Un, deux, trois et puis des centaines de milliers. Des millions et des millions de flocons tombaient au rythme que les secondes s'écoulaient. Pourtant moi je ne voyais en cela que les vies Kirijins qui s'éteignaient une à une. Mais alors, où passaient les quelques flocons qui avaient le privilège de se poser sur des sapins ? Étaient-ils alors élus comme des sur-homme, ceux qui pourraient choisir du futur des autres ? Et moi, dans tout cela, qu'étais-je ? Le flocon qui s'écrasait, ou celui qui se posait délicatement ?

J'avais le choix en fait.

Dans un élan de bonté, et peut-être tout simplement parce que je trouvais cela normal, j'allais aider les pauvres réfugiés. On voyait au loin les flammes qui continuaient de brûler. Elles emportaient mes derniers souvenirs qui pouvaient être attachés à mon passé. Je tournai alors le dos à celui-ci. À vrai dire l'ancien homme avait brûlé lui aussi dans les flammes. Celui qui se souciait si peu des gens, qui aimaient jouer avec les autres, se droguer et fumer. Personne ne pouvait se souvenir de celui-ci car tous mes pêchés ont été pardonnés.

Je ne me rachetai pas en aidant les autres. Non je voulais juste que tout cela finisse vite, que je puisse partir avec Aoji' et les autres loin de tout ça. J'avais aussi besoin de parler à mes amis démons et esprits. Quand je repense à tout ce qui a pu se passé, qu'est-ce que cela est ironique que moi, ayant peur d'affronter les démons, je devienne un détenteur du pacte d'invocation des esprits et des démons. Peut-être était-ce une sorte de punition divine, mais qu'est-ce que je pouvais la croquer à pleine dent. Elle me permettait d'avoir un nouveau pouvoir et de découvrir de nouveaux aspects de la vie.

Mon regard se tourna complètement au hasard vers une jeune femme qui semblait avoir le même âge que moi, si ce n'était peut-être légèrement plus. En réalité, la première chose qui me heurta c'était ses yeux et sa beauté si singulière. Ses cheveux étaient verts, ce qui n'était certainement pas la chose la plus commune. Elle prenait un air fatigué, ou plutôt d'ignorante. Non pas d'ignorante dans le sens de la stupidité, mais disons qu'elle avait l'air plongé ailleurs. Et bien évidemment, je ne l'avais jamais vu auparavant. C'est pour cela que je m'approcha d'elle lentement.

« Heu... Excusez-moi... Est-ce que vous avez besoin d'aide ? »

Nous étions après tout près des ports d'embarquement des réfugiés, sûrement pouvait-elle être blessé. Mais elle semblait en pleine forme. Son niveau était bien plus supérieur au mien. Même si je fus Jônin de Kiri, j'ai bien perdu toute ma puissance lors des différentes batailles en brisant mes dagues divines. J'avais fait un pacte avec elles et c'est bien pour cela que tout ce que je pouvais posséder est partit en fumer.

Et malgré cette leçon de vie, je veux me rebattre. Je veux défendre ce que je peux avoir de cher. Et qu'est-ce qui m'est cher ? Je n'en sais rien, je ne l'ai pas encore trouvé.

Il faisait froid. Mais si il ne faisait pas froid, ce ne serait pas le Pays de la Neige, Yuki no Kuni.

Pourquoi je me trouvais là ? Inspiration hérétique. Je prenais un plaisir certain à observer le désarroi des rescapés du Pays des Flots. Ils avaient si perdus, si désemparés ! Comme des moutons sans berger. Tels des hommes dont la vie est brisée. Ce qui était le cas, après vive réflexion. Je rabattais les pans de mon épais manteau autour de moi, frissonnant sous la brise gelée. Mais j'étais ici pour autre chose. J'en étais certaine. Me délecter de la souffrance de mon prochain, c'était amusant. C'était un petit plaisir de la vie, qu'une s'en voudrait de ne pas croquer à plein dent quand il s'offre à elle.

