Le clan Kinzoku, grand manieur de métal … C’est la classe suprême ! Je vais pouvoir voir « en vrai » des hommes et des femmes capable de tordre des bouts de métal extrêmement solides et rigides. Je m’armais déjà de mes plus beaux bloc-notes et stylos pour prendre chaque pensée en note. Certes, j’avais une mémoire des plus impressionnantes, mais elle n’était pas totalement infaillible et surtout lorsque je suis excité comme un puce à l’idée d’une nouvelle expérience, ou découverte. Avant même de les rencontrer, j’essayais déjà de trouver une explication rationnelle et logique à cet art qui chamboulait totalement les lois et les rapports de forces universels. Evidemment, et sans surprise, je n’ai rien trouvé de concluant. Malheureusement, ce n’est pas avec une quatorzaine d’années d’expérience que l’on va développer de telle théorie … J’avais encore trop à apprendre. Je soupire, et m’adosse nonchalamment sur le dossier.

- Les clans sont souvent très fiers de leur nom et de leur maîtrise. Alors Tengoku, n’oublies pas de montrer du respect à chacun, même lorsqu’ils sont agaçants, je t’en prie. Je te supplie, dirais-je même, finit par dire le vieil homme d’une voix chevronnant.

Ce vieil homme était mon tuteur pour cette année, tant que je foulerais les environs du pays de la Foudre. Effectivement, mon apprentissage en médecine s’articulait autour de deux grands axes : des études théoriques au temple une moitié d’année, et des études pratiques avec des médecins dans différents coins du Yuukan. L’objectif était donc double : avoir les connaissances de base, et connaître les différents cas selon différents environnements et alimentations. Incroyable mais vrai, certaines personnes qui mangent plus de brocoli que d’autre ont droit à des mêmes maladies. La nourriture était vectrice de maladie, ou du moins déclencheur de pathologie dormante.

- Oui Chef, dis-je calmement, un petit morceau de blé entre les dents, observant le paysage d’un sacré gris triste d’un air morne. Là où les gens se plaindraient du manque de soleil, je vois d’avantage mille et une raisons pour des maladies particulières ou encore l’éternel et répétitif manque de vitamines D.

La charrette finit par s’arrêter devant une maison. Mon vieux mentor se glisse tant bien que mal – et avec mon aide en surplus – du charriot, et se dirige droit vers la porte pour toquer. Aussitôt, un homme apparaît à l’embouchure. Une chose était sûre : il mesurait deux fois la taille de mon petit tuteur nain. En soit, ce n’était pas un exploit mais cela n’en restait pas moins impressionnant. Par automatisme, j’identifiais déjà les points forts comme faibles et ses potentiels problèmes au fur et à mesure qu’il allait vieillir. Cet homme allait « bien » vieillir : voilà ma seule conclusion.

- Je te le confie le temps que je puisse me rendre au chevet d’un grand malade qui requiert toute mon attention et tous mes soins. Je te remercie mon ami de ce grand service.

Encore quelques échanges amicaux, et voilà que les chemins se séparent. Par contre, cette fois, je ne suis pas mon vieux tuteur. Je reste avec ce « Kinzoku ».

- Bonjour, Je suis Tengoku Suchiru ! ENCHANTE ! dis-je avec un certain enthousiasme en m’inclinant, comme le protocole l’exigeait vis-à-vis des aînés. Par avance, je vous remercie de m’héberger. Je promets de ne pas être un poids pour vous !

Une formule que l’on m’avait fait répéter à mainte reprise … et qui était plutôt efficace les premiers jours. Les gens y croyaient, et ne cherchaient guère loin. Pourtant, déjà dans mon esprit j’imaginais ma sortie nocturne, la découverte des ruelles et bien d’autres choses.

- Dites, Papy. Vous savez maîtriser le métal ? demandais-je soudainement, les yeux plein d’étoiles. Tu peux m’en faiiiiiiiiiiiiire la démonstration ? Dis ouiiiiiiiiiiiiiiii …

Ça serait si beau. Ça serait si généreux. Ça serait si génial.

