamais revenir sur cette terre de la même manière que je l’ai abordé la première fois.

Je rentre dans ma cabine sans plus de mot, je n’ai pas grand chose d’autre à dire à Goren. Il n’a pas besoin de tout savoir et je ne suis pas un pleurnichard. J’ai seulement le besoin de me retrouver seul pendant un petit moment. Un moment juste à moi pendant lequel je pourrais faire l’introspection de ma propre situation…

Une heure et demie passe. J’ai médité de manière profonde et je crois bien m’être trop emballé puisque je ne remarque pas que notre embarcation s’est arrêtée. C’est Goren qui vient taper à ma porte et me gueuler de sortit. Comme toujours, j’attends quelques secondes puis me relève de sur mon lit et me dirige vers la porte. J’ouvre et regarde mon acolyte qui se dresse devant moi. Sans un mot de plus je commence la traversée du pont pour atterrir sur la terre ferme. Une fois le pied posé au sol, j’attends mon compagnon et, tout en rabaissant ma capuche sur ma tête, m’adresse à lui avec un ton serein et calme.

« Le village que nous cherchons est situé loin des îles, plus vers les montagnes… La route sera longue et surement semé de deux ou trois dangers. Rien sortant de l’ordinaire… Nous devrions nous mettre en route. Qu’en dis-tu ? »

Je m’apprête à entamer la marche mais Booker apparaît en face de nous, sortie de nulle part. Il m’adresse un salut militaire et s’incline devant Goren. Apparemment, il a appris de ses autres acolytes qu’il ne faut pas le contrarier.

« Messieurs, pour éviter tout désagrément on m’a demandé de vous guider jusqu'au village. Comme ça vous n’airez pas besoin d’utiliser une carte. »

Je regarde Goren, je lui laisse le choix de décider si oui ou non c’est nécessaire. Après tout c’est à lui que revient cette décision. Je connais ce pays comme ma poche mais pas vraiment comment on va jusqu’à ce village sans soucis…

« On le garde avec nous Goren ? »

Spoiler:

C’est en face de l’une des stèles arborant l’image d’un dragon que nous nous arrêtons Goren, Booker et moi. Nous nous questionnons quelques secondes sur le sens d’une telle décoration avant que nous ne comprenions qu’il s’agissait bel et bien du bon village en haut de la colline. Trônant sur le reste de la région tel l’acropole d’une cité grecque, celui-ci donne très certainement une vue panoramique sur l’ensemble de la région. Mais toutes ces descriptions et détails nous ramènent au moment présent, moment où je reste curieusement silencieux.

Je commence à marcher sur le sentier qui se dessine en face de moi et qui mène jusqu’au village. Je ne fais pas plus attention que cela à mes deux compagnons. En même temps il n’y a pas grand chose à dire pour le moment. Mieux vaut garder toutes ses hypothèses pour soi pour ne pas influencer celles de mon camarade. A mi-chemin, Goren me rattrape et je lève légèrement le regard vers lui.

« Un dragon demandant des offrandes… Je me demande bien ce qu’il peut bien en faire. »

Je sais que ma question perturbe l’esprit de Goren. Car si l’or et la nourriture sont des denrées recherchées de tous, que peut bien faire un dragon de pierre avec une nouvelle femme chaque semaine. Non pas que je sois familier avec l’anatomie des dragons géants mais toujours est-il qu’il ne doit pas être aisé de s’accoupler avec une créature dont la taille fait la longueur du sexe du second partenaire. Je ne remarque que trop tard que ma réflexion m’emmène dans des contrées mentales trop éloignées de mes eaux de confiance.

Nous arrivons en face de l’une des entrées du village et nous remarquons une grille. Celle-ci est close et est allongée par de grands murs de bois composés de brindilles, de pics et de bouts de casseroles. Une manière peu conventionnelle de se constituer des remparts... Les habitants de ce villages veulent à tout prix empêcher quelque chose de rentrer… ou de sortir. Je me rapproche de la grille et, avant que mon camarade ne perde patience et ne l’éclate d’un coup de pied, tire sur une corde près de celle-ci qui semble être rattachée à un mécanisme d’horlogerie. Une cloche puissante se met à sonner et un homme apparaît de derrière la rue vide en face de la grille pour se rapprocher de celle-ci. Il arbore une longue tunique bleue sur laquelle est dessinée un dragon. Il est moustachu et a des cheveux blancs. Surement un vieux fossile qui habite dans ce pays depuis suffisamment longtemps pour connaître toute son histoire. Il serait bon de le questionner.

