Ordre de Mission:

Elle regarda l’ordre de mission et ferma les yeux. Une sorte de chasse au trésor. Avait-elle seulement une tête à courir après des reliques ? Quel ennui, quel ennui. Yuka soupira alors et finit par froisser la missive. Se rebeller ne servait à rien, alors autant qu’elle admît. Plus vite la mission serait accomplie, plus vite elle serait tranquille, non ? Alors, d’un geste, la brune attrapa des vêtements plus amples et se mit en route. Suishô bien rangé dans son fourreau, posé sur son dos et la voilà dehors, à arpenter les rues nocturnes. Le ciel sombre, violacé, laissait doucement place à des couleurs rougeâtres, des nuages plus marqués, plus visibles. L’aube. Un moment que Yuka aimait tout particulièrement, qui lui permettait de respirer un grand coup et, surtout, de se blottir dans les bras de la Solitude. Le seul morceau de la journée où elle était certaine que personne ne viendrait lui susurrer des absurdités, où elle était seule, totalement seule. Tranquille.

Ses yeux se posèrent sur le Ciel une dernière fois et, comme une ombre, elle se faufila dans les rues de Kiri. Agile, discrète, avançant avec rapidité, la demoiselle arriva devant le tunnel. Il était temps de se mettre véritablement en route vers Ta no Kuni. La kunoichi exhala un soupir et suivit le chemin indiqué. Elle ne s’y faisait toujours pas : Chasser une relique. Comme chercher encore et encore un trésor paumé dans un pays totalement inconnu. D’une certaine façon, cela lui laissait une sensation de vraiment partir à l’aventure mais … Un kunai en diamant ? Quelle utilité ? Pour une demoiselle manipulant un sabre en cristal, un kunai en diamant ne semblait pas aussi extraordinaire que cela. Pas de quoi en faire une éloge. Mais les avis divergeaient bien souvent : Si Yuka ne comprenait pas l’utilité de ces « reliques », certains les adoraient au point de les placarder absolument partout. Au point d’envoyer des ninjas les chercher pour eux. Bah. De toute façon, il lui fallait courber l’échine. Agir et se taire. Tout simplement.

***

Le Pays du Riz. Une étendue de rizières à perte de vue. Elles recouvraient l’intégralité du paysage. Malheureusement, ces dernières ne rendaient pas les alentours plus beaux. Au contraire. Elles pourrissaient la vision, gâchaient le panorama. En perspective, cette chasse s’annonçait des plus longues et surtout, des plus barbantes. Rien de plus chiant. Non mais vraiment. Trouver un objet dans tout ce bordel. Yuka croisa les bras et regarda un peu partout, à la recherche d’un endroit différent. D’une petite disparité, aussi infime fut-elle. Mais rien. Rien ne sortait du lot. Il n’y avait que des rizières, encore et encore. Une étendue interminable de rizières. Quelle tristesse. C’était morne, déprimant. Mais elle n’était pas là pour dresser une publicité mensongère sur les lieux, bien à l’inverse. Il lui fallait les ratisser, de manière à retrouver cette relique pour se barrer aussi vite qu’elle était arrivée. Simple comme dire « Bonjour », non ? Ouais. Ou pas.

Yuka s’élança rapidement, quittant son perchoir pour commencer ses recherches. Ici, la demoiselle se devait d’oublier l’esthétique et toutes ces choses. Une chasse au trésor ne consistait jamais à regarder l’endroit en se disant « Merde, je vais être crade » mais bien « Youh, de la boue, j’vais m’en mettre partout ! Allez, go ! ». Même si son esprit ne parvenait pas à se mettre dans cet état, elle effaçait de sa conscience toute marque de féminité. Juste une chasseresse en quête d’un merveilleux trésor – ou pas.

Elle se concentra un instant, détaillant chaque parcelle de terrain avec une attention incomparable. Pourtant, lancée dans sa recherche, elle finit par être coupée. Quelque chose d’imprévu se trouvait ici, avec elle. Quelque chose, ou quelqu’un. Yuka se tourna et aperçut une demoiselle, au loin. À sa direction, la brune devina qu’elle s’approchait de plus en plus. Méfiante, la kunoichi posa une main sur Suishô. Peut-être une civile, mais, comme lors de la Conquête, peut-être également une menace ? Une présence non-négligeable. La demoiselle préféra, d’ailleurs, se cacher derrière une rizière et attendre l’arrivée de l’inconnue.

Pourquoi était-elle là ? Yuka ne le savait pas et comptait bien le découvrir.

─ Salut, tu viens faire quoi ici, t’es en mission ?