Mais je suis pragmatique. Je joins l'utile à l'agréable. Et si je suis ici, c'est parce que j'ai besoin de me fondre dans le groupe. Où allaient-ils ? J'avais entendu des rumeurs. Sur les quais, certains allaient prendre un navire pour rejoindre la capitale du Shukai. Là où se trouvait ma place. De l'intérieur, je fissurerai les fondations de cette noble coalition !

Oui, définitivement. C'était le plan que j'avais décidé. Mon regard était fixé sur le sol, alors que je restais empêtrée dans le silence. Mais voilà qu'on me tirait de la somnolence, un petit brun me demandant si j'avais besoin d'aide. Je levais mes pupilles dorées sur les siennes, le fixant pendant de longues secondes.

Aide ? Aide ? Aide ? Ai-je l'air d'avoir besoin d'aide ? Ai-je l'air famélique ou à l'agonie ? Regarde autour de toi ! DE TOI ! Ils ont tous besoin d'aide, bien plus que moi ! Ils ont besoin d'avenir, d'espoir, de lumière, de croyance ! Et pourtant, mon mignon, t'es pas en mesure de leur donner. Ni toi, ni moi. Mais moi, au moins, je ne fais pas la bonne samaritaine, ne tente pas de me donner bonne conscience à proposer une aide illusoire à un peuple qui n'a pas faim.

Je répondais d'une petite voix, presque trop bas pour être entendu.

- Nan, ça va ...

J'avais baissé mes yeux sur le sol, à nouveau. Avais repris un air de chien battu qui allait parfaitement à l'ambiance des lieux.

- C'est juste que, voilà ... On a plus de chez nous ...

Même si de chez moi, j'en ai un. Et qu'il se trouve pas à Mizu no Kuni.

Je me demandais encore ce que je faisais ici. Pourquoi aide les gens ? Pourquoi aider ces personnes qui m'ont toujours traiter comme le moins que rien ? Ils m'ont toujours considéré comme Atlas, devant supporter tous les problèmes du village. Et malgré le fait qu'ils aient violer ma mère, ma sœur, tuer mon père, maintenant ils sont là, comme des chiens battus à demander de l'aide à celui qui fut torturé par leurs lamentations. Et pourtant ça semblait si clair ! J'étais là pour briser les liens du passé et je les aidais, moi !

Je me contredisais tel un imbécile. Je les haïssais tous, chacun d'entre eux qui m'avaient brisé petit à petit. Ils n'étaient plus les Kirijins que je chérissais, ils n'étaient plus les sourires que je voyais chaque matin à l'entraînement. Si futile, si inutile. Tous étaient des bourgeois inutiles, insolents qui vivaient en ne faisant strictement rien si ce n'était que de bouger leurs derrières pour aller chercher un nouveau saké. Une société mondaine qui pouvait en dégoûter plus d'un. Comme-ci je pouvais être le seul à vomir devant tant d'avarices et d'hypocrisie.

La fille à mes côtés elle, n'avait pas vraiment l'air d'une fille qui profitait des autres au sens de l'argent. Mais son regard qu'elle m'avait lancé pouvait tant en dire long. Perfide, maline, certaines choses que je déduisais tout seul et dont je n'étais même pas sûr. Mais j'avais peut-être plus l'impression de la déranger qu'autre chose. En fait, elle allait bien Elle était même là presque pour observer les autres. Observer quoi ? Leurs mouvements ? Des cibles ou tout simplement étais-je dans l'erreur et qu'elle attendait quelqu'un ? Mon ton de voix changea brusquement, passant de quelque de doux à quelque chose de froid.

« Bon je suppose que tu n'es pas là pour aider tous ces déchets bourgeois. Heureusement qu'il reste des gens honnêtes dans cette population qui ne demande qu'un foyer.  »

Il me répugnait tous tellement. Une haine sainte, celle qui s'élevait contre ceux qui ne méritaient pas leurs places dans la vie et dans notre nouvelle société. Mais qu'est-ce que cela pouvait-il bien faire ? J'allais partir, oublier et encore changer. Devenir plus fort et lutter pour les idéaux que je défenderai.

