Le vent caressait paresseusement mes cheveux d’or (parce que j’ai des cheveux d’or). La lune brillait d’un éclat malsain, éclairant le village endormi. Tirant sur ma pipe, j’admirais la voûte splendide des cieux, de ce ciel sans nuage clairsemé de centaines et de centaines d’étoiles scintillantes. Encore une journée de passée sur le village de Konoha. Il était maintenant l’heure d’aller se blottir dans les bras de Morphée ; même si, en réalité, l’heure était arrivée depuis bien longtemps. Soufflant une dernière volute de fumée parfumée, je tournai les talons, reprenant la direction de l’intérieur du bureau.

Quelques pas plus tard, mes sens furent aux aguets. Me figeant un instant, je me retournai, mes dons de sensorialité inexistants me servant de prétexte pour me rapprocher une nouvelle fois de la rambarde. Plissant les yeux, je regardai là où mon instinct me disait de regarder : en direction d’un quartier que je connaissais bien puisque c’était le mien. C’est alors que je les vis : trois personnes, sautant de toit en toit ; trois personnes que je ne reconnus pas, mais qui semblaient presser de repartir de là où ils venaient d’arriver.

N’écoutant que mon courage (faut dire aussi que c’était plutôt calme), je me mis à leur poursuite, sautant à mon tour de toit en toit, les talonnant de quelques mètres, quelques secondes tout au plus. Sans doute interpelés par leurs propres dons de sensorialité, et sentant que j’étais seule, les trois sacripants (ouh les vilains) se stoppèrent à quelques mètres de l’entrée principale. Les surplombant des remparts, ma cape d’Hokage volant aux quatre vents, la lune brillant dans mon dos (et sans doute le drapeau américain qui volait dans le champ), ils me fixèrent un instant de leur masque noir agrémenté de lumière rouge aux yeux. Si je ne pus effectivement pas les reconnaître, je pus néanmoins voire qu’ils avaient dans les bras deux enfants à la chevelure blonde ; deux Yamanaka de mon village ; eux, qui plus est, n’eurent aucun mal à me reconnaître.

D’un mouvement souple, ils prirent la direction de la forêt derrière eux ; sans prendre vraiment le temps de réfléchir, la vision de ces deux enfants s’ancrant en moi, je me mis à mon tour à leur poursuite. Sautant d’arbre en arbre, je franchis les ravins, je contournai les collines ; je me sentis rocher, forcément, herbe, bien sûr, vent, certainement, eau, très peu. Mais je ne les perdais pas de vue, je ne perdais pas leur trace : non, je ne les perdrais pas. Mauvais rêve ou réalité cauchemardesque : ces enfants retourneront ce soir dans leurs lits.

Le temps ne sembla avoir duré que quelques secondes et, pourtant, je ne reconnaissais plus du tout la végétation qui entourait Konoha. Combien de temps avais-je couru ? Impossible de le dire ; toujours était-il que je me retrouvai dans une clairière, les trois comparses m’attendant bien sagement, les enfants portés comme un sac à patate sur leur dos.

« Plutôt une mauvaise idée de vous en prendre à Konoha »
« Plutôt une mauvaise idée de les avoir suivis jusqu’ici. »

La voix ne venait pas des trois qui se tenaient devant moi, mais de l’un de la quinzaine qui venait d’apparaître tout autour, tapis jusqu’ici dans l’obscurité des bois.

« Voyez-vous, Hokage-Sama, nous nous attendions à plus de résistance ; ainsi avions-nous prévu le coup. »
« Super intéressant, ça. Rendez-moi les enfants et on oublie tout. »

Croisant les bras, je continuai à fixer mes objectifs, essayant le plus possible de cacher l’appréhension que je ressentais à l’idée de me battre seule face à près d’une vingtaine d’individus. Un léger rictus se fit entendre. Inutile, cependant, j’avais déjà compris qu’ils n’allaient pas me laisser ce que j’avais demandé. Tout serait tellement plus simple si tout le monde daignait simplement consentir à être aimable, courtois et enclin à s’enquérir de requêtes aussi simples que « passe-moi le lait », « range ta chambre » ou « rends-moi les deux gosses que tu viens d’enlever ». Sans attendre la suite d’une conversation stérile qui n’aurait amené à rien, je mordis mon doigt, exécutai quelques mudras et les posai au sol, excitant par la même tous ces espèces de guerriers du dimanche aux yeux rouge. Aussitôt, et dans un nuage de fumée, une immense scolopendre apparut pour faire face à mes ennemis. Dans un grognement, il me fit comprendre que je n’avais pas besoin d’en dire davantage. Je réitérai l’opération pour avoir un deuxième allié gigantesque à mes côtés ; et la bataille débuta.

Rapide, agile, emplie d’adrénaline, mes coups s’enchaînaient, mes ennemis tombaient un à un ; j’évitais les coups, j’en donnais, je désarmai mes ennemis ; je subissais tantôt la foudre, tantôt le vent, tantôt le feu, mais toujours avec une posture digne, une posture droite, avec comme simple objectif de ramener ces gamins à la famille à laquelle ils venaient d’être arrachés. Majestueuse, je n’avais rien perdu de ma superbe sur le champ de bataille, malgré le désavantage conséquent que je subissais en tant que Yamanaka à devoir affronter autant d’ennemis à la fois. La puissance du mode Sennin enclenché me permit de faire face à tous ces adversaires en même temps, bien aidée par mes fidèles Kuchiyoses qui faisaient un travail formidable.

Mais je n’avais pas à faire à de simples soldats du dimanche. J’avais face à moi une quinzaine de shinobis, entraînés et, bien qu’inférieur voire très inférieur individuellement, ensemble ils parvenaient à me faire face et, qui plus est, à prendre l’avantage. Un cri terrifiant derrière moi m’informa que l’un de mes kuchiyoses venait de tomber sous les coups combinés de ses assaillants, l’autre continuant de se battre vaillamment. Dans sa chute, elle avait emporté quelques combattants, désormais hors d’état de continuer. A deux, on pouvait le faire : et on le fera. Les minutes et les techniques s’enchaînaient à une vitesse folle, et ils comprirent bien vite que, malgré leur nombre, ils ne parviendraient pas à me vaincre.

Les enfants devaient avoir une valeur importante à leurs yeux car, alors qu’ils étaient en pleine déroute, l’un de ceux que j’avais poursuivis jusqu’ici prit les deux corps endormis des gamins et partit dans la forêt ; les autres m’encerclant avec mon invocation. Je pouvais les battre ; je le savais, mais cela impliquait le fait de laisser ces deux gosses dans la nature, et j’aurais échoué. Essoufflée, je continuai à faire face à mes assaillants, mais je m’adressai à ma créature.

« Ramène les enfants au village. Je m’occupe d’eux. »

Et sans attendre une quelconque contestation de la part de la scolopendre, je repartis me battre ; lui s’enfonçant sous terre en direction de là où étaient partis le ravisseur. Bien entendu, sans le support de mes bêtes, je fus vite pris par leur nombre, et je dus m’incliner. Tombant à genou, je pus constater que plus de la moitié de leur effectif était au sol, mourant ou mort. Légère satisfaction personnelle…

… sans compter que, avant le petit matin, les deux enfants avaient retrouvé la douceur de leur lit…

« On en fait quoi ? On la tue ? »
« Bien sûr que non. Le chef en voulait au moins un : on lui apporte la meilleure… »