« Motif de votre visite ? »

« Nous sommes venus nous occuper du dragon. On nous a demandé de venir. »

L’homme sort un bloc note de l’un des pans de sa tunique et se met à lire quelque chose tout en marmonnant dans sa barbe des élucubrations incohérentes. Il sort ensuite une clé de son vêtement pour ouvrir la grille et nous faire signe que nous sommes maintenant autorisé à passer, ce que nous faisons. Je m’arrête ensuite en face de lui et baisse ma capuche. Après une longue respiration, je plonge mon regard dans le sien et y recherche des informations tout en le questionnant.

« Monsieur, avez vous quelque chose à nous dire à propos de ce dragon ? »

« Seulement qu’il est un fléau pour ce village depuis qu’il est réapparu. La vie n’est plus la même… »

Je jette un regard à Goren, lui laisse le temps de questionner le vieux si l’envie l’en prend et me remet à marcher par la suite. Nous traversons une bonne partie du village pour nous diriger vers le bâtiment le plus imposant qui doit certainement être l’hôtel de ville. Entre temps nous remarquons curieusement que la plupart des passant arbore un air de dépression appuyé et de mal être. Pas un homme ne sourit, pas un enfant ne joue et personne n’ose lever les yeux au ciel.

J’entre le premier dans l’hôtel de ville suivit de mon imposant partenaire. Pas une personne pour nous accueillir et l’emplacement de la secrétaire est vacant. Je remarque cependant la plaque et son nom que je ne mémorise pas. Un sentiment étrange m’assaille. Je traverse les couloirs déserts et trouve mon chemin par moi-même jusqu’au bureau du maire que j’ouvre sans même frapper. L’homme est un petit être maigre et frêle à l’air malade. Il est assis sur son pupitre et me lance un regard interrogateur. Un moment de silence passe et il comprend. Je le vois dans ses yeux. Sans plus de cérémonie il me montre la chaise de la main et retire ses verres de contact.

« Expliquez nous donc de quoi la situation retourne »

Je sors de l’hôtel de ville avec la désagréable impression qu’il me manque une information. Tout cela est trop facile, trop concordant. C’en est presque trop bien fait et organisé pour que ce soit crédible. A mesure que je rejoins Goren devant la bâtisse, je ne cesse de me dire qu’il y a forcément anguille sous roche. La situation ne peut pas être aussi simple que nous le prévoyons. On ne peut quand même pas avoir découvert le fin mot de l’affaire dès les premières heures, non ? Je demeure perplexe. L’intervention de ces croyants me perturbe et me fait réfléchir à plein régime. Je ne suis foncièrement pas contre le fait que ces individus aient quelque chose à voir dans toute l’histoire –ce qui est très certainement le cas- mais je n’ai pas l’impression qu’ils jouent un rôle pivot. Je m’arrête donc devant Goren, regarde le sol quelques secondes avant de lever les yeux vers lui.

« Je vois bien que tu as envi d’action. Le mieux serait donc de nous séparer comme on le fait si souvent. Tu iras à l’hôtel de ces croyants et tu les questionneras. Tu as carte blanche pour tuer qui tu veux en route qui porte ce kimono, je ne suis pas assez prétentieux pour te dire qui tu as le droit de tuer ou non. Quant à moi je vais essayer de me renseigner sur la nouvelle fille que le village compte envoyer comme offrande. Au final, je pense que j’en apprendrai beaucoup plus en la questionnant qu’en restant avec toi. »

J’attends quelques secondes puis prends la direction opposée au sud du village. Je m’insinue dans les rues tel un boa dans la cambrousse et demeure presque indétectable. Un véritable fantôme. Néanmoins, ne sachant en rien où peut se trouver la jeune fille dont je ne connais d’ailleurs pas le nom, je me rends au vieux temple de la ville. Car oui, dans chaque village il y a un temple pour prier les dieux que nous connaissons. Tous ne sont pas des dragons de pierre géants et cela ne m’étonne donc pas lorsque je tombe devant les ruines sinistres du bâtiment que je recherche. Devant les ruine un vieux bonhomme, assis sur le sol à la manière des moines. Il a le crâne chauve et une moustache si longue qu’elle rase le sol. Lentement je me rapproche et me place à ses côtés. Je lui fais sentir ma présence en tapant du pied sur le sol. Le moine se lève et m’adresse un regard plein de spiritualité et de neutralité fantomatique.

