J'étais plongée dans mes dossiers, comme chaque jour, planchant sur les derniers problèmes. Ce matin je n'attendais personne, je pensais pouvoir porter toute ma concentration sur mon travail lorsqu'on vint frapper à ma porte. Je relevai la tête, surprise de la venue non annoncée d'une quelconque personne. Une intervention alors que rien n'était prévu me fit instinctivement penser au pire, venait on me prévenir de quelque chose de grave ? Une attaque ? Une nouvelle désertion ? Je dis à l'importun d'entrer. Un ninja, un chuunin normalement posté à l'ergastule. Des détenus s'étaient il échappés ? Non impossible, alors quoi ? La réponse à mes interrogation arriva et effaça mes craintes pour en faire naître de nouvelles.

Le chuunin m'informa en effet que Kioshi venait de demander à se faire enfermer dans une des geôles en usant de son statut de chef de Kakumeigun. Il avait aussi demandé à ce que personne ne le dérange et dès qu'il avait refermé la porte, il était venu me prévenir. Ses derniers mots étaient assez touchants, il était certes venu prévenir la Kazekage mais surtout la femme, le Sunajin connaissait sans doute la relation entre les deux hauts gradés. Sans plus attendre, refermant les dossiers avant de les verrouiller dans un tiroir. Je prix la direction de la prison. Sur le chemin le ninja m'expliqua la situation et l'état du Yamada.

Nous arrivâmes à l'Ergastule assez rapidement. J'entrai dans le poste de garde et demandai à ce qu'on me remette les clés de la cellule du Yamada. Le chuunin voulu m'accompagner mais je lui ordonnai de rester sur place. Ma seule présence était nécessaire inutile d'ameuter des personnes qui n'auront pas leur place dans ce qui allait s'en suivre. Pour la seconde fois en quelques jours je descendis dans la prison. Mon regard se posait sur chacune des cases, j'observais les détenus, certains me reconnaissant, d'autres m'ignorant. Encore quelques pas dans le sombre couloir et je me trouvais devant celui qui m'intéressait, celui qui retenait maintenant toute mon attention. Je posai une main sur les barreaux de la porte. Le voir dans cet état m'attristait, me faisait même souffrir.

J'insérais la clé dans la serrure et entrai. Je n'osais pas approcher davantage, je me souvenais encore de sa réaction lors de son réveil, la dernière fois à l'hôpital. Néanmoins, je ne pouvais rester ici à rien dire, à rien faire. Je lui adressai alors la parole, d'une voix douce, posée. Je savais qu'il ne lui restait de ma personne que des souvenirs négatifs, alors comme réagirait il à ma présence ? Je n'allais pas tarder à le savoir. Je me doutais de la raison son auto-incarcération, l'altercation avec l'ancien Sunajin, je connaissais pas les détails mais quelque part je me réjouissais un peu de qui avait pu lui arriver. Mais à quel prix...

"Kioshi, c'est moi Zanshi. J'ai appris ce qu'il s'est passé avec... Goren. Soufflais-je. Est-ce la meilleure solution ? T'enfermer ici ? Je peux t'aider... Si tu le souhaites..."

Le voyant sans réaction je me souvins alors de cet autre détail l'ayant conduit ici, ce handicap qui l'avait frappé après son affrontement avec furyou : la surdité. Je pris alors un des trois rouleaux que je gardais dans ma sacoche latérale. Je m'accroupis devant devant lui et écris à peu de chose prés ce que je venais de dire. Puis lui tendis le papier maintenant couvert de lettres noires.

Cette discussion avec le Yamada me rappelait la rengaine d'une vieille boîte à musique, une musique que l'on se lasse d'écouter à la longue. Je pensais déjà aux minutes, et même aux heures qui allaient s'en suivre. Tout réexpliquer, replonger dans des souvenirs que j'essayais d'enterrer le plus profondément possible dans mon esprit, serait pénible. Mais pouvais-je me plaindre d'avoir des souvenirs ? De disposer encore entièrement de ma mémoire ? Compte tenu de la situation, non ce n'était pas possible. En revanche je trouvais l'idée de perdre mon passé plutôt séduisante, égoïstement. Ses mots, il les avait déjà prononcé auparavant. L'incapacité à me faire du mal non pas par faiblesse mais par... amitié, voir amour. Je n'allais pas lui dévoiler le poteau rose ainsi, de but en blanc. Il avait déjà suffisamment d'épreuves à surmonter sans devoir affronter cette vérité. Kioshi devait déjà m'accorder, à nouveau, sa confiance. Je l'observais alors un instant, je devais formuler une réponse simple pour le moment.