« Excuse moi de t'avoir agressé. Tu semblais juste... différente. »

Oh et je continuais de penser qu'elle l'était. Son regard, son apparence et sa manière d'être n'étaient pas tous réellement habituelles. Cela pouvait, en soit faire plaisir enfin de voir un singulier au milieu d'un pluriel. Mais je voulais rester un peu plus, pour savoir ça façon de penser, de voir les choses et ce qu'elle souhaiterait faire plus tard.

Il m'avait répondu avec véhémence. Avec une rare animosité. Je n'ai même pas eu besoin de feindre la surprise, celle-ci teignant mes traits naturellement. C'était un peu ... soudain, j'ai envie de dire. J'avais l'air un peu apeurée, j'avais reculé de quelques pas. Et tout ça, ce n'était pas pour l'effet. Appelez moi lâche ou tout ce que vous voulez, mais une telle agressivité ne me laissait pas indifférente. Elle m'inspirait la crainte. Et la crainte ? C'est mon moteur. Ce qui m'a permis de survivre jusqu'à aujourd'hui. Je restais muette, continuant de le fixer dans un mutisme gênant.

Mais passée la crainte des premières secondes, l'esprit pratique reprenait le dessus. Un Kirijin qui en veut à ses semblables ? Qui se révèle à moi de lui-même ? Ça pouvait s'utiliser. Non. Ça DEVAIT s'utiliser. Ce sont ce genre de gens dont on peut tirer le plus. Qu'on peut exploiter le plus facilement. Ce sont des fanatiques aveugle à toutes les autres choses. Qu'il suffit d'un murmure pour envoyer en croisade. Je me pinçais la lèvre inférieure. Cherchons à en savoir plus.

Je gardais mon air apeuré, me contentant de répondre.

- M'oui ... T'aurais dit ça si j'étais moche ?

Bien sûr que non. Si j'avais été moche, tu m'aurais laissée mourir dans mon coin. J'exhalais un unique soupir, avant de continuer sur un ton las.

- Je ne suis pas différente d'une autre. Je suis de chair et d'os. Je partage les mêmes rêves et les mêmes envies.

J'englobais tout le monde d'un vaste mouvement du bras.

- Nous sommes tous pareils, ici. Tous réunis, par ce quelque chose que l'on nomme misère. Pourquoi toi et moi serions-nous différents d'eux, hein ..?

Oui, dis-le moi. Pourquoi ? Pourquoi ? Pour ... quoi ..?

Mes pupilles dorées étaient plantées sur les siennes, alors que bras croisés sous ma poitrine, j'attendais une réponse.

Elle avait l'air si surprise, si bouleversée. Avais-je réussi à faire peur à une fille qui semblait avoir déjà vu bien pire que ce que je pouvais lui dire là ? Elle faisait quelques pas en arrière et je passais sûrement pour un psychopathe qui ne voulait que tuer tout le monde car le monde était « trop méchant ». Je détestais cette image de moi, et peut-être m'étais-je mal prononcé pour que celle-ci vient à moi en premier. Je soupira légèrement, en regardant les autres aider certains, et cela me faisait sourire car comme dans tout mal, il y avait du bon.

Elle était drôle à me demander si elle fut moche cela aurait-il pu changer. Qui sait, j'ai toujours été attiré par les belles filles, même autrefois où je n'étais qu'un déchet. Mais elle dégageait aussi quelque chose, un petit soupçon de je ne sais trop quoi qui m'avait guidé vers elle. Au final, sa beauté avait beau être conséquente, j'étais venu la voir car elle semblait spéciale. Ainsi elle continuait de parler, affirmant qu'elle n'était pas si différente que cela et qu'elle était comme eux, «  de chair et d'os » avait-elle même dit.

