Ainsi c'est donc ça un casino... Saori laisse son regard vagabonder sur l'établissement à la taille impressionnante, de l'autre côté de la rue. De ce qu'elle en sait il s'agit d'un endroit où les gens se rendent lorsqu'ils ont envie de gagner des ryos ou s'amuser. Un haut lieu de la détente en quelque sorte. Ce concept résonne étrangement dans l'esprit de la noiraude qui n'a guère eu le luxe de se... détendre pendant ses deux décennies de vie. Mais elle n'a rien contre le fait de découvrir de nouveaux horizons. Tout le monde semble s'accorder sur l'intérêt de ce lieu. Et s'il ne saute pas spécialement aux yeux de la jeune femme elle veut bien lui laisser le bénéfice du doute. Qui sait? Peut-être qu'à l'intérieur tout deviendra évident...

Mais avant d'arriver à cette étape l'enfant de Kaze souhaite tout de même savoir où elle met réellement les pieds. Et si un tour du bâtiment ne l'aidera pas forcément à y voir plus clair il aura l'avantage de lui offrir différentes perspectives sur ses échappatoires possibles. Une forme de prudence acquise au cours de longues années loin de l'air libre ou même de la lumière du soleil. Une telle chose ne se reproduira pas. Jamais! Et même si elle ne peut évidemment pas anticiper les dangers qui pourraient l'attendre à l'intérieur de ce casino, elle peut au moins s'assurer qu'aucune menace ne rôde à l'extérieur. Histoire de calmer quelque peu l'anxiété qui la gagne gentiment. On se rassure comme on peut n'est-ce pas?

Ses pas la mènent d'abord sur les flancs de l'établissement où quelques personnes saoules mais joyeuses chantent en coeur. D'autres se contentent simplement de discuter avec une proie d'un soir ou d'une vie. L'ambiance semble bon enfant et les autorités y veillent. Du moins si la noiraude se fie aux hommes et femmes à l'allure martiale qui se balade en duo. Mais dès que la noiraude passe les barrières qui bloquent l'accès à l'arrière du casino les choses deviennent tout de suite plus... étranges.

Elle remarque d'abord un corps allongé sur le sol, la gorge ensanglantée. Une pression de ses doigts sur la carotide de l'individu lui arrache un soupire agacé. Trop tard! S'ensuit un examen aussi approfondit que la lumière ambiante le permet: la carotide semble avoir été perforée par... une lame? Saori ne voit pas ce qui pourrait causer ce genre de blessure si ce n'est une arme de petite taille mais particulièrement tranchante. Mais il faut dire aussi qu'elle n'a pas la prétention de connaître tout l'équipement que ses congénères utilisent pour se faire du mal. L'humain est particulièrement attentif lorsqu'il s'agit d'ôter la vie de son prochain. Quoi qu'il en soit l'enfant de Kaze, malgré des connaissances poussées dans le domaine médical, n'a pas le pouvoir de ramener quelqu'un à la vie. Pas encore tout du moins...

*Puissiez-vous reposer en paix!*

Elle soupire à nouveau puis ferme du bout des doigts les paupières de l'inconnu pour l'éternité. Que faire de plus sinon aller avertir un représentant de l'autorité de cette macabre découverte? Déçue autant qu'agacée, Saori s'apprête donc à rebrousser chemin quand une silhouette qu'elle n'avait jusque alors pas remarqué - était-elle là pendant tout ce temps? - se dessine dans l'ombre. La responsable de tout ceci? Une autre personne guidée par la curiosité?

La noiraude continue de s'avancer, consciente qu'il vaut mieux ne pas trahir son appréhension dans ce genre de situation. Et puis ce n'est pas non plus comme si elle était sans ressources: refuser d'ôter la vie ne signifie pas pour autant que vous êtes incapable de vous défendre efficacement. Cette nuance semble pourtant échapper à de nombreuses personnes. Pourquoi? Encore un mystère qu'elle a de la peine à élucider. À croire que seul le meurtre ait une quelconque valeur d'avertissement dans le Yuukan.

"Je ne sais pas si vos intentions sont belliqueuses mais je me dois de vous avertir: je ne suis pas une proie fa..." commence-t'elle prudemment avant de s'arrêter net. "Mais... vous saignez?!"

