Je retournais à Kawa no Kuni après toutes ces années. J’avais reçu l’ordre de mission avec curiosité. La menace ne me semblait pas particulièrement intéressante, encore moins utile, mais le retour dans ma terre natale avait éveillé mon goût de nouvelles et de revoir ce que je n’avais vu depuis des années. Je m’étais préparé rapidement, connaissant bien la ville, je savais que je pouvais trouver tout ce que je pourrais avoir besoin en termes de nourritures, fournitures et autres nécessités des voyages. J’avais amené des armes, l’équipement de base du Shinobi, mais aussi des provisions, seulement de quoi se rendre là-bas. J’étais arrivé beaucoup plus tôt que nécessaire et j’étais resté en ville, sans me présenter devant l’autorité qui m’attendait. En apprenant le rassemblement, j’avais ri et je les laissais poiroter. Ma plaque de Konoha caché dans mon manteau, mon sac dans une auberge, assez propre, loin des bas-fonds habituels, je fumais ma pipe en restant à l’arrière de la foule alors que l’homme public faisait son discours.

Je ne serais certainement pas leur héro, je ne présenterais pas devant la foule, au cas où quelqu’un me reconnaîtrait. Pas à cause des conséquences, mais simplement par désir de rester discret. Deux jeunes, des jumeaux hétérozygotes, s’approchèrent et échangèrent quelques répliques. Affichant clairement leur capacité Shinobi, ils exigeaient maintenant des informations. À quelques mètres de mon ancienne position, coincé entre un gros boulanger et une femme avec sa marmaille, je levais les yeux, sourire en coin. Avant, jamais Kawa no Kuni ne se serait laissé emporter par autant de superstitions. On y aurait envoyé une troupe de soldats et régler le problème. Mais il semble que la démagogie devienne importante. Je restais ensuite là, silencieux, écoutant les quelques habitants de Kawa parler et raconter leurs histoires ou leurs rumeurs. La foule semblait en avoir assez d’attendre, le politicien suait et se décida à renvoyer les gens chez eux quand le soleil baissa. Les deux jumeaux semblaient un peu déçus. Les hommes de Kawa s’éloignaient alors que je m’approchais des deux jumeaux, discrètement.

Je ne fumais plus, ma pipe était consommée depuis longtemps. En approchant, je me contentais de les héler, un peu vulgairement, mais efficacement, par le quolibet un peu brutal, mais étrangement vrai, des « blondinets en scissiparité ». C’était un processus cellulaire, mais le nom suffisait à faire comprendre que c’était en lien avec leurs cheveux et leur dualité.

- « J’imagime qu’à part les « enfants », vous avez un nom ? J’ai eu du retard de Konoha, si on veut. Je viens pour le « démon »… J’imagine que vous avez d’autres théories à ce sujet ? »

Au dernier mot de ma phrase, il y avait du scepticisme et du mépris. Je restais planté là, alors que les deux jeunes enfants me laissaient dubitatif. J’attendais surtout leurs réponses. L’idée d’un démon de la sorte était ridicule, pour plusieurs raisons. Les deux jeunes à peine adolescents, s’ils ne le comprenaient pas, devraient se le faire expliquer. Je m’y étais préparé en voyant leur âge. Mais je pouvais avoir d’agréable surprise. Même si, enfant, les animaux de légendes m’avaient fasciné, je devais avouer qu’au fil du temps, très peu de Yéti et de Dragon s’était présenté à moi. J’aurais bien voulu trouver un démon, mais l’expérience m’apprenait que j’avais peu de chances…

Raijin et Fuujin. Je plissais un peu les yeux en me demandant si ce n’était pas une histoire autre. L’avantage quand on devient Nukenin, c’est que presque personne ne tient de dossier depuis notre naissance. C’est beaucoup plus facile de s’inventer un nom, une identité, un parcours professionnel même, sans que personne ne le note. Créer une personnalité, sans avoir l’aide de l’autorité en place, c’était aisé, extrêmement facile. En approchant, je vis les deux jeunes gens échanger quelques mots. Sans se consulter, les deux jumeaux commencèrent à parler en même temps. Je me contentais de rire en coin.