« Sûrement as-tu raison aha. Mais tu sais, enfin je sais pas. Il y a bien quelque chose que tu dois avoir en plus. Peut-être as-tu les mêmes rêves et espoirs qu'eux, mais quelque chose m'a attiré vers toi. C'est bizarre et je dois sûrement passé pour une personne étrange.. »

Je repris légèrement mon souffle et sourit.

« Mais tu sais, je ne veux pas leurs morts ou autre. Mais parmi toute cette population, il y a des gens qui ont tout sans rien faire et qui martyrise les autres. Je ne suis pas un justicier, j'observe juste et cela m'énerve au plus haut point. »

Le poing ferme, je les regardais tous d'un air déçu.

« Je trouve ça dommage de se déchirer, quand nous sommes tous humains. »

Un dernier et léger soupire avant de la regarder encore une fois. Elle semblait étonnée et effrayée, à vrai dire, j'étais bien trop étrange.

Bravo, cap'taine Obvious.

Que tu avoues à moitié que tu t'intéresses à mon sort parce que je suis une jolie poupée passe encore (après tout, je ne m'attendais pas à autre chose de la part d'un homme), mais que tu me balances ce genre de banalités comme quoi nyanyanya pas juste y'en a qui exploitent la population c'est juste ... Un cran au-dessus sur l'échelle de la bêtise. Oui, bonhomme. Il y a des gens qui sont tout en haut et qui manipulent le bas peuple comme des marionnettes, ça te surprend autant que ça ? Ça te choque ? Alors que tu serais le premier à le faire si tu étais à leur place ? Parce qu'en tout sincérité, moi, si j'étais dans leur position, je m’attèlerai à la tâche avec zèle. Bref, ça m'énerve. Même si rien ne transparait sur mon visage.

Mais ce qui m'énerve le plus ? C'est que tu te dises observateur et non acteur. Le monde te plait pas et tu le laisses comme il est ? Heu ... Mais t'es un faible, un handicapé, un assisté ? Tu observes et tu ne te bats pas pour le rendre meilleur ? Pas que je ressente le moindre affect pour la cause que tu défends de façon passive, après tout, je serai plutôt de celles à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour briser ta fierté et tes viles illusions, mais quand même ! Donne moi matière à m'amuser !

N'empêche. Ce n'est pas utile que je le fasse remarquer. Ça ne dessert pas mes intérêts. Faisons plutôt comme si ... J'étais d'accord avec lui. Après tout, le but inavoué à peine avoué est bien de l'employer pour mes desseins fallacieux, n'est-ce pas ?

Je soupirais, en acquiesçant lentement.

- C'est vrai que c'est pas juste. Y'en a qui ont tout, sans jamais avoir eu à travailler pour l'avoir, alors que des gens du commun comme nous, on travaille, on souffre une vie entière, et on nous prend tout du jour au lendemain.

Je feintais une mine attristée. Pense à quelque chose de triste, Monza' ! Comme ... Comme des chatons qu'on noie ! Ah non, ça me fait sourire ça ... Hmm, ah oui ... Pense à tout ce gâchis, lors de l'incendie du navire *La Dame des Bas-Fonds* ! Tu sais, il transportait une cargaison de magnifique or ... Or, qui se trouve au fond des flots, que je ne pourrai jamais contemplé, effleuré, touché ...

Une larme perla au coin de mon œil.

C'était étrange. Peut-être que ce sentiment que je ressentais quand je la regardais était peut-être plus de la découverte de l'autre. Mais pourtant il y avait bien un truc, quelque chose me chiffonnant. Dans ses yeux et dans son cœur, elle n'était pas cette fille si innocente qu'elle donnait l'air d'être. Je veux dire, d'accord elle pouvait avoir de la compassion envers les autres mais... Non ça n'allait pas, ça ne collait pas.