« Que s’est-il passé ici ? »

« Le dragon et ses disciples ont tout détruits il y a environ un mois. Depuis je passe mon temps ici à défaut de pouvoir me mettre un toit sur la tête. »

« Que savez vous exactement sur ce dragon ? Et surtout des jeunes filles qu’il confisque en guise d’offrande. »

« Je sais ce qu’il a fait au temple. Je sais qu’il est apparu de nulle part un beau jour en sortant des abîmes de la terre au sud du village. Je sais également que depuis qu’il est là, les jeunes hommes aux alentours sont plongés dans une tristesse extrême, ils n’ont plus personne avec qui batifoler. Il ne reste plus que quelques jeunes filles au village et la prochaine sur la liste est Keiko. »

« Keiko ? »

« Oui, comme toutes les autres elle a été tirée au sort. C’est une gentille fille. Elle m’apportait souvent de l’eau et de la nourriture lorsque la neige se faisait trop présente pour que je puisse sortir du temple. Elle habite non loin d’ici, près des maisons aux architectures en pic. »Je fais un signe de remerciement au vieux monsieur en face de moi avant de prendre la route qu'il m'indique.

Mes recherches s’accélèrent… j’en apprendrais plus en parlant à Keiko.

« Qu’est ce qui vous fait penser que le dragon en a après la pureté de ces jeunes filles? »

Je pose la question à cette jeune femme bien belle qui depuis quelques minutes ne cesse de me parler de sa vie et de celle du village. Bien que ses propos ne soient que moindrement intéressants, j’y prête une grande attention, la solution de l’énigme se trouvant probablement entre les lignes de son discours. Je la fixe donc de mes yeux les plus bleus et tente légèrement d’y voir plus clair.

« Il m’a semblé que toutes n’avaient jamais connues d’homme avant d’être choisie comme offrande… »
Elle ne finit pas sa phrase, son regard se fait un peu craintif. Je suis en face d’elle dans sa chambre et essaye de comprendre ce qui lui fait peur. Elle se met alors à pleurer, à se lamenter du fait qu’elle va se faire capturer et probablement mourir entre les dents de cet abominable dragon. Je sais qu’elle ne ment pas parce que personne ne peut jouer la comédie comme ça. Je me lève doucement et me dirige vers la porte de sa chambre. En jetant un furtif regard vers l’extérieur, je ferme celle-ci et m’enferme à l’intérieur avec ma jeune fille. Je m’arrange alors rapidement pour que celle-ci ne soit plus « pure » au moment du sacrifice.

Une demi-heure après donc, je sors de la maison sous un dernier baisé de la jeune rousse et arpente les rues en direction de l’hôtel de ville. J’entends alors le cri de Goren qui rugit au loin. Il ne sert à rien de lui demander de la jouer fine à celui-là. Au moins il sait surement quelque chose s’il m’appel d’une telle manière. Tout en gardant la même cadence de marche donc, je commence à me rendre jusqu’au foyer sonore. J’y retrouve mon acolyte qui m’annonce ce qu’il a déniché comme information. Pendant quelques secondes je demeure silencieux, analysant toute la situation. Celle-ci semble plus complexe que prévu. Néanmoins, même si Goren semble cramponné au fait que le dragon est une technique Doton, je n’en suis pas si persuadé. Après tout, il faut garder l’esprit ouvert. Pour moi quelque chose cloche mais je me garde bien de l’annoncer à mon golem de pierre.

« Bien, je te suis. »

Goren prend l’avant de la marche et je le talonne de près. Nous marchons dans le silence pendant quelques secondes avant que je ne me remette à aborder le sujet délicat de la divinité.

