Il était passée devant Azuni, mais il n’avait fait aucun commentaire, aucune blague sexiste ni balancé le moindre gros mot. Il avait simplement marché dans l’escalier qui menait au toit du palais, sans dire un mot. La jeune femme était intimidée : il avait l’air d’un chef, plus que jamais, mais il était clairement tourmenté. Aujourd’hui, à midi, elle voyait Bakushô Aomine se préparer à affronter la foule. Des centaines et des centaines de personnes l’attendraient au tournant. Les temps étaient si difficiles. S’en sortirait-il ?

C’est avec le même silence que le Colosse surplomba la foule en bas du Palais du Raïkage. Inutile de le renommer en « Palais du Régent », il se moquait totalement de son titre. L’important était qu’il était celui qui devait guider les siens vers des temps plus simples, plus paisibles. Kumo avait trop souffert, et lui aussi.

Sa coiffe était légèrement différente de celles des Raïkage, ce qui laissa une idée à ceux qui n’étaient pas encore au courant de la nouvelle. Et lorsqu’il la retira, tout le monde se tut. Le silence avait gagné Kumo, pas seulement parce que le Bakushô allait prendre la parole, mais également parce qu’on avait apporté à ses côtés le portrait et la coiffe du défunt Rokudaime.

« Kumojins, voilà quelques jours maintenant que je suis Régent. La décision du Daimyô a été poussée par la mort brutale de notre ancien chef, Hôritsu. Certains d’entre vous le savaient déjà, mais avant d’être l’un des nôtres par ses fonctions, il l’était par son sang. Kadoria Tsuhiro était le frère cadet du fondateur de notre village, le Shodaime. J’aimerais que nous commencions par une minute de silence, en sa mémoire et en celle de tous nos frères et sœurs d’armes tombés lors de la bataille à Suna. »

L’éloquence n’était pas la qualité première d’Aomine, mais il avait préparé certaines phrases clés de son discours. Il n’avait aucune raison de laisser un quelconque sentiment fumeux l’embêter. Non, aujourd’hui il était triste et plus que jamais désireux de s’adresser à ses compagnons.

La minute de silence lui parut ni courte, ni longue. Tous l’avaient respectés – et il valait mieux car dans le cas contraire des shinobis masqués se tenaient prêts à intervenir – et c’était une première image de l’unité qu’il rêvait pour Kumo.

« Je vous remercie. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas le spécialiste des discours à rallonge, alors je vais aller directement à l’essentiel. Pour commencer, les rapports préliminaires sur les évènements qui sont survenus après l’attaque à Suna ont tous débutés. Nous espérons rapidement mettre la lumière sur ce qu’il s’y est passé… mais cela ne nous empêche pas de commencer dès à présent à tirer les enseignements de cette tragédie. »

Aomine prit son inspiration, pour la première fois depuis qu’il était apparu devant la foule. Signe forcément qu’il avait quelque-chose d’important à dire.

« Kumo se retire officiellement de l’Ordre shinobi et se tient à l’écart du mouvement de la Nation. Notre position neutre vis-à-vis de ce conflit d’allégeances est effectif dès aujourd’hui. »

Le Colosse reprit aussitôt, mais marqua tout de même un rapide temps d’arrêt pour laisser à ses prochains le temps de digérer l’information.

« Notre village a trop souffert pour les autres. La volonté qui était celle de mon prédécesseur de nous concentrer sur nous-mêmes a été critiquée par certains, voyez-en le résultat. Et même si les positions du Godaime étaient différentes, n’avait-il pas raison de nous emmener nous méfier ou contrer les autres villages ? Regardons tous ensemble autour de nous, Konoha nous accuse, Suna est incapable de nous protéger et le Shûkai assassine leurs seigneurs pour s’assurer une durabilité dans le sang ! Je refuse que nous continuions de prendre le moindre risque pour ceux qui ne le méritent pas. Le devoir d’un Kumojin est de se battre et d’éventuellement mourir pour sa patrie et non d’être assassiné à cause d’autres partis ! »

Il y avait là une allusion à la mort du Raïkage. Et c’était normal, Konoha et Suna y étaient mêlés. Les enquêtes avaient commencé, et elles reposaient sur le même principe que celui qui justifiait qu’Aomine ne parle pas de ce qu’il avait vu à Suna. Même si le Rokudaime n’avait pas été assassiné, Kumo aurait eu toutes les raisons de se retirer de la scène internationale.

Après avoir repris son souffle discrètement, l’homme poursuivit.

« Les départements restent inchangés. Le Satoru va être de nouveau rempli par mes soins. Néanmoins, même si mon titre de Régent me donne les mêmes droits qu’un Raïkage, je vous annonce la création du Conseil décisionnaire. Jusqu’à huit personnes pourront en faire partie, dont les quatre Ministres du village. Les quatre autres seront élus par vous, les premières élections dureront toute la journée demain jusqu’à vingt heures. Le Conseil décisionnaire traitera des questions les plus importantes sur le long terme. Voyez en chaque Conseiller une voix pour faire entendre ce que vous pensez. N’élisez personne à la légère. »

Ayant fait le tour des principales questions qui avaient été laissées en suspens avec la disparition tragique d’Hôritsu, Aomine approchait de la fin de son discours.

