Ainsi donc le guerrier rouge, le pire déserteur de l’histoire de Kumo était de retour à la terre natale. Venu pour narguer les kumojins ou… Ou quoi d’ailleurs ? Quelle autre option que la première annoncée ? Tout autre idée semblait absurde, fort illogique. La venue, à priori de plein gré d'Oterashi Yanosa à Kumo. Un scénario improbable qui venait d’être rapporté à Zennosuke par un des membres du Satoru. Assis dans un fauteuil du salon de la salle de détente des membres de l’unité d’élite, le Seki parcourait quelques pages du bingo book au moment où la nouvelle tomba. D’abord stupéfait, l’homme était resté quasi figé dans son fauteuil. Sourcils froncés, le Seki était resté quelques temps à réfléchir sur cette nouvelle. Au bout d’un moment il crut à une blague. Comment expliquer que Yanosa ose se présenter en victime aux portes de Kumo ? D’après ce qui se disait, le nukenin débitait tout un tas d’incongruités, d’illogismes tout le contraire de ce dont le personnage avait fait montre depuis ses débuts. S’il y avait bien quelqu’un qui même en état d’ébriété devait être capable de dire des choses parfaitement logiques, c’était bien Yanosa ; l’homme qui manipulait le verbe comme un autre manierait ses dix doigts. C’est dire s’il était un as en la matière.

S’étant levé du fauteuil où il s’était assis, le Seki descendit dans les profondeurs du QG du Satoru. C’était là que se trouvaient les cellules les mieux gardées du village. En réalité, leur nombre était restreint, et il s’agissait plus de pièces aménagées spécialement pour l’interrogatoire. Tout y était fait pour épuiser psychologiquement la cible : le noir omniprésent, une vive lumière braquée de temps à autres sur le prisonnier, des conditions très difficiles de détention. Non, ce n’était pas une synécure et les prisons normales de Kumo étaient bien plus luxueuses que les cellules de détention du Satoru. Oterashi Yanosa, pour son second passage à Kumo, allait cette fois-ci devoir donner de solides explications s’il espérait se tirer d’affaire comme la première fois. D'ailleurs pourrait-il seulement y avoir pour lui la moindre chance de libération ? Il s'était jeté de plein gré dans la gueule du loup, il devrait en assumer les conséquences.

Après avoir échangé avec un des membres du Satoru, le Seki comprit qu’un Jonin et un Chuunin étaient spécialement postés devant la cellule du nukenin. Voilà une bonne décision. En plus du fait qu’il y avait toujours au moins deux membres sur sept en permanence au QG, le guerrier rouge ne pouvait trouver aucune issue. Aucun échappatoire. Après à peine trois minutes de marche, le Seki parvint dans les couloirs sombres menant au cachot du déserteur. Il y dépassa les deux gardes qu’il salua de la tête. Ici, au village, tout le monde le connaissait, et ce, même s’il faisait partie des tous derniers membres nommés dans l’unité d’élite. Les gardes ne s’interposèrent pas. Ils se contentèrent, après lui avoir remis la clé de la cellule, de s’écarter silencieusement laissant le ninja poursuivre, à pas lent les quelques cinq mètres le menant à la porte de la cellule de Yanosa. A peine arrivé, que le Seki entendait déjà les fameux délires du guerrier rouge. Une voix exprimant une détresse que Zennosuke ne connaissait pas. Jamais Yanosa ne lui avait jamais paru avoir la moindre faille, même lorsqu’il se faisait dominer en combat.

Le Seki était arrivé devant la porte. Il fit entrer la clé dans la serrure et tourna deux fois. De là où il était, il faisait bien trop noir pour que le pauvre Yanosa ne sache qui lui rendait visite. Surtout qu’il avait une puissante lumière braquée sur lui. Parfait, dans un premier temps, cette entrée en matière allait peut être favoriser les choses pour le kumojin.

« Que fais-tu ici ? »

Une seule question. Un ton neutre, une voix de puissance modulée, calme. Une attente...

