Mon retour à Suna, avec un échantillon de l'antidote au poison nous affligeant tous, avait marqué le début des travaux pour le synthétiser à plus grande échelle. Les quelques notes scientifiques que j'avais ramené aidant le processus, et les cailloux bleus étant finalement un ingrédient pouvant être utile. Mais le scientifique, ce n'était pas moi. Ce n'était donc plus mon affaire à partir de maintenant. Je le voyais comme ça, notre mission à moi et Kioshi avait permis ramené les outils nécessaires au village. Par une suite de circonstances on avait maintenant la certitude des membres de la Confrérie étaient nos ennemis. La suite du travail concernant l'antidote ne nous regardait donc plus.

Mon repos à l'hôpital fut bref. J'y restais une journée entière : On me procura les soins nécessaires à la guérison de quelques brûlures causées par le soleil, quelques égratignures résultant des tempêtes de sable que j'avais traversé... Bien sûr on me retira aussi le sceau de fuinjutsu qui bridait mon chakra. Voir un spécialiste me le retirer aussi facilement me fit penser que l'art des sceaux était une chose déconcertante. Une spécialisation qui pouvait s'avérer très utile dans bien des cas et que je ne refuserai pas d'approfondir à l'occasion. Suite à cela on me donnait l'autorisation de rentrer chez moi pour me reposer. Les consignes : ne pas m'exposer au soleil directement à cause des brûlures, ne pas forcer physiquement, et prendre soin d'appliquer plusieurs fois par jour un baume de cicatrisation apaisant. Du coup j'attendis la nuit pour rentrer chez moi et retrouver ma mère.

Celle-ci était contente de me voir, comme si je revenais d'entre les morts. Elle me serra dans ses bras, et m'informa sans perdre de temps que Kioshi était parti en mission à l'extérieur, une bonne excuse pour partir à ma recherche. Je soupirais chaleureusement en lui disant que cela ne m'étonnait pas de la part de mon frère, mais que j'étais finalement rentré tout seul. Un léger silence eut pour effet de nous faire rire quelques secondes en imaginant Kioshi chercher pour rien.
« J'aimerais quand même qu'il soit là plutôt qu'ailleurs à me chercher pour rien... »
« Oh oui, moi aussi. Mais c'est la preuve qu'il tient à toi, encore une fois. »
« Oui, je sais. »
Elle alla chercher sur une table, une lettre qui m'était destinée et qui portait le sceau des shinobis de Suna. Puis elle me l'apporta.
« Tant que j'y pense, tu as reçu ça pendant ton absence. »
« Encore de la paperasse sans doute, mais merci. »
Je pris la peine de passer encore un peu de temps avec elle et de manger un bon repas avant de filer droit dans ma chambre où je m'allongeais directement sur mon lit en ouvrant le courrier pour y jeter un œil. À ma grande surprise il s'agissait d'une affectation. On me nommait sensei de deux élèves. Pourquoi maintenant ? Et surtout pourquoi moi ? Je préférais ma liberté d'action et je leur avais déjà dit plusieurs fois. Ce n'était pas pour rien que j'avais foiré deux équipes avant ça. Motif : « Pas assez présent pour ses élèves, pas d'encadrement, etc, etc... ». J'imaginais donc qu'ils me donnaient une troisième chance, ou qu'ils persévéraient pour que je ne lâche pas l'affaire cette fois-ci. Mais je préférerais de loin ne pas avoir à m'embêter avec ça.

Le lendemain, habillé comme un jedi dans plusieurs couches de tissus, le visage couvert d'une capuche de couleur brune, je me rendis là où il fallait pour qu'un message soit porté à mes deux futurs élèves et leur donner rendez-vous dès le lendemain. Le message leur fut donc remis.