- « Je n’ai rien contre vous, mais je vous rappelle que même les frères et sœurs qui vivent ensemble pendant des années ne parlent pas en même temps, jumeau ou pas. Alors vous vous y êtes entraînés. »

En parlant, je les pointais à tour de rôle. Les deux petits me semblaient étrangement stupides. Je n’étais pas idiot à ce point. Je connaissais la vie de Nukenin, de l’intérieur plus que de l’extérieur. À mon époque, les Nukenins étaient tout simplement des soldats désertants, s’enfuyant. Habituellement, il fallait les ramener, les punir et s’assurer qu’ils terminent leurs années de service. Aujourd’hui, le mot Nukenin, qu’on n’utilisait pas encore à l’époque, avait une raison d’être nouveau.

- « Je sais aussi que les débutants vivant comme Nukenin n’ont pas vraiment de protection ou de structure comme dans les Villages Cachés. Alors ils meurent. Vous êtes vivants, vous vous êtes amusez à parler en même temps pour une raison. »

Je savais que je n’aurais pas leur confiance. Que nous ne rencontrions pas nos vies et nous ne pleurerions pas ensemble comme le raconte certaines histoires sur les guerriers et soldats qu’on raconte à nos enfants. Mais j’espérais au moins ne pas avoir à jouer aux imbéciles. J’observais un silence en les regardant à tour de rôle, avant de hocher la tête et de me décider à répondre à leurs questions.

- « Je vous propose d’aller sur une des scènes de meurtre. Un insecte a de la chitine, ce qui est presque impossible à reproduire ou falsifier. En plus, on pourra voir s’il n’y a pas des traces autour. Il y a des Sunajin reconnu pour leur utilisation d’espèce de mannequins. »

Je souris en coin. Je leur fis signe de se préparer. Je devais faire un rapide détour par l’auberge à quelques minutes d’ici. En silence, je fis les choses rapidement, me contentant de prendre mon sac à dos et de me jeter le sac à dos sur l’épaule. Il ne nous restait qu’à aller sur les lieux d’attaques, ce que seuls les jumeaux pouvaient m’indiquer, puisque c’est eux qui s’était entretenu avec les demandeurs de Kawa.

[J'ai chigné pour rien, c'est ma faute. xD Désolé. xD]

Les deux jeunes jumeaux réagirent vite. Ils semblaient plutôt vifs, mais leur jeune âge leur laissait certaine lacune. Ils avaient certainement vu beaucoup de Pays, mais il n’avait pas eu encore assez de problèmes pour des raisons idiotes. C’était une bonne chose pour eux, un bon point, un trait de leur intelligence. Je les suivais en direction du lieu de la première scène de crime. Ces deux blondinets éveillaient ma curiosité, mais aussi une pointe de mon attitude paternelle acquise depuis mon rôle professoral à Konoha. À cette pensée, je souris béatement, à ma manière maladroite et stupide. Si c’était ça un père, je serais un bien étrange père, probablement même cruel et vicieux. Un de mes élève avait vomit à cause d’un empoisonnement de ma part, une m’avait frappé, un autre c’était fait cogné la tête contre un comptoir et la dernière, ancienne connaissance depuis plus de 8 ans, notre relation avait commencé parce que je l’avais payé pour coucher avec.

- « Ne vous inquiétez pas, Raijin et Fuujin… À Konoha, on désigne par Nukenin tous les Shinobis n’appartenant pas à un des quatre Villages Cachés. Et même si ce n’était pas le cas, la traque des « traîtres » par principe ne me fait ni chaud ni froid. »

Je fis un geste d’épaules pour que mon sac rebondisse un peu contre mon dos, de manière à le replacer plus confortablement et prévenir tout inconfort futur en glissant mon bras dans la deuxième sangle. Je poussais un long soupir en me rendant compte que je ne me méfiais pas assez de ce genre de gamins. Il fallait être plus prudent. Les soldats de 16 ans, capables de telles capacités, ça n’existait pas dans ma période de service militaire. Aujourd’hui, il ne fallait plus se laisser attendrir par leur visage de chérubin. À la question de la fille, je me contentais de rire doucement avant de me permettre quelques mots.

