Je venais de finir une journée assez éprouvante, et il était environ 17h quand je parvenais dans mon quartier, à plusieurs mètres de chez moi. J’étais épuisé, ma dernière garde ayant été assez agitée à l’hôpital. Cependant, ma bonne humeur demeurait, et j’étais presque en train de chanter un ton tout en avançant d’un pas confiant vers ma maison. Même la peur de Yuno, ce stalkeur, ne me préoccupait pas à ce moment. Cela faisait quelques semaines que j’avais remarqué qu’il me suivait, mais honnêtement, aujourd’hui, j’en avais un peu rien à faire. Tant qu’il ne m’attaquait pas.

Cependant, ma bonne humeur fut un peu ternie quand je vis un groupe de trois personnes s’approcher vers moi. Et oui, ils s’approchaient bien de moi et ne se contentaient pas d’emprunter le chemin inverse du mien. Comment je le savais ? Oh, je ne sais pas, peut-être parce qu’ils me fusillaient du regard et avançaient d’un pas décidé, et un peu agressif dans ma direction ? Je gardai mon sang-froid, mon éternel sourire sur les lèvres, tentant d’ignorer le fait qu’ils tentaient de me tuer avec leur simple regard. Yep, ma journée était totalement fichue.

Ils finirent par arriver à ma hauteur, et nous nous arrêtions à quelques mètres de distance. Mon sourire se dissipa quand je reconnu deux des trois visages, et une vague de culpabilité me traversa. Je savais maintenant pourquoi ils semblaient si agressifs. Il s’agissait d’un couple d’une trentaine d’années et d’un jeune homme de mon âge. Un jeune homme dont les yeux bleus, les courts cheveux blonds et le nez pointu ne me rappelèrent que trop bien un autre visage. Et les yeux verts de la mère, ainsi que les yeux marrons du père ne m’étaient que trop familiers. La famille Kishino. Leur plus jeune fils, Tanaki, avait été admis à l’hôpital pour une sévère blessure à la tête. Il n’avait pratiquement aucune chance de s’en sortir. Je m’étais cependant évertué à changer le destin du garçon de dix ans, sans succès. Il était décédé dans mes bras, sans que je ne puisse rien y faire. Je me souviendrai sans doute toujours des regards haineux des deux parents quand je leur avait annoncé la nouvelle.

Je ne pensais pas qu’ils n’allaient pas lâcher le morceau. Je croyais qu’ils allaient accepter la mort de leur fils. Pas qu’ils continueraient de m’en vouloir ainsi alors que je m’étais excusé profusément, me sentant moi-même coupable alors que même les autres médecins et mes propres parents m’avaient dit que Tanaki n’aurait pas pu être sauvé. Je m’étais visiblement montré trop optimiste, trop naïf aurait dit Yuno. Ugh, pourquoi fallait-il que je pense à lui dans cette situation ?

Je pris une posture un peu défensive, me doutant que la famille n’était pas là pour me taper la causette. Cependant, je ne voulais pas que cette situation dérape. Ils étaient seulement consommés par le deuil et la tristesse, cherchant quelqu’un ou quelque chose sur qui défouler leur colère face à l’injustice de la perte de leur plus jeune membre. Et malheureusement, il se trouvait que j’étais leur cible, moi, le médecin qui n’avait pas été capable de le sauver d’une mort certaine.

-Bonjour, que puis-je faire pour vous ? demandai-je d’une voix calme et posée, même si ma jambe commençait à gigoter sous le stress. Je n’avais pas envie de me battre.

- Je pense que tu sais très bien ce qu’on veut gamin ! répondit le père d’une voix venimeuse.

Si je n’avais été qu’un simple médecin et pas un ninja, je n’aurai jamais entendu le sifflement qui suivit, et n’aurais jamais été capable d’esquiver le kunai que l’adolescent avait lancé vers moi. Je soupirai, reculant d’un bond, et sortant mon propre kunai, près à me défendre, mais pas à attaquer. Ils restaient des citoyens de Kiri, je ne souhaitait pas me battre contre eux. Cependant, je n’eus pas d’autres choix que d’être engagé dans un combat avec le fils, celui-ci m’envoyant une balle d’eau compressée dans la figure. Rapidement je composai les mudras pour mon petit bouclier de terre, et levai celui-ci pour bloquer l’attaque.