Confortablement installé dans son fauteuil, Akinobi profitait de la brise automnale qui s’infiltrai par la fenêtre de son salon pour s’échapper par celle de sa cuisine. Derrière ses traits bourrus, l’homme possédait un cœur tendre et bien veillant, à l’opposer de ce qui était coutume dans son clan. Son caractère ne ressemblait en rien à celui du reste de ses frères et sœurs de sang : serviable, empathique, gentil et désintéressé par l’argent. Il s’était taillé au cours des années une solide réputation parmi la population civile, ses talents de médecine couplée à sa maîtrise du métal ayant fait de lui le meilleur acuponcteur de la région. Aujourd’hui plus qu’un autre jour, il devait préparer sa maison pour l’arrivée d’un nouvel invité : l’élève de son ancien mentor et ami de longue date. Cela faisait plus de 10 ans maintenant qu’il n’avait pas pu le revoir, l’homme ayant décidé de s’éloigner de sa terre natale pour parcourir le monde. Une quête qui l’avait amené à découvrir des merveilles que Akinobi n’aurait jamais soupçonné l’existant. Le Kinzoku attendait chacune des lettres de son vieil ami avec la même fougue que dans sa jeunesse.

L’heure approchant, il s’extirpa de ses pensées puis se prépara à sortir. Une fois les dernières fenêtres de sa bâtisse fermée, il se mit en route vers le point de rendez-vous qu’il avait fixé : le croisement entre deux ruelles menant à la demeure d’un ainé du clan. Ce dernier était tombé gravement malade, raison de la venue de son vieil ami, et le pronostic vital que les médecins donnaient n’avait rien d’encouragent. Il ne restait au Kinzoku que quelques jours à vivre et le village connaissait une effervescence funèbre. Des visiteurs de tous horizons se présentait, disant connaître le mourant et souhaitant lui adresser une dernière prière. Un bien triste jour pour des retrouvailles entre vieux amis.

Déambulant dans les ruelles de la ville, Akinobi aperçut au loin la silhouette de son vieux maître se dessiner, accompagné d’un enfant devant avoir un peu plus de 10 ans, tous deux assit dans une charrette. Il s’approcha d’eux puis salua son maître avec le plus grand respect avant de saluer plus simplement son élève. Le vieil homme le remercia du service rendu, puis après quelques paroles amicales repartit aussitôt vers la raison de sa venue. Akinobi se retrouva seul en compagnie du garçon dont il avait la charge et prit toute l’ampleur de la tâche qui l’attendait. Ce dernier se présenta sous le nom de Tengoku Suchiru et montrait un enthousiasme débordant, sans oublier le protocole qu’il incombait de suivre face à un ainé.

« Bonjour – s’exprima l’homme avec sa voix grave et intense – je m’appelle Kinzoku Akinobi. Ne t’en fait pas pour la gêne, j’héberge l’élève de mon ancien maître avec plaisir ! »

Le Kinzoku l’invita à le suivre à travers le dédale de rue pour le mener jusqu’à son foyer où il pourrait déposer ses affaires. Observant l’enfant du coin de l’œil, un brin stressé par son agitation, il l’écoutait quémander une démonstration quant à sa maîtrise du métal. Amusé, il décida d’y répondre par des actes plutôt que par des mots. Il joignit alors ses deux mains puis forma une petite figurine, représentant l’enfant puis s’arrêta un instant pour la lui donner.

« Tiens, c’est pour toi. Tâche cependant de bien te tenir, tous les membres du clan ne sont pas aussi conciliant que moi et il n’est pas sage de trop attirer l’attention. S’expliqua-t-il tout en se mettant à la hauteur de Suchiru. »

Quelques minutes plus tard ils arrivèrent sur les lieux. Une fois rentré, l’hôte invita son invité à enlever ses chaussures puis à le suivre jusqu’à se chambre pour déposer ses affaires puis à revenir dans le salon pour s’installer.