Une autre agression? Cette fille-là ne semble pas porter d'armes sur elle - ce qui en soit ne veut rien dire! - mais ce qui est certain, en revanche, c'est que du sang coule au creux de ses lèvres puis sur son menton avant de s'écraser en gouttelettes régulières sur le sol. Victime ou coupable, peu importe. Il ne lui appartient pas de juger les actes des autres. L'homme de tout à l'heure est mort et elle ne peut rien faire de plus pour lui. Tandis que pour cette fille au teint pâle...

"Laissez-moi vous aider, d'accord?" propose-t'elle sur un ton conciliant. "Je suis versée dans les arts médicaux!"

Ces derniers mots sont offerts comme un argument sensé convaincre l'intéressée d'obtempérer. Que lui est-il arrivé? A-t'elle été battue? Pire encore? L'absence de réaction de la demoiselle pourrait traduire un état de choc. Ce qui est sûr c'est que la noiraude ne peut décemment pas la laisser dans un état pareil. Puisque elle a les moyens de l'aider, elle le fera. C'est ainsi que Saori continue de s'avancer prudemment vers son interlocutrice. Le tout sans se douter un seul instant que le sang qui macule son visage n'est pas le sien.

Il faut parfois savoir se détendre, relâcher la pression accumulée durant les dernières semaines. Car oui le repos n'est jamais de trop quand on travail pour le Kyomu. Entre deux missions, la pression qui augmente. Entre des meurtres, la pression s'accumule, entre des rapports à faire, la pression insupportable. Il faut savoir tout lâcher avant de péter une durite. Toujours donnant de sa personne, prouvant aux yeux de Yami et de la Saibogu qu'elle est digne. Digne, et même égale à elles. Chacune suit son propre mode opératoire. De tous les membres du Kyomu La croit savoir que seules les anciennes Sunajins sont autant versées dans l'art de donner la mort. Pour l'une il faut traquer sa proie comme le démon qu'elle abrite en elle. Pour Yami, c'est plus complexe, la Comtesse tue sans distinction les adversaires se dressant en travers de son chemin. Il suffit de lui avoir mal présenté un repas pour voir danser dans son regard l'envie irrésistible de meurtre. Chacune possède néanmoins des excuses à ces pulsions dangereusement destructrices. Avoir un démon n'est jamais chose aisé, quand à la seconde disons que La pardonne plus facilement à un membre de sa famille qu'elle ne le ferait à Oniri. Yami n'a pas encore succombé aux véritables pulsions dévorantes qui sommeil en chacun des manieurs de sang. La malédiction de Jashin pour d'autre une bénédiction, quoi qu'il en soit il est vrai que la mort et plus particulièrement le sang est au centre de la vie de chacun des vampires.

La ne tue pas sans raisons, du moins elle se limite après avoir juré de ne pas ressembler à son aînée. Préférant largement les exaltations des différentes drogues et alcools en tout genre que de devoir se salir les mains. Bien sur parfois, au cœur des combats, et lorsque la colère l'emporte elle s'adonne alors à une folie laissant le plus souvent des corps inanimés dans son sillon. C'est l'héritage de tout un clan, elle n'est pas une exception mais ici dans le bar du Kyomu elle n'a pas besoin de se salir les mains. Guère envie de chasser dans la nuit pendant des heures sa proie. Il y a quelque chose de malsain, de presque pervers à chasser partout une victime. Pas que la torture ne la répugne, mais il est absolument inconcevable de laisser courir une proie pendant des heures. Cela à tendance à plus la fatiguée que son futur repas. Sauf exceptions, lors de la dernière purge dans la capitale elle avait du se résigner à chasser les opposants au Kyomu. Pas par désire sadique, mais pour s'assurer du nombre correspondant et qu'ils ne possèdent pas de renforts.

Mais en cet instant La est tranquillement adossée dans les arrières coursives du casino. La foule lui donne en cette soirée un mal de tête des plus fameux, l'alcool qu'elle a ingurgité menaçant de sortir à tout instant. Elle qui avait fait des efforts sur la drogue, la voilà retombant dans des vieux excès. L'adolescente allume une cigarette, se force à respirer pour éviter de répandre le contenu de son estomac sur le sol et tapote du pied. Elle attend son repas du soir, elle sert de bourreau ici autant qu'elle le peut. Etre membre du Kyomu a ses avantages. Les mauvais payeurs et tricheurs en font les frais, elle laisse la sécurité lui amener les proies et s'occupe de les faire disparaître. Ce n'est même pas du travail, un passe temps et surtout des repas faciles et à volontés.

