On a toujours tendance à rechercher des réponses dans le passé. Mais que faire lorsque l’on ne possède pas de passé. Lorsque le début de notre histoire nous est inconnu et que l’on ne sait pas par où commencer ? Faut-il chercher à aller de l’avant et oublier sa propre histoire ? Ou au contraire, faut-il se concentrer sur ses origines car elles sont à la base de ce que nous sommes ? Personnellement, je ne connais pas la réponse à ces questions. Je serais même incapable de vous dire laquelle de ces décisions serait la plus sage. En fait, je suis dans le noir le plus total et je ne sais pas si je parviendrais à en sortir un jour. Tout dépendra surement de moi, de ma personne et des individus dont je me serais fait des alliés. Mais ce monde fonctionne d’une manière étrange et je ne me souviens pas l’avoir connu ainsi. Qui suis-je et comment faire pour rester en vie dans un tel univers ?
Je suis assis sur un banc… le banc est rouge et composé d’une vingtaines de planches de bois peinte. Il n’est pas très confortable et le paysage aux alentours ne vaut pas vraiment le détour. Je ne suis pas ici pour la vue. Autour de moi il n’y a que de la terre. De la terre infertile et disgracieuse s’étendant à perte de vue. Il y a eu des combats dans ce secteur, je peux le sentir. La terre devrait être recouverte d’immortelles fleures de printemps mais au lieu de cela, elle fut retourné et contribua à faire de cet endroit un lieu de désolation. C’est pourquoi sur cette route, il n’y a que ce banc rouge sur lequel je suis assis. La route s’étend pourtant à perte de vue mais il n’y a réellement que ce banc. La chaleur ne m’assomme pas mais je ressens vivement sa présence sur ma peau. Elle contribue cependant à rendre ma vision des choses plus précise. Son déplacement me permet de distinguer tous les objets autour de moi avec une précision infinie. Ainsi, dans des temps comme ceux-ci mon infirmité n’en est pas vraiment une. Je ne peux que m’incliner devant la puissance que m’offre donc mon pouvoir si particulier.
Mais je suis silencieux sur mon banc. Vous vous demandez surement ce que je fais dessus. La réponse est assez spéciale. Pour vous expliquer ce que peux bien faire un aveugle sur un banc rouge au beau milieu d’une route de voyage déserte, il faudrait que je remonte un peu dans le temps. Ne m’en voulez donc pas si je fais un léger bond en arrière. L’explication sera aussi brève que possible mais il faut bien que vous compreniez tout ce qui m’a poussé à me rendre dans un lieu si singulier.
Quelques jours auparavant, je me trouvais sur une table de poker. Je ne jouais pas. Dans mon état, il est impossible de jouer. Cependant j’étais bien conscient de là où je me trouvais et je faisais semblant d’appartenir à la garde rapprochée d’un de ces malfrats du crime. Car oui, il s’agissait d’une salle de jeu clandestine. Je laissais trainer mes oreilles un peu partout dans le but de récolter un maximum d’information sur qui gagnait en ce moment la partie. Par chance, il n’y avait qu’une seule table dans toute la salle et une importante foule tout autour. Je passais aisément inaperçu. Grâce à mon pouvoir, je pus comprendre facilement qui perdait, qui stressait et qui s’apprêtait à l’emporter. C’est la raison pour laquelle dans un moment de distraction général que je ne citerais pas, je glissai un petit mot au joueur qui me semblait contrôler le plus ses émotions et donc sans doute le plus malin : Le joueur sur votre gauche va remporter cette manche. Je ne sais pas pourquoi mais le rythme cardiaque de mon protégé ne changea toujours pas. Tout ce que je constatai par la suite, c’était que des plaintes étaient formulées de vives voix. Quelques minutes passèrent pendant lesquels je réitérais à plusieurs reprises l’opération. Une fois la partie terminée, la salle se vida petit à petit.
Soudain une main m’agrippa le bras et je sentis une pression des plus désagréable. Je reçus l’ordre de me diriger vers la porte. A ces instructions, je répondis en retirant mes lunettes de soleil et en glaçant du regard celui qui m’avait agrippé. Ce dernier saisit tout de suite et parla d’une voix confuses pendant quelques secondes. Il me poussa ensuite lentement vers la porte. Beaucoup plus doux cette fois-ci , je ne trouvai pas d’intérêt à lui révéler que je n’étais pas totalement aveugle. Je fis quelques pas dans ce que je pensais être la petite ruelle juste avant la salle de jeu et je fus interrompu dans ma course par une main. J’activais mon pouvoir et pu distinguer la forme du corps et plus ou moins de détails. Il s’agissait de l’homme que j’avais gracieusement aidé pendant la partie.
« Comment as-tu fait pour savoir qui gagnait quand et qui bluffait ? Serais-tu devin ? »
« A la vérité, je suis juste un peu démon… J’aurai d’ailleurs une faveur à vous demander, je ne vous ai pas aidé pour le plaisir de vous voir gagner. »
« Tu peux demander ce que tu veux du moment que cela n’excède pas le montant que j’ai gagné grâce à toi. »
« Je veux les plans de cet endroit ! »
J’étais bien informé, mon interlocuteur le comprit tout de suite. Il sembla réfléchir quelques secondes avant de me serrer chaleureusement la main. Je lui précisai cependant que je voulais les plans en braille. Cela parut le surprendre quelques peu mais il comprit ensuite ce que j’étais. Décidément, obtenir les plans de ce bâtiment fut plus aisé que prévu. Mais vous vous demandez surement de quel bâtiment je parle…
Je suis sur ce banc rouge et je sens une présence qui se rapproche. Je ne comprends pas… normalement personne ne devrait passer par là. C’est une route assez déserte m’a-t-on dit. Je ne saisis pas pourquoi le destin cherche toujours à me jouer des mauvais tours. Le plan est pourtant simple. La banque est cachée sous la terre exactement à l’emplacement du banc. Ou plutôt c’est le plafond de la salle des lingots qui l’est. Je me charge de faire exploser le tout et je récupère l’or. Ce n’est pas bien compliqué. Pourquoi quelqu’un doit-il passer par là. Je sens la présence, elle est toute proche.
