Spoiler:

La bataille dans les ruines de Yuki no Kuni avait été difficile et s'était soldée par un violent échec. Aisu et moi n'avions pas réussi à dominer les kirijins qui nous faisaient face. Nous avions dû fuir comme des débutants, comme de simples genins qui n'avaient pas les moyens de réussir. Nos séquelles étaient assez importantes, nous pouvions à peine marcher correctement pour un endroit où quelques personnes encore sensées auraient pu potentiellement essayer de panser nos blessures. Le chemin fut long, la route fut extrêmement difficile. Chaque pas que nous faisions était un pas de plus vers un avenir incertain, vers une mort possiblement envisageable. Pourtant, je refusais d'abandonner et de perdre tout espoir que nous pourrions un jour corriger notre erreur, notre stupide erreur. Nous étions loin d'être prêt pour un tel combat, quand bien même j'avais vécu énormément de choses pour en arriver jusque là.

Nous trouvions, au bout de quelques jours, une petite chaumière qui nous accueillit les bras ouverts. Nous restions là-bas pendant plusieurs mois. N'étant pas médecins, les habitants de ce lieu nous soignaient avec leurs propres moyens. Mes jambes devenaient de plus en plus difficiles à contrôler. J'avais l'impression que je ne pourrais plus jamais marcher, l'impression que je ne pourrais plus jamais voyager et je ne pourrais pas atteindre mon objectif premier. Allongée sur un lit dont les draps n'avaient certainement pas été lavé depuis un certain temps, je regardais le plafond. Des perles salées s'écoulaient sur mes joues, en accord parfait avec mes pensées actuelles. Je savais Aisu près de moi, mais j'avais peur de le regarder, peur de voir qu'il ne guérissait pas comme je l'espérais.

Finalement, la vie était beaucoup plus précieuse qu'on ne pouvait le penser. C'est l'espoir qui prit le dessus sur la mort, un espoir qui dépassait tout ce dont je pouvais rêver. Pendant plusieurs mois, nous attendions la guérison totale. Je remarchais petit à petit, faisant attention à ne pas faire empirer les choses. Aisu avait totalement guéri. Il devait probablement faire de la rééducation, tout comme moi. Ses blessures me semblaient moins importantes car lui pouvait encore marcher comme si de rien n'était, mais ce n'était qu'une apparence. Au fond de lui, la souffrance devait être bien plus grande. Je l'avais vu parler avec cet homme. Cette image était restée gravée dans ma mémoire. Il avait parlé à un membre de son clan, à un membre de sa famille, mais celui-ci l'avait rejeté. Quand nous sommes partis, j'avais envie de lui faire la morale, envie de lui faire comprendre que cela ne servait à rien. « Tu as déserté, crois-le ou non, c'est comme ça, cela ne pourra plus jamais être comme avant. » Mais au lieu de ça, je ne lui avais rien dit, de peur de bouleverser son esprit plus que celui-ci ne l'était déjà.

Quand nous fûmes totalement remis, nous partîmes vers Ame no Kuni. Nous voulions nous reposer un peu, dans ce casino où nous nous étions rencontrés la première fois. Un endroit bruyant et insalubre qui pourtant nous rendaient euphorique et plein de vie. C'était étrange, mais cela me plaisait énormément. Aisu était mon coéquipier depuis un petit moment maintenant, et j'étais très attachée à lui. Il avait quelque chose en lui qui me donnait une totale confiance. J'avais envie de continuer ma route avec lui, peu importe ce qu'il pouvait se produire, parce que je savais que lui ne m'abandonnerait pas.

Cependant, nos plans ne se déroulèrent pas comme prévus. Nous arrivions au pays quand nous fûmes interpellés par des habitants apeurés. Ils nous expliquèrent que de nombreux enfants disparaissaient et que personne ne pouvait -ou ne voulait- trouver de réponses. J'étais assez intriguée par cette histoire assez glauque, alors ma réplique fut immédiate :

« De nombreux enfants ? Et cela ne vous inquiètent que maintenant ? »

« Personne n'avait remarqué ces disparitions... La plupart de ces enfants viennent des quartiers pauvres et n'ont pas de famille... Les gens croyaient qu'ils étaient parti quelque part pour s'amuser parce que ces gosses sont inconscients. On ne pouvait pas savoir ce qu'il se passait réellement. »

Les habitants semblaient gêner, mais apparemment déterminés à racheter leur faute. On ne pouvait pas leur en vouloir. Qui s'inquiéterait devoir un morveux disparaître subitement ? Qui pourrait savoir qu'il ne reviendrait jamais ?

