Sommaire :

1. Lorsque les questions se posent...
   
2. Les délice de Konoha, au nombre de trois !
   
3. Un étrange met !
   
4. Un chef capricieux !
   
5. Lame et Esprit, lorsque les deux s'affûtent !

Parfois, des pensées passent sans que l'on daigne s'y intéresser. Toutefois, il serait profitable de s'y pencher plus longuement.

Raki était une personne plutôt excentrique. Tant qu'il ne s'intéressait pas à quelque chose, sa volonté perdrait dans une course d'escargot. Cependant, dans certains cas, si sa curiosité se faisait narguer par quelque chose que ce soit, ce petit bonhomme aphasique montrait une intelligence et une créativité surprenante. Malheureusement, il n'y avait pas de règle régissant ses réactions. Une chose pouvait lui paraître terriblement ennuyante et déprimante et jour, tandis que le lendemain, une chasse aux réponses à ce sujet débuterait.

Son enfance sur les routes l'avaient habitué à chercher à se trouver une occupation dans des choses peu intéressante au premier abord. Le plus important pour ne rien manquer venait du fait de toujours y regarder à plusieurs fois avant de se faire une idée définitive. Une première phase pouvait juger que donner un coup de pied dans un arbre ne servirait à rien. Peut-être à se faire mal au pied, mais sans plus. Dans un second temps, ce coup de pied pouvait se transformer. De la violence on passait à un défi d'agilité pour faire un bond en arrière, exécuter différentes figures acrobatiques. Il y avait de la magie dans cet arbre, et cette magie n'importait qu'à lui.

Donner une forme à l'imagination, lui donner un nom et un but. Tout cela n'avait qu'un demi sens. A quoi bon faire des choses qui ne servaient à personne. Pour toute idée, aussi loufoque et hors de propos soit-elle, on avait toujours possibilité de trouver un lien. Et le lien, il le trouvait toujours. Un fil, qui reliait étape par étape chaque portion d'un raisonnement. Une toile, un piège. Mais également un rivière, un écoulement fluide, tantôt rapide, tantôt lent.

Tout ce dont il avait besoin était une transformation. Une alchimie, une magie opérant autour de lui. Il devait se vider l'esprit, ne laisser de place dans son esprit qu'à une seule chose. Il devait étendre chaque parcelle, les noircir, pour que seule une lueur l'intéresse. Lorsqu'une seule lueur régnait dans l'esprit affûté, des éclairs de génie en sortaient. Il suffisait juste d'inspirer calmement, d'oublier ses problèmes quelques instants. En les reprenant, on les trouvait étrangement résolus. Parfois plus ou moins boiteuses, les solutions pouvaient déplaire. Un cheminement inconscient avait opéré. Se casser la tête contre un rocher n'avait jamais permis de le soulever. Autant savoir dessus, et écouter les voix de la nature murmurer la solution.

Le sommeil lui avait toujours semblé être une solution à tout ses problèmes. Dans un tourbillon de songes, rêves ou cauchemars, le repos envoyait tout aux oubliettes. L'espace de quelques heures, on se retrouvait ailleurs, avec d'autres lois, d'autres possibilités. Ces différences étaient souvent inutiles ou minimes. Elles ne changeaient rien au fait, pourtant tout s'y déroulait avec fluidité, comme si toutes les barrières mentales s'écroulaient. On s'autorisait tout, le meilleur comme le pire. L'eau de la rivière d'idée s’engouffrait dans toutes les fissures pour atteindre l'océan.

Il était dans un de ces fameux moments où tout ce qui importait était une réponse à sa question. Cela ressemblait à un défi pour lui, et il adorait cette partie de réflexion où tout était permis. C'était quelque chose d’intrigant. Il ne se répétait pas sans cesse qu'il devait trouver la réponse. Sa tête ne contenait aucune détermination. Il se contentait de se dire que telle ou telle chose serait amusante. Avec les dizaines de possibilités qui s'alignaient, il procédait à des éliminations, des combats intérieurs, des essais parfois. Tout dépendait de l'origine du problème. Souvent la réponse n'importait pas, les échecs menaient parfois à des choses plus intéressantes que les réussites. Presque tout le temps d'ailleurs, car une réussite signifiait une fin, un échec un prolongement, de nouveaux horizons à parcourir.

Raki aimait bien trouver les réponses quand même, mais les échecs lui faisaient toujours plaisir, il savait les rendre utile. Qui donc pouvait bien connaître le nombre d'échec que cette question allait lui faire connaître ? Et combien s'avéreraient utiles ?

Tout ce qu'il savait, c'était qu'il allait passer beaucoup de temps sur cette question, même si elle paraissait totalement futile aux yeux des autres.