« Et si ce n’était pas un dragon sorti tout droit d’un sort. D’après ce que m’a dis notre future offrande, il s’agirait d’une entité bien réelle. »

J’attends avec impatience le premier pic de mon compagnon mais je continue de plus belle.

« Ce que je veux dire, c’est que sans pour autant être une sorte de créature divine, il se pourrait bien que ce dernier soit une sorte de vieil animal endormi depuis longtemps… »

Je sais ce qu’il va me répondre : un animal de pierre ?! Et pourtant je n’arrive pas à me retirer de la tête le fait qu’il est bien possible que cela se fasse. Quelque chose dans l’équation me perturbe tellement que je n’arrive pas à réfléchir correctement.

Nous arrivons bien vite à l’endroit que nous cherchions et, me tournant vers Goren, je le laisse prendre les raines de la suite des évènements :

« Alors, que veux-tu que nous fassions maintenant ? »

Sous mes yeux ébahis l’imposante structure prend vie et je me rends compte de l’incrédulité dont j’ai fait preuve depuis le début de cette mission. Ainsi le dragon n’est autre que l’assemblage de trois ninjas du clan Kaguya. Une manière intelligente de mettre son savoir au service de la communauté. Ranimer une ancienne légende pour exploiter les richesses d’un village. On peut dire que ces Kaguya sont passés maitres dans l’art de la manipulation et du crime. Je jette un regard vers Goren et ce dernier m’annonce que nous pouvons soit choisir d’affronter ce dragon tout de suite, soit choisir d’attendre que les trois ninjas soient à nouveau séparés.

Un dilemme se pose. Mon instinct de combattant veut se battre contre le dragon mais mon esprit me dit d’attendre, que je n’aie pas la moindre chance de m’en sortir contre un dragon de cette taille réunissant la puissance titanesque de trois shinobis surentrainés. Que choisir, et quelle voie prendre ? N’ais-je pas voué ma vie à la puissance et à la force ? Cela signifie-t-il cependant que je doive laisser de côté la stratégie ? Mais au diable toutes ces questions, faisons comme on le souhaite et si je dois mourir, eh bien je mourrai !

« On lance l’assaut Goren ! Maintenant ! »

Je sors des buissons dans lesquels j’avais trouvé refuge avec mon compagnon et, juste à côté du feu que nos ennemis viennent de quitter, je balance trois Shurikens géants en direction de l’imposante créature. Ceux-ci, suffisamment rapides, heurtent la pierre du dragon qui se retourne. Ses yeux vides de pupilles lorgnent dans ma direction pendant quelques secondes avant qu’elle ne pousse un cri strident. Elle fonce alors vers moi à une vitesse vertigineuse. Je dégaine quant à moi mon sabre et balance un nuage de cendre des plus imposant dans sa direction. Ne sachant pas si cela aura un effet ou pas, je cours sur le côté pour me réfugier dans la forêt d’où je viens de sortir. Le nuage de cendre devant couvrir ma fuite en créant un obstacle visuel.

Le dragon s’écrase sur la terre. Un épais nuage de fumée se crée après l’impact et on n’y voit presque rien. Tout ce que je peux entendre c’est le rugissement de la bête. Je cours à nouveau vers elle lorsque je me rends compte qu’elle lévite à seulement quelques mètres du sol, cherchant de la tête ma présence. Je profite du fait que je ne suis pas encore repéré pour balancer ma chaine sur l’un des plis de son corps rocailleux et me propulser sur son dos. Ma présence est alors immédiatement repérée et le dragon s’élance dans les airs de plus belle. Je suis sur son dos et demeure stable grâce à l’adhésion de chakra. Néanmoins, je sens quelque chose bouger sur la structure de la créature qui vient maintenant de s’élever à plus de cent mètres dans le ciel.

Soudain devant moi sort de la roche le corps de l’un des trois invocateurs. Il me jette un regard rempli de suffisance. Me menaçant d’une lame d’os, il sourit.

« Tu crois avoir une chance contre nous gamin ? Nos os sont plus vieux que le monde...»