Il y avait un autre facteur qui entrait en jeu. Je ne connaissais rien de ce jeu auquel elle jouait et même que peut-être, j'étais un de ses pions. Mais tout semblait si normal venant d'elle, ses réactions j'aurais pu les prévoir. La petite fille qui parle d'une liberté, d'une normalité, et ensuite elle se met à pleurer. Peut-être était-ce là son vrai caractère mais si ça l'était vraiment, elle ne m'aurait pas attiré. Je ne suis pas venu pour son joli petit minois, à vrai dire je m'en fiche complètement de cela. Disons juste que cela peut devenir une sorte de bonus mais rien de plus.

Alors qu'est-ce que je pouvais bien faire ici ? C'est dans la quête d'une vérité et d'une réalité que j'activai un simple genjutsu rien qu'en la regardant. Tout ce qu'elle pouvait dire me sonnerait dans les oreilles comme étant des paroles de vérité, ou non. Et ainsi elle reprit cette sorte de petite voix de fille innocente et toute mignonne. Elle baissait les yeux, regardait au sol, cherchait presque ses mots. Et moi, je l'écoutai, savourant chaque geste de sa piète comédie. Enfin, elle faisait sûrement cela pour quelque chose, mais je ne devais pas être au courant.

C'est d'ailleurs pour cela qu'elle essayait de me manipuler avec ses airs de bonne fille. Au final, le Genjutsu me répondait qu'elle pensait ce qu'elle disait mais que l'on sentait une exagération incroyable. Ce n'était pas de la mauvaise foi ou de l'ironie, disons juste qu'elle essayait de faire sa fille innocente et que je savais tout. Enfin « tout », je voulais juste dire par-là que j'étais au courant que ce qu'elle essayait de faire, c'était pour se donner une image de la gentille enfant. Mais si elle voulait jouer avec moi, alors il fallait au moins me laisser des pions en main.

« Je ne suis pas naïf. »

Ainsi je partais un peu plus loin, pour la laisser un peu réfléchir. Quel était son but ? Que voulait-elle faire ici ? Était-ce vraiment une simple fille, ou une sorte de manipulatrice ?

Un jeu malsain.

Je me glace l'espace d'un instant. Et même pas à cause du froid.

Mon vis-à-vis me m'a chuchoté, avec un sourire entendu. Je ne suis pas naïf, qu'il dit. Genre t'es pas naïf ? Tu l'es bien trop. C'est pour ça que tu t'es approché de moi, parce que tu es naïf. Tu as essayé de te justifier en disant que toi et moi on était différent, tu pensais qu'on était des magnifiques flocons de neige. Alors qu'en réalité, on est que de la boue que les gens s'amusent à piétiner. Avec tes idéaux et tes convictions, tu crois que tu peux changer le monde. J'avais envie de te cracher dessus. De te hurler que t'es rien qu'un imbécile. Que j'espère que tu mourras écrasé sous le talon de l'injustice.

Mais ça se fait pas. Si je fais ça, mon masque d'innocence tomberait. Je serai le centre de l'attention. On se poserait des questions. C'est qui cette drôle de fille aux cheveux verts ? Elle est d'ici ? Moi je l'ai jamais ! C'est vrai ça, elle me dit rien, elle vient d'où ? Pas de Kiri, je m'en souviendrai ! Et si ça arrive ... Couverture brisée, je ne pourrai pas m'infiltrer au Shukai. Et je devrai trouver un autre moyen pour se faire, et ça risque de me prendre du temps, de l'énergie et de l'argent et je finirai extrêmement énervée.

Il s'était éloigné, alors. J'avais pointé mes pupilles jaunâtres semblables à des dagues dorées sur son fond, comme si j'espérais pouvoir le pourfendre avec. Il savait quelque chose. Mais quoi ? Je ne sais pas. Et si il n'était pas naïf comme il l'avait dit ? Et si c'était lui qui jouait avec moi, et non le contraire ? Un soupçon de peur commence à étreindre mon cœur. Monza' ! Stop ! Tu te prends la tête, calme-toi. C'est un Kirijin, il ne t'a à priori jamais rencontré avant. A moins que ce ne soit pas un Kirijin. Qui pouvait me le dire ? Doute qui m'envahit. Peur qui commence à ramper dans mon ombre.