On lui traîne un homme, le visage sale et le regard vicieux. La sécurité le laisse sans attaches se contentant de s'assurer que personne ne rentre dans les minutes suivantes. Comme à chaque fois les victimes sont agréablement surprises de tomber sur une adolescente au teint blafard. Les plus pervers croient leur jours de chance arrivé, les plus méfiants commencent directement à se jeter sur La. Parfois c'est un shinobi qu'elle doit exécuter, aucune différence. Fondant sur la victime elle s'assure de le malmener, puis le blesse.

Et puis La s'autorise de temps à autre un petit délire mauvais. Elle joue avec le sang de sa victime, presque curieuse de voir les différents stades de son repas. Au fur et à mesure qu'elle vide sa victime de son sang, ils se débattent de moins en moins. Une majorité supplie, une infinité part sans regrets. Ce sont tous des hommes, La refusant de tuer des femmes. A la place elle préfère les envoûter, avec le temps le genjutsu est bien plus pratique qu'auparavant. Elle en fait alors des servantes, détestant les priver de volonté. Elle préfère leur donner le seul choix possible. Servir de repas quotidien et rester en vie, La ne prenant jamais plus qu'il ne faut ou mourir ici. La finalité est la même la Ketsueki puisant dans leurs sangs.

Elle ne remarque pas tout de suite la femme qui justement est tombée sur le corps. Elle avait pourtant spécifiée qu'elle ne prenait pas les fautives, elle arque une moue ennuyée avant de s'avancer. Puis de comprendre le quiproquo, elle n'est pas d'ici et possède un étrange discours. Non de manière plus simple soit l'autre est une excellente manipulatrice, une tueuse envoyée pour détruire le Kyomu. Et c'est possible au vu des agissements de l'organisation dernièrement. Soit, soit c'est une sotte ou une inculte ne sachant pas ou elle a mit les pieds. Optant pour la seconde solution la Ketsueki effectue rapidement un lien mental entre elle et son interlocutrice.

-Je n'ai pas besoin de votre aide. Je suis une Ketsueki et c'était mon repas que vous avez interrompu, j'espère que vous avez une bonne raison de l'avoir fait. Je déteste être dérangée quand je mange, comme chacun j'imagine?

Elle allume une cigarette et en propose une à l'inconnue. Elle reste sur ses gardes, au pire des cas l'établissement est sous garde du Kyomu. Peu probable que si elle tente quoi que ce soit elle reparte d'ici sans avoir été, au minimum décrite de la tête au pieds aux membres du Kyomu. Cendrant au sol et s'adossant sur les murs, elle essuie le sang sur sa bouche. C'est embêtant, elle reste sur sa faim. Elle déteste faire du gâchis mais là c'était hors de sa volonté.

-Vous êtes dans un établissement privé, de surcroît réservé à ses membres. Ici en arrière salle c'est dangereux de s'y introduire sans invitations, les gens avec qui je partage mes journées et membres de cet établissement sont dangereux. Disons pour faire simple que j'appartiens à une organisation dont les activités ne se limitent pas à des jeux d'argents. Disons que ce sont d'autre jeux, mettant en général la vie en jeu. Et comme vous l'avez comprit en me regardant, es gens donc pas bien intentionnés, je suis comme vous devez avoir fait le rapprochement membre de cette organisation. En général les gens qui entrent ici n'en ressortent pas vivant, ils finissent comme ce misérable exsangue. Mais vous n'avez pas l'air d'être l'un d'eux et j'ai une sainte horreur de prendre de sang que nécessaire. Je suis Ketsueki La et vous êtes?

Faire simple et concis. Le dialogue doit vite s'installer.

-Et si je parle dans votre tête, c'est parce que je ne peux pas faire autrement. Désolé de l'irruption donc.

Sans préciser la raison de cet handicap.