Je m'asseyais en tailleur dans la cellule, face à lui, gardant une distance de sécurité, comme il l'avait demandée. Je pris un nouveau morceau de papier et j'écrivis, lui jetant par moment un rapide coup d'œil. Mon regard exprimait la tristesse et à vrai dire, j'avais plutôt du mal à ne pas l'approcher, le prendre dans mes bras, le réconforter. Je lui fis ensuite glisser le parchemin du bout du doigt, il n'avait plus qu'à lire. Comment réagirait-il, que dirait-il ? Je n'en avais aucune idée, tout ce que je voulais c'était l'aider. La réponse que je lui soumettais ne se résumer pas qu'à lui expliquer qui j'étais, elle comprenait bon nombre d'autres informations, des questions aussi.

"Tu ne t'en souviens pas, mais nous avons déjà eu cette discussion par le passé. Tu m'as retrouvé quelques mois après que l'on m'est obligé à me retourner contre Suna, et tu m'as ramené pour que je sois jugée. Aujourd'hui, je suis cette fille que tu as rencontré à l'Oasis et pas uniquement l'Ecarlate. Bien sûr... Tu ne dois pas te souvenir de l'Oasis, et en fait, je réalise qu'à cet instant tu n'as connu que ma face la plus sombre... Je ne sais pas comment t'expliquer qui je suis si tu n'as pas toutes les cartes en main. Je voudrais vraiment te répondre, et t'aider comme tu m'as aidé. Ta mémoire doit être quelque part, ton esprit doit être un champ de bataille, et en fait; je ne suis pas sûre que t'apprendre qui je suis vraiment t'aidera. Un jour, il n'y a pas si longtemps, je t'ai dit que tu pouvais me poser n'importe quelle question, je te répondrai sans chercher à mentir, alors... Nous sommes... ou nous étions.. un peu plus que.. des coéquipiers. Nous étions amis et un peu plus que cela. Toi, tu as été ma lumière, le garçon de la prophétie et celui que... j'aime. Dans l'état actuel des choses, c'est inconcevable pour toi et je le comprends; j'ai été ton Némésis avant d'être autre chose."

Alors qu'il était certainement en tain de lire, moi, je fixais le sol sans en détacher le regard. J'avais compris ce que je représentais pour lui dès lors qu'il s'était réveillé à l'hôpital. J'étais celle qui l'avait malmené, celle qui avait tenté de le tuer; rien de plus à part une traîtresse, et probablement à ses yeux : une Kazekage indigne de son titre. Cette situation, la sienne, la mienne, celle de sa famille et de ses amis... Il était impossible de dire qui en souffrait le plus.

"Tu ne peux sans doute pas t'imaginer toute la peine que j'ai pour toi, pour nous." Dis-je dans un chuchotement à peine audible.

Assise face à lui, regardant le sol poussiéreux de cette cage, je l'écoutais. Quelques mots, des questions surtout. Je comprenais son désir de savoir pourquoi et comment j'avais pu m'éprendre de lui. Les réponses que je pouvais lui apporter pourraient certainement lui faire comprendre qui il était, peut-être même cela l'aiderait à se remémorer -ce dont je doutais vue la nature de son malaise- ou à reprendre confiance en lui même.

Reprendre confiance, c'était aussi l'un des nœuds de son problème; comment pouvait-il accorder de la confiance aux personnes qui l'entouraient s'il ne croyait pas en lui ? Il devait quand même comprendre qu'il comptait pour bon nombre de personne et que, forcément, sa vie n'avait pas été pavée que de tragédies, de mauvaises intentions ou de souffrance. Le Furyou à l'origine de cet état s'était montré redoutable. Les blessures de ce genre, psychologiques, étaient bien plus sérieuses qu'une simple plaie, qu'une entaille ou une brulure.

Le cliquetis métallique des chaînes, indice d'un mouvement tenté par le Yamada, me fit redresser la tête. Je n'avais pas vu son geste mais les paroles qui s'en suivirent me semblaient représenter bien plus qu'une caresse ou un sourire. Une frêle esquisse de sourire égaya mon visage jusque lors imbibé de tristesse. Je pris le papier sur le sol entre mes doigts, et sans geste brusque je m'installai à côté de lui, respectant toujours la distance de sécurité qu'avait exigé Kioshi.

Je pris la pointe de carbone, et écrivis de nouveau. Il ne s'en souvenait plus, mais j'avais à un moment dit que je répondrai à ses questions. Cette affirmation demeurait véridique à cet instant. Des caractères noirs alignés sur plusieurs lignes exprimaient ce que j'avais pu ressentir quant à sa personne, ce qu'il représentait pour moi. Je n'allais pas m'amuser à embellir la vérité, comme à mon habitude et ce dans toute circonstance, je ferai preuve de justesse. Je lui tendis la feuille après quelques minutes.