Le jour du rendez-vous, j'avais indiqué des retrouvailles dans la bibliothèque de notre cher village. Ainsi, malgré l'après-midi, je pouvais retirer ma capuche et ne pas risquer d'autres coups de soleil sur mes brûlures en phase de guérison. J'attendais Milly et Cain assis sur une banquette du hall d'accueil en feuilletant une bande dessinée sur des animaux détectives. Intrigue sympa, dessins soignés, j'appréciais. Il restait quelques minutes aux deux élèves pour se pointer au rendez-vous de première rencontre. On allait bien voir si cette fois j'allai réussir à tenir une équipe en cohésion... et s'ils en valaient la peine.

C’était peu après les attaques, les attentas au cœur de Suna. Peu après cette émanation de gaz toxique qui avait engloutit une majorité de la ville et du port. Nombreux ninja avaient été dépêchés pour contenir et maitriser ce bordel, car oui ça a été un véritable bordel. Des gens qui fuient, qui crient, des blessés, l’hôpital général qui croule sous l’afflux de victimes paniquées et/ou contaminées. Personnellement je suis restée cloitrée chez moi, n’ayant pas reçu de consigne j’ai préférée m’occuper de la protection de mon vieux père. En calfeutrant toutes les entrées d’air, les dessous de porte, de fenêtres, tout était bon pour empêcher que la santé déjà précaire du paternel ne s’aggrave encore.
Maintenant que c’est passé, le danger a été – selon les autorités – écarté, la vie peut reprendre son cours normal. Même si, ne nous le cachons pas, les probabilités pour qu’une telle crise soit réellement terminée sont vraiment très mince. Pas que je remette en cause l’efficacité des équipes sunajin pour traiter un problème, il s’agit plutôt de ne pas minimiser la puissance de ce groupe activiste. Ils ont été suffisamment nombreux, organisés et équipés pour foutre un bordel sans nom à l’intérieur-même d’un village ninja ! Ça en dit long sur la sécurité en place …

Bref, cauchemar ou non, pour le moment c’est calme donc autant de profiter. Père est toujours aussi grognon, c’est une bonne nouvelle. Il est temps de sortir et prêter main forte à tout ce monde résolument débordé.
Mais avant, direction la boulangerie. Aucune bonne journée ne commence sans un bon petit déjeuné. Et peu importe qu’il soit déjà midi passé ! En sortant je récupérai le courrier et parmi les incessantes publicités, une missive s’y était glissée, adressée à une certaine Kaguya Milly, 524 rue du petit port, Suna. Un ordre de mission ? Une promotion ? On ne sait jamais … sur un malentendu … En réalité pas du tout, c’était l’organisme responsable des genin qui venait m’informer qu’à partir d’aujourd’hui je serais sous la tutelle de Yamada Tetsui.
Les membres de ce clan ne sont pas réputés pour être très chic. De nombreux commentaires vous les décriront même comme des clochards, des anarchistes vestimentaires qui n’ont que faire du protocole et de la bienséance. Pour faire cours, on dit qu’ils sont capables de se présenter devant la Kazekage, au palais, pieds nus et trouver cela normal. Autant dire que les appréhensions concernant ce nouveau Sensei n’apportent rien de bien positif … Mais laissons-lui le bénéfice du doute ! Après tout, même au sein d’un clan, tous les membres ne sont pas identiques.

Le rendez-vous de rencontre était donné dans la bibliothèque. Un choix étrange quand, en général, les nouvelles équipes se forment sur les terrains d’entrainement. Ce Tetsui serait donc un intellectuel ? Un stratège plutôt qu’un soldat ?
Le temps de manger et je pliai mes affaires en une petite sacoche accrochée à la ceinture, avant d’embrasser mon paternel grognon sur le front et quitter la maison.
Le bâtiment ciblé n’était pas très loin, en une quinzaine de minutes j’étais sur place et qu’on se le dise pour éviter les surprises ensuite, je n’ai jamais été à l’aise entourée d’autant de livres. Des étagères si grandes qu’elles atteignent le plafond, d’innombrables allées où la lumière du soleil est plus souvent remplacé par l’électricité. A ce qu’on dit, c’est mieux pour la protection du papier, ça blanchit moins les écrits et les couvertures.