« Assis-toi, je vais chercher du thé. Si tu m’expliquais, pendant que je le prépare, pourquoi est-ce que tu suis le vieux maître ? »

J’accepte volontiers le bout de métal à mon effigie. Ce qui m’intéresse n’était pas le fait que j’avais une figurine métallique à mon image, fait par un Kinzoku. J’avais un bout de métal dont chaque molécule avait été parcouru et modifié par le chakra d’un Kinzoku ! Mes yeux brillaient à l’idée de toutes les découvertes que j’allais bien pouvoir faire avec ! Est-ce que le métal crée était plus solide qu’un métal équivalent extrait à même la roche ? Est-ce que la figurine montrerait un quelconque signe de faiblesse avec le temps ? Est-ce que la structure était plus différente, avec de fines rainures indiquant la présence de réseaux chakratiques ? Enfin, et plus important, est-ce que le chakra coulait toujours dans la figurine ?

J’eu droit à un petit tour de ce qui allait être ma maison pour les semaines, voire mois à venir. La chambre n’était pas exceptionnelle mais elle était plutôt douillette. Et, surtout, c’était la « mienne ». J’avais eu droit à quelques tuteurs avec qui je dormais, et me réveillais … L’horreur, surtout s’ils ronflaient ou pétaient. Je l’aimais déjà, ce bon vieux Kinzoku. Je dépose mes affaires qui se résument principalement à un sac, rempli de rouleaux et de petits carnets. Chacun avait un sceau spécifique, et donc contenant une chose précise. Cela pouvait être des objets, ou encore des écrits.

Nous retournions dans le salon, où il se propose à préparer un thé. Je me tais, me retenant de dire que je précise les sirops avec un brin de citron pour apporter un brin d’acidité. On me répétait sans cesse que ce n’était pas bon pour la santé – et j’adhère, en théorie – mais je me trouvais tout simplement trop jeune pour me mettre au régime austère des vieux ! M’enfin, ces derniers n’aiment pas « vraiment » qu’on le dise à haute voix. Tout le monde n’acceptait pas la vieillesse.

- J’ai été confié au Temple de Benzaiten à ma naissance. Dans ce temple, il est coutume de confier les jeunes recrues prometteurs à des tuteurs au quatre coins du Yuukan pour une formation pratique, puis de revenir quelques mois de l’année au temple pour suivre des cours théoriques.

Je me sers du thé pour en avaler une petite gorgée chaude.

- Je veux devenir médecin, pour comprendre les origines des hommes et du chakra, conclus-je, fièrement. Je veux savoir comment le chakra peut remettre en question la quasi-totalité des lois physiques de ce monde ! Nous ne sommes pas censés créer du métal, et si nous le créons, nous devrions avoir une force équivalente pour la façonner à notre guise. Notre force se résume à cette tasse de thé, et la force du métal à cette table … Par exemple. Comment une petite tasse peut détruire une table ? Ce n’est pas logique ! Et pourtant !

Et c’était partie. Il suffisait de me lancer sur le sujet, de près ou de loin, et me voilà partie sur un long résumé sur les possibilités du chakra.

- Pour comprendre nos origines, je dois déjà comprendre notre composition et structure. Vos leçons d’acupuncture m’aideront sûrement à comprendre la structure du corps humain. Comment réagit le corps et ses muscles à un traitement spécifiques ? Quels nerfs contrôlent quelle partie ? Le corps est une machine complexe. Il suffit qu’un grain de sable s’y glisse pour que tout se retrouve perturbé.

Sans m’en rendre compte, je m’étais levée à demi, les mains posées à même la table, le regard brûlant d’un ardent désir de tout apprendre tout de suite et immédiatement.

- ALORS ! Pas le temps à perdre ! Par où commence-t-on ? Des leçons théoriques ? Des cours sur des animaux ? Une démonstration ?

