Je déambule toujours dans la forêt du pays de l'eau. Cela faisait plusieurs jours que j'étais ici, pensant au départ ne pas arriver à mes fins. Après quelques jours, j'avais commencer à me dire que mon voyage serait finalement vain. Je pensais que je ne trouverais pas ce pour quoi j'étais venu... Et pourtant. Pourtant, j'avais successivement croisé deux personnes dignes d'intérêt. Ainsi, je pouvais dire que je n'étais pas là pour rien. J'avançais au milieu des arbres, me disant qu'il serait temps de quitter les lieux pour regagner la civilisation... Oui, cela faisait déjà un moment que je n'avais pas vu la moindre trace d'une ville ou d'un village. Et je commençais à me dire qu'il serait temps de quitter cette forêt. Les habitants du dernier village où j'étais passé m'avaient regardé partir vers la forêt sans aucune préparation. J'étais un étranger. Sans guide, sans connaissance de la région. En somme, pour eux, je risquais de me perdre et de finir mourant de faim ou de soif au milieu du brouillard. J'imaginais leur surprise en me voyant de retour, sans séquelles ni problèmes apparents.
Je rajustais donc mon capuchon, levant la tête pour tenter de déterminer où se trouvait la sortie la plus courte. Chose assez difficile en réalité. Je ne savais plus réellement d'où j'étais venu, alors faire marche arrière n'était pas une option que j'aurais pu envisager. Je cherchais tout de même, me creusant la tête. Je revenais même en arrière, tentant de me remémorer les décisions que j'avais pu prendre en arrivant. Mais rien ne me venait. Je ne voulais pas me l'avouer. Et pourtant, j'étais bel et bien perdu. Perdu au beau milieu de cette forêt.
M'asseyant alors sur une racine épaisse, je réfléchissais. Comment retrouver mon chemin désormais ? Telle était la question. Le coude posé sur le genou, et la tête appuyée sur mon poing fermé, je réfléchissais. Je ne voyais pas beaucoup de solutions. La seule qui m'était venue à l'esprit était de grimper à un arbre pour observer les alentours... Et me diriger là où la végétation décroissait, en espérant que je trouverais le moyen de sortir de cette galère. Car c'était bien le mot, une véritable galère. Je fermais les yeux, avant de me décider à entamer mon ascension. Je commençais à malaxer mon chakra pour l'appliquer sous mes pieds pour les faire adhérer à l'écorce. Mais je fut interrompu. Même perdu dans mes pensées, je ne pouvais passer outre un tel détail. Le silence si caractéristique des lieux venait d'être brisé. Un peu d'eau dérangée. Des branches piétinées. Le tout par quelque chose, ou quelqu'un. Je m'arrêtais alors, scrutant les alentours. Je n'aurais pu dire d'où cela provenait exactement mais... Je n'avais pas rêvé.
Je fit alors quelques pas en avant, me plaçant entre les arbres, de façon à être bien visible. Ou du moins le plus possible. Je tenais à faire savoir que j'étais là. Et que je ne risquais pas de me laisser surprendre, peu importe d'où venait l'auteur de ce trouble sonore. Je l'attendais de pied ferme. Était-ce juste un animal ? Ou cela aurait-il pu être un nouvel individu intéressant ? Je souhaitais plus sincèrement que ma seconde hypothèse soit la bonne, attendant de voir ce qui allait se produire maintenant...
» Décor où seuls les charognes contemplaient le terrain et où seuls les pieds des ninjas les plus résistants pouvaient encore marcher sur cette terre. Les sanglots résonnaient de gauche à droite tandis que j'essayais de reprendre connaissance peu à peu... J'étais mise sur le côté, prêt d'un arbre qui ressemblait à un sablier de jade effilé coiffé d'une coupe de verre jaune vif. Les interstices entre les énormes blocs qui la constituaient étaient à peine suffisants pour y insérer l'extrémité des doigts et leurs arêtes arrondies offraient des prises aussi rares que glissantes. Malgré la fatigue qui nouait mes muscles, et l'amorce d'inquiétude qui m'accompagnait, je marchais au milieu d'un vent passant et coupant qui me giflait carrément la chevelure que j'avais tant mise en valeur. Synonyme de fête, ou plutôt de boucherie. Mais il n'était pas rare de retrouver au petit matin le corps sans vie d'un homme détroussé par Nuke'Nin. Je rejetais en arrière mes longs cheveux enneigées. Les choses avaient bien changé. J'étais désormais de taille à me défendre face à cet assaut de bourrasque. Si ma propre formation en tant que ninja permettant de m'extirper sans peine des embûches susceptibles de se dresser devant moi, mon assurance suffisait la plupart du temps à décourager d'éventuels agresseurs. Mais dans ce brouillard de poussière qui balayait les territoires, je pouvais apercevoir un homme perdu. Dans le flou de mes prunelles, je le voyais juste au loin sur un rocher. Je le jaugeai d'un rapide coup d’œil. Cette grivoiserie écœurante... Je n'étais pas inquiète. Si il cherchait un duel, ce serait un duel asséné qu'il pourrait vite regretter. J' pourrais lui donner la chance de s'enfuir, après tout, qu'est-ce que cela pourrait apporter... Je fléchis alors la jambe gauche, tendit la droite loin derrière moi, inclina la tête, écarta les bras, paumes formants un cercle derrière moi. Mes longs cheveux livides tombant en rideau devant mon visage, mon attitude, position de combat ou figure de danse, l'énergie qui se dégageait de mon esprit. Chuintement feutré et la mort surgirent entre ses phalanges si il s'opposait à moi. Larmes étincelantes au tranchant parfait. Serres. Je restais dans mon positionnement en attendant son moindre mouvement. Regard agrandi, sourcils froncés et toujours ce sourire sadique qui s'étirait sur mes lèvres.