Une femme au teint mate, totalement inconnue. Des cheveux blonds un peu sombres, plutôt longs, noués en une simple natte tombant sur son dos. Yuka ne l’avait jamais croisée, ni même aperçue du coin de l’œil. Elle ne venait certainement pas de Kiri. La brunette les connaissait tous plus ou moins, surtout de vue. Et, à la voir ici, il ne s’agissait pas d’une paysanne du village. Faire autant de chemin ne leur était pas spécialement utile. Alors, deux choix s’offraient à elle : Soit, elle venait d’ici, soit, d’un autre village. La kunoichi balaya l’inconnue du regard, finissant par remarquer le bandeau de Konoha. Alors … Il s’agissait aussi d’une ninja. Intéressant. La Mitsuharu se replaça dans le contexte : Que pouvait-il bien la mener jusqu’ici ? Le pays des rizières n’avait pas grand chose d’intéressant, alors l’idée d’un voyage tout bête se rayait d’office. Puis, la Konohajin parla d’une mission, demandant à Yuka si sa présence ici se justifiait de cette manière. Bingo. Elle aussi devait se trouver ici pour cette raison.

Mais. Une mission à Ta no Kuni, deux demoiselles au même endroit … Ses prunelles incarnates s’écarquillèrent. Impossible ! Deux kunoichi sur une affaire aussi simple ? À quoi bon ? Les deux, à elles seules, se trouvaient parfaitement en mesure de régler cette chasse au trésor ! Bordel, une chasse au trésor ! Quoi de plus facile que cela ? Creuser ne représentait pas grand chose de compliqué, après tout ! Cela énerva légèrement la Mitsuharu, qui exhala un long soupir d’agacement, avant de regarder l’inconnue en souriant.

« Ouaip. Une mission simple comme si je te disais Bonjour ! Qui se règle en moins de temps qu’il n’y paraît, je suppose. »

Elle haussa les épaules. Que dire de plus ? La simplicité avait beau être quelque chose d’agréable, lorsqu’il s’agissait d’une mission, tomber dans une sorte de monde avec le jeu en difficulté « Facile » n’avait absolument rien d’amusant. Oh, si, cela pouvait être hilarant, très hilarant, mais pour celui qui regardait les péquenauds en pleine chasse. Cela ennuyait Yuka, mais que faire ? Regarder son commanditaire et lui cracher à la gueule ? Quelle idée délicieuse ! Mais surtout, très mauvaise pour son image de Kirijin. Et créer des conflits avec les clients restait une idée complètement débile.

« Je pense que tu es là pour la même chose que moi, je me trompe ? Un kunaï en diamant … »

Yuka murmura la fin de sa phrase, l’air dépitée. Cette mission prenait une tournure de plus en plus absurde, à mesure qu’elle s’y intéressait vraiment. Deux kunoichi pour un seul kunaï. Deux kunoichi pour une simple chasse au trésor. Soit, il se moquait d’elles, soit …

Et là, Yuka comprit. Elle comprit pourquoi il fallait deux demoiselles pour une seule chasse.

Au loin, deux bonhommes assez patauds approchaient. Ils semblaient venir du pays, à en voir leurs vêtements. De simples habitants ? Non. Ils tenaient des armes, relativement grandes. L’un avait une hache, l’autre, une sorte de sabre. Une lame courbée, un peu comme celles des bandits du désert. Yuka posa une main préventive sur Suishô, méfiante. L’un d’eux, au loin, les héla comme si elles n’étaient que du bétail.

« Eh, vous deux là ! Vous avez pas vu une arme en diamant ?! J’suis sûr que vous savez, vous m’avez l’air de vous y connaître ! »

Bingo ! Youpi, deux nouveaux gus’ pour venir les emmerder ! Génial ! Absolument génial ! Et puis, en plus de cela … Ils avaient l’air cons, mais alors. À un point que Yuka croyait encore impossible à atteindre. Comme quoi, même le plus con des cons se trouvait en-dessous d’un autre. Triste pour eux. Mais bon, pas le temps de compatir. Les deux lourdauds s’approchèrent des demoiselles. L’un d’eux posa une grosse patte graisseuse sur la joue de la Mitsuharu. L’autre, quant à lui, se mit à caresser le bras de la blonde, avant de le serrer d’une poigne ferme, comme s’il s’apprêtait à la frapper. Le premier s’adressa à la Kirijin, dans un murmure.

« Alors, ma belle … Tu ne sais rien ? Ne fais pas l’ignorante, tu ne serais pas là sinon … »

Un long frisson traversa l’échine de Yuka, l’immobilisant un instant. Quelle sensation désagréable, comment osait-il poser ses mains sur elle ? La brune le repoussa violemment, se dégageant d’un geste plutôt brutal. Il ouvrit de grands yeux, ronds comme des billes, choqué qu’une femme exerçât une forme de protestation. Elle dégaina Suishô, menaçante.

« Dégage. Je ne le répéterai pas. »

Il secoua la tête. Partir ? Alors qu’il pouvait aisément la zigouiller ? Quelle bonne blague. Il brandit sa hache, comme prêt à se battre contre la brunette.

« Amène-toi, salope. On va voir qui de nous deux doit dégager. »