« Vous n'avez pas la moindre idée de pourquoi ces enfants disparaissent ? »

« Les gens racontent qu'il y a des... »

« Des... ? »

Plus bas - « Des esprits. On parle de la venue d'un démon à la puissance sans égal... »

Puis plus rien. Les villageois étaient terrifiés à l'idée que cette histoire puisse être vraie. Nous ne pouvions en savoir davantage à ce moment, mais je pris l'initiative de rencontrer les autorités d'Ame afin d'en apprendre plus.

Ce fut difficile de trouver quelqu'un qui accepterait de nous emmener là où nous avions pour but de nous rendre, mais finalement une femme -qui n'avait apparemment pas toute sa tête et qui était convaincue que toutes ces fabulations étaient fondées- nous mena au Seigneur Fao. Il nous accueillit convenablement et nous expliqua la situation.

« Cela fait maintenant un mois que nous enquêtons sur ces disparitions. Nous n'arrivons pas à trouver le moindre indice qui pourrait éliminer telle ou telle piste. Nous en sommes toujours au même endroit depuis le début, nous n'avons nullement progressé. »

« Vous avez entendu les rumeurs villageoises selon lesquelles des esprits hanteraient les lieux ? »

« En effet.. Mais j'ai du mal à y croire. Cependant, il y en a une qui a retenue mon attention. Certains illuminés parlent d'un roi démon, un roi extrêmement puissant. Il devrait venir dans trois jours, ici-même, dans un but qui nous est inconnu. Je doute qu'il vienne pour une simple visite de courtoisie. Mais... Ce n'est qu'une stupide légende... N'est ce pas... ? »

Je regardais mon coéquipier pour savoir ce que lui en pensait. Fallait-il y croire pour mieux pouvoir écarter cette hypothèse lorsqu'elle s'avérerait fausse à 100 % ? Ou était-il préférable de passer à côté de cela et de s'attarder sur des pistes beaucoup plus vraisemblables ?

Spoiler:

Aisu et moi avions mené notre petite enquête auprès des villageois de la ville, ou devrais-je dire auprès des ivrognes du bar. Nous étions donc arriver aux égouts, lieu réputé pour être hanté par le fameux roi Démon. Je croyais de moins en moins à cette histoire tandis que mon coéquipier lui, n'avait jamais marché dedans depuis le début de l'aventure. On voyait clairement qu'il n'avait pas envie d'être là et d'une certaine manière, je comprenais sa réaction.

Nous nous promenions dans les égouts, tentant de déceler quelque chose, c'est à dire CETTE chose qui faisait peur aux habitants, chose tout à fait rationnel qui n'aurait aucun rapport avec des fantômes et des sacrifices d'enfants. Cependant, nous fûmes déçus.

Nous fûmes littéralement pétrifiés lorsque un squelette bleuté traversa le mur de glace d'Aisu ainsi que son propre corps. Je n'arrivais plus à bouger du tout. Je savais que je devais sortir d'ici, courir le plus vite possible avant qu'il m'arrive quelque chose, et protéger à tout prix mon coéquipier pour qu'il ne lui arrive rien, mais je n'y arrivais pas. Ce n'est que lorsque Aisu me sortit de ma transe que je réussis à courir pour sortir d'ici au plus vite. Arrivés dehors, nous étions encore choqués de ce qui venait de se passer.

« Un fantôme... Oui... Je crois que c'était ça. »

J'avais le souffle coupé. Bien sûr au début je voulais faire quelque chose pour les villageois, j'essayais de croire un minimum à cette histoire pour leur venir en aide, mais, au fond de moi, je n'y croyais pas un seul instant. J'avais du mal à respirer tellement j'étais abasourdie de cette histoire inimaginable qui se présentait à nous.

Après cet « incident », nous revenions au village, sans un mot. Que dire après cela ? Nous marchions dans les rues sombres et silencieuses. On pouvait presque sentir les gens nous espionner à travers les fenêtres. Ils devaient avoir entendu du bruit, alors forcément ils ont imaginé les choses les plus effrayantes. Nous allions à l'hôtel où nous avions déposé nos affaires pour aller nous reposer pendant la nuit. Je ne savais pas réellement dans quel état d'esprit se trouvait mon coéquipier mais je doutais fortement qu'il arrive à dormir. Moi en tout cas, je n'allais certainement pas fermé l'oeil de la nuit, de peur de revoir ce démon squelettique hanter mes rêves.

La lune était bien haute dans le ciel et brillait de mille feux. La nuit semblait paisible et silencieuse, c'était bien étrange. Cela réussit à me calmer légèrement mais je ne pus pas m'endormir pour autant. Le jour commençait doucement à se lever et moi je n'avais absolument pas récupérer. J'étais pourtant prête à sortir. Même si j'étais terrorisée à l'idée de refaire face à ce monstre, nous devions aider les habitants du village, c'était notre devoir en tant que ninjas. En me levant, je me tournais vers mon coéquipier qui avait déjà (ou encore) les yeux ouverts.