— Okuni... Il y a quelqu'un ici ! Que devons nous faire ?!
» Ces instants de provocation ne duraient jamais longtemps. D'un haussement de tête, je chassais de mon regard le ... Bel homme. Je regardais cette pointe en fer qui obscurcissait mon esprit et me plongeait avec jubilation dans cœur. Je scrutais les abords coupants de cette, prenait de la hauteur quand c'était possible, descendait ensuite mes mains avec pression pour finalement rigoler de la tentative de l'assaut. Mon cœur battait-il aussi fort que d'habitude ? Je restais pourtant calme examinant le moindre mouvement... le moindre détail... la moindre critique. Le bruit mat de la lame mordant suffisamment l'air fut suivi par des éclats tumultes de morceaux. La lame avait touchée mon cœur... Il fallait que j'agisse. Mes hyperboles n'étaient pas à prendre à la légère... Mais fut ce fameux moment où mon pied rencontra une branche et que ce même pied s'appuya sur elle pour la... briser. Repéré !
Un son. Un craquement. Le craquement d'une branche. Je fronçais les sourcils, me retournant. Non, je ne m'étais pas trompé. Je cherchais alors autour de moi, tentant de trouver la source de ce bruit qui venait de retenir mon attention. Je ne voyais rien. Je fermais alors les yeux, commençant à malaxer mon chakra pour ensuite sonder la zone. C'est alors que je remarquais le nouvel arrivant. Il n'était guère loin, et je ressentais une source de chakra en lui. Il devait donc s'agir d'un shinobi... Ou au moins d'un aspirant. Même si je trouvais étrange de croiser deux fugueurs en si peu de temps. Et je savais par avance que cela ne pouvait être la jeune Rin... La signature énergétique était bien trop différente. Et l'impression dégagée était... Etrange.
Je me dirigeais alors dans la direction de cet... Intrus. Je fis quelques pas avant de réaliser que je m'étais trompé, et qu'il s'agissait d'une femme au lieu d'un homme. Je remarquais son apparence assez peu commune. Ses iris semblaient irradier, brillant d'un éclat sombre. Un éclat sombre autant qu'attirant. Je ne me rappelais pas avoir croisé d'individus avec de telles pupilles... S'agissait-il d'un dôjutsu encore inconnu ? Je n'aurais su le dire. Mais une chose était sûre, son apparence me faisait penser à.... Une fleur. Avec ses cheveux blancs, j'aurais pu la comparer à une rose blanche. Une rose totalement différente des autres. Une rose de toute beauté, mais aux multiples piquants, prêts à rappeler leur existence. Mais ce n'était pas tout. Il émanait de sa personne une autre impression. Elle dégageait quelque chose de spécial, qui semblait peser dans l'air...
Je m'approchais, prudemment. Je la jaugeais, sans savoir si je devais amorcer la conversation en premier... Je me décidais tout de même, m'inclinant légèrement devant elle, dans une courbette aux airs désuets. Je relevais la tête, avant de prendre la parole.
« Mademoiselle, pardonnez ma présence en ces lieux... Mais il semblerait que je me sois égaré. Ainsi, rien ne saurait me rendre plus service que quelques indications quand à une sortie dans ce dédale de végétation... »
Quelque chose n'allait pas. Je n'étais pas à l'aise. Je n'aurais su dire pourquoi. Mais quelque chose dans l'air m'inquiétait. Mon instinct, après ces nombreux siècles, ne m'avait encore jamais fait défaut. Et si je sentais une anomalie dans l'air, c'est qu'il y avait forcément, ne serait-ce qu'un élément, qui me perturbait. Mais je ne le laissais pas paraître. Je me contentais de faire face à la jeune femme, un sourire de politesse sur les lèvres, attendant de voir si elle comptait m'aider ou non. Je doutais que cela soit le cas, mais je pouvais tout de même espérer...
— Fastidieux serait l'adjectif idéal pour décrire la situation actuelle. Il est vrai que mon statut actuel était assez gênant. Se trouver face à un homme "bourgeois" à vu d’œil me faisait peu sourire. Ma vocation était maintenant fini et je pouvais enfin reprendre l'office de mes préoccupations. Vous n'avez pas encore croisé ma sente. Ce ne saurait tarder, mais soyez à la hauteur de vos compétences car mon retour ne sera pas des béats pour vous. Souriez voyons ! Allez embrasser vous si vous voulez ! Cela me dérange point ! Allez ! L'autocrate est là !
