Traitre… c’est comme ça qu’ils m’appellent désormais. Je ne crois pas avoir mérité ce surnom. Je n’ai rien fait qui pourrait se traduire par le mot trahison. Certes j’ai déserté Kiri. Cependant je n’ai fait que quitter un village parce que je ne partageais pas son point de vue sur bien des éléments. Je n’ai tué personne à Kiri. Je n’ai pratiquement blessé aucun ninja. J’ai peut-être fait du mal à Yuki mais on ne peut pas ajouter cela au tableau des scores. Je ne suis pas un traitre. Ou en tout cas je ne pense pas l’être. J’ai longtemps cru que ce sobriquet partirait de lui même mais j’en ai maintenant la confirmation. En quittant le Shukai, il est revenu. Pourquoi les gens ne peuvent ils pas comprendre que je ne suis pas un oiseau que l’on peut mettre en cage. J’ai besoin de liberté. J’ai besoin d’avoir le droit de m’exprimer librement. Je ne peux rester muet lorsque mon esprit me crie de hurler. Je ne peux me taire et écouter les ordres lorsque ceux-ci sont contraires à tout ce en quoi je crois. Je ne peux me montrer incroyablement docile envers une personne que je ne respecte pas. Au fond, je pense que je ne suis pas fait pour la vie militaire des villages. Trop de contraintes, trop d’ennemis dans son propre camp. Au moins lorsque l’on est déserteur ou ninja errant, on sait qui est l’ennemi. Il est partout autour de nous. Tous ceux qui ne sont pas vous sont l’ennemi. Vous vous faites parfois des alliés mais ces alliés finiront forcément par passer de l’autre côté de la barrière et par vous poignarder dans le dos. Question de vision des choses : vous êtes seul dans un monde noir et les gens sont des pêcheurs. Bien sûr que vous allez être déçu par l’humanité. Bien sûr que vous allez verser des larmes parce que quelqu’un vous a trahis. Vous n’êtes pas en train d’évoluer dans ce monde de brute pour rien. Vous n’avez pas choisis la voie du mal parce que la voie du bien vous ennuyait. Mais pour palier à ces trahisons. Pour être sûr d’être celui qui restera debout en dernier, il vous faut devenir toujours plus fort…

Devenir plus fort. C’est exactement ce à quoi j’aspire en ce moment. Acquérir plus de puissance pour enfin pouvoir me débarrasser de ces adversaires qui pendant trop longtemps m’ont nargué de leurs pics agaçantes. Je n’ai jusque là jamais engagé le combat contre eux mais il est temps. Plus que temps d’ailleurs. Je suis trop longtemps resté dans l’ombre en espérant que quelque chose change autour de moi. Mais la vérité est toute simple. Les choses ne changent que si l’on se donne la peine de donner un coup de pouce au destin et que l’on se bouge le cul. Alors les rêves, les espoirs et les objectifs se concrétisent. On n’est plus dépendant que de soi et la chance n’est plus qu’un banal facteur qui n’entre plus en ligne de compte. Oui… la puissance s’acquiert difficilement mais elle en vaut le coup. C’est pourquoi je me donne tant de mal. C’est pourquoi je me sépare du monde pendant un petit moment. J’en ai besoin.

J’ai longtemps marché. J’ai longtemps réfléchi et ai fini par me dire que la seule manière d’acquérir cette fameuse puissance était de m’isoler. Me mettre à part et créer un mur entre ma personne et la civilisation extérieur. Je devais développer mon potentiel et le faire atteindre des sommets. C’est la raison pour laquelle je me suis tant donné de mal pour me retrouver seul. Seul dans cette clairière. Le seul endroit où je peux être sûr de ne pas être déranger. Vous voulez savoir pourquoi ? C’est très simple, cet endroit est réputé pour être le refuge de bien des brigands. Je les ai tous massacrés. Un bon échauffement si je puis me permettre pour l’entrainement qui s’annonce…

Je me place donc au milieu de la clairière. Je pose mon sac au sol. A l’intérieur se trouvent mes sabres et des vêtements propres. Je ne serai plus le même homme après cet entrainement alors il faut bien que mes vêtements scient à ma nouvelle personne. Je n’ouvre pas le sac. Je n’ai pas besoin de mes sabres pour ce passage de ma vie. Aujourd’hui j’explore de nouveaux horizons. Aube et Crépuscule ont fait leur temps, je ne veux plus avoir à me reposer uniquement sur eux pour me sortir des mauvais pas que m’impose la vie. Il faut que j’apprenne à m’en passer. Il faut que j’apprenne à faire de ma personne seule une arme de destruction massive. Ce n’est que lorsque j’aurai atteint ce niveau que je pourrais m’estimer fier d’avoir rejoint les meilleurs. Partout on me considère comme un ninja puissant mais je n’en suis même pas sûr. Suis-je si puissant que cela. Suis-je à la hauteur des espérances que l’on fonde sur moi ? Je n’en sais rien. Tout ce que je possède se trouve dans ces sacs et si un jour on venait à me les dérober, je crois bien que je me retrouverais plus handicapé qu’un jeune garçon à qui l’on aurait volé ses chaussures et qui se retrouve forcé à marcher pieds nus sur le sol rocailleux.