Les pièces du puzzle s'assemblent d'une façon que Saori n'escomptait pas: cette fille qui parle dans sa tête n'est pas une victime. En tout cas pas au sens conventionnel du terme. Elle étrange, c'est certain. Malade peut-être? La noiraude n'a pas connaissance d'une maladie poussant des humains à boire le fluide vital d'autres humains mais elle est loin de posséder la science infuse. Ce qu'il y a de merveilleux en biologie c'est que mère nature ne cesse jamais de vous étonner. Tantôt fascinante, tantôt effrayante, elle se caractérise par sa faculté à vous faire douter de tout ce que vous pourriez considérer comme acquis. Et il semblerait qu'un parfait exemple de cette dualité se trouve maintenant face à l'enfant de Kaze.

Elle écoute sans réellement chercher à comprendre tout ce que l'adolescente lui dit. Son attention est plutôt focalisée sur les possibles causes d'un tel comportement. Un dérivé de la rage? Non, elle semble lucide malgré ses élucubrations. Ce qui écarte aussi la piste de la plupart des maladies mentales. Soit son interlocutrice est une dangereuse psychopathe, soit elle représente une subtilité de la biologie. Subtilité que Saori n'explique pas. Du moins, pas encore. La noiraude ne peut ensuite s'empêcher de sourire lorsque la jeune au visage recouvert de sang exprime son mécontentement.

"De mon côté je trouve qu'un repas est tout de suite plus intéressant lorsqu'il est partagé avec quelqu'un d'autre. C'est plutôt triste de manger seule, non?" glisse-t'elle en lui décochant un regard malicieux. "Enfin... Je suppose que la nature du repas entre aussi en ligne de compte!"

Ce qui suit est un peu plus étrange puisque c'est à présent un véritable exposé sur une organisation - visiblement criminelle - qui lui est offert par l'adolescente. S'agit-il de menaces? D'une simple mise en garde? Ou peut-être encore d'une manière de lui avouer sa peur? Après tout les animaux comme les humains n'expriment pas le besoin de se prémunir contre ce qu'ils ne considèrent pas comme un danger. Si c'est ça alors cette curiosité biologique fait fausse route. Et il convient peut-être de la rassurer avant qu'elle en vienne à croire qu'elle est acculée...

"Vous savez..." hésite-t'elle, focalisée sur le choix de ses mots. "Vous tuez qui vous voulez! Je n'ai pas l'intention de vous dénoncer et encore moins de m'y opposer. Je préfère quand les gens vivent, c'est vrai. Et d'un point de vue tout à fait personnel je désapprouve votre comportement bien que vous sembliez en être tributaire. Mais ne voyez pas là un jugement de ma part: la mort a aussi le droit de s'exprimer..."

Quels que soient les vecteurs qu'elle aura choisis. Une arme? La nature? Ou, comme ici, des canines particulièrement acérées? Mais il s'agit avant tout de prouver à l'adolescente qu'elle n'a pas besoin de chercher à l'impressionner. C'est déjà fait! Comment l'apaiser? Saori n'en a pas la moindre idée à vrai dire. Si ce n'est qu'une personne capable de parler directement dans l'esprit d'une autre doit sûrement percevoir la duplicité lorsque celle-ci se manifeste. Ici, ce n'est pas le cas.

"Enchantée de faire votre connaissance, La!" lâche-t'elle sur le ton du renouveau. "Je m'appelle Saori et je suis bien une étrangère, oui. Une étrangère qui ne recherche pas les ennuis mais qui attache une certaine importance aux rites funéraires. Vous avez obtenu ce que vous vouliez de cet homme je crois? Puis-je en retour m'assurer qu'il bénéficie de funérailles décentes? Laissez-moi le sceller et l'emporter avec moi. S'il-vous-plaît?"

Là encore il n'est nullement question de l'impliquer d'une manière ou d'une autre dans ce décès. Elle a déjà eu l'occasion de voir des cadavres livrés à eux-mêmes dans les ruelles les plus malfamées de la mégalopole. Il ne serait qu'un parmi tant d'autres. Mais sa famille - s'il en a une! - appréciera sûrement de savoir ce qui lui est arrivé. Le deuil évite l'incertitude. Et l'incertitude ne peut mener qu'à la souffrance. La noiraude parle en connaissance de cause cette fois-ci.

"Après quoi - et si vous le permettez - j'aimerais beaucoup que nous poursuivions cette discussion. Peut-être dans un endroit favorisant moins la méfiance?" propose-t'elle, gardant à l'esprit ce que son interlocutrice lui a dit sur cet endroit. "Je suis convaincue qu'ensemble nous pourrions trouver une solution à votre... petit problème!"