Tout semblait avoir débuté deux jours auparavant. Cela avait été une journée terriblement épuisante. Un entraînement et une dépense physique qui l'avait repoussé dans ses derniers retranchements. Il avait couru tellement longtemps qu'il avait perdu toute notion de durée. Avec un sac trop lourd et trop encombrant à son goût. Sa journée ne se résumait pas qu'à ça, il avait fait d'autres exercices physiques pour se maintenir en forme. Il préférait faire ce qui l'embêtait peu souvent et intensément, comme ça il n'avait plus à s'en soucier pendant quelques jours où son envie pouvait le mener sur des choses plus agréable. Il pouvait s'entraîner au lancer, au jutsu, tenter d'améliorer son contrôle du chakra et autre. Cela lui faisait plein d'autres choses plus intéressantes à faire, une fois que celles ennuyantes se trouvaient terminées.

Raki rentrait chez lui, un peu exténué. Sa priorité était de se laver. Il se sentait tellement sale, ce qui était tout à fait normal après les efforts physiques qu'il avait fait. La sueur et son odeur n'était pas vraiment à son goût. Sentir sa peau moite l'énervait vite, à cause de l'inconfort que cela causait. Il détestait se sentir mal à l'aise, et malheureusement, c'était actuellement le cas. On ne pouvait pas faire pire.

Son idée était de se détendre tranquillement dans des eaux d'une tiédeur exquise. Rapidement, un nom lui vînt en tête. Il se rappelait un prospectus reçu quelques jours plus tôt. « Aux 3 délices de Konoha. »

L'enseigne semblait proposer de bons repas et des bains dans des sources chaudes. Le troisième délice lui semblait optionnel à cet instant. Il ne voulait que se sentir propre et rassasié. C'était donc décidé, ce soir-là, ce serait un duo de délices ! La spécialité du chef serait probablement succulente.

Malgré la fatigue de son entraînement, son pas lui devint léger. D'une démarche aérienne, il se dirigeait vers son salut. Les yeux fermés, le jeune homme sentait déjà son corps baignant agréablement dans la tiédeur de l'eau, se débarrassant de tout l’embarrassant. Les yeux clos, il marchait, et bavait presque en même temps rien qu'en pensant à ce qui l'attendait. La rue étant droite, cela ne le gênait pas.

Enfin, jusqu'à se qu'il fasse la bise à Monsieur Poteau qui avait décidé de lui barrer le chemin. Leur amour avait été si violent que le jeune homme en aurait une belle bosse en souvenir. Malheureusement, un amour impossible qui lui arracha quelques uns de ses plus beaux jurons. Furieux contre lui-même et contre sa maladresse, Raki commença à mordiller une sucette, tout en se frottant le front, là où la violence de leurs sentiments avaient réunis leurs corps. Un fusion charnelle dont il se serait bien passé. Cela faisait juste une raison de plus justifiant qu'il avait besoin de repos. Enfin, sa maladresse n'était pas due à sa fatigue, il avait toujours été trop négligent, et cela ne changerait jamais. Il n'y avait que peu d’exception à ses gaucheries. Déjà, quand le jeune homme maniait une épée, il ne s'était encore pas couper de bras, cela semblait providentiel quand on le voyait faire. Le second cas, était lorsqu'il s'intéressait à quelque chose. Malheureusement, cela s'apparentait plutôt à une demi-vérité. Raki se montrait soigneux dans ce qu'il pratiquait, mais tout le reste ne lui importait plus, et cela engendrait bien souvent d'autres maladresses. En plus de cela, il pouvait être maladroit quand même, généralement, l'excitation le poussait à se précipiter, et à prendre des risques inutiles.

Après un long moment d'attente, Raki arriva à destination. Quelques instants le séparaient d'un bain dans l'Onsen des Nymphes Blanches. Le plus irritant étai tout ce qu'il y avait avant, se déshabiller, se laver, réserver et payer. Cela ne le gênait pas, mais tout ce qu'il voulait c'était se détendre, et se débarrasser de la sueur et de la terre qui couvraient son corps. Tout le reste lui semblait plus que futile. A son grand regret, ce n'était pas le genre de chose qu'il pouvait esquiver par une quelconque dérobades, sinon on le jetterait probablement dehors, et il devrait se contenter de peu.

Avec un grand sourire, il se présenta. Cela pouvait sembler facile pour quelqu'un d'autre, ou même pour lui de l'extérieur. Dans son for intérieur pourtant, il hésitait sans cesse, ne sachant pas si les gens voulaient le voir sourire, parler avec autorité, courtoisie. On lui avait tellement répété que son attitude était étrange voire déplacée, que lui-même ne savait pas ce qu'il devait faire.Il fallait croire que cela n'avait rien d'aisé d'effacer les fantômes de son passé.