Je donne un puissant coup de pied dans mon sac ce qui le fait voltiger contre un arbre un peu plus loin. Je suis maintenant maitre de mes mouvements et rien autour de moi ne peut entrer en collision avec mon corps. Je m’assieds. Je croise doucement mes jambes l’une dans l’autre. Je ferme les yeux et adopte un rythme respiratoire régulier. Mon esprit s’envole rapidement. Il se détache de mon corps. Lentement je peux voir ma vision se détacher du point de vue interne et commencer à gambader autour de mon corps. Je me vois respirer, les yeux fermés, à l’instar d’une caméra de film hollywoodien. La caméra fait le tour de ma personne. Je parais paisible. Soudain je me rapproche, pénètre dans mon propre corps. Passant par l’estomac, les poumons, j’observe les rouages de ma complexité. Enfin je retrouve ce que je recherche. Une sorte de verrou. Une partie de mon corps où il ne se passe rien. Une partie de mon corps où apparemment rien n’a jamais pu pénétrer.

Je l’ai lu dans de nombreux livres. Apparemment, ces parties inexploitées de mon corps s’appellent des verrous psychiques. Si on les ouvre pendant un combat, on se retrouve avec une force et une vitesse décuplée. Malheureusement je crois bien que ce n’est pas aussi simple que cela de les déverrouiller. Faire sauter un verrou doit prendre un temps d’entrainement intense à mon humble avis. Sinon cela se ferait tout naturellement et beaucoup de ninjas maitriseraient ce que les livres appellent « les portes célestes ». Mais comment ouvrir ces portes. Comment faire de mon corps une arme ? Comment m’améliorer ? Sur ce point les livres sont restés muets… Je crois bien que je dois trouver par moi même la manière la plus adéquate de déverrouiller ce premier verrou. Les suivants suivront surement tous seuls.

A ma connaissance il y en a 9 d’ailleurs. Neuf portes célestes. La dernière procure une force inimaginable mais prend en contre partie la vie de son utilisateur. Je ne veux pas d’une telle technique. Où en tout cas, je ne désire pas mourir. Pas pour le moment. Je ne vois pas pourquoi je devrais sacrifier ma vie en utilisant une technique. Mais je pense cela maintenant. Je ne sais pas de quoi sera fait l’avenir. Peut-être que je me trompe. Peut-être qu’au final, si je parviens à maitriser les portes, c’est bel et bien cette technique qui m’emportera. Je ne suis sûr de rien et pourtant mon imagination travaille. Elle travaille à plein régime car je formule des hypothèse et des conjectures sur ma mort alors que je suis toujours en vie et en train de m’entrainer pour mon avenir. Quelque part, je dois être bien tordue et morbide. Je comprends pourquoi les gens ont tendance à m’éviter. Ou est-ce moi qui les évite ? La question n’est pas là pour le moment !

Je me relève. Je fixe un point devant moi. Je tend une main et allonge ma paume. Je concentre alors mon chakra dans mon corps. Plus précisément à l’entrée du verrou psychique que j’ai découvert grâce à la vue caméra. Je concentre beaucoup de chakra… Trop sans doute car dans une explosion d’énergie mon bras me lâche et mes jambes se plient d’elles mêmes. Je manque de laisser ma tête s’écraser au sol mais je me rattrape de justesse de ma seconde main. Soudain la colère m’envahit. La colère d’échouer ou celle de ne pas y être arrivé du premier coup. Non… en fait c’est plus complexe. Ma colère vient de tous ces moments où je me suis tut au lieu de pousser une gueulante. Toute ma colère refoulée revient à la surface pour me laisser me déchainer. Heureusement qu’il n’y a personne.

En ne prenant plus en compte l’horrible douleur, mes jambes se redresse et mes poings se serrent. Mon chakra fuse dans mon corps. Il fuse tellement que je crois percevoir des gouttes de celui-ci perler sur mon front. Je vois rouge soudain et je fais un bond en avant vers un arbre. Je donne plusieurs coups dessus. Des coups violents. Malheureusement je ne suis qu’un homme alors l’arbre ne bouge pas beaucoup. Mais petit à petit, au lieu de s’affaiblir, les coups deviennent plus puissants. Je sens l’arbre qui commence à plier. Je me rends alors compte que mon chakra s’active automatiquement devant le verrou psychique de la première porte. Mon corps serait-il en train de se libérer lui-même de ses propres chaines ? Je suis trop énervé pour réfléchir. Je cogne de plus belle. Encore et encore jusqu’à ce que mes poings se mettent à saigner. Inutile de dire que je suis fou de rage. Mais alors que mes os s’apprêtent à sortir de ma peau, je sens comme une explosion de vitalité en moi. Une guérison soudaine et un élan d’énergie : le premier verrou est ouvert. Je donne un ultime coup sur l’arbre et celui-ci tombe à la renverse. J’ai réussis à ouvrir le premier verrou.