Je dois en avoir le cœur net.

Voilà que j'emboite son pas, le rattrape, me met juste à coté de lui. Chuchote, avec ce ton toujours innocent, alors que je pose des prunelles interrogatrices sur les siennes.

- J'ai rien à cacher, moi.

Je le fixais de longues secondes durant. Et me demandais à quel point il serait difficile de se débarrasser de son cadavre si il s'avérait qu'il était dangereux.

Il était vrai que la situation devenait réellement étrange. À vrai dire cela me rappelait fortement une histoire que j'avais déjà vécu auparavant. C'était même avec Shinichi. Je me souviens encore de cette grand-mère qui essayait de nous manipuler alors qu'en fait, c'était elle le chef de la troupe de bandits que l'ordre de missions nous avait demandé de chasser. Au final elle s'était retrouvé piégée par son propre piège quand la troupe de bandit la dénoncèrent telle l'ordure qu'elle était. Elle avait essayé de s'enfuir, dommage pour elle... Shinichi et moi-même n'avions pas eu le temps ni la patience de la poursuivre, disons qu'une simple technique avait suffit pour la faire taire.

Mais là tout était si différent. Cette fille jouait avec moi, comme une marionnette. Le problème étant que je ne contrôlais rien. Je n'étais pas si puissant et peut-être bien loin delà même. Ce n'était pas mon mental qui pouvait faire face à tout ça. Lui, était si détruit par tout ce qui venait de se passer. Serais-je alors devenu le fou du Roi ? Ce « Bishop » qui n'est là que pour servir les intérêts des autres ? Je me perds, je croise les pensées, je cherche et succombe à tant d'idées. Qui suis-je, où vais-je et pourquoi ? Tant de questions, si peu de réponses.

Quelle ironie.

La fille revenait vers moi, me mitraillant alors du regard de ses si beaux yeux. Non, cela ne marchait plus. C'était fini d'être cet homme si stupide et dépendant des femmes. Mais elle continuait quand même son espèce de jeu. De sa voix elle reprenait cette innocence qui devait sûrement déjà être tachée d'une tache de sang. Pourtant, cette fois-ci, c'était bien différent, elle remettait en cause mes paroles et mes pensées. Je ris un instant, en regardant le ciel je me demandais bien qui avait pu me porter ici et dans quel but. Pourquoi devais-je la rencontrer elel ?

« Aha... Oui sûrement. Et pourtant tu continues de prendre cette voix de fille puritaine. Pourquoi faire cela ? »

Je lui tournai ainsi le dos, en regardant l'assemblée de gens qui allez deçà delà dans un chaos les plus total.

« Je ne sais pas. Je suis peut-être un idéaliste et peut-être que suis-je un utopiste. Mais j'aimerais gouverner, être quelqu'un d'important. Et toi, tu aimerais être qui, hormis cette fille qui tire les ficelles ? »

Phrase tranchante, vérité arrogante, le jeu prenait enfin du sens.

Il sait. Nan, c'est pas vrai ... Il ne sait rien. Il se doute. Il se doute de quelque chose. Mais jusqu'à quel point ? Aucune idée. Et ça, je dois le savoir. Il a réussi pendant les quelques minutes où on a échangé à obtenir des informations sur ma personne, et ça, c'est ... Inquiétant au mieux. Mais, Monza', respire un bon coup. Si, comme il le sous-entend, il sait que tu as de mauvaises intentions, si il avait voulu te stopper il l'aurait fait depuis un moment. Si ce n'est pas le cas, c'est soit parce qu'il ne le peut pas. Soit parce qu'il pense pouvoir retirer quelque chose de notre conversation. J'ai besoin de savoir ce qu'il sait. Ce qu'il veut. Ce qu'il espère de notre échange. Et de savoir comment il a fait pour obtenir des informations en si peu de temps.