Assis à une table de lecture, un homme en kimono correspondant à la description, lisait une bande dessinée. Est-ce que ce serait lui ? De l’image que je m’étais construite, il aurait plutôt été du genre à dévorer littéralement des énormes bouquins sur l’art de la guerre.

« Bonjour ? Excusez-moi, c’est vous Yamada Tetsui ? » Demandai-je en m’approchant par le côté opposé à la table rectangulaire. « Je m’appelle Kaguya Milly, j’ai reçu un papier donnant rendez-vous ici avec un membre du clan Yamada pour Sensei … c’est vous ? »

Heureusement pour moi, dans les informations que m'avaient communiqué mes supérieurs, j'avais pu voir voir les photos des deux élèves que l'on m'attribuait. Sinon je me serais retrouvé là à attendre sans savoir la tête qu'ils avaient et donc à qui m'adresser. C'est ainsi que je vis Kaguya Milly arriver la première, alors que je me trouvais confortablement installé sur une banquette dans le hall. Est-ce que j'aimais les bibliothèques ? Oui. Lire était l'un de mes passe-temps favori. Cela pour diverses raisons que je préfère ne pas lister ici.
Elle s'approcha vers moi pour m'aborder, tandis que je me détachais de ma lecture de la BD que je tenais entre les mains. Quoi ? Il y a des bande dessinées pour tous les âges. S'excusant, elle demanda si j'étais bien moi, Yamada Tetsui. Elle se présenta, et redemanda confirmation sur mon identité. J'affichais un maigre sourire en hochant légèrement la tête.

« Bonjour Milly. Oui je suis bien Yamada Tetsui. Enchanté de faire ta connaissance. »

Que je détestais ces moments où il fallait se présenter l'un à l'autre. C'était d'un rituel très ennuyant.
J'étais toujours vêtu de mes plusieurs couches de tissu qui me protégeaient du soleil. Et comme il était absent dans cette bâtisse, heureusement, je ne portais pas ma capuche. Milly pouvait donc observer sans le vouloir les quelques brûlures qui recouvraient mon visage et le dessus de mes mains.

« Prends pas garde à mes brûlures, bizarre pour un Yamada hein ? C'est le résultat d'un périple dans le désert sans chakra, à travers deux ou trois tempêtes... Tout ça à cause d'un sceau de fuinjutsu. »

Enfin bref. Je fermais la bande dessinée que j'étais en train de lire et me levais de la banquette pour faire vraiment face à ma nouvelle élève. D'un rapide coup d'oeil vers la pendule de la pièce, je m'aperçus que le deuxième élève était maintenant en retard d'un peu plus de cinq minutes. Avant que ça ne me gonfle, j'annonçais donc :

« Ton collègue est en retard, alors tant pis pour lui. Commençons. »

Je lui fis signe de me suivre, nous progressions ainsi dans un escalier menant à l'étage supérieur. Cette bibliothèque en comprenait plusieurs bien évidemment, puisqu'il s'agissait de la plus importante ici à Suna. On s'arrêtait au premier, là où se côtoyaient les ouvrages de fiction : romans, bande dessinées, livres jeunesse, etc...
Avant d'entrer, pour ne pas gêner les gens en pleine lecture, je lui donnais une première consigne, mais qui ferait aussi office de premier test sur sa personnalité :

« Milly, avant que nous ne commencions. J'ai inscris sur ce bout de papier, trois ouvrages qu'il te faudra chercher dans les rayons et les étagères à cet étage. Une BD et deux romans. Je te laisse le loisir de les découvrir. »

Je lui tendis le bout de papier sur lequel étaient notées les références des ouvrages.
Et j'ajoutais :

« Il faudrait aussi que tu ramènes cette BD à sa place pour moi.. »

Mon premier test était bien dans ces deux consignes.

