Bon, faisons un récapitulatif de tout ce qu’on a déjà eu comme info. Mine de rien ça en fait un sacré paquet. Lovée dans mon siège de bureau, les talons sur un coin de ce dit bureau faute de place pour les mettre au milieu, je feuilletai mon petit carnet de notes. Des informations sur Kioshi, son état d’esprit mais surtout ses actes, des détails sur Yusei – un jeune homme fort sympathique bien que souffrant d’une certaine asociabilité – et ses contacts avec la cheffe des Kaguya, mais surtout le dossier le plus lourd et le plus important actuellement, les bijuus. Cette visite chez la Grande Grue aura été finalement bénéfique. Il faudra juste régler le problème Milly sitôt que cette dernière aura fini ses vacances. Quoi que, ça commence clairement à être long. Malheureusement je n’ai pas le temps de faire les recherches appropriées. Pourvu qu’il ne suis soit rien arrivé …

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos bijuus. Ces gigantesques monstres sortis tout droit des contes et légendes. Une telle puissance, nul doute qu’après ce qui s’est passé avec Rokubi, certains vont vouloir s’approprier les autres. Or vous imaginez bien qu’entre de mauvaises mains … ouais nan, il vaut mieux ne pas chercher à imaginer ce qui pourrait arriver. Mais comment faire pour empêcher ça ? Le plus simple serait de mettre moi-même la main dessus justement, mais là encore comment ? Seule c’est simplement impossible et je ne peux pas demander de l’aide à n’importe qui.
Tss, et moi qui ne désire que me détacher du Kyomu, voilà que je vais devoir à nouveau compter sur eux. Peut-être qu’en gérant bien, il y a moyen d’en tirer plus de profit que les pertes dû aux caprices de la Grande Grue.

Bref, je pris la direction du casino flambant neuf de l’organisation nukenin, à toutes justes quatre rues du Sikari.
Comme toujours, sympa la déco. Du bling-bling, des lumières et des dorures partout rendant vraiment chouette. C’est en arrivant devant qu’on visualise à quel point cette organisation que la moitié du monde considère comme terroriste, gagne en puissance et en influence.
En entrant je fus accueillis par des gardes battis comme des armoires à glace, chargés de faire la sécurité et vérifier le contenu des sacs. Je me présentai au gorille qui me faisait face.

« Bonjour, je souhaiterais m’entretenir avec la responsable de cet établissement ?
- Désolé ma p’tite dame.
- Vous êtes sûr de vous ? »

La question était rhétorique. Le fixant les yeux dans les yeux, sans la moindre trace de sourire, il ne tarda pas à me reconnaitre. Et oui mon grand, c’est encore moi et tu ferais bien de te grouiller. Retenant tant bien que mal un ricanement, je le laissai faire son boulot, avertissant je-ne-sais-qui pour enfin me laisser passer. Un autre homme, plus chic prit le relais et me guida jusqu’à l’antre du dragon.

« Bonjour Red. Pardon d’éventuellement vous déranger, je me doute que vous devez avoir une montagne de chose à faire, mais la raison de ma venue vaut le coup. »

Refermant bien la porte du bureau derrière moi, je m’approchai déposer mon carnet de note sur le bureau et le maintenir fermer en m’appuyant dessus d’une main.

« Une chasse aux bijuus, ça vous tente ? » Proposai-je en souriant, comme si c’était un jeu.

J'ai le nez perdu dans mes dossiers. Les journées avenirs s'annoncent fort peu glorieuse, où certainement pas autant que celle où j'en suis venue au terme de la vie de Kakeshuou en lui arrachant le cœur à l'aide de mes propres griffes. Encore quelques semaines après je n'ai de cesse de ressasser ce moment délicieux. Désormais, je ne peux que comprendre la perfidie qu'éprouve Yami en se délectant du trépas de ses victimes. Pourtant, là encore tout semble différent. Et aujourd'hui il n'a plus que ce grand vide dans ma poitrine. La chasse venant de prendre fin, le monde a perdu une part de la saveur qui le définit depuis lors. Je préfère ne pas y penser, mais je ne peux nier que quelque chose ne va pas. J'ai comme l'impression que cette exécution n'a en rien étanché ma soif de sang, bien au contraire.

Et au comble de l'ironie, sitôt cet instant d'éclat, de gloire et de somptueuse extase passé, je me retrouve enfermée dans ce bureau à brasser de la paperasse. Rokubi a fait énormément de dégât à Kawa au point où mes affaires et autres petits réseaux ont été mis à mal. Il m'incombe de remettre un peu d'ordre dans tout cela. Je n'ai pas le choix. Ce faisant, je devine qu'il est tard. Je ne dormirais pas non plus cette nuit. Je suis cependant brusquement arrachée à la monotonie par une présence chakratique familière. Encore, elle. Cette Masami Emi. Cette petite m'amuse beaucoup. Je la devine à la fois prometteuse et encore peu expérimenté. Nul doute que si elle s'en donne la peine, elle sera en mesure de se faire une place dans ce monde. En attendant je lui sers d'intermédiaire et, il faut le dire, elle me le rend plutôt bien. Je pose mon stylo et fait mine de lever les yeux dans sa direction au moment de son arrivée.

« Bonjour Emi. Comme vous pouvez le voir... »

Dis-je en balayant d'un geste de la main les trois piles de document sur mon bureau. Ce faisant je m'installe un peu plus confortablement dans mon fauteuil, les jambes croisées, un index posé sur la tempe. La nouvelle Saibogu est parvenue à attiser ma curiosité. Je la sais suffisamment sérieuse pour ne pas venir m'interrompre dans raison valable. Et forcément les mots finissent par claquer dans l'air avec un certain impact. Je hausse un sourcil puis lui adresse un petit sourire interpellé. Je sais déjà que la paperasse va être reléguée au second plan pour le restant de la soirée.

« Admettons que ce soit le cas... qu'auriez-vous à me suggérer ? »

Elle semble vouloir jouer à un petit jeu. J'aime m'amuser également bien que les années s'écoulant ont tendance à éroder ma patience. La venue d'Emi reste en effet assez surprenante et je ne me serais certainement jamais attendu à ce qu'elle fasse mention d'une éventuelle traque aux démons à queue. Il est vrai que leur existence est désormais de notoriété publique. D'abord Shukaku. Maintenant Rokubi. Ces vermines mythiques aux propensions destructrices apocalyptiques n'ont plus rien de légende. Et si l'on se réfère au récit, nous avons toutes les raisons de penser que sept autre rodent quelque part sur le continent, toutes aussi menaçante et puissantes qu'elles soient.

Les papiers, livrets et aux documents plus ou moins administratifs s’entassaient en trois imposantes piles pourtant bien droites et alignées. Le calvaire de tout dirigeant souhaitant gérer lui-même sa troupe. Rassurez-vous j’ai la même chose au Sikari et c’est éternellement épuisant. Il y en a toujours plus, peu importe combien de dossier on traite. C’est comme les termites, plus on en tue, plus il en arrive.
M’accueillant de son air à la fois posé, dominant et calme. Elle ne semble pas dérangée par son boulot. La chance, moi quand je fais cette partie administrative, il ne faut surtout pas venir me déranger. Mais bref, il n’est pas question de moi cette fois-ci, stop avec l’égo et le nombrilisme.
La rousse s’installa d’autant plus confortablement sur son fauteuil, prête à écouter, ou à se faire désirer. Ça marche aussi … Attention, il ne faut pas que je passe pour celle qui réclame non plus. Certes j’ai besoin de son aide mais il faut lui donner l’impression que l’idée vient d’elle. En somme, que je joue au même jeu que la Grande Grue.

« Admettons que ce soit le cas... qu'auriez-vous à me suggérer ? » Demanda Red.

Me redressant je repris mon carnet et fis danser les pages du bout de mon index, comme pour lui présenter la quantité d’information qui était en jeu.

« Je ne chercherais pas à tourner très longtemps autour du pot. De toute manière ni vous ni moi n’avons le temps pour ça. Avec ce qui vient de se passer, vous êtes au courant que ce qu’on disait des légendes est vrai. Les bijuus existent pour de bon et ils sont une menace évidente pour le monde. » Je marquai une petite pause, haussant les épaules. « Du moins par eux-mêmes non, mais vous connaissez la nature humaine, beaucoup vont vouloir s’emparer de leur puissance. Et pas uniquement des ninjas emplis de bonnes intentions. »

Est-ce que je sous-entendais que Red faisait partit de cette catégorie de la population, héhé je vous laisse faire votre propre jugement.

« Il se trouve que j’ai ici nombre d’informations sur ces entités, dont pour certaines leur localisation. Connaissant votre goût prononcé pour la chasse, je me suis dis que cela pourrait vous intéresser. Évidemment ça ne sera pas gratuit. Le principe de l’échange équivalent, ça doit vous parler. Je peux vous assurer cependant que tout ce qui est noté dans ce petit carnet est véridique, ayant nécessité nombre d’efforts, de risques et de temps. Et donc tout ceci à un prix. » Un léger sourire s’afficha rapidement sur mon visage avant de disparaitre tout aussi vite. « Je ne voudrais pas que cela passe pour du chantage donc … Que seriez-vous, vous-même, prête à dépenser pour ce genre de chose ? Que ce soit en information, en argent ou autre chose. »

Je marquai une petite pause, les yeux balayant les environs.

« Comme par exemple … Concernant un certain Black ? »

Autant l’aider un petit peu, le temps passe pour tout le monde après tout.