Le Kinzoku alla jusqu’à sa cuisine d’un pas pressé, puis s’attela à la préparation du thé. Bien que son apparence bourrue puisse faire penser de lui qu’il était un homme dépourvu de finesse, ses actions prouvaient tout le contraire. Dans sa maison, le thé était élevé au rang d’art, tout comme sa profession. Pour parvenir à faire un thé d’une qualité supérieure, il fallait connaître à la perfection et ce pour chaque type de thé : la température de l’eau au moment de l’infusion dans la théière, la durée de l’infusion, la quantité dudit thé et enfin la quantité d’eau. Maître dans cet art, il compta à la seconde près chacun des étapes puis sorti de la cuisine, quelques minutes plus tard, portant un plateau sur lequel reposait deux tasses et une théière. Le mélange de traditionalisme et de modernisme qu’incarnait Akinobi surprenait souvent, et bien qu’il ait des avis divergents de ceux de son clan sa sagesse et son calme lui permirent de se faire accepter malgré les conventions.

L’invité attendit patiemment que son hôte revienne puis, après s’être servi d’une gorgée de thé, lui raconta son histoire. A peine naquit, il avait été confié aux moines du temple de Benzaiten. La coutume voulait que l’on confiât les enfants prometteurs à des tuteurs qui leur feraient découvrir leur monde, pour revenir quelques mois dans l’année pour l’apprentissage théorique de leur formation. L’apprentissage des moines étaient connu pour sa dureté et sa sévérité. Les mauvais traitements d’ordres physiques étaient souvent appliqués pour ceux qui ne respectaient pas les règles. Nombre de jeune se retrouvaient ainsi forcé à devenir comme les moines, les coups visant à les briser pour mieux les reconstruire par la suite.

En plein voyage initiatique avec l’ancien maître du Kinzoku, le jeune garçon souhaitait suivre la voie des guérisseurs, reconnus de par le monde pour leur maîtrise des plantes et du corps humain. Mais, contrairement à ceux possédant l’aura, Tengoku désirait devenir un Eisennin. Avide de connaissance, Tengoku disait vouloir comprendre l’origine des hommes et du chakra, une voie parsemée d’obstacles qu’il lui faudra surmonter pour espérer trouver ces vérités. Des vérités très loin des considérations d’Akinobi qui, bien plus terre à terre, se concentrer sur l’instant présent et sur le passé plus que sur l’avenir. Le garçon continua sur sa lancé, renchérissant par toujours plus de questions aux affirmations qu’ils prononçaient, avant de finalement terminer en se levant, bousculant par la même occasion la table et la théière posée dessus. L’eau bouillante jaillit par le haut et éclaboussa le plateau de fer dans lequel elle reposait. Pris dans sa fougue, le garçon ne s’était pas rendu compte de ce qu’il venait de se passer et demanda au Kinzoku quand est-ce que l’entrainement aller commencer, et surtout par quoi.

« Et bien, tu me sembles déborder d’énergie. Lâcha Akinobi avec un sourire dissimulé. L’homme se releva puis alla chercher un torchon dans la cuisine avec lequel la flaque de thé. Avant de prétendre à vouloir connaître le monde, il faut d’abord se connaître soi-même, et connaître les bases. Tu dis vouloir devenir un Eisennin, mais connais-tu le corps humain ? Ses muscles, ses organes, son squelette, les tenketsus et le système circulatoire du chakra ?»

Akinobi retourna à la cuisine pour y déposer le torchon détrempé puis se rassit sur le canapé et profita d’une gorgée de thé. Dans sa maladresse, il avait oublié de préciser au jeune homme que ce léger dérangement n’était pas grave ce qui dans la situation présente n’aurait pas été de trop. Remarquant qu’il se sentait mal à l’aise, le Kinzoku décida de le rassurer avant de continuer sur sa lancée.

« Ne t’inquiète pas pour tout ça, ce n’est rien. Explique moi plutôt l’étendu de tes connaissances que je puisse connaître ton niveau.»