« Je crois que je vais vous écraser, je déteste les types comme toi »

Je finis ma phrase et balance un sort Raiton dans le sol avec la plante de mes pieds. Le sort est de puissance moindre mais avec la supériorité élémentaire, mon adversaire ressent le choc un peu plus violemment. Il serre les dents quelques secondes avant de pousser un soupir et de me jeter un regard noir. L’instant d’après, une colonne d’os me percute en plein sous le menton. Je m’envole dans les airs alors que le dragon s’éloigne. J’envoi cependant ma chaine vers lui pour qu’elle s’y enroule, la distance est trop importante et je ne trouve pas de point d’accroche.

Heureusement pour moi, Goren qui s’est apparemment attaché au dragon aussi à sa manière attrape ma chaine et me fais converger vers sa position d’un bon mouvement de bras. Il se tient sur la surface rocailleuse comme s’il escaladait une montagne et lorsque je le rejoins, je ne peux refrogner un léger sourire.

« Alors, t’aimes te balader à dos de dragon à quelques centaines de mètres d’altitudes ? »

Je souris de plus belle avant de lancer un dernier avertissement.

« Je ne pense pas qu’ils t’ont remarqué et qu’ils savent qu’on est là, il faut attaquer violemment cette fois ! On doit se concentrer sur la destruction de la tête et des ailes ! Tu prends quoi ? »

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Kazanbai no kumo

Ninjutsu
Yusuke déverse son chakra dans l'un de ses sabres afin de lui donner la forme d'un éventail. Il balaye ensuite l'air en direction de ses adversaires ce qui aura pour effet de créer un nuage de cendre incandescente qui convergera dans la direction du balayage. Les cendres sont brûlantes et provoquent de gros dégâts. Il s'agit d'une technique de zone ayant plusieurs effets. Le premier étant les dégâts de brûlure des cendres, le second étant la déstabilisation visuelle des adversaires vu que les cendres obstruent leur vue. A noter qu'il s'agit d'une technique de zone et que l'utilisateur n'est pas imperméable aux effets de sa technique.
Technique gratuite
Technique de rang A

Je regarde avec enthousiasme le golem de pierre se hisser toujours un peu plus haut sur l’imposante structure de pierre. Le pauvre a vraiment l’air d’avoir du mal à faire se mouvoir sa grosse carcasse d’un point d’appui à un autre. L’espace d’un instant, j’oubli ou nous sommes pour me rendre compte à quel point la situation est diablement comique et tragique à la fois, donc cynique. Je pousse un gloussement rapide avant de réaliser que je suis dans la même situation que mon camarade qui galère à se hisser plus haut. Je réfléchis quelques secondes puis dégaine l’un de mes sabres. Je l’enfonce fermement dans la terre dont est composé le dragon et serre ma poigne sur le manche. Je dégaine alors de l’autre main et enfonce l’arme un peu plus haut. Ainsi je me hisse jusqu’en haut de la créature pour me retrouver enfin sur son dos, appliquant avec brio les fameuses techniques d’escalades de glaciers que nos amis de Yuki m’ont enseignés autrefois.

Je suis donc sur le dos de la monture et me dirige instinctivement vers les ailes. Je vois cependant Goren commencer à s’amuser avec la tête de cette dernière et rien que l’image d’une situation cocasse entre Goren et l’un des trois ninjas responsable de notre ascension me laisse un sourire indélébile sur le visage. C’est donc dans la bonne humeur d’une mission suicide que je me retrouve entre les deux ailes. J’enfonce l’un de mes sabres à l’emplacement exact où le membre de droite est rattaché à la colonne vertébrale du dragon et fait de même pour le côté gauche. Alors, comme je m’y attendais, mon adversaire apparaît en face de moi, sortant de la terre comme un mort sort de terre. Il me jette un regard froid et presque instantanément, une nouvelle colonne de pierre apparaît entre nous. Mais cette fois, je connais le truc, et au lieu de l’esquiver, je me place juste au dessus. Je suis projeté en l’air et j’en profite pour ouvrir la première et la deuxième porte céleste. Je fond alors sur mon adversaire dans un coup de poing magistral qui le fait s’enfoncer dans la terre du dragon qui se craquèle autour de nos deux corps. Je ne le lâche pas et le martèle de plusieurs dizaines de coups tous plus violents les uns que les autres. Je me projette ensuite en avant suite à un mouvement contradictoire du dragon. Je roule sur quelques mètres et mon adversaire en profite pour se redresser et m’adresser un regard vengeur.