Une manière plutôt douce de lui proposer de l'aide, non?

-Vous êtes une bien étrange créature Saori. Vous débarquez à l'improviste, dans un lieu inconnu, de surcroît je viens d'annoncer qu'il n'était pas franchement sur pour des étrangers. Et pourtant, pourtant rien ne semble vous inquiétez et vous osez même me demander de laisser mon repas disparaître? Vous êtes culottée mademoiselle Saori. Si c'est appréciable, si c'est surement une qualité qu'un défaut attention à ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Vous êtes une shinobi, vous devriez rester sur vos gardes. Qui vous dit que je ne prendrai pas ombrage de vos propos? Qui vous dit qu'à cet instant, des renforts sont en route pour vous faire payer ce côté effronté?

Elle laissa un silence volontaire entre ces propos et les suivants. Haussant les épaules et poussant du pied le cadavre en direction de la basanée. L'odeur d'une cigarette qui s'allumait rompit le silence. Tirant dessus et posant son fessier au sol la Ketsueki lança un regard complice à l'inconnue. Elle ne visait pas à mal, mais souhaitait tout simplement prévenir de la dangerosité de l'inconnu Saori. Elle semblait visiblement trop, franche une sorte de franchise et un ton neutre mais bienveillant. Elle avait écoutée les propos de La et avait en retour avec politesse formulée ses demandes. Tout en n'empiétant pas sur l'espace personnel de la Ketsueki, en ne lui reprochant rien, en allant dans son sens Saori semblait plus que capable de faire passer ses propres idées. Elle utilisait une méthode simple mais efficace, aller dans le sens de votre interlocuteur et subtilement glisser vos propres demandes en veillant à ne pas le froisser.

-Vous semblez intelligente, vos propos sont sages et pourtant un je ne sais quoi de naïveté ressort de votre démarche. Ou alors vous cachez bien votre jeu, j'accepte de vous laissez le cadavre. Vous pouvez même jouer avec que ça me ferait ni chaud ni froid. Néanmoins je vous préviens que si c'est une habitude de sceller les morts pour les enterrer, dans cette ville plus que nul part dans ce continent vous allez vite passer vos journées à cette activité peu reluisante. J'espère donc que vous avez d'autres hobbies que ce dernier.

Elle esquissa un léger sourire, tirant sur sa cigarette et se relevant légèrement une main dans sa chevelure. Elle laissa le temps à Saori d'emballer le cadeau à déposer au cimetière le plus proche puis s'arrêta un instant.

-Qu'entendez-vous par problème?

Le ton était nettement moins amical que celui que La employait jusqu'alors. Si Saori croyait qu'être Ketsueki était une maladie, vu comment elle semblait intriguer les deux femmes seraient nettement moins proches qu'elles l'étaient à cet instant. Laissant néanmoins le bénéfice du doute à l'embaumeuse de cadavres elle l'invita à la suivre, elles traversèrent les couloirs et arrières salles du Devil Shine. Puis arrivèrent à un lounge privé, connu des habitués et pas ouvert à tout le monde. Le petit salon était intime et relativement petit tout en offrant une sensation de confort à ses membres. Un bar trônait en son centre, le plus classique du monde. Gardant néanmoins la classe de l'établissement, La se laissa tomber sur les fauteuils d'un canapé. Le dit canapé était en fait une banquette, en U avec une table au milieu à l'abris des regards indiscrets. Claquant des doigts pour appeler le serveur elle commanda un alcool fort et plusieurs poches de sang pour finir son repas. Elle détestait avoir l'estomac non contenté, cela la dérangeait pendant ses opérations à l'extérieur. Laissant Saori commander ce qu'elle souhaitait La éteignit sa cigarette avant d'en rallumer une en attendant les différentes commandes.

-Et donc, mon problème quel est-il selon vous? Se nourrir de sang est une pratique propre aux miens, n'importe quel Ketsueki fonctionne de la même façon que moi. Encore je semble être la plus raisonnable, j'évite les gaspillages et éclaboussures inutiles. Je n'ai encore jamais vu de Ketsueki végétarien et je crains que cela ne soit pas prêt d'arriver.