Toute une foule d’information assez contradictoire, assez bizarre avait afflué aux oreilles du Seki. D’un air distrait, le ninja d’élite, encore tapis dans l’ombre, observait, guettait sa proie tandis qu’une petite colère sourde commençait à prendre forme en lui. Yanosa, ca vieil ennemi rusé avait toujours su le faire sortir de ses gongs. Même lors de leurs premières rencontres. Toujours. Là encore, il semblait se jouer du Seki en feignant l’oubli ou l’on ne sait quelle tactique fourbe. Un félon. Voilà ce qu’il était. Voilà ce que pensait le Seki de lui… Un fieffé félon comme on aurait dit dans des siècles reculés. Tournoyant machinalement la clé de la cellule dans son index, le Seki baissait la tête, regard rivé vers le sol tandis que son interlocuteur poursuivait ses hurlements. Le ton, l’attitude du ninja, tout ceci semblait bien trop vrai pour être vrai. Un parfait joueur, un homme de théâtre, voilà ce qu’étais Yanosa. Comment osait-il seulement croire que sa petite comédie pouvait fonctionner ?

Un regard haineux parcouru le nukenin de la tête aux pieds, le détaillant au maximum. Rien ne semblait avoir changé en cet homme, pas même les blessures toutes fraîches qu’il s’auto administrait pour son rituel religieux aussi compliqué qu’inutile. Le Seki inspira, emmagasinant une grosse bouffée d’air. Puis il sorti le tout bruyamment, comme s’il voulait faire baisser la tension ou expulser un quelconque stress. Était-il sous pression ? Il faut croire que oui. Un silence s’était installé dans la cellule depuis quelques poignées de secondes. Dans le contexte, tout ceci paraissait un temps fou, une éternité. Tout est psychologique et tout concours à écraser mentalement celui qui est censé être en mauvaise posture. Était-ce Zennosuke ou était-ce Oterashi Yanosa ?

Le Seki se retourna, montrant le dos au nukenin. Calmement, lentement, il referma la porte derrière lui. A nouveau, le bruit des clés tournoyant dans le trou de la serrure se firent entendre. Grinçantes. Puis un bruit, un nouveau. Les clés venaient d’être retirées de la porte, puis introduites dans une sorte de tissu. Une poche ? Déjà, leur bruit s’étouffait dans des mouvements perceptibles au frottement de tissus.

Le silence commençait à devenir pesant. Du moins, ce devait être le cas pour le guerrier rouge. Son interlocuteur était –il toujours là ? Au bout de quelques secondes, il ne fut plus nécessaire de s’interroger. La voix du Seki perça ostensiblement les ténèbres à nouveau. Le ton était le même calme, neutre, impassible.

« Oterashi Yanosa, dit le guerrier rouge, l’ancien kumojin, qui alors qu’il était encore Genin du village des nuages, sur un théâtre d’opération, a ravit par surprise la vie de 3 soldats de Kumo avant de commettre l'un des plus odieux crime pour un ninja : la désertion. Triple assassin, déserteur... Voilà ce qu'il est aux yeux des kumojins. »

Le Seki se tut quelques secondes, martelant le sol d’un pas aux allures lourdes. Le bruit de ses sandales raisonnait dans toute la pièce et par écho, dans la prison. La voix reprit sur le même ton :

« Veux-tu que je te décrives le personnage ? Un homme taillé pour le combat au corps à corps, de long cheveux couleur écarlate, de nombreuses cicatrices et blessures sur le corps, attestant de son appartenance à une vile secte adepte de la mortification… Ne vois-tu pas de ressemblance avec l’un de nous enfermé dans cette pièce ? Je suis certain que si... »

Le Seki laissa passer un court instant, tout juste assez pour que ses paroles s’insinuent bien dans le crâne du nukenin, puis il poursuivit tout aussi calmement.

« Alors je me répète, que fais-tu ici, à Kumo ? »

Cette répétition avait des allures de menace, quoique rien ne puisse en laisser présager.