« Bonjour Milly. Oui je suis bien Yamada Tetsui. Enchanté de faire ta connaissance. »

L’homme sourit et se leva après une rapide inspection de mon apparence, sans doute plus par réflexe qu’autre chose. Et j’en profitai pour faire de même. A présent tout proche, quelques détails apparaissaient qui n’aurait pas éveillés la moindre question sans des reflets lumineux momentanés. Son visage comportait plusieurs traces de brulures. Mais pas du rouge comme si on venait de se blesser avec l’eau d’un thé. Non ces marques semblaient nettement plus profondes. Aurait-il confondu de la crème de soin avec des braises incandescentes ? L’idée parait complètement stupide, et pourtant lorsqu’on est face à lui, cela devient presque crédible.
Anticipant mes interrogations, il confirma qu’il s’agissait bien de brûlures mais dû au soleil, suite à – selon ses mots – un périple dans le désert, sans une goutte de chakra. D’accord effectivement venant d’un Yamada, d’un manipulateur de chaleur justement cela semblait très étrange d’être sujet à ce genre de marque. D’ordinaire ce sont ces ninjas qui provoquent de telles blessures chez les autres …
Enfin bref. Le second élève de l’équipe, celui qui devait normalement arriver avec moi, était visiblement en retard. Cela ne présage rien de bon, ni pour lui, ni pour moi car cela signifie qu’il aura toute son attention sur moi. Libre de toutes idées les plus tyranniques et épuisantes possibles. Du moins c’est ce que je ferais à sa place.

Nous montâmes à l’étage du dessus, où de nouvelles rangées d’innombrables ouvrages se perpétuaient. Des livres, des livres et encore des livres … J’ose à peine imaginer la quantité d’arbres abattus pour produire tout ça. Et il y a très peu de chance pour qu’ils utilisent du papier recyclé dans tout ça. Quel gâchis.
A voix basse, certainement pour ne pas déranger les lecteurs environnants, Tetsui se tourna de chuchoter ses instructions. Vous vous souvenez quand je supposais qu’il était plus du genre plus intellectuel ? Et bien on est en plein de dedans ! Le mec voulait que j’aille lui chercher trois bouquins dans tout ce bordel, en plus de ranger sa bande-dessinée ! C’est quoi ce sensei en carton ?

« Sérieusement ? Je veux dire, vous n’auriez pas une tache plus pertinente à proposer ? Je ne sais même pas comment c’est rangé ici … Pff … »

Le soupire n’échappa à personne. Prenant à contrecœur la liste qu’il tendait ainsi que la BD, je partis me perdre dans les allées mal éclairées de cet immense endroit. Je suis quelqu’un d’extérieur moi, bordel. Pas un rat de bibliothèque.
Bon réfléchissons deux minutes, en faisant ça rapidement, peut-être que la partie fun se trouve après. Peut-être qu’ensuite on ira tabasser des sacs, ou s’entrainer à courir le plus vite possible. Hey il n’est jamais interdit de rêver !
Voyons voir, si la logique de la personne qui a organisé l’installation de tous ces livres correspond à la mienne, alors ça doit être rangé par ordre alphabétique.

« Takahashi … » lis-je sur la tranche du premier ouvrage d’un rayon proche de l’entrée, la tête de travers. « Tanaka … ok ici c’est les T. Le début est où alors ? »

Au fur et à mesure des recherches, la patience diminuait. Il n’y avait rien de logique bordel de merde ! Pour les F sont juste à côté des R, alors que du M traine sur les étagères les plus basses ? Et évidemment il n’y avait personne pour filer un coup de main, encore moins pour faire le boulot à ma place …
Un massage des tempes et quelques minutes plus tard, je ne comptais plus le nombre de pas, de mètres, de kilomètres parcourus dans ces foutus allées. Du coup je profitai d’un angle où personne ne pourrait me voir, pour glisser les bouquins entre leurs congénères, sans plus tenir compte du classement. Voilà ! Ça c’est fait, maintenant on va pouvoir s’amuser. Je retournai aussitôt auprès du Yamada, et leva les deux pouces en signe de réussite, le regard pétillant d’espoir. Une bonne baston maintenant ! Aller !