— Tais-toi Okuni, il a l'air gentil et ... adorable.
» C'était magique. Son regard était enchanteur et ses paroles étaient affables. On aurait dit des mélodies sortis tout droit d'un conte de fée. Mon regard se baissa légèrement, je devenais alors craintive et timide à la fois. Cela ne me ressemblait pas du tout ! Mes yeux orbitaient lentement vers l'homme qui avait entrepris la parole pour me décrire sa situation actuelle. L'apaisement : ma seule émotion démonstrative sur mon visage pendant cet instant. Il avait l'air d'être un esprit calme et d'une tendresse remarquable en m donnant ainsi une joie interne. Je regardais à ma gauche, puis à ma droite, foudroyant mon regard à chaque mouvement de tête. La végétation était massive, la forêt dense, il était perdu tout comme moi. Je souriais amplement sans lui répondre. Je m'endormais presque dans son regard. Je n'étais qu'une rose noire comportant des piques autour d'elle afin de ne pas se laisser approcher. J'avais tellement connue la souffrance que j'avais fait une arme forgée, taillée.
Le paysage qui nous entourait était vert. C'était comme une cité fortifiée, sans fioritures architecturales, dont les arbres sombres avaient maintes fois prouvé leur efficacité. Je passais un léger regard sur Okuni. Mais je reposais une nouvelle fois mes prunelles sombres sur le shinobi qui me faisait face. Je fonda mes mains sur le collant obscure qui recouvrait carrément la partie inférieure de mon corps. J'avais une expression du visage plutôt désagréable à regarder. C'est sur quand on est une âme susceptible et sensible... Le vent gifla nos vêtements et le calme supprima la conversation Mes lèvres étaient dépravées, dévergondées et dissolues. C'était un sourire obscène et je souriais ridiculement à sa phrase. Pensez-vous que le cœur d'une femme peut être sombre et malsain ? J'étais connue pour mes multiples facettes et le ninja devant moi ne pouvait comprendre mon ambition : devenir plus forte, viser toujours plus haut de la chaîne de la puissance ! Je jugea les compétences de cet individu, mais je préférais m'avancer vers lui, délicatement, les sentiments m'avaient poussés à m'endormir dans son regard, laissant la chair de nos lèvres en contact l'une contre l'autre. Un doux baisé durement poussé par son instinct...
L'incompréhension la plus totale. Je ne comprenais absolument pas ce qui venait de se passer. Et j'étais figé là. Figé dans cet échange si particulier. Je ne sais guère depuis combien de temps une telle chose n'étais pas arrivée. Un simple baiser, oui. Mais il y avait si longtemps que cela n'était pas arrivé... Je restais là, le temps comme figé, réfléchissant à toute allure. Comment réagir. Que faire. Quoi dire. Je n'en savais absolument rien. L'instinct m'aurait hurlé de la rejeter avec violence, de lui faire payer cet affront qu'elle me faisait en souillant ainsi mes lèvres, sans même avoir eu la décence de m'accorder un mot. Mais il y a tant d'années que cet instinct est mort et enterré. Tant d'années que je ne m'y fie plus. Ou presque. Et cette fois encore, je le fis taire. D'un geste sec, violent, coupant court à toute protestation. Je me contentais de fermer les yeux.
Je fermais les yeux, laissant les secondes s'écouler. J'attendais, savourant malgré tout l'instant, avec une sorte de délectation coupable. Ce n'était qu'une affaire de seconde. Quelques minuscules grains de sable versés dans ce sablier géant qu'est le temps. Et pourtant, j'ai décidé de les garder en mémoire. De les conserver, de les consigner. Pourquoi... Je ne saurais le dire moi même. Cet instant était troublant, oui. Mais il ne pouvait être éternel.
Je me souviens avoir gardé ses lèvres contre les miennes quelques secondes, me permettant même de passer une main dans ses cheveux d'argent, la laissant glisser sur sa nuque. C'est alors que je m'écartais légèrement. Il me fallait rester crédible. Elle pouvait être source d'informations, même si pour l'instant, seule la surprise pouvait définir ce que je venais de vivre. Je me contentais de reculer mon visage de quelques centimètres, la gratifiant d'un sourire en coin.
« Et bien, que signifie ceci ? »
Je ne lui laissais alors pas le temps de répondre. Avec un sourire, je l'avais doucement tirée à moi, ramenant nos visages à se frôler, presque au contact l'un de l'autre. C'est alors que j'avais repris le contrôle de ses lèvres, les enfermant, l'empêchant de répondre pour l'instant. J'avais là un atout. Un jeu. Un divertissement. Assez sympathique au demeurant. Je mêlais l'utile à l'agréable. J'avais suffisamment pour l’envoûter. Pour en faire une demoiselle dévouée. J'avais tous les éléments en main pour lui extirper toutes les informations qu'elle aurait pu me donner... C'est alors que je me reculais, reprenant la parole d'un ton suave, gardant nos visages à proximité l'un de l'autre.
« Alors ? Explique moi donc... »
Je souriais tranquillement. J'aurais pu m'attendre à tout. Mais je restais confiant. Peut être n'aurais-je pas du l'être...
