Flou. Rouge. Moite.

Ma main est serrée contre quelque chose.
Je n'ai jamais lâché Meteora. Je le traîne depuis tout à l'heure. Il est là, pas besoin de me retourner pour m'assurer de cette évidence. Il est toujours inconscient.
Pourtant, je ne marche pas. Mes jambes n'avancent plus. Mais je suis en mouvement.

Les arbres défilent lentement autour de moi, et chacun de mes pas résonne dans la forêt comme si j'étais cent hommes. Les branches me semblent étrangement basses.
C'est moi qui suis haut.
Alors je regarde en bas.
J'entends leurs pieds, mais c'est leurs têtes que je vois en premier. Beaucoup ont le crâne rasé, facilement la moitié. Des moines. Les autres ont des tenues rustiques et des carrures de bûcherons. Ils me portent. Ils le portent aussi. Mais je le tiens toujours.

Il n'aura donc suffit que d'une ou deux têtes curieuses, un citoyen vertueux ou même un courageux gamin, pour s'approcher de l'enfer verdâtre qu'était devenu les ruines du temple de Kyûbi. Ils ont du me voir, me reconnaître, et reconnaître le chasseur qui me servait de proie.
Finalement, être Sennin a ses avantages.

Le ciel est gris, mais je n'ai pas besoin de l'aide du soleil pour savoir où nous nous dirigeons. Je connais ce coin de la forêt comme ma poche, et si j'avais gardé ma niaiserie d'antan j'aurais sûrement donné des noms à chaque arbre. Une douce rumeur s'approche à mesure que nous avançons, celle de la ville. Les anciens travailleurs du temple n'ont nul part où aller, alors ils rentrent à Konoha, et ils ont eu la brillante idée de m'emmener avec eux.

Ce village m'épatera toujours. Cela fait plusieurs fois qu'il me sauve la mise. Plus le temps passe, plus je lui dois.

Deux silhouettes oscillent entre les troncs, la première a des allures de loup. L'autre se rapproche de moi et me suit dans mon mouvement, sur les branches au dessus de ma tête. Inuzuka Aki.

- Enfoiré, tu l'as eu finalement...

Pas la force de répondre. J'arrive à peine à sourire sans avoir un mal de chien.

- C'est lui qui t'a fait ça au visage ?

Je ris. La douleur me dérouille les sinus.

- C'pas lui, non...

Il me suit toujours pendant quelques instants, silencieux. Puis il repart en bondissant, suivi de son chien-loup. Je suppose qu'il va prévenir les autres.
A travers les cèdres, le bois des Grands Remparts se dessine.
J'arrive.

La fin de ce pèlerinage de fortune allait marquer le début d'une nouvelle ère pour le village de la feuille.