- « J’espère que vous n’essayez pas de m’attendrir en me donnant un rôle de professeur. Ça ne marchera pas, mais en plus je vais me sentir comme un crétin de vous l‘avoir expliqué. C’est une forme de cellulose, de glucides… Du sucre. Un peu comme le bois, mais légèrement différent. Les insectes en ont généralement, c’est ce qui forme leur « carapace », leur exosquelette. Et laisse les « san », appel moi comme tu veux, mais Suguato est mon nom. »

En parlant, je revoyais les différences entre les deux. Les effets de la combustion, les résultats de différentes analyses, ce qu’elle pouvait signifier. Certains de ces détails pouvaient sembler complexes, ennuyants pour eux et, dans ce cas, totalement inutile. Je me pinçais les lèvres pour me taire. Je fronçais les sourcils en réalisant qu’elle venait de m’appeler « san ». Je chassais la chimie de mon esprit pour serrer les dents. C’était le genre de compliment que je détestais. En approchant de la maison, sous la lune, je reconnu facilement les traces caractéristiques du sang. Le bourdonnement des mouches qui s’engraissaient avant les temps trop froid ne trompait pas. En voyant les deux jeunes gens se détourner brusquement, je me mis à ricaner. Me penchant et posant mon sac, je me mis à sortir une serviette de cuir et la tendis vers les jumeaux.

- « Il va falloir m’aider. Il va falloir vous habituer d’ailleurs. La vie humaine est faite de mort. Ce qu’on peut apprendre d’eux est aussi important. »

Je me relevais en insistant pour que le garçonnet prenne les outils dans le rangement de cuir. Je m’approchais du corps en glissant ma main à ma ceinture pour en sortir deux fins gants de cuirs. Je les enfilais, un peu difficilement, vu leur taille faite sur mesure. Je me penchais sur le corps en l’examinant sans les touchant, prenant le temps de me faire une idée d’ensemble de la scène. Je pointais les corps, particulièrement les membres. Ensuite, je fis signe à la jeune femme de m’aider. Je lui lançais une paire de gant, trop grand pour elle. Je lui fis signe de prendre les jambes, la partie la moins charnue et de la tourner en même temps que moi. Sur le côté, je mis la main et lui montra le genou contre terre pour lui dire de le plier de manière à ce que le corps reste de côté. Je pris une kunaï pour découper le chandail de la femme morte, oui, c’était une femme, et découvrir son dos.

- « Tu as remarqué la position des membres, comme une poupée de chiffon, mais qu’ils sont raides ? Si les membres étaient brisés, la raideur ne serait pas aussi importante. La manière désarticulée veut dire qu’elle y a eu perte de conscience, un truc du genre, ou mort avant la chute. La présence des bleus, puisqu’elle est tombée sur le dos, indique qu’elle était vivante au moment de la chute ou qu’il y avait encore de la circulation sanguine. »

Je relevais les yeux vers la fillette, cherchant à juger si elle était plus intéressée par les détails que par son propre dégoût enfantin. Je venais de me rappeler pourquoi je n’aimais pas trop les enfants finalement. J’espérais qu’elle ne ferait pas preuve du même blocage que la plupart des gens. Elle semblait plus curieuse que son frère ou, du moins, plus active. Je fis signe au garçonnet d’approcher avant de lui dicter quelques consigne.

- « Il y a des éprouvettes, des pinces et de petites lames dans ma trousse que tu tiens. Je veux que tu regardes autour, sur les vêtements, près des blessures si tu peux. Ensuite, sans trop toucher l’autre corps, tu feras pareil avec l’homme un peu plus loin. Si tu vois des particules étranges, tous ce que tu ne peux pas trouver l’origine, tu le met dans une éprouvette, on regardera tout ça après. »

Je doutais qu’il puisse s’approcher des blessures. Encore, ils étaient chanceux. Pendant la guerre, j’avais dû étudier la vitesse de décomposition des corps dans différents environnement. Certains étaient si gonflés qu’en les perforant, ils se dégonflaient presque en émettant une odeur atroce. Ça avait permis d’évaluer plusieurs dates de mort. Voyons voir ce que mes coéquipiers jeunots avaient dans le ventre. Moi, à mon premier travail d'embaumement avec mon père, j'étais encore très jeune, j'avais vomit...

La jeune femme réagit plus mal que ce que je pensais. Étrangement, le garçonnet s’en sortait mieux. Il parvenait à mettre de la distance entre lui et ce que nous faisions. Alors que la jeune fille approchait, je lui fis signe, sans toucher mes lèvres avec le gant, de s’essuyer le bord de la bouche. Elle était blême, mais elle revenait. Elle revenait vers la source de son dégoût. Ce n’était pas trop mal. Une fois le choc premier passé, les odeurs qui assaillent, surtout quand on sait ce que c’est, on réagit. Ensuite, on s’y habitue, avec la compréhension vient un certain détachement. Avec un ricanement un peu moqueur, je ne me permis néanmoins de lui donner un conseil.