- S’il vous plaît. Je n’ai pas envie de me battre contre vous. Ce qui est arrivé à votre plus jeune fils est une tragédie, mais ce n’est pas une raison pour céder à la violence. Plaidai-je d’une voix calme.

Cependant, je vis bien qu’ils n’en avaient cure, et je soupirai, me préparant au prochain assaut, qui n’allait très certainement pas tarder.

Aider un vieil agriculteur à porter ses récoltes toute la matinée, arrêter une bande de trafiquants à l’aide d’une équipe faite sur le tas, et rendre un coup de main à ma mère dans sa boutique. Les trois tâches de ma journée, qui m’avaient littéralement lessivées. J’avais définitivement besoin de me détendre, et il n’y avait rien de mieux qu’une petite promenade dans les rues calmes du village. Assez loin du centre-ville où le commerce allait bon train. D’un air absent, ma main alla toucher une ecchymose à la commissure de mes lèvres, sur la droite. Ces trafiquants ne s’étaient bien évidemment pas rendu sans faire d’histoire. Soupirant légèrement, je secouai la tête pour chasser cette période de la journée.

Les mains à présent dans les poches de mon pantalon noir, je m’avançai toujours d’un pas lent, profitant de la brise fraîche qui s’aventurait entre les habitations. Mais cet instant de calme fut subitement interrompu par des éclats de voix venant d’un rue voisine. Je venais de tourner sur ma gauche et quatre individus se trouvèrent devant moi. Lâchant un nouveau soupir, mes pas me faisaient me rapprocher d’eux, il y avait bien une centaine de mètres entre nous.

D’un côté, il y avait un trio, un couple me semblait-il, accompagné d’un plus jeune homme, surement leur fils à en juger par certaines de leurs traits similaires. De l’autre, un jeune garçon aux allures frêles, contre lequel les deux adultes s’égosillaient. Les sourcils froncer, j’accordai une nouvelle attention à la scène. Le plus jeune du quatuor avait l’air de les connaître et me paraissait tendu. Finalement, le blond qui lui faisait face lui lança un kunaï, que le garçon aux cheveux châtains esquiva habillement, un shinobi donc. Son assaillant réitéra ses offensives en lui envoyant une balle d’eau, qui alla s’écraser sur un petit bouclier de terre rapidement formé.

Je sentais que cette histoire allait dégénérer et il serait irresponsable de ma part de tracer ma route. Si j’avais bien compris, la famille avait perdu un fils, et il tenait le brun pour responsable. Nous verrons les explications plus tard. Cette fois, les trois assaillants sortirent des kunaïs, son bouclier ne ferait pas l’affaire contre tous ces projectiles. Maintenant à une vingtaine de mètres d’eux, mes mains formèrent des mudras, et un mur de plumes noires apparut devant le jeune garçon, le protégeant de la myriade d’armes fonçant sur sa personne.

« Vous n’avez pas honte de vous attaquer à un gamin ? » Lançai-je d’une voix froide en les fusillant du regard.

Tous les regards surpris se tournèrent dans ma direction, le père s’avança vers moi d’un pas lourd, les yeux lançant des éclairs.

« Mêle-toi de tes affaires sale gosse ! Ce gamin a été incapable de sauver mon fils ! Alors il doit payer aussi, que ses parents comprennent ce que ça fait ! » Cracha-t-il en pointant le concerné du doigt.

Incapable de le sauver ? Était-il médecin ? C’était possible. Ayant perdu mon père je comprenais parfaitement la douleur de cette famille, mais cela ne justifiait absolument pas leurs actes.

« Vous ne vous sentirez pas mieux en le tuant, ça ne ramènera pas votre enfant, alors calmez-vous. » Répondis-je d’une voix plus calme que tout à l’heure.

« Qu’est-ce que tu en sais ?! »

Sur ces mots, le père et la mère s’élancèrent vers moi à grande enjambées. J’étais assez épuisés comme ça, et n’avais aucune envie de me battre. Aussi grâce à deux signes, une dizaine de plumes se détacha du mur créé, pour se diriger dans ma direction. Elles passèrent sous le nez du fils à toute vitesse, avant de se retrouver au niveau des deux parents, et de les bloquer au mur de pierre d’une maison par leurs vêtements. Les mouvements à présent entravés, il serait plus simple de leur faire entendre raison. D’un regard noir, je dissuadai le fils de tenter quoi que ce soit, s’il ne voulait pas finir pareil.

« Puisque les mots ne vous atteignent pas, vous ne me laissez pas le choix. Ça va toi ? Qu'est-ce qu'il s'est passé exactement ? » Demandai-je au jeune que j’avais sauvé.

Alors que la situation commençait vraiment à dégénérer, les trois membres de la famille s’étaient maintenant tous engagés dans le combat, et s’apprêtaient à charge. Bon sang, je détestais me battre avec mes concitoyens ! Enfin, je détestais me battre tout court, mais encore plus avec des personnes que j’étais censé protéger.

Cependant, avant que leur attaque ne puisse trop progresser, un mur de…plumes ? s’érigea face à moi, bloquant ainsi l’avancée des kunais qu’ils m’avaient lancé. Je poussai un soupir de soulagement, ne lâchant cependant pas ma garde. Je levai mon regard sur l’intervenant, remarquant le bandeau, indiquant son appartenance au corps shinobis. Celui-ci semblait être de mon côté, puisqu’il agressa verbalement mes opposants.

Je sentis mon cœur se serrer de culpabilité, tout comme ma main se serra sur le kunai que je tenais. Bien que je savais que je n’aurai probablement pu rien faire pour ce garçon, je ressentais tout de même une part de responsabilité dans sa mort. Encore plus quand j’entendis la voix pleine de colère et de peine du père de la victime. Je restais muet, la volonté me manquant pour m’exprimer.

Ainsi, je laissais la situation se dérouler sous mes yeux un peu aveugles. Les choses empirèrent bien vite, le couple tentant maintenant d’attaquer celui qui m’avait aidé. J’esquissai un mouvement pour lui retourner la faveur, et grimaçais un peu quand je le vis passer à l’offensive lui aussi. Je n’y pouvais rien. Je savais qu’il avait raison, mais d’un autre côté, mon côté plus doux était en totale contradiction avec ce qu’il se passait.

Une fois que les parents furent bloqués sur le mur d’une maison, l’étranger n’eut pas grand-chose à faire pour dissuader le fils de continuer à se battre. Et une fois que le danger fut écarté, il se tourna vers moi pour me demander comment j’allais. Je me détendis légèrement, rangeant mon kunai dans sa poche. Je lui offris un petit sourire.

- Ça va. Merci pour l'aide. Ma jambe gigota un peu avant que je ne reprenne la parole, passant une main nerveuse dans mes cheveux. Ah…Hum… Il y a quelques jours, leur plus jeune fils est arrivé à l’hôpital avec une sévère blessure à la tête. Il n’y avait pratiquement aucune chance de le sauver, malgré nos efforts, et il est décédé. Il semblerait que sa famille n’ait pas vraiment apprécié. Je…J’étais l’un des médecins qui s’occupait de lui… Finis-je d’une petite voix.

Cependant, cette confessions ne fit que raviver les flammes de colère de la famille, même si le plus jeune des trois restaient immobile, alors que les parents vociféraient en luttant contre leurs entraves.

-C'est de ta faute ! Tu étais tellement incompétent que tu n'as pas réussi à le sauver ! Ne blâme pas ça sur une situation sans espoirs gamin. TOUT EST DE TA FAUTE !

Nerveusement le jeune garçon finit par me répondre me confirmer qu’il allait bien. Je n’avais pas envie de savoir dans quel état il aurait terminé si je n’étais pas arrivé à temps. Le brun passa fébrilement sa main dans ses cheveux lorsqu’il dû m’expliquer, la raison d’une telle haine envers sa personne. Ainsi ce gamin était vraiment médecin, avoir la vie d’êtres humains entre ses mains aussi jeune, ce ne devait pas être facile tous les jours. Je me demandai même si ce n’était pas un petit tôt pendant une seconde, avant de me dire, que s’il l’était devenu, c’était qu’il en avait surement les capacités. De nos jours, à partir du moment où l’on trouvait sa voie, il valait mieux s’y concentrer dès que possible pour être rapidement opérationnel.

Mais les cris du père interrompirent mes pensées. Je pouvais comprendre qu’au bout de seulement quelques jours, sa douleur demeurait inchangée. Mais il allait trop loin, personne ne pouvait savoir de quoi demain était fait. Les médecins n’étaient pas des dieux, parfois ils parvenaient à sauver leurs patients, parfois il n’y avait simplement plus rien à faire, c’était dur, mais c’était comme ça !

Voir la tête que faisait le jeune à l’entente de paroles aussi dures, qu’il se sentait réellement mal pour ce qui s’était passé, me faisait clairement perdre mon calme. Son sentiment de culpabilité était presque palpable. L’homme continuait de vociférer des absurdités.

« Tu as préféré le laisser mourir plutôt que d’appeler quelqu’un de plus compétent que toi espèce de sale gosse ! Tu mériterais de - ! »

« LA FERME ! »

J’en avais plus qu’assez de les voir s’acharner sur lui. En réalité, ce n’était même pas une question de souffrance trop difficile à contenir, mais clairement de vengeance, et rien d’autre ! Rapidement, je me rapprochai du père et l’empoignai par le col.

« Vous cherchez juste à vous venger par pure méchanceté et non parce que vous souffrez réellement ! Vous ne pensez pas que c’est déjà assez dur à vivre ? Les médecins ne peuvent pas tout soigner, et ça ne vous apportera rien de lui pourrir la vie ! Votre fils aurait surement honte de vous... » Lui crachai-je au visage d’une voix glaciale.

J’étais vraiment à deux doigts de le frapper, la mère commençait à m’insulter aussi, mais je m’en fichai.

Alors que mon sentiment de culpabilité refaisait surface, et ce malgré mon raisonnement plus que juste, que je n’aurais rien pu faire pour sauver leur fils, l’étranger finit par intervenir pour couper court aux vociférations de la famille. Son soudain éclat de voix me fit sursauter, et je braquai tout de suite mon regard surpris sur lui, grimaçant un peu quand je le vis empoigner le père.

Bien que ses paroles me rassuraient dans mon opinion, je ne pouvais cependant pas le laisser trop s’emporter sur des personnes qui étaient déjà prisonnières. Et bien que ses paroles me touchaient, je n’allait pas le laisser frapper l’homme comme il semblait en avoir l’intention.

Aussi, je laissai un petit sourire contraint s’afficher sur mon visage avant de m’approcher du groupe qui commençait à attirer un peu trop d’attention à en juger par certains rideaux bougeant dans les maisons. Une fois que je fus arrivé à leur hauteur, je saisi le rouquin par le bras qui empoignait le père offensant, avant de le faire lâcher prise doucement et de le tirer hors de portée du couple.

- Laissez, ça ne vaut pas la peine de s’acharner. La violence ne résoudra rien ici, seul le temps pourra les aider dans leur deuil. Je me tournai une dernière fois vers la famille. Et encore une fois, je suis désolé pour ce qui est arrivé, mais je n’aurais vraiment rien pu faire. Il était condamné avant d’arriver à l’hôpital.

Ils se contentèrent juste de me jeter un regard haineux, et je secouai tristement la tête avant de m’éloigner, tirant toujours l’étranger qui m’avait aidé. Ce ne fut que lorsque nous fûmes pratiquement arrivés au bout de la rue que les prisonniers de plumes finirent par se rendre contre de leur situation, leur fils toujours sans silencieux et immobile.

- HEY ! Tu ne vas pas nous laisser comme ça quand même ?!

Je les ignorai, continuant mon chemin. Bien que je ne sois pas si vindicatif, il n’en était pas moins, que je souhaitais une soirée tranquille, et que si je les détachais maintenant, il était évident que je pouvais dire adieu à mon objectif.

- Donc, comment vous-appelez-vous ? Ah ! Et merci pour votre aide ! Je ne sais pas si j’aurais eu l’envie de me battre contre eux si vous n’étiez pas intervenu ! Non pas que j’ai envie maintenant mais… Je me tus brusquement avant que je ne sorte plus d’âneries, avant de reprendre, une fois calmé. Je suis Yamamoto Kaito, enchanté.

Qu’on s’écharne comme ça sur un pauvre jeune me faisait sortir de mes gonds. Oui la mort d’un être cher était difficile, je le savais moi-même pour avoir perdu mon père des années auparavant ! Mais s’il y avait une chose qui m’avait sauté aux yeux également, c’était que la seule façon de dépasser cette dure épreuve, consistait à se serrer les coudes, à affronter la douleur ensemble plutôt que de la déverser sur autrui. Le décès de mon paternel n’avait fait que nous rapprocher davantage ma mère et moi, j’étais son soutien et elle représentait le mien, sans cela, je ne voulais même pas songer à la situation dans laquelle nous serions.