« Je vais te finir ! »

Là, je ne me contrôle plus vraiment, mes yeux deviennent noirs et ma peau vire au rouge, j’ouvre la troisième porte. Je fonce sur mon adversaire avec la vivacité d’un singe et lui assène un coup de pied sous le menton qui le projette dans les airs. Je me place ensuite sous son ombre et enroule mes chaines autour de lui. Le dragon passe et nous sommes tous deux dans les airs. Nous tournoyons dans les airs vers le sol à plus d’une centaine de mètre. Autant dire que cette fleur du lotus va faire mal…

Mon adversaire est au sol en deux morceaux distincts. Je regarde le ciel et me rend compte que le dragon va s’écraser vers nous. Dénudé de ses ailes, je peux voir Goren sur son dos, je ne sais pas s’il affronte le dernier homme ou s’il tente juste de se sortir de la mauvaise situation dans laquelle il se trouve. Je me contente quant à moi de m’écraser au sol, ayant besoin d’un peu de temps pour me reposer. Les portes ayant provoqué une perte de l’équilibre dans mon corps, je ne peux pas bouger… Je fais une cible bien vulnérable.

Lentement, je me relève alors que Goren me balance ses piques habituelles. Le gros renne a réussi à se sortir indemne de la chute du dragon et me lance maintenant un regard des plus moralisateur. Apparemment, et c’est surement ce qu’il doit se dire, je n’aurais pas du utiliser les portes aussi tôt dans le combat. Il a surement raison remarquez, je fais une bien piètre cible à présent. Je suis bien en évidence, incapable de bouger pour au moins encore une ou deux minutes. Néanmoins je sens bien que les choses ont plus ou moins tourné à notre avantage. Après tout l’un des trois Kaguya est bel et bien mort et cela signifie qu’ils ne pourront plus invoquer de dragon. Je lève les yeux vers Goren qui m’avoue vouloir les interroger, il rajoute donc qu’il aimerait que je ne tue pas tous nos clients.

« Ce n’est pas moi qui les force à tenter de me tuer. Tu sais comment je suis quand on me titille. »

Et oui, on ne peut pas se frotter à moi sans espérer que je me donne à fond. Malheureusement cela signifie aussi que je fais des victimes, pas mal de victimes d’ailleurs. Mais pour le moment, je n’ai pas de quoi être fier, n’importe quel abruti peut se débrouiller pour tuer une personne sur trois cibles. Mes yeux se tournent donc vers la carcasse rocheuse du dragon qui, en tombant, à soulever un gros amas de terre qui s’est rassemblé en motte de plus de trois mètres. De la carcasse surgit alors l’un des trois ninjas ennemis. Au même moment, le dernier de la bande apparaît de derrière la brousse. Mon regard est perçant et menaçant, fixé en direction de mes deux clients. Je ne peux pas bouger pour le moment, mais ça ils ne le savent pas. Je lance un coup d’œil furtif vers Goren qui, comme je m’en doute, doit avoir compris qu’il ne faut mieux pas qu’il me laisse me lever pour combattre avant au moins un petit moment encore. Il effectue des mudras variés et un loup nécrotique apparaît. Le dit loup fonce sur nos deux ennemis qui se sont rapprochés l’un de l’autre. Goren court derrière lui. La situation évolue et pendant un moment, mon compagnon est en difficulté. Mais bien vite la tendance s’inverse et l’un de nos adversaires se voit projeter dans le décor.

C’est ce moment que je choisi pour me lancer dans la bataille à mon tour. Le second Kaguya, celui que Goren a balancé un peu plus loin, reviens à la charge vers mon compagnon. Poussé par un élan de motivation quant au combat qui s’annonce, je fonce à toute jambe après m’être relevé. Mon sabre vient percuter son fouet et ce dernier s’enroule autour de la lame blanche d’Aurore. Je tire alors un bon coup et le Kaguya perd des mains l’arme d’os qui s’effrite jusqu’à se transformer en poussière d’os.