- «Une fois mort, c’est un bout de viande. Rien de plus, rien de moins, tu verras on s’y habitue, comme à l’idée de manger son steak avec un peu de sang. »

La remarque était volontairement douteuse. Je savais que parler de nourriture n’allait pas aider son estomac ou provoqué son appétit, mais j’espérais que ça lui rendrait la prochaine tâche du genre beaucoup plus facile en ayant ce genre de discussions en moins. Les deux jeunes me parlaient, leurs questions étaient étranges. La fillette, malgré son rejet d’estomac, semblait plus curieuse. Mais sa précédente réaction montrait bien que sa curiosité ne la protégeait pas de certaines réactions involontaires. J’allais répondre à sa question, quand le bruit attira mon attention. Je relevais la tête.

Les deux enfants retirèrent leurs gants et se mirent en position avec une coordination parfaite, confirmant mes soupçons. Le fait qu’il enlève les gants m’indiquait autre chose. Ils devaient avoir besoin de contacts physiques directs pour utiliser leurs jutsus. C’était souvent le cas des utilisateurs de Raiton. Il y avait longtemps que je n’avais pas eu à combattre directement de la sorte. Je me mis en position, sortant immédiatement mes lames recourbées à la pointe.

- « Rappelez-vous : perte de conscience avant la mort, pas de blessure à la tête. Il y a peut-être du poison là-dessus. Ne vous faites pas toucher. »

Je pliais les jambes en relevant la main. Mon avant-bras au-dessus du premier, la lame pointée vers l’avant, la main droite entrouverte.
Une de libre, capacité à changer de position rapidement, de vieux réflexes inspirés par la formation de base de Kawa no Kuni, mais largement modifié au fil de mes expériences. C’était loin du style très artistique de beaucoup de Shinobi, mais ça faisait largement le travail.

Il fallait aussi déterminer si c’était une technique de Genjutsu. Selon moi, il en existait deux genres. Le Genjutsu délirant et celui d’induction. Ce dernier consistait à introduire une idée, une image, une hallucination. Le délirant consistait à créer un produit venant de la propre imagination de la victime. Dans ce cas, la créature ne serait pas identique pour tous. Vu l’absence de survivants, les descriptions détaillées faisaient défaut. Pour déterminer si c’était un Genjutsu, surtout induit, je devais utiliser des techniques dont l’adversaire ignorait l’effet. Si l’effet ne se faisait pas sentir, que l’adversaire n’avait pas pu modifier l’illusion à cause de son ignorance, on avait la vérification.

Un rapide regard autour de moi à la recherche de quelques signes. Une cachette trop parfaite, des symboles au sol pour déclencher un Genjutsu. Mais pour le moment rien. Je fis signe aux deux jumeaux de charger, ils étaient entraînés ensemble et pourrait déborder la créature. Aussi bien la déborder au maximum. Je fis quelques signes incantatoires et les deux cadavres se mirent à bouger faiblement. Avant de se mettre en branle juste avant les jumeaux en direction de notre ennemi. Plutôt agilement, ils se dirigèrent vers notre adversaire, le premier s’arrêtant au pied du mur de la maison, le deuxième bondissant sur le côté de la créature.

La créature ignore superbement le cadavre sur le toit. Le rayon de mes deux compagnons passa tout près de cette dernière. Je souris alors qu’elle bondit en ouvrant ses bras. La bordée de kunaï qui s’en suivit fut facilement évitée par les jumeaux. Je souris. Ils avaient beau joué les enfants innocents, ils savaient ce qu’ils faisaient. Ils se protégeaient l’un et l’autre, mais c’était mauvais signe. À cette distance, je n’avais pas pu entendre le bruit, mais l’utilisation de Kunaï par un monstre de ce genre me semblait idiot. Encore plus pour Genjutsu. Un Genjutsu aussi impressionnant visait surtout à surprendre, désarçonner un adversaire, alors pourquoi le choix des Kunaï ? L’avantage des Kunaï, c’était que leur forme était standard, facile à trouver partout.

La créature les cherchait. Je pourrais toujours me camoufler aussi, mais je me doutais qu’à deux et avec leurs habitudes, il serait plus facile pour eux de trouver ou surprendre le manipulateur. Mes suspicions sur un Kuchiyose ou un Marionnettiste s’intensifiaient. Il y avait certainement un maître d’œuvre. Je devais leur faire un brin confiance. Je devais occuper le monstre, focaliser l’attention, pas de la créature, mais de ce qui la secondait. Après tout, il avait certainement une meilleure position pour observer. Des mûdras rapides et je gonflais ma poitrine. En soufflant, de petites flammes s’envolèrent dans la direction de la créature. Un des cadavres se dirigea vers elle alors que l’autre se mettait devant moi.