Alors oui, la maintenant, mon poing allait réveiller cet homme qui s’engouffrait dans sa haine, puisque les mots ne l’atteignaient plus. Seulement c’était sans compter sur le jeune garçon victime de leurs insultes. Je sentis ses mains m’attraper le bras doucement, je tournai alors brusquement ma tête vers lui. Le peu de force qu’il devait avoir dans ses bras frêles voulurent me faire lâcher prise. Mais ce furent plutôt ses mots qui me résignèrent à desserrer mes poings sur le col du père.

Le temps, hein ? Certes il amenuisait le chagrin lentement, une chose que je n’avais pas pris en compte. Certainement parce que je me sentais concerné par ce qu’ils vivaient, et cela m’avait fait perdre mon calme sans même que je ne le réalise. Lâchant un bruyant soupir, mes bras retombèrent le long de mon corps.

Les yeux des deux parents continuaient de foudroyer le brun, mais je n’y faisais plus trop attention. Comment pouvait-il sourire à un tel affront ? Si son apparence laissait croire à un être fragile, son moral et ses nerfs devaient être tout autre. Soudain il se mit à marcher, me tirant par le bras par la même occasion.

« He-hey... attend. »

Oui car les deux parents endeuillés demeuraient accrochés au mur de la maison. Quoique, les détacher risquerait de raviver leur colère et leur funeste envie de vengeance. Ce ne fut que lorsque nous atteignons le bout de la rue, qu’ils remarquèrent enfin leur situation, devenue presque comique, en fait. Le fils cependant, ne se fit pas entendre.

« Ça ne vous fera pas de mal, pour vous calmer un peu. Je reviendrai ensuite ! »

Ou pas... De sa voix grave l’homme me traita de sale gosse mais finit par se taire, ruminant dans sa barbe. Je secouai la tête de gauche à droite, il finirait bien par réfléchir, et la tension redescendrait. Le jeune médecin quant à lui ne dit pas un mot avant que nous soyons assez éloignés de la famille. Il me demanda mon nom, pour ensuite me remercier avant que je ne puisse répondre, pour finir par s’emmêler un peu les pinceaux. Je retins un sourire amusé lorsqu’il se tut brusquement, s’en rendant lui-même compte.

« Kosobayui Akio, enchanté ! Ne me remercie pas, je ne pouvais pas les laisser faire... On peut se tutoyer si ça ne te dérange pas. »

Yamamoto, ça me disait quelque chose, il devait être leu fils de ces médecins. J’attendis qu’il me réponde avant de reprendre la parole, d’une voix calme et amicale.

« Pour revenir sur ce que tu disais, la question n’aurait pas été de ton envie de te battre... Les aurais-tu laissé passer leurs nerfs sur toi pour qu’ils évacuent leur souffrance ? Parfois il faut savoir hausser le ton et montrer les crocs. Même si je ne te donne pas tort sur la fin, je me suis emporté... Comme d’hab quoi... ! » Finissais-je en riant légèrement, un peu gêné pour le coup.

Mon regard se riva ensuite sur la rue où demeurait toujours la famille. Leur fils tentait de retirer mes plumes, mais celles-ci étaient profondément ancrées dans la pierre. Il me suffirait d’un claquement de doigts pour les faire disparaître cela dit.

« Tu crois que c’est bon ? S’ils continuent je les laisse la pour la nuit. »

Un peu surpris par le côté si franc du manieur de plumes, je restais pantois un petit moment, avant de retrouver l’usage de la parole. Un large sourire se dessina sur mes lèvres avant que je ne réponde. Je sentais qu’on allait bien s’entendre si il paraissait aussi approchable et sympa !

- Bien sûr qu’on peut se tutoyer ! Enchanté de te rencontrer Akio !

J’écoutai les questions et les explications du rouquin, mais me gardai de répondre tout de suite. En un sens, ce qu’il me disait me rappelait un peu trop ce que m’avait dit Yuno-san. Cependant il formulait ses arguments d’une façon bien différente. Au lieu de me faire sentir inférieur et de m’offenser, j’arrivais un peu mieux à comprendre où il en venait. Sans pour autant que ça ne change ma façon de penser. Je lui offris donc un sourire sympathique.

- Non, je me serais défendu, mais sans passer à l’attaque. Je ne suis tout simplement pas le genre de personne à m’engager dans un combat sans raison. Mon sourire se fit un peu plus joueur. Et ne t’inquiètes pas, je sais montrer les crocs quand il le faut vraiment.

Je rigolai un peu avec lui, avant que le problème des parents en deuil ne refasse surface. Je fronçai un peu des sourcils. Je n’avais vraiment pas envie qu’ils reviennent me casser les pieds. Mais je n’étais pas non plus le genre de personnes à laisser des pseudos-innocents attachés toute la nuit à un mur. Soupirant, et m’attendant très franchement à ce que le couple revienne à la charge, je fis part de ma décision à Akio.

- Tu peux les libérer, ça ne me dérange pas. Je n’ai pas envie qu’ils aient plus de raison pour m’embêter.

Je repris ensuite ma marche, n’entendant pas les parents lancer des insultes derrière mon dos, ce qui m’informa qu’ils avaient compris la leçon. On approchait de plus en plus de ma maison, et je continuai tout de même la conversation, le ton légèrement amusé.

- Tu as dit que tu t’étais emporté, comme tu en as l’habitude. Cela veut-il dire que tu te retrouves souvent mêlé à des combats ? Mon haussement de sourcil marquant ma curiosité.

Contrairement à son attitude contrite de tout à l’heure, le jeune brun m’offrit un large sourire, lui faisant davantage ressemblé à un gamin. Mes paroles ne semblèrent pas tomber dans l’oreille d’un sourd. Kaito avait l’air d’accorder de l’importance à ce que je lui disais. Même si au final, il n’avait pas le même tempérament que moi, et aurait certainement choisi de rester sur la défensive. Le brun disait pourtant savoir montrer les crocs, ce chiot ? Mais ne jugeons pas trop sur son apparence tout de même.

« Je serai curieux de voir ça... Répliquai-je d’un air taquin. – C’est bien de pouvoir rester calme, mais faut savoir doser pour avoir la paix. » Finissais-je en lui faisant un clin d’œil.

Alors que nous rions un peu de notre échange, les deux parents accrochés aux murs nous rappelèrent leur présence. Le médecin trouva qu’ils avaient passé assez de temps immobilisés. Nous ne nous pouvions pas savoir qu’elle serait leur réaction. Lentement, je fis disparaître les plumes une à une d’une simple mudra. Le père fut le premier à poser complètement pieds au sol, et alla aider son épouse. Le patriarche me lança ensuite un regard courroucé, avant de finalement détendre les traits de son visage et soupirer. Bon, ça devrait aller, leur colère s’était calmée, accompagnés de leur fils, ils repartirent dans le sens opposé.

« Ils ont fini par relativiser, pour l’instant du moins... »

Lorsque je tournai ma tête en direction de Kaito, je m’aperçus qu’il avait continué sa marche. Secouant la tête, je le rejoins d’un pas rapide. Une fois revenu à sa hauteur, il reprit la parole. Une fois qu’il eut fini de parler, je plaquai ma main sur sa tignasse avant de le décoiffer.

« Mais de quoi j’me mêle hein ?! »

J’arrêtai ensuite ma torture pour lui répondre, légèrement amusé par la scène.

« Je t’ai dit qu’il fallait montrer les crocs, nan ? Avant j’étais comme toi... Je m’arrêtai pour lui lancer un regard en coin, attestant la venue d’une connerie. – Tout petit et chétif, alors on me voyait comme le souffre-douleur, jusqu’à ce que je rende les coups, et puis que la puberté arrive, t’inquiètes pas ça devrait pas tarder ! » Finissais-je en lui tapotant la tête avant d’éclater de rire.

Nous continuons à discuter quelque peu, dire que j’étais sensé rentrer chez moi... Bon c'était pas plus mal.

Je fus surpris quand il m’ébouriffa les cheveux assez fortement, portant mes mains sur ceux-ci.

- Oi, oi ! Pas les cheveux ! Pas les cheveux ! J’ai déjà assez de mal à les coiffer !

Il finit par arrêter sa torture et je replaçai tant bien que mal mes cheveux, marmonnant contre les gens stupides. Malheureusement, quand il reprit la parole, ce n’était pas non plus de façon gentille mais plutôt amusée et moqueuse. Tout de suite, avec un regard traduisant mon amusement, je montai sur mes grands chevaux . Je n’étais pas faible ! Je tapai sa main avant de mettre mes poings sur mes hanches, adoptant une attitude de petit prince effronté.

- Non mais oh ! Je ne te permets pas ! Je ne suis pas un souffre-douleur ! Et puis, la violence ne résout rien ! Mieux vaut les esquiver, leur dire à quel point ils sont nuls et partir en sifflant joyeusement ! Et puis oui, je gagnerai encore plus de classe une fois que j’aurai passer le cap de la puberté ! Tu peux me croire !

J’étais heureux. Cela faisait si longtemps que j’avais pu me comporter comme ça ! Depuis que j’étais devenu ninja, j’avais eu beaucoup moins d’occasion de laisser sortir ma vraie personnalité, de faire le fanfaron comme j’en avais toujours eu l’habitude. Ça faisait du bien de pouvoir le faire ici. Et très franchement, je n’avais pas envie que cette journée se termine de si tôt alors que pour une fois depuis longtemps je pouvais vraiment être moi-même. Dans cette optique, je me tournai vers celui qui à mon avis deviendrait rapidement un ami.

- Je n’habite pas loin, ça te dit de venir boire quelque chose ? Je sens qu’on va bien s’entendre alors je dois connaître tout ce qu’il faut pour pouvoir te renvoyer les piques que tu m’envois correctement !

Et c’était vrai ! Depuis le début il me lançait de petites piques, je voulais être capable de faire de même ! Hors de question de me faire battre sur ce terrain !

Dans un rire j’arrêtai de le torturer en le décoiffant, enfin, si on admettait qu’il était coiffé auparavant. Sa tignasse devait être pire que la mienne ! Je l’entendis marmonner tout en se recoiffant et cela ne m’aida pas à me calmer. Du moins jusqu’à ce que je reprenne mes paroles. Sa main tapa la mienne pour la faire dégager du sommet de son crâne et Kaito se posta devant moi, les poings sur les hanches. On aurait dit un chaton qui tentait d’impressionner un gros chat... Je plaçai ma main devant ma bouche pour qu’il ne voit pas que je me retenais de rire, mais bon j’étais cramé là !

« T’es mignon quand tu t’énerves, oui... » Lâchai-je avant de pouffer.

Du moins je savais qu’il ne l’était pas réellement, même s’il faisait mine de bouder suite à ma remarque. C’était juste une taquinerie de plus de ma part. Si je lui pinçai les joues est-ce qu’il me mordrait ? Au final, que je l’embête ne semblait pas le contrarier au contraire, le brun avait plutôt l’air de s’amuser, à croire que ça lui arrivait rarement ces moments de rigolades. Si j’avais eu un petit frère il en aurait bavé avec moi, c’était certain ! Mes parents déjà en avaient vu de toutes les couleurs avec mes bagarres et le reste. On ne pouvait pas dire que j’avais été facile, même si en soi je n’avais rien demandé, moi.

Il reprit ensuite son chemin et je le rattrapai d’un grand pas sans mal. Je n’étais pas obligé de rentrer chez moi tout de suite, mais Kaito, j’ignorai ce qu’il avait de prévu. Ses parents voudraient surement que leur petit chéri rentre à la maison... Heureusement qu’il ne lisait pas dans mes pensées. Finalement, le jeune médecin répondit de lui-même à ma question intérieure et me proposa de venir boire un verre chez lui. Cependant sa motivation première n’était pas réellement de faire connaissance, le sale gosse... Mais donnons-lui encore une petite leçon !

« Maintenant que je le sais, je ne risque pas de te révéler quoi que ce soit... Seconde leçon, ne jamais révéler ses intentions les plus mesquines ! » Mon majeur alla claquer sur son front dans une pichenette.

Je le suivais ensuite jusqu’à chez lui, un quartier calme où les maisons à étage étaient assez espacées les unes des autres.

« Tu dois vivre avec tes parents non ? Je ne vais pas déranger ? »

J’affichai un sourire aux propos d’Akio lorsqu’il me donna sa leçon sur le fait qu’on ne devait jamais révéler ses intentions. Oh je sentais qu’on allait vraiment bien s’entendre. C’était la première fois que j’étais aussi détendu depuis un bon moment. Cependant mon sourire s’effaça bien vite quand il me donna une pichenette sur le front. Aussitôt un regard noir vint se poser sur le rouquin alors que je passais ma main sur la partie « blessée ».