Il n'avait pas pu lire mon esprit. J'avais un sceau qui me prévenait de ce genre de problèmes. Donc ... Je devais en déduire qu'il avait réussi à lire le langage de mon corps. Ou alors qu'il bluffait. Il ne fallait jamais exclure cette possibilité. Mais pour en avoir le cœur sûr, il me fallait utiliser les bonnes questions. Sans qu'il se doute que j'ai compris ce qu'il se passe. Dans la subtilité il me fallait être.

- Je pensais que ça te plairait. Mais je peux adopter une toute autre voix que tu préfères.

Il n'y avait aucun mensonge dans ces affirmations. J'avais dit cela dans un chuchotement, agréable.

- Moi ? Ce que je veux être ? J'aimerai ... Être riche. Comme une princesse, une reine. Avoir une vie de palais. Que l'on obéisse au moindre de mes soupirs. Manger les mets les plus raffinés et porter les plus fines soies. J'aimerai être quelqu'un d'important, moi aussi.

J'avais menti, là. Et selon ses réponses, je saurai ce qu'il en est. Si il bluffe, ou si il a effectivement un moyen de savoir si je mens ou pas. Quoi qu'il en soit, je gardais mes prunelles sur les siennes, attendant ses réponses. Et d'un geste imperceptible, j'avais activé le sceau à mon poignet. Logeant sur celui-ci une lame cachée, que je pourrai activer à tout moment pour abattre le gêneur. Enfin, ce n'était pas encore au programme. Tout dépendant de lui. De ce qu'il veut. De ses exigences. Puis, je n'oserai pas le faire ici. C'était, comme qui dirait, un peu bondé. Mais je ne doutais pas de pouvoir l'amener dans un coin plus tranquille, pour pouvoir le planter encore et encore.

Avec un grand sourire, bien sûr. C'était plus joyeux, quand c'était fait avec le sourire.

Continuons, néanmoins.

- Et sinon, tu comptes comment devenir ... *un homme important, avec du pouvoir* ? Je veux dire ... Moi j'aimerai bien que la mer d'eau salée devienne de vin, mais pourtant ça ne risque pas d'arriver, hein.

Je gloussais doucement, cachant mes lèvres de ma main gantée, alors que je le fixais avec malice.

Ironie, charme et beauté. Drôle de vie et de jeu pour moi qui détestait avoir à me comporter comme un manipulateur. Il fallait peut-être alors dire que j'avais tout simplement changé et que j'étais devenu une autre personne. Peut-être un peu plus méchante, peut-être un peu plus différente. Peu importe après tout ce que j'étais devenu et pourtant, la fille à mes côtés ne s'intéressait qu'à cela ? Le voulait-elle parce que je l'intriguais ou tout simplement que je pouvais être une personne utile pour elle ? Je le sentais bien, elle mettait en tout point quelqu'un dont je devais me rapprocher et mieux connaître...

Mais pourquoi ? D'où pouvait bien venir cet instinct si mystérieux ? Était-ce tout ce que j'avais pu vivre qui m'avaient permis de progresser et même de grandir, en mieux ? Sûrement, j'étais le seul à pouvoir le savoir. Mais si j'avais vraiment changé, je ne serais pas encore ici à regarder les autres Kirijins, à vouloir en aider certains alors que moi-même j'aimerais être supérieur à eux. Une contradiction à moi tout seul, que cela était drôle. Sûrement que la fille s'amusait avec moi, et qu'elle prenait plaisir à me faire tourner en rond avec des questions pièges.

Elle me murmura d'une autre voix, bien plus sérieuse, qu'elle avait fait cela pour me faire plaisir. Je ne croyais pas un seul mot. Quel genre de fille ferait l'espèce de femme soumise toujours en train de baisser les yeux, de parler timidement ? À moins de tomber sur un cas, il faudrait vraiment chercher une femme esclave mais qui sait. Peut-être que cela pouvait plaire à certaines personnes de voir leur pouvoir s'exercer même sur les femme. J'avais dit que je voulais être supérieur, que je voulais être incroyable et formidable. Je ne voulais pas être cet homme, qui transformait les personnes sous une forme de larve soumise..