Le Seki analysa à nouveau les informations provenant de la bouche de son interlocuteur. En filigrane, toujours cette même thèse de l’oubli, de la perte de mémoire, un blanc total sur un passé des plus ignobles. Cependant, tout, même le début de l’histoire, là où le blackout total ne semblait pas avoir son emprise, était des plus flous. Yanosa disait s’être réveillé en pleine forêt dans le Pays du Fer. Qu’y faisait-il ? Probablement qu’il préparait à nouveau quelques malheureuse tentative contre Kumo. Cependant, la suite de l’histoire était assez bizarre, tout comme tout ce qui se passait jusqu’ici. Le guerrier rouge affirmait avoir combattu un mort vivant, à tous les coups un Edo Tenseï provenant d’un parchemin accroché à un ceinturon tout près de là où il s’était réveillé. Coïncidence ou Yanosa venait de révéler ses penchants pour les détestables techniques de réveil des morts ? Sinon comment expliquer la présence d’un ceinturon disposant de parchemins invocateurs de morts ? Parchemins qui vraisemblablement se sont activés à son contact. Quelle autre conclusion tirer à part celle-là ? Car, pour invoquer un mort, il fallait un pacte, du sang et une technique d’invocation. Zennosuke secouait la tête tandis qu’il se faisait une représentation très imagée de la scène. La folie de Yanosa en était allée jusqu'à ce point; jusqu'à bafouer le repos des âmes des défunts.

L’information suivante fut fort intéressante. Elle allait permettre d’en savoir plus sur la réalité des propos du nukenin. Il semblerait que celui-ci ait fait la rencontre d’un fermier à Shimo no Kuni. Un éleveur de chèvres non loin de la côte. Voilà un indice intéressant qu’il fallait exploiter à fond.

En attendant, le nukenin avait par la suite posé un geste fort. Un geste qui pourrait être pris en compte dans la balance à l’heure du bilan : il reniait son passé. D’un « humpf » sarcastique, le Seki laissa aussitôt planer le doute sur cet acte fort appréciable quoique rendu quasi nul au vu du contexte. Renier son passé alors que l’on se présente tel un amnésique, quelle valeur ajoutée ? Zennosuke réfléchissait à tout cela tandis qu’il tournait dans tous les sens, dans son esprit, les informations qu’il recevait. Une terrible équation lui était posée. Équation qu’il avait le sentiment de devoir résoudre seul. Car après tout, lui et l’homme qu’il avait en face de lui avaient fini par être liés. L’un des personnages en sachant le plus sur ce nukenin n’était autre que Zennosuke, le ninja dans le rôle du bon flic, tandis que le guerrier rouge avait évidemment le rôle du bad guys, du « bandit ». Combien de fois Yanosa avait-il échappé à son destin, sous les yeux impuissants du Seki ? Toujours rattrapé et toujours libre peu après. Les dernières circonstances de son échappatoire d’ailleurs restaient à élucider. Aucune réelle enquête suite à sa disparition, aucun mouvement d’humeur du Raikage, qui apparaissait aux yeux du Seki comme ayant orchestré cette évasion. Ce coup-ci, Yanosa s’était présenté de lui-même à Kumo avec cette option qui consistait à se faire passer pour un amnésique. Probablement que traqué dans le monde entier, il espérait trouver à Kumo, sous la protection du Yondaime, une paisible trêve… Quelle illusion !

La voix du Seki raisonna à nouveau dans la cellule. Une nouvelle question était posée au guerrier rouge. Une question qui allait peut être faire avancer les choses :

« Ce fermier, comment s’appelait-il ? À quoi ressemblais-til ? Quel était son âge approximatif ? Je vais le faire rechercher, et si tu as de la chance, peut être son témoignage pèsera-t-il sur la balance à l’heure du jugement. »

Une fois que la réponse fut donnée, le Seki fit appeler le garde Chuunin, il lui demanda de joindre Kadoria Sho, nom qu’il souffla à l’oreille du garde. Une mission allait lui être confiée : celle de retrouver ce fameux fermier à partir du peu d’information obtenues. Ces informations, le Seki les écrivit sur une feuille que le garde lui remit, il la signa et la rendit au Chuunin qui disparu presque aussitôt à la recherche du Kadoria.

À nouveau seuls dans leur cellule, le Seki avança de quelques pas vers son interlocuteur, tout juste ce qu’il fallait pour se présenter à la lumière de façon à ce que le nukenin sache qui discutait avec lui depuis le début. Puis, de la même manière qu’un psychologue guette le moindre changement dans la gestuelle, les mimiques, l’expression faciale de son client, de la même manière le Seki observait le nukenin presque sûr qu’il était d’y voir une expression de haine, de dégoût, de surprise ou de peur… Quelque chose qui puisse lui apporter une preuve que Yanosa tentait de se jouer de lui. La plus infime trace de feinte serait immédiatement perçue.