Dans son enfance, Raki avait vécu sur les routes avec ses parents, parfois avec d'autres gens. Pour l'essentiel, il avait vécu seul, sans ami, selon ses propres règles pendant dix longues années. Il n'avait jamais réellement acquis les usages sociaux que l'on lui demandait. Même si cela faisait des années, le jeune homme refusait de renoncer à cette part de lui-même. C'était son passé, son identité.

D'un autre côté, les gens agissaient toujours assez étrangement à ses yeux. Certains voulaient des sourire, d'autres des menaces. Ils ne pouvaient pas se mettre d'accord sur une attitude à employer, et après, ils lui reprochaient la sienne. Les gens étaient tellement ennuyants, que cela l'ennuyait presque de leur parler.

Enfin, ici, le sourire semblait être préféré. Les gens souriaient et riaient. Cela lui donnait envie d'en faire autant.

« Par ici Monsieur. »

Il suivit une magnifique hôtesse. Sa taille un peu grande ne changeait rien à son charme. Pendant quelques instants, il songea à lui demander si elle avait un fiancé. La question étant trop déplacée au goût des gens normaux, il s'abstînt. Cela ne lui ressemblait pas de courir après les femmes. Il avait juste une petite envie comme ça, un peu compulsive, de peindre sur le corps de quelqu'un. Malheureusement, trouver une volontaire -car il préférait que ce soit une femme- s'avérerait probablement un peu plus délicat que l'idée. Même si, évidement, pour lui il n'y aurait rien d'autre que de l'art. Enfin, il aurait du plutôt ajouter « Et plus si affinités ». Il jugea que ce devait être déplacé aussi, il essaierait sur quelqu'un d'autre, quitte à se prendre une gifle, il découvrirait si cela était déplacé ou pas.

Enfin, avec le plus grand plaisir, il se laissa glisser dans l'eau. Le jeune homme ne prit aucune précaution, top froid, trop chaud, cela ne l'intéressait pas. L'air chargé d'une tiède humidité avait déjà presque endormi son corps endolori. Glissant sur les roches lisses, un soupir de contentement s'échappa de ses lèvres. Il n'était pas seul, mais il y avait peu de monde. Les gens devaient être surtout attablé, à regarder des jongleries. Cela ne l'intéressait pas plus que ça.

De l'autre côté du bassin, deux enfants s'éclaboussaient. Une jeune femme se prélassait à quelque mètre de lui, et deux hommes d'un âge avancés discutaient paisiblement vers le milieu. Si une nymphe se trouvait en ses lieux, Raki l'avait déjà reconnue. La jeune femme était splendide, bien qu'un peu trop âgée pour lui. L'âge ne le gênait pas, mais cela l'aurait certainement dérangée elle.

Tranquillement, il se déplaça vers une des poutre qui soutenait un petit toit. De jour, il permettait de se mettre à l'ombre, évitant les coups de Soleil aux moments les plus dangereux. De nuit, cela était encore plus agréable. Des petites lanternes pendant paresseusement, se balançant légèrement au gré du vent. Leur lumière diffuse donnait un aspect plus paradisiaque, plus reposant au lieu.

Les bras écartés, adossé à une pierre plus large que lui, qui ressortait de l'eau, Raki ferma les yeux, et se concentra sur sa respiration. La différence entre la chaleur de l'eau, et le léger vent sur sa peau humide le fit frissonner. L'air de la nuit se rafraîchissait déjà, malgré la vapeur qui se dégageait des sources. Inspirant, puis expirant, à intervalle régulier, il choisissait un nouveau membre à décontracter, le laissant libre de toute tension, et abandonnant l'idée de résister aux courbatures. Avec un peu de chance, les sources le débarrasserait de cette gêne définitivement. Dans tous les cas, son corps ne lui semblait ni lourd, ni endolori. Juste apaisé.

Plusieurs fois, le jeune homme somnola légèrement. Fort heureusement, il se rattrapa à chaque fois. C'était tout simplement divin. Même si aucune nymphe ne se trouvait ici, cela ressemblait bien au paradis.

Avec regret, Raki devait abandonner ce lieu de repos. Non pas à cause d'une quelconque fermeture, il ne savait même pas si cela fermait, et dans le cas contraire, à quelle heure. Non, ce qui le gênait, c'était son ventre. Il faisait un bruit monstrueux, qui aurait certainement réveillé un mort. A cette pensée, Raki pensa à Aku. Peut-être devrait-il essayer de réveiller un mort avec le hurlement de son estomac. S'il en était capable, il serait certainement un bien meilleur nécromancien. Cette pensée n'était bien entendu pas sérieuse, néanmoins, cela l'amusa suffisamment pour que son esprit se réveille et sorte un peu de sa torpeur.

Bientôt, il commença à immerger de l'abîme des songes. Cela ne valait pas grand chose encore, le plus dur restait à venir. Son corps refusait de lui obéir et de bouger. Les yeux ouverts, Raki fixait le ciel nocturne. La lumière diffuse l'empêchait de distinguer les étoiles les moins brillantes, mais quelques uns brillaient suffisamment pour être aperçues. Lentement, son cerveau réveillait chacune des parties de son corps. Bien plus lentement d'ailleurs, que lorsqu'il les avait autorisé à somnoler. Vraiment, la relaxation était dangereuse. D'un autre côté, resté étendu là, flottant à moitié, appuyé contre une pierre, ce n'était pas si désagréable.

Après plusieurs minutes de batailles internes, ses membres commencèrent à remuer légèrement, et le jeune homme put se redresser. Un délice, exactement comme cela était stipulé dans le prospectus. A moins que ce ne fût lui qui à cet instant se montrait particulièrement réceptif à ce confort. Cela n'importait guère, il avait passé un bon moment, et reviendrait probablement un autre jour pour profiter de ces sources chaudes.

Enfin sorti de l'eau, Raki mourrait de faim. Son estomac le lui avait bien fait comprendre, et après tout, il était venu ici avec l'idée d'y manger également. Le séchage fut bien plus rapide que ce qu'il n'avait pensé. L'air nocturne le faisait tellement frissonner en soufflant sur sa peau humide, que le ninja n'avait eu d'autre choix que de se dépêcher de s'habiller. Le comble aurait été d'attraper froid aux sources chaudes.

On le mena ensuite à une table. L'heure de se repaître arrivait ! Il passa plusieurs minutes à lire le menu. C'était complet, très varié. Il ne connaissait même pas la moitié de ce que ce restaurant avait à la carte. Cela éveillait sa curiosité. Il avait envie de goûter quelque chose de nouveau, de frais, de bon. Une serveuse finit par venir vers lui, afin de prendre sa commande.

« Monsieur, vous avez fait votre choix ? Demanda-t-elle avec un sourire. »

Pour être honnête, Raki n'arrivait pas à faire un choix au milieu de tout ces plats. Fort heureusement, il trouva un substitut pour faire son choix.

« Qu'est-ce que c'est que la spécialité du chef ?
— Des boulettes de viande, mais je n'en sais pas vraiment plus. Il n'a jamais voulu nous en dire plus. C4est accompagné de trois purées, pomme de terre, carotte et marrons. »

Cela semblait délicieux, et le jeune home en avait déjà l'eau à la bouche. La seule chose étrange était qu'elle ne connaissait pas grand chose su le plat. Enfin, il s'occuperait lui-même de trouver les ingrédients du plat que l'on lui servirait. »

« Ce sera parfait, merci ! »

Rendant la carte à la serveuse, elle partit avec sa commande. Durant le temps où il attendit son plat, le jeune homme observa la salle, décoré d'une manière un peu avant-gardiste. Cela ne le gênait pas, mais il aimait bien la couleur brute du bois. Cela avait un côté ancien qu'il affectionnait particulièrement. En tout cas, la salle était agréable, les gens étaient pour la plupart réunis en famille ou entre amis.

Le jeune homme ne s'intéressait que moyennement aux apparences et aux personnes l’entourant. Il avait bien trop faim pour prêter attention aux conversations de ses voisins de tables. Même pour se concentrer sur une chose qui l'intéressait, la tâche semblait trop ardue. Même manger s'avérerait difficile, et épuiserait ses dernières forces. Par contre, Raki espérait bien remplir ses réserves d'énergie, tout en découvrant les somptueuses saveurs que l'on lui avait réservé. Ce qui l'intéressait le plus était la découverte qu'il ferait, ses papilles s'émoustillaient déjà à cette idée.

La seule chose qui le dérangeait réellement, c'était de ne pas pouvoir goûter à chacun des mets proposés sur la carte. A moins qu'il ne se purgeât, son estomac ne pourrait en aucun cas supporter la quantité astronomique d'aliments que cela aurait représenté. L'idée de se forcer à recracher la nourriture ne le dégoûtait pas foncièrement L'ennui réel venait du fait que cela représenterait un énorme gâchis de victuailles. Autant les céder à des sans-abris comme Aku, plutôt que de les recracher simplement pour son petit plaisir. Il avait quand même une morale ! De plus, il ne profiterait pas pleinement du goût, si celui du plat précédant, qui aurait fait un aller à grande vitesse entre son assiette et les toilettes, avec une brève halte dans son ventre, venait de repasser dans sa bouche.

Pour l'instant, le risque était moindre, à moins qu'il ne tombe subitement malade, ce qu'il ne souhaitait pas le moins du monde. Après une attente qui lui parut interminable, son plat arriva. Son ventre n'avait cessé de lui rappeler à chaque instant, à quel point il était vide. Il réclamait de la compagnie, et ses papilles devaient lui en envoyer une galante, afin d'assouvir un besoin charnel et animal.

La même serveuse qui avait pris sa commande lui apporta son assiette. Enfin ! Un peu plus, et il aurait fallu la lui administrer via une perfusion ! Cela se pardonnait car le plat avait l'air succulent, et était bien présenté. Il y avait trois cercles de purées, donc carottes, pomme de terre et marron si sa mémoire ne lui faisait pas défaut. Au centre de chacune, une boulette de viande d'une taille correcte agissait comme décoration. Un téton. Chacune d'elle avait sa propre sauce, certainement pour mieux se marier avec la purée associée. D'après ce que ses yeux, fatigué par sa journée, pouvaient distinguer, les épices semblaient elles aussi varier d'une soucoupe à l'autre. LA viande aussi maintenant qu'il y prêtait attention. Ce plat s'avérait bien plus diversifié que ce que le jeune homme n'avait suspecté en le commandant. Il n'y avait aucun regret à avoir !

Raki commença à déguster ses trois petits plats. Chacun lui semblait tout de même assez copieux, et formait un magnifique tout. Sa fourchette prit une fine lamelle de purée de pomme de terre, avec l'étrange sauce qui l'accompagnait. Portant le tout à sa bouche, cette dernière lui sembla exploser de joie. Impossible que ce plat soit aussi délicieux ! L'assaisonnement lui paraissait parfait, il n'y avait rien redire ni à ajouter. A l'aide de son couteau, il coupa un petit bout de la boulette, et le mit à sa bouche, de la même manière qu'il l'avait fait précédemment. Là encore, ce fut une surprise. Cela contenait tellement de choses qu'il ignorait ! Ce n'en était pourtant pas moins bon !

Malgré sa faim, le jeune homme ne pouvait pas se résoudre à engloutir le plat. Chaque bouchée lui semblait être un fragment de paradis, tombé tout droit dans son assiette. Sa faim ne pouvait pas l'avoir rendu si sensible à la nourriture qu'un plat ordinaire lui paraisse divin. Le jeune homme en mettrait sa main à couper, ce plat devait être l'un des plus grands chef-d’œuvre culinaire du monde. Et si cela n'était pas le cas, lui ne saurait imaginer meilleur. Bien qu'il ne soit pas un grand gourmet, cela ne l'empêchait pas de reconnaître une cuisine digne de ce nom.

Son repas se poursuivit ainsi, dans un feu d'artifice de nouveauté. Certains goûts lui étaient familier, et il réussissait parfois même à mettre un nom dessus, de la muscade, du citron, etc. La majorité des éléments qui composaient ce plat ne devait pas être exceptionnellement rare, le prix était après tout très raisonnable. Peut-être un peu plus cher que les autres plats. Pour lui, cela en valait bien la peine. Il n'y avait aucun doute sur le fait que cette assiette rassemblait le plus beau savoir culinaire du chef. Ils n'appelaient pas ça une spécialité pour rien !

Toute son énergie et sa vivacité d'esprit lui revenait. Plus il y goûtait, plus il pouvait diagnostiquer le plat. Le seul désavantage pour lui, était que la majorité du temps, il restait dans le même régime alimentaire. Après tout, il devait prendre soin de sa ligne également ! A l'intérieur, il sentait son ventre ronronner de contentement, et partager la joie de ses papilles. Cela ressemblait au plus doux des coups de fouets. Autant quelques instants auparavant il somnolait dans l'eau, vidé de toute motivation et énergie, autant maintenant, il pouvait recommencer son entraînement. Ou du moins, la sensation qu'il éprouvait semblait confirmer cette pensées.