Elle souffla la fumée en direction du plafond, étalant son corps dans les coussins et les remplaçant à sa convenance. Grognant légèrement impatiente et de moins en moins capable de se retenir. Une fois l'appétit ouvert et un repas commencé, il fallait le terminer et pas espacer les prises de sang. Cela pouvait avoir des effets indésirables gênants, des maux de têtes aux poussées de crocs incontrôlés. Ils n'étaient pas des animaux, et La s'efforçait de le prouver. S'interrogeant quand à ce que trouvait comme problème Saori chez elle, alors que son interlocutrice restait une inconnue, elle se perdit légèrement dans ses pensées.

Sauf si Saori parlait de l'Autre problème. Impossible, elle n'aurait pas remarqué alors qu'elle venait de la rencontrer. Non impossible, La n'y croyait tout simplement pas ou alors l'autre était une Yamanaka qui cachait bien son jeu ou une mystique devin dans le cas contraire Saori devait sans doute croire que le sang et l'attrait du clan Ketsueki pour ce dernier pouvait éventuellement se soigner. C'était utopique et naïf si c'était le cas, mais légèrement touchant comme un enfant et des remarques spontanés à propos de soucis qu'il croit régler en claquant des doigts. Bisous magiques et compagnie.

-Je ne suis pas malade Saori, et sauf si j'ai mal entendu mais vous n'avez pas encore dit que vous étiez médecin. D'ailleurs qu'êtes-vous au juste? Une voleuse? Une aventurière intrépide, au moins je saurai que je devrai faire renforcer la sécurité. La prochaine personne que je croiserai pourrait ne pas être aussi conciliante et agréable que vous-même n'est ce pas?

Elle afficha son plus grand sourire, dévoilant ses canines brillantes.

Elle se contente de sourire tandis que l'adolescente émet hypothèses sur hypothèses. D'une certaine façon Saori s'amuse de la réaction des gens lorsqu'ils la jugent coupable de naïveté. C'est un raccourci un brin facile mais qui, dans le fond, n'est pas si éloigné de la réalité. Si être naïve signifie être optimiste et altruiste alors oui, elle ne peut plaider l'innocence. Mais la noiraude a également compris qu'une faiblesse perçue est souvent synonymes d'ennuis. Il faut savoir montrer sa force, imposer un respect que nul ne songera à défier pour avoir une chance d'être tranquille. C'est un brin malsain. Mais ça a sûrement le mérite d'être efficace.

"Vous avez peut-être raison..." concède-t-elle, un sourire au coin des lèvres. "Mais je suis pratiquement certaine que vous n'êtes pas offusquée par mes propos. Sans quoi nous n'aurions sûrement pas cette discussion- Je crois plutôt que vous êtes curieuse. Peut-être même autant que je le suis à votre égard. Et puis vos renforts, si vous les aviez appelés, aurait simplement signifié que vous ne pensiez pas pouvoir vous mesurer seule à moi. Une preuve de faiblesse autrement plus dommageable pour vous que ma prétendue naïveté ne l'est pour moi, vous ne croyez pas?"

L'enfant de Kaze ne la voit pas assez stupide pour se trahir ainsi. L'assurance des propos qui résonnent dans sa tête et le fait que l'intéressée s'installe à même le sol tend à prouver que sa réflexion est correcte. Elle en obtient la confirmation quelques secondes plus tard lorsque le cadavre roule dans sa direction. C'est bien un dialogue qui est engagé et non des hostilités. La noiraude s'agenouille donc aux côtés de l'homme et l'aspire simplement dans un sceau de confinement. Le tout avec un respect palpable.

"Jouer avec des morts? Quelle idée!" qui ferait ce genre de choses? "Quoi qu'il en soit je vous rassure: je n'ai pas dans l'idée de récupérer tous les cadavres du Yuukan: je me contente de gérer ce qui se passe autours de moi. Et il y a déjà de quoi faire, croyez-moi..."