« Te souviens-tu seulement de moi ? » Quasi sarcastique, le ton n’était plus tout aussi neutre que tantôt. Il traduisait quelque peu une impatience retenue tant bien que mal.

Spoiler:

La déception. De quelle autre manière décrire ce que ressentait le Seki ? Il avait en face de lui, l’une des personnes qu’il appréciait le moins, l’une des personnes qu’il jugeait comme la pire et à aucun moment il n’avait l’opportunité de la couler. Était-ce la droiture du soldat fidèle et réglo qui le poussait à agir de la sorte, à se retenir ? Ou était-ce une sorte de pitié que le ninja d’élite éprouvait à l’égard du prisonnier ? Le Seki se le demandait bien. Lui qui avait espéré que se révéler à Yanosa allait servir de déclic, il s’était gouré. Yanosa n’avait émis aucun signe, aucune réaction inappropriée qui puisse laisser penser qu’il jouait la comédie. Rien, pas un mouvement de lèvres involontaires, par un regard de haine ou de peur, pas même un mouvement qui puisse laisser penser qu’il souhaitait égorger de ses mains le Seki. Un parallèle s’était fait dans l’esprit du Seki, cette dernière fois où les deux hommes s’étaient rencontrés. Sur l’île principale de l’archipel de Mizu no Kuni, les deux ennemis s’étaient côtoyés, avaient échangé quelques propos, dans la plus grande froideur, sans aucune velléité de combat.

Le regard du Seki tentait de sonder les profondeurs de celui qui avait été son adversaire. Aujourd’hui pourtant, tout semblait différent. Yanosa semblait être quelqu'un d'autre aussi invraisemblable que cela puisse paraître. Visage rapproché de celui du nukenin, le Seki pouvait sentir la respiration du prisonnier. Certainement que ce dernier ressentait la sienne aussi. Pendant quelques secondes, le ninja d’élite resta là figé, tel un automate qui aurait buggé. Au fond de lui, un incroyable combat se déroulait. Sa face loyale à Kumo, celle que d’aucun auraient appelés le "bon soldat", martelait avec conviction que Yanosa mentait, d’une manière ou d’une autre. Le seul moyen de le faire parler était une bonne torture. Douloureuse, administrée savamment, cette méthode saurait faire revenir au premier plan le vrai Yanosa, ce même Yanosa que ce fourbe de déserteur cachait en lui. L’autre face de Zennosuke, celle qui s’opposait fermement à la première semblait être sa conscience. Cette petite voix qui miaule, supplie le Seki d’être juste envers le nukenin quel que soit son passé. Etre juste... Peut-on se payer le luxe d’être juste, bon ou compréhensif face à un homme dont le premier trait de caractère est la fourberie ? Un homme qui a déjà prouvé maintes fois que le mot loyauté était inconnu de son vocabulaire ?

Un poing d’une violence inouïe vint s’abattre aussi subitement que rapidement à deux centimètres du côté droit du visage du guerrier rouge. Visage marqué, défiguré, par le combat qui se déroulait en interne, le Seki n’avait trouvé d’autre échappatoire à toute cette rage contenue en lui que ce malheureux pilier qui contenait toute sa verve. Là, yeux dans les yeux, le nukenin pourrait ressentir la profonde haine qu’avait le Seki envers lui. Il saurait que ce poing lui était destiné, ce poing qui lui aurait certainement rajouté quelques cicatrices sur un corps déjà trop martyrisé.

« Yanosa… Je te jure que si tu te joues de moi, je n’aurai d’autre préoccupation que de te traquer, te harceler, t’acculer et te Tuer ! » Les mots étaient soufflés dans l’oreille du guerrier rouge; comme un murmure, des propos irréels. Le menacer, Zennosuke l’avait fait plus d’une fois. Seulement cette fois-ci, il y avait quelque chose de différent dans le ton.

Une vive douleur se fit ressentir dans le dos de la main du Seki. Elle saignait, tout comme le mur était tâché du sang du ninja d’élite. Avait-il oublié qu’il se trouvait dans un endroit où le chakra ne pouvait avoir cours ? La douleur la lui rappelait.

S’étant détourné du nukenin, le ninja marcha vers la porte de la cellule. Il l’ouvrit, la referma derrière lui et s’en alla vers les hauteurs du QG sans un dernier regard pour l'homme attaché. Tout ceci devait être tiré au clair. Au plus vite.

Spoiler: