Ma première aventure devait avoir quelque chose de grandiose, d’épique, d’un je ne sais quoi qui mettrais l’eau à la bouche lorsque l’on voudrait s’intéresser un tant soit peu à moi ! Mais au lieu de cela je vais plutôt vous inviter à vivre mon quotidien…
Il était une fois à Kumo Gakure, un bar des quartiers mal famé était en proie à un curieux et joyeux tapage. Pourtant habituel dans ce genre de milieu, il y avait cependant quelque chose d’étrange. Bien qu’en plein après-midi d’hiver, les rues étaient déserte et pas un chat ne trainait dehors. La raison étant que…

- Tieeeens ! Dans ta gueule ! Aller aboule le fric et au suivant !

Une liasse de billet posé violemment sur la table et une nouvelle figure devant moi, je pouvais reprendre ma besogne sous les encouragements de la foule. L’atmosphère était dense, la luminosité basse et l’air affreusement nimbé d’une note aigre de transpiration. Mais quel merveilleux spectacle que de voir deux mâles tout cuissu et sévèrement burné, suintant de sueur, s’empoignant vigoureusement leur… main ! Hey ? What did you expect ? C’est de bras de fer que je faisais référence…
Etant Lundi, jour de repos (comme le reste du temps d’ailleurs), je passais ma journée dans mon bar favoris, lieu de débauche et point de chute auto-proclamé ! Les seules véritables règles dans cet établissement étaient de ne rien casser à l’intérieur… parce que sinon, où est ce qu’on viendrait boire un coup le lendemain ? Toute bagarre devait se faire en extérieur, au risque de subir la colère de tous les consommateurs présents ! Une fois sortie dehors bien entendu…
Mais de temps à autre, il y avait quelques animations, quelques paris, et j’en passe. L’histoire était parti d’un concours de chanson pour finir en bras de fer (ne me demandez pas comment !). Malgré ma carrure pas vraiment imposante, je n’avais aucun mal à vaincre mes adversaires, des vieux soulards qui se croient plus ou moins costaud et qui déchantes rapidement. Mais je suis un homme qui aime vivre dangereusement ! Alors à chaque victoire, je commandais un verre de saké que je m’enfilais cul sec ! Quant à mon nombre de victoire du jour… excusé moi, mais j’y vois déjà trop trouble pour m’en rappeler le nombre exact. Une nouvelle victoire et voilà que j’étais debout sur la table à rigoler en encourageant n’importe qui à venir se mesurer à moi ! Deux ou trois fois, les gars m’aidèrent à tenir debout pour pas que je tombe, avant de rigoler de plus belle avec moi. Et c’est là que je le vis… un grand type, avec des cheveux…. capillaire ! Il était dans son coin et buvais tranquillement, mais moi je pouvais le voir du haut de mon perchoir ! Retirant ma veste, je la lançais sur le comptoir au loin dans sa direction. Malgré l’avoir manqué d’un bon mètre, je sentais son attention tourné dans ma direction.

- HEEEEEEEEY SEXY LADY ! VIENS AFFRONTER TON DESTIN !

Prenant des pauses de bodybuilder, mon but était de le faire venir à ma table pour jouer une petite partie ! Mon intérêt dans tout ça ? Aucun… mais je crois que ma lucidité est repartie en même temps que ma 16ème ou 17ème victoire consécutive… hips…

J’avais chaud… horriblement chaud ! Cette sensation de lourdeur et de lenteur, mêlé à une nausée montante qu’on essaye de refouler tant bien que mal… A chaque mouvements de tête, le sentiment que l’on va chuter dans la fouler. Et pourtant, qu’est-ce que je me sentais bien ! Un prout aurait suffit à me faire rire ! Bien qu’il n’en faille guère plus habituellement… Ma conscience semblait s’accrocher désespérément pour ne pas me faire sombrer, et tout ce que j’étais en train de faire, c’était danser sur une table en provoquant un inconnu pour qu’il se mesure à moi ! Oui comme je le disais un peu plus tôt, bienvenue dans mon quotidien…
En temps normal, les choses avaient de grande chance de se terminer en bagarre dans la rue, mais cette fois-ci l’homme ne se vexa point de mes provocations. Il se leva en silence pour se diriger vers la table, articulant une phrase sur un ton impérial. Je ne sais pas si mon esprit embrumé me faisait entendre correctement, mais il m’avait semblé l’entendre me demander si je savais voler… hum…

- BIENSUR QUE J’SAIS VOLEEEEER ! R’GARDE UN PEU ÇA ! ET HOP !

Je tentais maladroitement de me jeter hors de la table en agitant les bras, avant que les gros bras autour de celle-ci ne me réceptionnent pour me faire assoir ensuite, en position pour l’affrontement. Je sentais une horrible chaleur montante jusqu’au sommet de mon crane, laissant dans son sillage une trainé abondante de sueur… L’arbitre m’aida à saisir la main de mon adversaire, mais tout devenait flou autour de moi. Tant que je restais assis sur cette chaise, je pouvais supporter le choc ! Mais de m’être levé pour m’agiter autant, ça m’avait littéralement détruit sans même m’en rendre compte. Tout semblait s’agiter autour de moi… Les gens acclamaient, l’arbitre hurlait aussi et même mon adversaire semblait me dire quelque chose, mais dans rien de tout cela, je ne comprenais un traitre mot ! Ce n’était qu’un agaçant bourdonnement à mes oreilles. J’avais l’impression d’être un pantin à qui on a coupé ses fils, luttant désespérément pour bouger et ne pas sombrer, immobile.

L’arbitre donna un coup sur la table, comme la trentaine de fois précédente. Puis, soumis à un automatisme, presque robotique, mon muscle se mit en marche, sans même que j’en prenne réellement conscience pour forcer et renverser celui de l’adversaire. Mais déjà mes forces commencèrent à m’abandonner… Mes yeux luttaient pour rester ouvert, mais je ne voyais rien. Ce même et tonitruant bourdonnement à mes oreilles et cette sensation de suffoquer. Puis soudainement il se tue… avant d’entendre une dernière fois et très distinctement : « Effondre-toi ! », suivit du noir le plus complet.

Mon coma me sembla durer une seconde… Juste le temps qu’il faut entre fermer les yeux et les rouvrir. Mais pourtant tout était déjà différent autour de moi. La luminosité basse de la pièce m’aidait un peu pour entrouvrir les yeux. Posé devant moi, un nouveau verre d’alcool rempli et soudain une question existentielle… Serait-ce un rescapé de ma folle après-midi de beuverie ou était-ce le signe que malgré tout j’avais gagné mon match une nouvelle fois ?
Au final, ni l’un ni l’autre… Je relevais péniblement la tête en la soutenant par ma main avant de constater que mon adversaire était toujours à la même place, mais que le verre d’alcool venait de lui ! Pourquoi avoir fait ça, ça me laisse un peu dubitatif, mais aussi sympa que ça pouvait être, vu mon état je ne pouvais accepter son geste.

- C’est sympa mon vieux, mais j’ai plus la tête à boire avant un bon moment…

Je repoussais doucement le verre vers lui avant de faire un signe fébrile vers le barman qui avait servi d’arbitre précédemment.

- J’ai besoin de mon remontant… viiiiiite !

Après quelques instants il posa devant moi un grand verre d’eau gazeuse, une rondelle de citron, et une paille… Je m’empressais de serrer la rondelle pour verser le jus et jeter la paille dans le tout, avant de siroter tout ça comme un breuvage divin. Je ne pouvais m’empêcher de relâcher de profond soupir de soulagement en sentant ce goût acidulé dans ma bouche…
Après un long moment de silence où je descendais le contenu de mon verre doucement, je le repoussais lui aussi sur le côté avant de faire signe de la main vers le grand type assis en face de moi.

- C’est bizarre je t’ai jamais vu dans le coin… Pourtant un type comme toi ça doit pas passer inaperçu !

Ma lucidité me revenait partiellement, et ma nausée beaucoup trop rapidement. Mon petit tonique remontant commençait à faire son effet, bien que j’avais cette horrible sensation de tétanie dans le visage, avec absence des connections nerveuses, qu’on appelle familièrement « gueule de bois ». Remarque, dans cet état là je devenais presque inoffensif… on aurait pu me gifler que je n’aurais même pas bronché ! Je n’aurais rien senti non plus d’ailleurs, mais ce n’est qu’un détail.
Après m’être adressé au grand bonhomme, mon regard se replongea dans le vide le plus complet, comme si mon attention avait encore du mal à se fixer sur quelque chose. Mais il ne tarda pas à répondre cela dit, ce qui eut le mérite de me faire détourner une nouvelle fois les yeux dans sa direction. Alors comme ça ce n’était pas vraiment un habitué ? Pourtant, à la manière dont il descendit son verre d’une traite, il ne devait pas être étranger au milieu… Il faudra que je fasse un concours de boisson avec lui un jour pour vérifier.
A la seule pensée du mot boisson, je me remémorais l’arrière-goût de saké dans la gorge et mon corps eut un soubresaut. Comme une envie de vomir que se transformerait en un rot qu’on voudrait cacher maladroitement. Malgré tout, il se demandait lui aussi d’où je pouvais venir. Soit parce que je l’intriguais, soit parce qu’il avait deviné que je n’étais pas natif de ce milieu, ce qui était étrangement le cas. Me passant une main sur le visage pour me frotter les yeux, j’éclairais calmement ses lumières… Après tout ça, j’étais devenu plutôt docile.

- Moi ? Je suis issu d’une famille prestigieuse qui vit dans les quartiers bourgeois de la ville. Mais j’ai décidé de mettre de côté tout ça pour venir vivre dans les bas quartiers… Dis comme ça, ça fait con je sais, mais j’ai aussi mes raisons ! Dis-moi… Pour quelqu’un qui n’a pas l’occasion de venir, t’as plutôt une bonne descente ! C’est quoi ton boulot ?

D’un geste, il commanda encore un peu plus d’alcool, ce qui m’arracha un sourire amusé. Il prit cependant la peine de me répondre en précisant son nom, mais aussi le fait qu’il connaissait le miens. Etrange, mais cela dit qu’à moitié, puisque j’étais assez connu dans le coin, et puis c’est surement l’un des autres ivrognes qui a dû le crier tout à l’heure, m’enfin… Sinon à part ça, fait intéressant, il était ninja de kumo lui aussi ! A croire que le coin nous attirait ? J’avais beau essayer de m’en rappeler tout en l’observant attentivement, je ne me souvenais vraiment pas l’avoir vu avant, et encore moins comme camarade de profession. On en voit tous les jours dis donc ! Même si cette rencontre n’était pas si désagréable que ça au final. Il m’avait l’air… Sympa. Bizarre dans son genre, peut être imprévisible, mais pas foncièrement mauvais.
Le fait qu’il soit un ninja lui aussi nous faisait un point commun. Bien que je me fichais de son grade ou de la hiérarchie, parce qu’en ces lieux ce genre de chose prenait tout de suite moins d’importance, je trouvais l’idée de savoir que je pourrais faire équipe avec lui en mission ou autre, intéressante.

- Ah, ça fait longtemps que t’es un ninja ? Tu faisais quelque chose avant ?