"Je n'ai aucune raison de te mentir. Je ne saurais dire pourquoi je t'ai aimé ou pourquoi je t'aime toujours. L'amour est une chose qui s'explique difficilement, c'est même quelque chose qu'on ne devrait pas avoir à expliquer. En revanche, il y a bien certaines choses que j'aime 'particulièrement' chez toi, comme ta bonté, ta gentillesse et ta vision des choses. Il y a aussi d'autres choses que je n'aime pas, tu rêvais trop... Mais, cela me manque aussi finalement. Il y a quelques années, lorsque tu étais encore genin et que j'étais la chef du Kakumeigun, tu as su me rendre le sourire l'espace d'une rencontre. Il y a quelques mois, tu m'as donné une seconde chance en te portant garant de ma personne face au conseil. Tu m'as soutenu, en quelques sortes. Donc, pour nous... plusieurs mois, bien que je te portais déjà une certaine affection avant que je n'attaque Suna, avant que je ne te blesse... Tu n'as plus aucun souvenir de la personne que je suis vraiment, et je ne me sens pas l'âme à te dire qui je suis.. Alors que tu ne sais pas qui tu es. Je sais que l'absence de souvenirs positifs te fait souffrir, mais jusqu'à ce que tu les retrouves; je crois que le mieux à faire serait de t'en faire de nouveaux, plus récents. De nombreuses personnes t'apprécient, beaucoup ont besoin de toi... Ne te laisses pas sombrer, tu es plus fort que ça; tu ne le sais pas, mais moi je le sais."

Je posai alors une main sur son épaule, comme pour tenter de le réconforter, ou lui montrer mon soutien...

Que pouvais-je répondre ? Je n'étais pas dans son cas, je n'étais privée d'une partie de moi même. Alors même si je m'efforçais de comprendre pour mieux l'aider, il y avait des choses pour lesquelles je ne pouvais rien. Je soupirai légèrement lorsqu'il me parla de l'éventuelle déception qu'il pouvait m'inspirer. Quasiment personne n'était capable de satisfaire mes attentes au jour d'aujourd'hui, alors parler de déception... Ce mot était pour moi tout à fait relatif, sans valeur ou presque. En fait j'y étais tellement habituée, à la déception ou à la désillusion que je ne pouvais simplement plus dire qui me contentait. En revanche le mot qui collait le mieux à cet homme et cette situation n'était certainement pas la déception. Non, j'étais désemparée, désarmée et cruellement triste. On aurait pu dire que je jouais sur les mots, que je voilais encore une fois la vérité mais ce n'était pas le cas, qu'on y croit ou pas. Un nouveau morceau de papier, de nouveaux tracés... En fait, ce qui me dérangeait le plus, si l'on put parler de dérangement; était bel et bien ceci : de ne pouvoir tenir une discussion avec lui sans l'intermédiaire d'un support... Mais pouvais-je m'en plaindre ?

"La déception est une chose que je connais bien et toi, tu ne me déçois pas; pas parce qu'une partie de toi n'est pas là; comment cela pourrait me décevoir ? Ce n'est pas de ta faute. Toi même, tu n'as jamais exprimé la moindre déception vis à vis de ce que j'ai pu faire au village, de ce que j'ai pu te faire. Après ces événements dont tu te souviens, j'ai moi aussi fuis lâchement; je me suis réfugiée dans l'alcool afin d'oublier... Et tu m'as aidée. Je comprends en quelques sortes ce que tu ressens, ce que tu traverses; ne pas être maître de ce que l'on fait, ne pas pouvoir empêcher que des choses horribles arrivent. Mais ce dont on a besoin dans ces moments, c'est de l'aide. Je suis prête à t'aider, et si tu venais à me blesser... Ce ne serait qu'un juste retour des choses pour ce que je t'ai fait subir non ? Enfin... Je doute que tu puisses me blesser, et même si tu en avais la volonté. Je suis la Kazekage aujourd'hui, je peux endurer les maux des personnes que je dirige; je suis là pour ça. Alors... Rester enfermé n'est pas la meilleure solution. Tu disposes d'un grand pouvoir, il te faut "juste" réapprendre à le maîtriser. Je ne veux pas me venter auprès de toi, ni même te faire croire des choses sur moi; mais je dois être la personne la plus à même de t'aider en ce moment, ne serait-ce que pour t'aider à reprendre le contrôle sur toi même."

Je lui fis glisser le papier. Je n'étais pas du genre à parler pour ne rien dire, ou dans ce cas à écrire pour rien. Depuis ma naissance, tout ce que j'ai pu dire, je l'ai fait. Qu'il s'agisse de menaces, de promesses ou encore de sentiments. J'étais une femme de parole, comme la plupart des gens de mon clan. Chez nous la parole était une choses sacrée, quels piètres commerçants aurions nous fait si nous ne disposions pas de cette incroyable capacité à honorer chacune de nos paroles. C'était d'ailleurs cette parole qui m'avait porté au rang de chef du village, entre autre. Cette même parole qui faisait que par delà les frontières certains ninjas craignaient mon nom et que d'autres l'appréciaient. Souvent on ne m'avait pas prise au sérieux, et souvent ces personnes furent surprises, agréablement ou mortellement. Evidemment, Kioshi ne pouvait se souvenir de ça, de nos conversations. Ils ne se souvenaient même certainement pas de mes origines, comme il devait avoir oublié les siennes. S'il acceptait, peut-être entreverrait il une alternative à tout ceci, et autre chose que les geôles de l'Ergastule. Le temps qu'il lise, j'écrivis de nouveau quelques mots, et lui donnai ce papier...

"Est-ce que cet instant et plus négatif que positif ? Que l'on veuille t'aider parce qu'on t'aime, est ce mauvais ? Acceptes-tu que je t'aide ? Tu pourrais vivre ailleurs en attendant que les choses s'améliorent... Enfin, tu es libre de faire ce que tu veux."

Malgré la disparition de ses souvenirs, Kioshi restait à peu de chose prés le même. Toujours prêt à écouter l'autre malgré ses propres problèmes. J'aurais lui parler, lui dire que tout ce qui passait me dépassait presque, que je le vivais assez mal. Mais je n'étais pas là pour moi et à vrai dire l'idée ne m'avait même effleurée. J'étais là pour lui avant tout, pour qu'il aille mieux. Une fois qu'il irait, moi même j'irai mieux. Enfin, je reportai mon attention sur lui, sur ce qu'il me disait. Je pouvais le guider oui. Et je pouvais aussi l'empêcher de faire du mal à quiconque, sans aucun problème à vrai dire; je n'étais pas ici aujourd'hui pour rien.

"Je pourrais te parler de moi oui... Mais pour le moment c'est toi qui a besoin d'aide."

Je me relevai, m'approchai et me penchai sur ses fers. Je sorti une clé de ma sacoche et le libérai. J'étais bien décidée à l'aider, et puis comment pouvais le laisser s'enfoncer alors que je l'aimais ? C'était impossible. Et qui serai-je si je ne l'aidais pas ? Si je ne pouvais pas aider cet homme, alors je ne pourrais jamais aider personne d'autre, je ne ferai pas une bonne Kazekage. Je lui tendis la main, non je l'attrapai plutôt ne lui laissant plus le choix. Il se releva, je lui fis signe de me suivre. Maintenant, nous devions trouver un moyen de communiquer autre que les messages écrits, je ne savais pas comment faire, nous trouverions bien.

Nous quittâmes donc sa cellule. Toujours munie de mon bloc-notes, je lui écrivais autre chose. Je lui avais dit qu'il pourrait rester ailleurs, et je ne voyais pas de meilleurs endroit que la maison où je logeais. Là bas, il serait mieux qu'ici d'une part et d'autre part... Mon frère était présent, il pourrait m'aider et l'aider aussi. J'espérais seulement qu'il accepterait la présence d'une personne qu'il n'avait jamais rencontré, enfin, Anseï était un être sociable pour ne pas dire adorable. Ils pourraient faire connaissance par la même occasion. J'avais déjà parlé de Kioshi à mon jumeau mais j'étais presque sûr qu'il ne l'avait jamais rencontré auparavant.

Nous longions les longs couloirs des souterrains de l'ergastule. Seule la lumière jaunes des vieilles lampes grésillant nous éclairaient, quelques détenus grognèrent sur mon passage, mais aucune insulte ne fusa, ils me craignaient certainement trop pour oser.. Bref. Nous arrivâmes rapidement à la surface, et avant que l'on passe le poste de garde, je lui tendis un papier.

"Tu pourras venir chez moi si tu veux. Et nous irons dans le désert pour nous entrainer."

Je fis signe aux gardes là, ils n'intervinrent pas, encore heureux. Je marchai à côté de lui, et lui donnai un autre mot.

J'espère que ce n'est pas trop brutal...