Surtout lorsque vous côtoyez des gens comme cette Ketsueki La! Cette dernière ne semble d'ailleurs pas spécialement ravie que le sujet de sa maladie soit abordé. Une chose plus ou moins normale dans la mesure où personne n'apprécie qu'on lui fasse remarquer un défaut auquel il ne peut rien. Le sentiment d'impuissance est gage de frustration, Saori le sait. Mais une fois encore il n'est pas question de jugement. C'est simplement une constatation basée sur un manque d'information. Pour l'instant tout du moins... Car bien qu'elle écoute avec un intérêt poli la défense de l'adolescente, elle se focalise avant tout sur la manière de l'exploiter pour lui venir en aide dans le cas ou cette dernière décidait de revenir sur sa décision. Ou, plutôt, pour leur venir en aide, son anomalie génétique semblant être commune à ceux qui se font appeler Ketsueki. Cette pathologie se transmettrait donc par les gênes?

Saori se contente ainsi d'un hochement de tête, jugeant plus prudent de ne pas trop appuyer sur ce qui semble être une corde sensible. C'est peut-être ce qui lui a valu une invitation au Devil Shine après tout... La pièce choisie par l'adolescente est peut-être un peu trop intime. Et le luxe qu'elle y devine la met quelque peu mal à l'aise. Quand on a été privée de la plupart des biens matériels, le.. gâchis vous saute aux yeux. Mais là encore l'enfant de Kaze se contente de garder le silence tout en descellant une gourde d'eau fraîche pour signifier au serveur qu'elle ne prendra rien. La prudence est de mise. Ici peut-être plus qu'ailleurs...

Un brin mal à l'aise à cause de son environnement et des circonstances donc, la noiraude attend patiemment que l'autre relance la conversation. Cette fois-ci l'adolescente semble plus intéressée par le passé que le présent. Une preuve d'intérêt teintée de curiosité? Il est vrai que les gens aiment échanger sur ce qu'ils étaient. Ce qui est étrange dans la mesure où on ne peut être défini que par l'instant présent. La jeune femme rit néanmoins de bon cœur lorsque sa cadette lui demande si elle est une voleuse ou une aventurière intrépide:

"Un peu des deux je suppose!" s'amuse-t-elle sans savoir quelle réponse conviendrait le mieux. "Je n'ai pas un passé des plus intéressants vous savez? Et encore moins de merveilleuses aventures à vous conter... Je suis Saori. Juste Saori... Et je suis aussi ce que vous appelez un médecin, oui!"

Puisqu'elle ne sait même pas vraiment qui elle est, comment pourrait-elle parler d'elle aux autres? Ce serait comme leur raconter une histoire dont elle ignore jusqu'à la véracité.

"Mais je vous confirme que vous auriez besoin d'une meilleure sécurité, oui. Je n'ai pas été inquiétée lorsque je suis passée à l'arrière du bâtiment. Et croyez-moi quand je vous dis que je n'ai pas cherché à m'infiltrer!" glisse-t'elle comme pour se défendre de toute malveillance. "Mais si je me fie aux livres que j'ai lus il est souvent plus facile d'entrer dans l'antre d'un monstre que d'en sortir...."

Une constatation qui a peut-être trop vite quitté le seuil de ses lèvres. Il est vrai qu'elle n'a guère envie d'être dans cet endroit. Qui sait combien de ces Ketsueki pourraient s'y trouver. Saori veut bien accorder un peu de confiance à La mais pas à une bande d'infectés dont elle ne sait rien. C'est juste de la prudence. N'importe quel enfant se méfierait de vampires. Ce qui lui fait penser.

"Je... Merci pour votre invitation, La!" reprend-t-elle sur un ton à la fois emprunté et sérieux. "Mais je ne comprends pas bien ce que je fais ici... Vous affirmez que vous n'êtes pas malade et que vous n'avez pas besoin de mon aide. Soit! Je me contente donc de vous observer pour ma culture médicale. Et de mon côté j'ai récupéré votre victime qui aura ainsi droit à des funérailles. La vie dans une organisation criminelle n'est sûrement pas des plus ennuyantes. Alors pourquoi... perdre du temps avec moi? Je ne crois pas que la curiosité seule suffise à expliquer pourquoi nous nous trouvons autours de cette table là, maintenant!"

Après tout la soirée doit sûrement être le moment où un casino fait le plus de chiffre d'affaire. Pourquoi l'adolescente reste-t-elle ici alors que les opportunités de punir un tricheur ou de veiller à la sécurité de l'établissement ne manquent sûrement pas? Une seule explication lui semble logique: elle se trouve bien dans l'antre d'un monstre.

"Je croyais que vous étiez rassasiée?"

Ou est-ce autre chose?