« Je vais t’expliquer pourquoi c’est à moi qu’on a demandé de régler les problèmes de ce village… »

Je termine ma phrase et balance un dragon de cendre vers mon adversaire. Le dit dragon, sorti tout droit de la lame de mon sabre fonce comme un démon des enfers (ce qui en quelques sortes il est) et s’écrase sur mon adversaire. Ce dernier, s’étant cependant protégé par une sorte de bouclier d’os, ne subi aucun dégât. Néanmoins les cendres sont bien là et lentement, dissimulées par l’explosion de mon dragon sur sa protection, je fais rentrer mes petites chéries dans son système respiratoire par ses narines. Le pauvre ne se doute de rien et alors qu’il abaisse sa protection, il me lance une pique avant de courir vers moi, une sorte de lance d’os à la main.

« Pour qui te prends-tu ? »

Il n’est plus qu’à quelques mètres de moi. J’active mes cendres qui brûlent ses entrailles et dérèglent sa respiration. Mon adversaire lâche sa lance et s’écrase au sol dans sa course. Il roule sur plusieurs mètres et je le réceptionne avec mon pied. Il serre les dents et garde les yeux fermés, mes cendres doivent être en train de faire des ravages dans son corps. Je lui donne un puissant coup de poing chargé de raiton sur le visage ce qui lui fait perdre connaissance.

Je me tourne vers Goren et l’interpelle :

« J’ai fini avec le miens, de ton côté ça va comment ? »

Goren m’annonce son plan, je ne suis pas sûr que tout son stratagème a des chances de réussir mais je n’ai, pour le moment, pas d’autres idées. Je fais donc un signe positif de la tête comme pour lui montrer que je suis bel et bien d’accord avec sa manière de voir les choses et de procéder. Ma chaine lentement s’enroule autour du corps de ma victime qui git toujours sur le sol et, lorsqu’elle finit d’en faire le tour, je la détache de mon bras pour caler le tout avec un cadenas de chakra. Je lance un dernier regard vers Goren et lui annonce tout en rabaissant ma capuche sur ma tête.

« Prends ce type et l’autre en lieu sûr pour les interroger et leur faire subir l’entretien sur lequel tu insiste, je vais me rendre au village et m’assurer que ses habitants nous soient reconnaissants. »

Je prend une impulsion et m’élance dans la forêt comme un oiseau ou un crapaud. Je traverse rapidement la distance qui me sépare du village et, après avoir cogné à la porte de fer, je reçois, comme précédemment, les salutations du garde.

« Vous m’avez l’air en piteux état monsieur. On croyait que le dragon viendrait aujourd’hui, certains l’ont d’ailleurs vu dans les airs. Mais il n’est pas venu chercher les offrandes. Seriez-vous responsable de ce phénomène ? »

Je n’adresse au petit vieux qu’un léger sourire en coin tout en fermant pendant quelques secondes mes paupières. Je m’avance ensuite pour m’engouffrer dans les rues du village. Je me rends aussi vite que possible jusqu’à l’hôtel de ville où je pénètre, toujours sans invitation, dans le bureau de ce cher maire. Il a l’air plutôt surpris de me voir et, laisse tomber ses lunettes de ses mains. Lentement son visage change d’expression et il se met à sourire.

« Vous avez réussi… Vous avez tué le dragon. »

Je plonge mon regard dans le sien, l’appui de manière presque trop autoritaire car le visage de mon interlocuteur se refrogne et se crispe d’un coup.

« Je ne l’ai pas tué, il a seulement fui devant nos assauts. »

Là, il n’y a plus du tout de sourire. Bien au contraire, le maire me regarde presque avec un air de détresse extrême. Je pense qu’il comprend ce que cette dernière affirmation signifie pour lui et son village. Que le dragon reviendra à l’assaut un jour où l’autre et donc qu’ils seront encore la cible de son courroux.

« Mais si vous ne l’avez pas tué, comment ferons nous pour nous défendre lorsque nous ne serons plus là ? »

Trop de lâcheté dans cette voix, trop de peur. Le voile du diplomate sûr de lui est tombé et je ne vois plus que l’homme qui craint pour sa vie. Heureusement, je sais exactement quels mots employer pour m’assurer son allégeance éternelle.