- Meh, je suis sûr que le grand Akio pourra m’enseigner alors. Dis-je avec un sourire amusé en roulant des yeux.

Je continuai ensuite le peu de chemin qu’il nous restait jusque chez mes parents. Alors que je passai la clé dans la serrure, le Kosobayui me demanda si il n’allait pas déranger. Je haussai un sourcil. Il était en fait poli quand il le voulait. Non pas que ce soit un défaut, mais ça me surprenait vu le comportement qu’il avait montré jusqu’ici. Je suppose que c’est là que le dicton « ne jamais se fier aux apparences » entre en jeu. Secouant la tête, je finis par entrer dans la maison, m’adressant à mon invité.

- Ne t’inquiète pas, mes parents travaillent jusque tard le soir, donc à mon avis, tu seras parti avant qu’ils n’arrivent.

Je le laissai entrer en me décalant pour retirer mes chaussures. Mes épaules se relaxèrent aussitôt que la porte fut fermée derrière nous. Bien que j’aimais ce que je faisais, rien ne valait d’être capable de rentrer chez soi et de se détendre. Retirant ma veste et ma cravate que je posais sur le canapé, je me dirigeais vers la cuisine. Je me servis un verre d’eau tout en m’adressant à Akio.

- Qu’est-ce que tu souhaites boire ? J’ai de l’eau, du lait, du café, du thé, du jus de fruit. Qu’est-ce qui te tente le plus ?

Je le laissai me répondre et lui apportai son choix, allant m’asseoir sur le canapé. Je bus une gorgée d’eau avant de retourner mon regard sur le rouquin. Un sourire engageant sur les lèvres, je finis par reprendre la parole.

- Donc, tu sais plusieurs choses de moi, mais je ne sais rien de toi. Puisqu’on a commencé par la famille, est-ce que je peux en savoir plus sur la tienne ?

Je n’aurais pas été moi, si je n’avais pas éclaté de rire au regard noir peu crédible qu’il me lança après ma pichenette. Je sentais vraiment que Kaito allait un peu être comme un petit frère pour moi, et cette petite tête en aurait bien besoin, tout gentil qu’il était.

« Seulement si tu le mérites ! »

Nos échanges plus que bruyants brisaient la tranquillité du quartier où résidait le jeune médecin. Mais cela n’avait pas l’air de déranger les quelques passants, à en juger par leur sourire et regard amusés dans notre direction. Les soucis de tout à l’heure avaient été littéralement expédiés aux oubliettes ! Mais une fois devant le perron du Yamamoto, un doute s’insinua tout de même dans mes pensées. J’ignorai ce qu’il y avait de bizarre dans ma question, mais le chiot me dévisagea un moment avant de m’assurer qu’il n’y avait personne chez lui. Et un nouveau sourire mesquin étira mes lèvres.

« J’imagine qu’il vaudrait mieux pour toi, qu’est-ce qu’ils penseraient sinon ? » Une lueur malicieuse flotta dans mes yeux sur le sous-entendu, avant que je ne ricane et franchisse la porte.

J’enlevai rapidement mes chaussures puis me dirigeai vers le salon, tandis que mon hôte allait dans la cuisine adjacente. Sans sa veste et sa cravate, il paraissait encore plus jeune, de quoi bien le charrier mais bon je m’abstenais pour cette fois. Sa voix lointaine me tira de mes pensées, tiens puisque ma mère me bassinait sans cesse avec ses produits laitiers – à mon avis elle n’avait pas vu les années passer... -, j’allais lui faire plaisir. Kaito revint rapidement avec deux verres, puis s’assit à son tour. Mon verre de lait à la bouche, je l’observai par-dessus.
Je n’avais pas remarqué la moustache formée par ma boisson lorsque j’entrepris de lui répondre.

« Eh bien je vis seul avec ma mère depuis notre déménagement à Kiri il y a ... hum quatre ou cinq ans. Mon père est mort en servant le Shukaï, avant notre départ... »

Mon regard s’assombrit un instant alors que je touchai le collier à mon cou, mais je repris assez vite contenance.

« Depuis ma mère a ouvert un petit commerce et je l’aide de temps en temps. Pas vraiment simple d’arriver comme ça, tu t’en doute. »