La suite s'afficha clairement dans son esprit. Il devait rencontrer le chef, le féliciter, et lui demander comment ce délicieux met était préparé. A cette instant, cela lui paraissait insensé de partir sans en demander la recette ! Il voulait la reproduire, juste pour se souvenir à jamais de ce goût. En plus, la cuisine était un sujet scientifique assez méconnu. On faisait des choses, sans réellement savoir pourquoi ni comment, ça marchait, et on s'en contentait. Avec un peu de chance, lui-même pourrait réussir à comprendre les mécanismes culinaires, et à s'en servir pour préparer des mets plus délicats. Enfin, ce n'était qu'une vague idée pour l'instant, tout ce qui l'intéressait se résumait à un mot : recette. Il la voulait, et ne céderait pas. Ce n'était pas comme s'il était lui-même un cordon bleu, ou qu'il cherchait à voler une précieuse recette. Il avait bien d'autres choses à faire. Non, Raki voulait juste connaître, pouvoir lire la recette et les instructions, sans même forcément savoir ou être capable de la reproduire.

La dernière bouchée s'accompagna d'un léger regret. Elle marquait la fin d'un délice, et le ramenait brusquement à la réalité, avec le bruit des conversations, et les tintements des couverts et des verres. Sans oublier les horribles raclements des chaises sur le sol. C'était certainement la chose la plus difficile à supporter. A chaque fois qu'une chaise raclait le parquet, Raki avait l’impression de perdre six dents d'un coup. Pour être sûr que ces dernières ne s’enfuient pas, il serrait les dents, attendant que cela passe. Et cela passait, même si d'autres recommençaient plus tard.

Enfin, pendant qu'il songeait à étrangler chacune des personnes qui faisait couiner sa chaise, la serveuse revint le voir, toujours avec son grand sourire. Ce devait vraiment être une partie de son travail de sourire, elle en avait certainement des crampes à la fin de la journée.

« J'espère que tout a été à votre goût Monsieur !
— Oui, c'était parfait !
— Vous désirez un dessert ou un thé ?
— Une thé, pourquoi pas ! A la camomille s'il-vous-plaît.
— Entendu, je vous apporte cela tout de suite.
— Attendez, j'aurais une autre question ! Interrompit-il. Serait-il possible de rencontrer le chef ? Je voudrais le féliciter pour son plat, c'était délicieux !
— Bien sûr, vous pouvez aller en cuisine pendant que je vous prépare votre thé. »

La jeune femme s'excusa, avant de se retirer. Suivant son conseil, le jeune homme repoussa sa chaise pour se lever. Se dirigeant vers la cuisine, il se demanda comment on pouvait demander un grand chef de partager une de ses recettes. Ce dernier ne serait sûrement pas tout à fait d'accord pour ébruiter ses secrets de cuisine. Enfin, si Raki ne tentait rien, il le regretterait très certainement.

Prenant sur lui, le jeune homme poussa la porte de la cuisine.

« Tenez la porte s'il-vous-plaît ! »

Une serveuse s'adressait à lui, et Raki s'écarte pour la laisser passer, trois assiettes sur chaque bras. Une famille dînait certainement, et attendait sans doute avec impatience ses plats. Une fois que la voie fut libre, il franchit la porte et entra dans la sanctuaire de la gastronomie. Les odeurs se dégageaient des casseroles, emplissant la pièce de milles et un parfums. Si Raki pouvait en reconnaître une dizaine, cela tiendrait probablement du miracle.

Le chef cuisinier était facile à reconnaître, moustachu, plutôt enveloppé, il dominait les autres de plus de deux têtes, et pas qu'à cause de son couvre-chef si reconnaissable. Le jeune homme s'avança discrètement, se faisant le plus discret possible. Il était en territoire ennemi, et si on voulait le chasser, rien ne serait plus aisé. Il valait mieux se tenir tranquille, en évitant de faire s'effondrer le bâtiment. Cette idée aurait pu choquer n'importe qui, et faire sourire. Néanmoins, avec lui, cela n'était pas qu'une fantaisie. Il pouvait vraiment réussir à faire s'effondrer le bâtiment par simple maladresse.

Quelques souvenirs de ses plus belles gaffes resurgirent, avant qu'il ne les chasse en secouant la tête. Malgré tout ce qui pouvait le tenter ici, il fallait avant tout parler au chef. Déjà pour le féliciter, et ensuite pour lui demander la recette. Contrairement aux apparences, l'homme semblait fort plus aimable de face que de dos. De phacochère enragé, on passait à un gros nounours qu'on voulait câliner, même si ce serait probablement déplacé que de le faire.

« Bonjour, vous êtes bien le chef ?
— Oui, c'est moi. Et vous êtes ? Demanda-t-il en jonglant avec ses casseroles avec une dextérité surprenante.
— Senroji Raki. Je viens de goûter votre spécialité, et je tenais à vous féliciter personnellement, je n'ai jamais rien mangé d'aussi délicieux. Vous faites un travail remarquable.
— Je sais, c'est bien pour ça que c'est ma spécialité, je ne suis pas le chef pour rien gamin ! »

Gamin, comme c'étai bas de sa part de s'adresser à lui de la sorte. Raki aurait bien voulu le corriger, en lui faisant remarquer qu'il n'avait plus vraiment ni l'âge, ni la carrure d'un enfant. Toutefois, irriter le chef ne serait pas une bonne idée s'il voulait récupérer une recette.