Le monstre criait des imbécillités. Ça ne marcherait pas. Le premier cadavre se jeta sur le côté pour attaquer alors que le monstre se contentait, pour bloquer ma technique de la Balsamine, de jeter son manteau. Habile, car il venait immédiatement de détecter les shurikens camouflés dans les flammes. Devant moins, le démon apparenté à un insecte portait bien son nom. Dans la noirceur, je ne pouvais pas dire si c’était un véritable corps d’insecte ou du bois, mais les côtes semblaient se soulever à chaque mouvement. Le cadavre attaque, frappant vers la tête. La créature la tourna dans sa direction et, la gueule ouverte, une longue tige sortie, épinglant le corps à travers la tête. Je déposais la main dans le dos de mon cadavre protecteur encore intact alors qu’il se lançait vers le monstre.

- « Raijin et Fuujin ! Tenez vous prêt à faire votre bout ! »

Je lançais au sol une poignée de fumigène. Le nuage était assez large pour me camoufler et faire un voile de fumée efficace. Néanmoins, me camoufler n’était pas le but. Même si je sortis sur ma gauche en lançant un kunaï explosif, espérant qu’il s’approche assez pour exploser, je savais que ce ne serait pas aussi facile. Sauf si mon mur de fumée était efficace. En effet, il était assez large pour masquer la scène de combat du point de vue de la petite maison. Si notre adversaire s’y trouvait, il ne pourrait pas agir correctement. Si la créature évitait l’explosion du kunaï, je savais que le manipulateur était dans les bois. Dans tous les cas, ce sera aux deux jeunes d’agir et d'orienter leur recherche vers le vrai ennemi, profitant probablement de leur effet de surprise s'il pensait nous avoir trompé.

[Bon, il y a plus que trois techniques, mais vu que c’est une mission en versus contre un « PNJ », je me suis dis que ça donnait rien d’étirer ça sur trois psots. Vous me le pardonnerez j’espère.]

L créature sauta rapidement pour éviter l’explosion. Un saut de quelques mètres, un peu maladroit, beaucoup trop grand pour rien. Je souris en coin en réalisant que j’avais eu raison. Probablement à cause de leur capacité se calquer l’un sur l’autre, les jumeaux réagissaient rapidement. Comprenant leur rôle et comment agir sans risquer de se mettre en péril. Profitant de l’explosion, les deux gamins bondir en direction de la « créature » et l’envoyèrent valser en direction de la maison. Le choc fut brutal, mais largement satisfaisant. La cible se cogna contre les parois de la maison, se désarticulant, littéralement, manquant de tomber en pièces. Je souris, satisfait, quand une explosion me fit me retourner rapidement vers la forêt. Fuujin devait avoir trouvé quelques choses.

Évitant autant que possible, la fillette sortie des bois, manquant devant rouler pour éviter un second kunaï avec une faible charge explosive. On avait débordé la manipulatrice de la créature. Si ses talents de marionnettiste étaient devenus évident, depuis que nous avions débordé sa créature, sa découverte l’obligea à passer à l’assaut. Voilà pourquoi Raijin avait pu toucher le monstre. Je pinçais les lèvres. Ça c’était une erreur de calcul de ma part. Notre véritable adversaire s’arrêta alors que sa créature semblait attirée vers elle. Rapidement, elle se retrouva protéger par les pièces de son pantin. Si la créature formée était moins grande, elle avait moins l’air d’un insecte, moins allongé, mais plus trapu. Étrangement trapue. Offrant un contraste étonnant avec sa forme vide de sa manipulatrice.

Mon dernier cadavre debout s’approcha rapidement de la créature. Elle bondit pour éviter l’attaque de mon aide morte. Visant la trajectoire de son saut, je lançais un kunaï qu’elle ne prit même pas la peine d’éviter en se dirigeant vers le jumeau. À quoi bon, son armure était assez épaisse pour la protéger. L’arme se planta sur sa poitrine. Le cadavre se dirigeait maintenant vers les jumeaux, pour les libérer. D’où j’étais, tenter une attaque puissante mettait mes coéquipiers de fortune dans la trajectoire. Je risquais de les toucher. Le cadavre se jeta, à quelques mètres de distance d’eux, entre notre ennemi et eux, dos au premier, montrant clairement un parchemin crépitant. Lorsque je l’avais touché dans le dos, j’avais mis ce symbole, du Fuînjutsu relativement simple. Notre adversaire se contenta de le contourner, le laissant exploser en projetant un peu de chaire morte dans notre direction.