« Tu es prêt pour affronter cette journée ? … Personnellement, je suis morte de peur... »

Je ne pouvais pas lui cacher cela, j'avais besoin de le dire pour essayer de surmonter cette peur qui m'assaillait. Avec un peu de chance, cela passerait. Il fallait que nous enquêtions encore pour trouver un moyen de vaincre ce démon. Cependant, j'avais bien peur qu'il n'en existe aucun. Nos techniques de ninja ne servaient à rien dans ce cas-là, alors que pourrions nous faire au final ?

« Peut-être devrions-nous retrouver l'homme de qui tu as eu l'info à propos des égouts. Tu sais quelque chose à propos de lui ? »

N'ayant pas vu le personnage, il serait difficile pour moi de le retrouver. Ma première idée fut d'abord de retourner au bar où Aisu l'avait vu. Lui le reconnaîtrait certainement alors il n'y avait aucun problème. Les ivrognes traînaient toujours dans les mêmes endroits, alors nous n'aurions aucun mal à le retrouver. Nous sortions de l'auberge, prenant garde à toutes les choses, tous les éléments qui nous entouraient. Après ce qui venait de se passer, nous n'arrivions pas à être tranquilles avant un bon moment.

Nous arrivions au bar en quelques minutes. Nous entrions tous les deux cette fois, contrairement à la veille où Aisu était entré seul. Je regardais un peu partout autour de moi, sans vraiment savoir quoi chercher. Je me focalisais donc sur Aisu.

« Tu le vois ? »

Réponse négative. L'ivrogne n'était pas là. Et il n'y avait pas d'autres bars dans le village. Retrouver notre témoin serait donc beaucoup plus difficile que prévu. Nous sortions à nouveau, regrettant de ne pas pouvoir s'arrêter un instant pour décompresser, et nous continuions notre recherche. Encore une fois, n'ayant pas vu la personne que nous recherchions, nous ne pouvions pas nous séparer pour être plus rapides. Nous restions donc ensemble, s'arrêtant toutes les deux minutes pour demander de l'aide aux villageois. Le village n'était pas très grand mais ce ne fut pas chose facile. Ce n'est qu'au bout d'une heure que nous réussissions à retrouver notre homme. Complètement sobre.

« Excusez-nous pour le dérangement, mais nous avons quelques questions à vous poser. »

« Et pourquoi je vous répondrais ? »

« Peut-être parce que nous vous avons entendu hier parlé des égouts hantés par le fameux roi Démon, et que nous y sommes allés. »

« QUOI ? Vous y êtes allés ? Alors ne m'approchez pas ! Je ne veux pas que la mort me tombe dessus. »

« Attendez une minute ! Nous voulions savoir si vous aviez entendu parlé d'un moyen d'éliminer ce démon ? J'imagine que beaucoup ont essayé et que beaucoup ont péri, mais.. Peut-être y-a-t-il des légendes, quelque chose qui pourrait nous aider ? »

« Je n'ai rien entendu de tel. Rien ne lui résiste. Il est impossible de le tuer. Peut-être qu'un exorciste pourrait faire quelque chose, mais encore une fois j'en doute. Maintenant, fichez-moi la paix ! »

Et il partit en courant. Apparemment, les gens prenaient cette histoire réellement au sérieux. Pourtant, ce qu'il dit m'intrigua. Un exorciste. Ce n'était pas une idée stupide, loin de là. Je me tournais vers Aisu pour lui demander son avis.

« Et si on essayait réellement de trouver un exorciste ? Peut-être que cela marcherait après tout. Tout le monde a un point faible, même les fantômes, je suppose. »

Maintenant la question était de trouver un exorciste. Dans un petit village comme celui-ci, je ne savais pas si c'était possible. Il ne nous restait donc plus qu'à demander autour de nous et peut-être qu'avec un peu de chance nous trouverions ce que nous cherchions.

Après une longue recherche à travers le village, nous avions enfin réussi à trouver quelqu'un qui serait capable de nous aider dans notre quête. L'étrange fantôme que nous avions vu quelques jours plus tôt n'était presque plus qu'un lointain souvenir tant nous pensions que le moine que nous avions vu allait nous venir en aide. Cet ivrogne qui prétendait pouvoir entrer en contact avec l'au-delà semblait sûr de ce qu'il faisait, et pensait pouvoir se débarrasser de cette présence maléfique sans grands soucis. Nous n'avions pas vraiment le choix que de lui faire confiance. Il était notre seul espoir de mener notre mission à bien et de libérer les habitants de cette menace qui les menait à la baguette depuis un bon bout de temps maintenant.