« Dites-moi, est-ce que cela vous dérangerait de me dire comment vous réussissez à obtenir un résultat pareil ? Je ne suis pas vraiment doué en cuisine, voyez-vous.
— Je ne te donnerai pas ma recette gamin, même eux ne la connaissent pas. De son pouce, il désignait ses disciples.
— Tant pis alors, je réussirai bien à déterminer la recette moi-même ! »

Le chef éclata d'un gros rire tonitruant. Raki n'avait pourtant pas eu l'impression de lancer une blague hilarante.

« Ecoute petit, si tu trouve ma recette, je t'offre une année de repas ans mon restaurant ! Alors vas-y, je t'en pris, tu n'es pas le premier à essayer de la deviner, et tu ne seras pas le dernier ! Personne n'a réussi jusqu'à présent, et je possède l'unique exemplaire de la recette !
— Soit, si je trouve la recette, je veux deux ans !
— Marché conclu gamin, mais tu ne la trouveras pas ! »

Raki était un peu irrité d'être sous-estimé ainsi. Le plus dur résidait dans le fait qu'on le traitait comme un gamin, alors qu'il avait l'impression d'être déjà un adulte ! Enfin, il aurait probablement encore quelques changements avant d'être un véritable adulte, quelques centimètres, de la barbe à raser, mais cela ne comptait pas !

Un peu déçu, il retourna s'asseoir à sa table, et réfléchit tout en buvant son thé. Il ne voulait plus trouver la recette. Il le devait !

Raki lança négligemment son kunai dans la cible. Distrait, comme à son habitude, il en rata le centre. Cependant, il entrait quand même dans le cercle le plus extérieur. Cela faisait déjà une bonne dizaine de minutes qu'il s'amusait à les lancer, négligemment bien entendu. Il ne cherchait pas encore à atteindre le centre de la cible. Ses premières tentatives avaient même réussi à se planter dans un arbre derrière lui.

Sa maladresse lui importait bien peu, tout devait partir dans tous les sens, les kunais, ainsi que les idées. Et surtout les idées, car cela ne lui semblait pas du tout évident pour l'instant. Le chef lui avait lancé un défi, et il ne pouvait pas se permettre de le perdre ! Deux ans de restaurant gratuit à la clé ! Cependant, cela voulait en dire long. A l'origine, le marché comprenait une seule année. S'il avait décidé de changer le nombre si facilement, ce cuistot devait vraiment être très confiant. La recette ne devait pas être si aisée à trouver. Rien qu'en la goûtant, Raki avait pu dire que c'était un chef-d’œuvre culinaire. Malheureusement pour lui, son palet n'était pas affûté, et encore moins habitué à chercher quels aliments ou épices constituaient un plat.

D'un geste ample, un nouveau projectile fendit l'air, et toucha le bord de sa cible. Cela ne se résumait qu'à ce simple geste. Une tentative, peut-être désespérée, simplement essayer, encore et encore, jusqu'à ce que le centre soit atteint.

« Piment, poivre, cornichon, sel, endive, sucre, farine... »

Il devait simplement se laisser aller, ne pas chercher à contrôler tout ce qu'il touchait. Il devait penser, chercher les solutions qui permettraient de résoudre son problème, et pour l'instant, il 'en avait qu'une seule qui lui traversait l'esprit.

« Choux-fleur, muscade, persil, basilic, carotte, haricot rouge, blanc, vert, beurre... »

Il devait tous les citer, un à un, jusqu'à ce que l'ensemble de ses connaissances culinaires se soit échappé e ses lèvres. Il devait les envoyer, encore et encore, que ces mots soient des armes permettant de gagner le défi qui lui avait été lancé. D'un côté, tout ce travail psychologique qu'il faisait était parfaitement inutile. Parmi tout ce qu'il pourrait citer, seuls quelques rares ingrédients pourraient convenir à un plat d'une telle finesse. Et encore moins composerait celui qu'il devait reproduire.

« Chocolat, pâte, beurre, caramel, noix, noisette, marron, amande, pomme... »

Pourtant, chaque fois qu'il laissait échapper des idées, aussi aberrantes soient-elles, il triait, et retenait dans un coin de sa tête ce qui ne pouvait pas être, et ce qui était à coup sûr. Ces deux catégories étaient simplement les plus faciles à compléter, car il connaissait certains goûts, très notables. De plus, il connaissait le contenu des purées. Carotte, Marron, et...