Je souris, carnassier, riant même devant la simplicité de son esquive. Elle avait parfaitement réussi à éviter mes deux explosions, deux fois mon cadavre. L’ennemi avait perdu de vu la seule protection entre moi et lui : les jumeaux. En se déplaçant de côté, il avait sorti les deux jeunes Nukenins de la trajectoire d’une attaque. J’avais une ligne de mire parfaite. Je fis mine de courir dans sa direction, accélérant sa propre tentative d’atteindre les deux jeunes. Je décrivis des mûdras, une technique simple, normalement sans danger. L’eau surgit de mes main, puissante, normalement une technique qui servait à repousser ou arrêter une charge. Le jet d’eau compact s’écraser sur la poitrine de l’ennemi, directement sur le kunaï enfonçant celui-ci dans l’armure déjà entamé par son plantage quelques secondes plus dos. À quelques mètres des jumeaux, elle s’arrêta, manquant une inspiration à cause du poumon percé et de la douleur sur ses côtés frôlés par la lame. Elle porta la main à sa poitrine en se retournant, malgré la protection pantin, cherchant à enlever l’objet de métal.

- « Alors les enfants, vous allez quand même pas la laisser enfoncer le clou ? »

L’image me fit largement rire, alors que je désignais bêtement la femme maintenant prostrée au sol, les pièces de la « créature » glissant de sur elle. L’ironie aussi me faisait sourire. Après tout, elle voulait surtout l’enlever le clou.

Les deux jeunes gens se figèrent en me fixant drôlement. Je me contentais de reculer un peu mon corps en levant les mains devant mon visage, comme pour me protéger d’une menace invisible. J’approchais derrière eux, pour examiner le triste résultat de notre travail. La plaie au poumon saignait, relativement peu, mais l’air qui entrait et sortait mal faisait une étrange mousse rosée autour de la blessure. Les deux jeunes lui administrèrent une espèce de dernier sacrement, une bénédiction pour les morts. Je devins silencieux en les laissant faire avant de parler.

- « Il n’y a pas de repos, elle est morte. Elle a tout simplement cessé d’exister. Son cerveau ne produira jamais plus rien que ce qu’elle avait fait de son vivant… »

Cependant, le spectacle de ces deux enfants, je pouvais les appeler comme ça, faisant preuve d’un tel respect fit sonner un lointain souvenir en moi. Je revis les tombes, les cercueils, les gens qui pleuraient autour et moi qui les observait, détaché, usé par le nombre de fois où j’avais vu des familles en deuil. Mon père était croque-mort. La force de ce souvenir, surtout avec recule, ce sentiment d’usure aussi jeune me frappa. Je pinçais les lèvres, égocentrique comme j’étais, légèrement inquiet. Je désignais ensuite le corps.

- « Notre mode est indépendant, il se fout bien de comment nous voulons qu’il fonctionne. Nous sommes simplement un produit de ce monde. Et ça, c’est le fruit de ce qui ce passe quand on veut le changer, quand on pense avoir un pouvoir dessus, quand on n’accepte pas l’indépendance du monde, l’indifférente du monde, nous devenons ça… »

Quand les deux s’inclinèrent devant moi, signalant qu’il allait partir, je hochais la tête. Laissant retomber ma main avant de me préparer à me débarrasser des corps. Il nous suffirait de quelques heures à peine pour avertir Kawa que c’était fait, nous pourrions repartir chacun de notre côté ensuite. Leur silence me semblait un peu troublant, je ne pus m’empêcher de rire un peu en avançant. Après plusieurs minutes, je me permis enfin quelques mots avant d’arriver en ville.

- « Je n'y prends pas de plaisir, mais, vous savez, avec le pire, le mieux est d'en rire. »

Je ricanais un peu en me rendant compte de la naïveté des propos. J’aurais pu leur parler de l’échappatoire que ça représentait. J’aurais pu leur parler de remords, de hontes, d’indifférence, d’usure, d’épuisement, mais je préférais respecter le silence. Qu’il me croit naïf, je n’avais aucun problème avec ça. La mission était terminé.

[Je te laisse poster le rapport. ]