« Avant de terminer, j’aimerais m’adresser à chacun d’entre vous. Vous qui avez forcément perdu un être cher ces derniers mois, ou plus récemment à Suna. Vous qui vous demandez pourquoi certains n’ont pu nous protéger, pourquoi certains nous ont trahi, pourquoi certains nous ont attaqués… Je vous comprends. J’ai perdu un maître, et autant de frères et de sœurs d’armes que de Kumojins qui sont tombés. Mais ne tombons pas dans le piège de la vengeance. La lumière sera faite sur les responsabilités de chacun. »

Les personnes avec les yeux les plus fins pouvaient voir que le Régent serrait le poing.

« Croyez-moi, notre neutralité est la meilleure réponse à ces évènements. Plus que jamais, soyons unis, entrainons-nous et entraidons-nous les uns les autres. Faisons tous de notre prochain quelqu’un de meilleur et de plus fort. Faisons de Kumo un village plus sûr et prêt à riposter à la moindre attaque, qu’elle soit physique ou qu’elle veuille nous toucher de l’intérieur. Plus que jamais, soyons unis car nous avons les mêmes objectifs : nous assurer que nous pourrons toujours protéger nos compagnons et savoir qu’eux aussi nous protègent. Kumojins, merci d’avance pour le travail que vous effectuerez sous ma direction… »

Il tourna le regard vers le portrait de Kadoria Tsuhiro. S’il ne souriait pas, il ressentait néanmoins une paix intérieure, de courte durée. Et il en profita pour conclure.

« Que la Foudre soit forte, et que les Nuages le soient tout autant ! »

Puis il se retourna, se préparant à quitter une foule dont les applaudissements lui permirent de prolonger son état d’apaisement de quelques minutes.

Spoiler:

La nouvelle retentit dès mon retour au sein de Kumo. J’avais seulement eu le temps de m’occuper d’une affaire urgente que l’on m’avait très vite dirigé vers le Palais du Raïkage. Un garde de l’entrée m’a simplement indiqué qu’Aomine allait faire un discours dans très peu de temps. Je venais d’enchaîner je ne sais pas combien de jours de voyage et je n’avais même pas un peu de temps pour moi. Enfin, dépêchons-nous d’assister à la prise de… Parole d’Aomine.

Je me dirigeai très lentement vers le palais. Chacun de mes pas était accompagné d’un bâillement témoignant de la lourdeur de ma fatigue. J’avais l’impression de fonctionner au ralentit et cela me déplaisait fortement. Le manque de sommeil s’était accumulé tout au long de mon périple et je sentais le poids de ce dernier. Il contractait puis relâchait mes muscles quand il désirait. Ce n’était pas plaisant, mais je devais tenir encore un peu avant d’enlacer Morphée et de me retrouver dans ses bras.

Malgré ma lenteur, j’arrivai au palais un peu avant midi. Je me permettais de passer devant tout le monde, car après tout, j’étais maintenant, le n°2. Mes vêtements étaient sales et déchirés sur beaucoup d’endroits, mais je n’avais que faire. J’étais simplement là pour écouter le Bakushô.

Ce dernier apparut, surplombant la foule avec une coiffe que je n’avais vue qu’une seule fois dans ma vie. C’était la même coiffe que portait Monjara Otenba… Signe de la régence. Il l’expliqua en quelques mots après et demanda de faire une minute de silence pour le Rokudaime. Tout le monde respecta celle-ci même si tout le monde ne le portait pas forcément dans son cœur. La suite du discours était plus que surprenante.

Le Bakushô annonça que notre village se retira de l’Ordre shinobi et qu’il se tiendra à l’écart du mouvement contestataire de la Nation. Son idée était de ne plus être liée aux autres nations pour que nous arrêtions de prendre des risques pour ce qui ne le méritent pas. Cette prise de position était louable, mais en réalité, elle nous isolé complètement du Yuukan. Notre position dans ce monde était déjà bien isolante, mais avec cette décision, nous atteignons un niveau tout nouveau. Impossible de dire si c’était la bonne décision, mais mon instinct me disait que non. Qui plus est, ma position de Ministre Diplomatie semblait bien futile après des annonces comme celle-ci.

Pour le reste, le Satoru allait voir son effectif gonflé, les départements restent en place et un conseil décisionnaire va être crée. Il regroupera huit personnes dont les quatre ministres. Le restant devra être élu par la population. Quelques tirades après, le discours se termina sous les applaudissements et pour ma part, j’adressai un dernier regard à Aomine avant de partir dans mon manoir pour trouver un repos bien mérité.