Setsuna leva les yeux vers l'affiche sur laquelle était écrite "Grand Spectacle de Danse". Des hommes et des femmes semblaient faire une sorte de chorégraphie avec des costumes ridicules. Un vague sourire moqueur se dessina au coin des lèvres de la jeune femme. La danse était vraiment une perte de temps, un luxe que personne n'aurait du se permettre en ces temps troublés. Avec cette histoire de Furyous et les tensions entre les villages, se consacrer à ce genre... d'art était aussi inapproprié que stupide.

*Les gens ont besoin de rire quand les choses vont mal!* songea-t-elle, pragmatique. *Du coup ils s'empressent d'aller voir n'importe quelle bêtise pour peu que ça leur change les idées.*

Quoi qu'il en soit elle n'était pas là pour prendre du bon temps, elle. La noiraude avait entendu que le responsable de ce spectacle, un certain Mr Piaisdou, cherchait deux shinobis en urgence. Setsuna voyait mal pourquoi, à vrai dire. Peut-être que cet original avait besoin d'augmenter la sécurité autours de ses artistes. Ces derniers étaient peut-être devenus de vrais stars à force de crapahuter en tutus. Ou alors il voulait simplement une escorte pour lui, pour se donner de l'importance. Comme il est de coutume dans ce genre de circonstances, la jeune femme avait à peu près tout envisagé. Sauf ce qui l'attendait...

Trouver le théâtre qui abritait le spectacle ne fut pas bien compliqué. Avec les indications de la fiche et celle des gens qu'elle questionna en chemin, elle fut rapidement sur les marches qui menaient à l'établissement. Un petit homme semblait attendre à leur sommet avec impatience, tapant sans retenue du pied sur la pierre comme pour mieux signifier qu'il était pressé. D'ailleurs Setsuna n'eut même pas le temps de l'interpeller qu'il se dirigeait déjà vers elle.

- "Vous êtes la nouvelle recrue hein? Dites-moi que c'est vous? Allez venez, je vous en prie! Nous sommes pressés! Très pressés même! C'est une catastrophe vous m'entendez, une ca-ta-stro-phe!" expliqua-t-il en accompagnant sa déclaration avec de vastes mouvements des bras. "Vous me sauvez la vie vous savez? Allez, suivez-moi nous n'avons pas une minute à perdre!"

Comme la plupart des gens qui consacraient leur vie au spectacle et au divertissement, celui-ci semblait un original. Sa petite taille et ses cheveux blancs hirsutes ne lui donnaient déjà pas une grande crédibilité mais si on couplait tout ça à ses vêtements aux teintes douteuses, cette impression devenait une conviction. Un manteau orange et des pantalons verts, non mais vraiment! Setsuna n'était de loin pas une grande connaisseuse des tendances vestimentaires mais elle savait reconnaître un manque de goût...

*Les artistes...* soupira-t-elle en emboîtant le pas au nabot.

Une fois à l'intérieur du théâtre, ou plutôt de ce qui en portait le nom, on lui présenta rapidement à l'équipe des danseurs. La noiraude se plia de mauvaise grâce au jeux des présentations sans pour autant faire l'effort de retenir le moindre nom. Ceci fait elle s'éloigna quelques peu afin de prendre elle-même ses marques. Si elle devait s'occuper de la sécurité il valait mieux qu'elle trouve les meilleurs endroits pour se positionner. Elle eut à peine le temps de faire quelque pas que déjà la voie du vieux résonnait dans la salle:

- "Hey mais vous allez où? Le tourisme ce sera pour plus tard, nous somme pressés j'ai dit!"

Setsuna se retourna de trois-quart, juste à temps pour recevoir en pleine tête des morceaux de tissus. Après un regard noir à Piaisdou, elle observa le projectile en question. Il s'agissait d'un tutu et d'un justaucorps d'une affreuse couleur rose. Elle les saisit du bout des doigts et les écarta d'elle, dégoûtée.

- "Et je suis sensée faire quoi avec ça?" releva-t-elle en haussant un sourcil avec scepticisme.

- "Ben... les mettre!"

Un silence pesant s'installa tandis que les deux protagonistes se défiaient du regard. L'une cherchant visiblement à savoir s'il s'agissait d'une blague de mauvais goût et l'autre se remettant à taper du pied pour signifier son impatience.

- "Quoi?"

- "Allez ne faites pas tant de manière! On s'y habitue très vite vous verrez! Allez mesdemoiselles, on l'aide à s'habiller!"

Une cohorte de danseuses vint la prendre par les mains et la traina dans les vestiaires malgré les "Non!", "Attendez!" et "C'est une erreur!" de la jeune noiraude. Après s'être rendue à l'évidence - on ne tabasse pas des artistes parce qu'ils sont trop enthousiastes - Setsuna se laissa finalement faire. Et au bout d'une demi-heure de protestation elle était de retour sur scène avec l'impression de ressembler à un chewing-gum rose. Ha si elle avait pu tuer d'un regard, nul doute qu'il y aurait eu une hécatombe...

- "Bon! Et maintenant?" maugréa-t-elle en regardant obstinément ses pieds, honteuse. "Je peux récupérer ma dignité ou ça va durer encore longtemps?"

- "Maintenant, on danse!" répondit avec impatience le nabot. "Enfin.. Quand votre partenaire sera arrivé! Mais ne faites pas tant de manières voyons! Vous verrez, vous allez adorer ça!"

Les bras croisés et le regard noir, Setsuna resta immobile au centre de la scène avec des idées meurtrières plein la tête. C'était de loin la mission la plus stupide et humiliante qu'elle avait du remplir. Mais malheureusement il y avait une constante avec l'argent: il se dépensait souvent plus vite qu'on le gagnait. Et la noiraude était à cours de ryos... Vu que les offres d'emplois ne s'accumulaient pas dans cette région du monde, elle devait faire le nécessaire pour éviter de fouiller les poubelles...

Son "partenaire" arriva enfin et fut accueilli par le vieux Piaisdou avec autant d'enthousiasme que d'impatience. Setsuna nota que le nouveau venu était déjà en costume. Un sacrément drôle de costume, d'ailleurs! Peut-être qu'il y avait un carnaval dans la région ou quelque chose dans le genre. À moins que ce ne soit aussi un artiste... Plus sceptique que méfiante, la noiraude lui adressa un vague signe de la main lorsque fut venu l'heure des présentations:

- "Je m'appelle Azumi! Bienvenue en enfer!" lâcha-t-elle avec un manque d'enthousiasme flagrant. "Pas mal le costume!"

C'était plus ironique que sincère à vrai dire mais c'est l'intention qui compte, non? Quelques instants plus tard Piaisdou leur avait glissé un livret entre les mains. Un livret sur lequel était marqué "Le lac des crapauds". Elle jeta un regard à son partenaire en espérant y découvrir le même air désabusé qu'elle mais le masque l'en empêcha, évidemment. De toute façon Piaisdou prenait déjà l'homme au costume à parti:

- "On commence par le Monsieur!" clama-t-il joyeusement. "Allez, montrez-nous comment vous dansez! Soyez-vous même!"

À peine le vieux avait-il terminé sa phrase qu'une musique douce et irritante se faisait entendre dans le théâtre. La jeune femme observa avec curiosité son partenaire en espérant qu'il était au moins aussi nul qu'elle. Quelque chose lui disait que cette mission allait aussi être la plus dure qu'elle ait eu à faire...