Ou était tous ces enfants maintenant ? Avaient-ils disparu pour toujours ? Ou avions-nous une chance, si infime soit-elle, de les retrouver sains et saufs ? Je n'avais aucune réponse à ses questions, mais j'étais persuadée que le meilleur était à venir. À priori, après de tels événements, il était difficile de ne pas remonter la pente.

Une fois ce fantôme disparu, y aurait-il d'autres obstacles à la tranquillité des villageois ? Ou était-ce réellement lui la source du problème ? Tant de questions auxquelles nous ne pouvions répondre, et pourtant, j'espérais de tout cœur que mes soupçons étaient faux. Car si ce fantôme n'était pas seul, si quelque chose d'autre se cachait là-dessous, nous étions mal. Très mal.

Le moine exorciste avait préparé tout un rituel assez difficile à assimiler pour des personnes "profanes" telles que nous, mais nous avions tant bien que mal confiance en notre nouvelle allié. Tandis que nous nous dirigions à nouveau vers l'endroit où nous avions vu le fantôme la dernière fois, je parlais à mon coéquipier, de choses banales, pour que la peur ne nous prenne pas à nouveau. Cette situation semblait si irrationnelle que j'en devenais complètement dingue. Qui aurait cru que des esprits et fantômes malfaisants existaient dans notre monde ?

La nuit était tombée, l'obscurité venait juste d'engloutir les derniers rayons de soleil qui tentaient de survivre dans la pénombre tant bien que mal. Les habitants du village étaient maintenant tous couchés, même si peu devaient dormir en réalité. Tout le monde était au courant maintenant de ce que nous essayions de faire et tout le monde était effrayé. Peut-être espérait-il que cela marcherait ? Ou peut-être avait-il seulement la crainte qu'un échec entraîne les représailles du Roi Démon. Ils n'avaient pas tort dans un sens. Peut-être que le village courrait à sa perte par notre faute. Nous ne pouvions pas le savoir.

La grotte était sombre. Vraiment très sombre. J'avais l'impression qu'il y avait encore moins de lumière que la dernière fois. Je portais une torche, mais cela ne suffisait pas. Nous marchions sur un chemin à l'aveuglette, sans réellement savoir ce qui nous attendait au bout de cette route.

"C'était là que nous l'avions vu la dernière fois, non ?"

Kaoru n'eut pas le temps de me répondre, ou peut-être l'a-t-il fait, mais je n'ai pas réussi à l'entendre. J'étais trop préoccupée par ce que j'étais en train de voir s'approcher de nous. Le fantôme était là. À nouveau. Toujours aussi effrayant. Toujours aussi intouchable. Il s'arrêta en face de nous, restant stoïque comme s'il ne nous voyait pas réellement.

"Commencez votre rituel avant qu'il s'en aille."

Je n'osais pas bouger, de peur de le faire fuir, ou de le faire réagir de tout autre façon. Pourquoi restait-il là ? Allait-il nous attaquer cette fois ? J'espérais bien que non. Il n'était apparemment pas sensible à nos techniques de ninjas. Si nous devions l'affronter, c'était un combat perdu d'avance. Nous n'avions pas les bonnes armes pour pouvoir en venir à bout.

Le rituel semblait fonctionner. Le fantôme devenait de plus en plus transparent, comme s'il disparaissait de la surface de la terre. Pourtant, un mauvais pressentiment me laissait entendre que c'était loin d'être terminé. Le fantôme leva le bras, ce qui, par reflex, me fit reculer de quelques pas.

"Qu'est-ce que..."

L'esprit se mit à rire. Que se passait-il ? Il semblait être devenu plus vrai, plus... vivant.

"Vous pensiez m'avoir avec un simple exorciste ? Pensez-vous que je suis si faible que ça ?"

Le fantôme dirigea sa main vers notre moine. En moins de deux secondes, ce dernier fut emprisonné dans une sorte de cage dont je ne saurais dire en quelle matière elle était constituée.

"Maintenant, je vais m'occuper de vous, ensuite je le tuerai puis je chercherai d'autres enfants dans le village."

Il rit à nouveau, mais cette fois, ces rires semblaient faire écho, comme s'ils étaient... plusieurs ? Notre adversaire se divisa en trois fantômes distincts, en réalité plus vrai que nature. Ils pouvaient nous attaquer, mais nous, nous n'avions toujours rien pour leur faire face. Qu'allions-nous faire ? Le combat semblait perdu d'avance, mais je venais d'avoir une idée qui pourrait tout changer.

"Aisu ! Essaie de les glacer !"