« Pomme de terre, courge, brocolis, salsifis, fraise, orange, veau, agneau... »

La difficulté se trouvait dans la sauce et les épices utilisées. La purée était simple, et les boulettes de viande le serait également. Les viandes avaient cette particularité d'être très reconnaissable en bouche, ce qui le rendait très sûr de lui sur ce point.

Son cerveau faisait affluer de la salive dans sa bouche, et tandis qu'un nouveau kunai fendait l'air, et se plantait entre ses jambes, les goûts lui revenaient. Il avait pris tellement de temps à les savourer, que cela ne l'étonnait même pas. Mais qu'importe à quel point il s'en souvenait, s'il ne trouvait ps à quelle chose cela correspondait, ce ne serait pas utile.

Ramassant les armes éparpillées sur le terrain, le jeune homme continuait d'énumérer un à un tous les aliments qui lui passaient par la tête, que ce soit épices ou non, car un bouillon pouvait également avoir été utilisé. Ses yeux ne voyaient plus la cible lorsqu'il envoyait son kunai. C'était comme viser une assiette, y plaçant diverses épices, diverses viandes, et divers légumes. Il voyait encore les couleurs, les petits grains de poivres qui restaient paresseusement das la sauce. Chaque détail lui revenait, peu à peu.

Les kunais suivant se rapprochaient du centre de la cible, n'était plus qu'à un cercle de toucher au but. Ce n'était pas un entraînement, cela n'avait aucun intérêt pour le moment. Et d'ailleurs, il savait plutôt bien visé lorsqu'il tenait à faire mouche. Non, tout cela ne devait être qu'une excuse, un jeu de concentration. Il vidait totalement son esprit, et laissait les penser vagabonder, sortir d'elle-même.

Les kunais ratèrent encore le centre de la cible, tandis que la concentration du jeune homme atteignait son paroxysme. Il avait l'air d'un zombi, à ne penser à rien, à ne s'intéresser à rien, et à lancer mollement et inutilement ses armes. Pourtant, au plus profond de lui, il les sentait. Des centaines de boîtes qui s'ouvraient, les unes après les autres, s'enchaînant à une vitesse bien trop rapide pour que ses pensées ne puissent suivre. Les réponses, toutes les réponses se trouvaient quelque part dans sa tête. Même si quelque chose n'y était pas encore répertoriée, cela n'empêcherait rien. Tout ce qu'il lui resterait à faire, serait de le découvrir. Et cette dernière chose était bien sa seule spécialité.

Soudain, la réponse lui apparut clairement, au milieu d'un lancer, ce fut comme une vision, si intense, et si réelle que cela ne pouvait être qu'un signe que l'on lui envoyait. Parmi toutes ses idées, beaucoup se concrétisaient, et se figeaient dans son esprit. Il venait d'immerger des profondeurs de son âme, avec la solution à son problème. En réalité, plusieurs solutions.

La première chose à faire désormais, était de noter tout ce qu'il avait su reconnaître, et tout ce qu'il avait su éliminer. Prendre un livre regroupant tout les ingrédients du monde, et faire des croisements. Ce qui était bien trop rare était également à éliminer, le plat n'était pas assez cher pour qu'un composant pareil y soit utilisé.

La seconde chose à faire, serait de trouver tous les livres de cuisine possible. La recette n'avait sans aucun doute qu'une feuille, mais les idées ne devaient pas être unique. Il pouvait trouver des sauces accompagnant les mets qu'il réussirait à trouver, et pourrait les tester lui-même. Il pourrait tenter de reproduire ce qu'il avait déjà goûté. C'était une certitude.

La troisième solution ne lui plaisait pas trop, même si elle serait sans doute essentielle. Un palet affûté comme une lame de rasoir était nécessaire, quelqu'un qui saurait reconnaître bien mieux que lui les aliments, et qui saurait également séparer les différentes saveurs. Une aide extérieur donc.

Enfin, la quatrième, et la plus à sa portée. La filature. Il pouvait espionner, chercher, peut-être même tenter de cambrioler le restaurant pour mettre la main sur la fameuse recette. Cela serait certainement difficile, car le chef ne devait pas se laisser faire facilement. Toutefois, si des gens pouvaient faire une chose pareille, ce serait bien des ninjas. Pour une fois, avoir décidé de choisir cette voie semblait lui servir au plus au point.

Qu'importe les sacrifices et les efforts qu'il devrait faire, Raki se jura de trouver la recette de ce met exquis.

Il en savait désormais assez pour se lancer, et le kunai perça le centre de la cible. Qui il était, d'où il venait, et où il allait. Tout cela ne se résumait qu'à ces trois choses.