« Vous n’avez pas les moyens de nous payer indéfiniment. Voilà pourquoi, mon compagnon et moi, nous nous engageons à protéger indéfiniment votre village si vous acceptez de passer sous notre commandement. Le maire sera élu comme dans une démocratie normale mais ce dernier se devra de répondre présent à nos demandes. D’ailleurs 5% d’impôts seront prélevés des caisses du village uniquement, en fonction des revenus des villageois. Vous conviendrez que c’est une proposition honnête. »

Le maire s’arrête de pleurnicher. Pendant quelques secondes, il réfléchis, il semble se demander quelle décision il doit prendre. Soudain un homme pénètre dans le bureau hors d’haleine, il annonce qu’il a vu le dragon s’écraser au sol comme une mauvaise invention et disparaître ensuite. Je lui tranche la tête d’un coup de sabre et envoi ainsi du sang sur tous les murs. Le maire se baisse instinctivement et me lance un regard horrifié alors que le corps de son compatriote s’écrase au sol dans un son lourd et perturbant. Je fais quelques pas vers le bureau et pose ma main sur le bois en chêne de celui-ci.

« Vous allez faire comme je vous l’ai dit et annoncer dans une lettre ouverte les conditions susdites ou je réserve le même sort à tous les autres membres de votre village. »

Mes yeux sont ceux du monstre en moi, la vu du sang et le fait d’avoir ôter la vie l’a réveillé. Je regarde le maire sortir une feuille dans le silence et se mettre à écrire, je sors de son bureau et m’arrête un moment près de la porte d’entrée pour souffler. Je ne sais pas comment je vais me calmer.

Ainsi nous en avons fini avec l’histoire du dieu dragon de pierre. Au final, toutes les questions que je me posais sur les dieux, toutes sans exception, n’avaient pas vraiment de sens. Je ne sais pas pourquoi je me suis d’ailleurs penché sur le sujet. Peut-être qu’au fond, je recherchais désespérément une raison à mon malheur, au cancer du monde. L’homme est mauvais et s’il n’y a pas plus haut que lui, c’est à dire que c’est vraiment lui le responsable de sa propre situation. S’il n’y a pas un dieu négligeant derrière, c’est que nous sommes vraiment les monstres que nous prétendons être en affichant de cette manière notre envie d’accéder au pouvoir. J’ai beau avoir laissé Katano le poète mourir à Kiri, j’ai tout de même gardé quelques rudiments de poésie et de philosophie. Et ma philosophie me dit que je devrais me sentir l’âme morose. Morose parce qu’au final je suis seul. Parce qu’au final le monde est bien comme je l’imaginais. Il est vile et dangereux. Je me suis engagé à lui rendre son état instinctif et je comprends enfin toute l’étendue de mon objectif. Je ferais de ce monde un lieu plus honnête puisque nous sommes vraiment les racines du mal.

Ma réflexion me pousse à sortir du village sans même regarder autour de moi. La jeune fille que j’ai sauvée et avec qui j’ai passé la nuit me regarde passer et n’ose pas m’interpeller. La pauvre doit penser que je l’ignore. Mais la vérité est tout autre. Je ne peux tout simplement pas la remarquer. Et quand bien même je la remarquerais, je la tuerais sur une impulsion de mon cœur. Je suis bien trop en déséquilibre psychologique pour pouvoir réfléchir correctement. Mes jambes m’amènent hors du village et je vais prendre un bain dans un ruisseau adjacent pour me débarrasser de mes mauvaises tensions. Une fois propre, je sors et me rends vers l’emplacement que Goren m’a envoyé par message corporel via le sceau indélébile que j’ai sur le corps. Je le rejoins très vite et, sur le chemin, salue les quelques gardes qui montent la garde. Ceux-ci font tellement bien leur boulot que quelque part, je me sens coupable de les exploiter de la sorte.

Je me place en face de l’imposant golem de pierre qui laisse son regard tomber de sa carrure de monstre sur ma pauvre personne. Je lève les yeux et fait un geste de la main, l’invitant à venir marcher avec moi.

« Nous avons terminé, je sais que tu attends le message de ta victime mais nous devrions profiter du paysage. Je vais t’apprendre à comprendre mon ancien pays… »