« Une princesse, dis-tu ? »

Je commençais à mettre ma main sur mon visage tout riant. Se moquait-elle vraiment de moi ? Me prenait-elle pour un simple amateur ? Un ignorant qui croyait en la bonté humaine ? Les Hommes sont nés pour se battre et se déchirer. Et elle, elle croyait que je pouvais encore tomber dans un filet aussi visible ? Pour quoi et pour qui me prenait-elle ? Elle mentait autant que je le faisais. Fille critiquant la supériorité des autres pour au final rêver d'un conte de fée ? Tu n'étais pas si naïve et cela, je le voyais bien. Tu cachais une autre vérité, laquelle ?

Je la regardais à nouveau avec un regard un peu plus froid.

« Tu mens. Dis-moi, que me caches-tu ? Me crois-tu si stupide et naïf au point de croire tes mensonges ? Je sais bien que tu es largement supérieure à moi et pourtant... tu es nue face à moi. Quelle ironie je suppose. Tu pourrais me tuer n'importe quand et pourtant je suis encore là. »

Je riais doucement, non pas pour me moquer d'elle. Je trouvais cela drôle que je pouvais encore me tenir devant quelqu'un qui m'était supérieur.

« Je ne sais pas. Devenir important avec du pouvoir nécessite de faire des choses incroyables, quelles soient mauvaises ou bonnes, et puis.. »

Oh, un petit démon venait d'apparaître sur mon épaule. Il sautillait comme un enfant, puis il disparut.

Oui, je n'étais pas seul au final. J'avais eux et... Aoji, oui.

Il éclatait de rire face à mes paroles.

Je le regardais l'air impassible, alors que les secondes s'écoulaient. Il ne me croyait pas. C'était évident. D'un autre coté, j'avais menti, donc bon. A part pour la voix et attitude que je prenais. C'était pour plaire, me fondre dans la masse. Si ça ne tenait qu'à moi, je me tiendrai comme l'impératrice que je suis. Devant ces chiens qu'ils sont. Mais il y avait la nécessité. Et il confirmait ce que je pensais. Il ne relevait que la seconde tirade, celle qui était délibérément fausse.

Alors quand il s'exprime, je reste impassible. Avec l'envie d'éclater de rire.

Il n'a aucune idée de ce dont il parle. Et je me mets à rire, agréablement. Je ris, et je ris encore, de longues secondes durant, ce qui doit le couper court.

- Bien sûr que je mens. Sauf que là, j'ai menti pour te mettre à jour.

Je croisais les bras sous ma poitrine, le fixant avec une lueur moqueuse.

- Tu utilises un artifice pour lire mon langage corporel. Comment ? Hmm ... Je dirai du Genjutsu. Ou un entraînement rigoureux. Mais quelqu'un comme toi ne me semble pas assez capable pour ce genre de ... choses.

Je gloussais agréablement.

- Tu n'es qu'un idiot.

J'avais dit la chose d'une voix plaisante, avec un sourire tout à fait innocent. Sinistrement sarcastique.

- Mais l'idiotie n'est pas un motif suffisant de meurtre. Si c'était le cas, la moitié de ce monde sera dépeuplé. Alors, je vais te laisser *accomplir des choses incroyables*, pendant que moi, je vais vaquer à des occupations plus terrestres. Vois-tu, je ne suis pas choyée au point de poursuivre des rêves creux, petit homme.

Il n'y avait là que la vérité, et la stricte vérité. Si bien que je me contentais de me retourner, et de m'éloigner de quelques pas. Avant de m'arrêter, et de jeter un regard par dessus mon épaule. Un regard aussi froid que Yuki no Kuni.

- Par contre, ne t'avise pas de me déranger à l'avenir. Je suis peut-être patiente maintenant, mais plus tard ça risquerait de ne plus être le cas. Et tu sais ce qu'on dit ... *Il est plus facile de vivre avec les morts qu'avec les vivants*.

Je lui adressais un magnifique sourire, révélant ma parfaite dentition.