La Shoutai dérivait lentement dans les terres de Kusa. Ses flots suivaient leur cours immuable sans chercher à s'en écarter, se soumettant à la monotonie de leur course avec docilité. C'est tout juste si l'embarcation dans laquelle Shirahime avait pris place, quelques jours plus tôt, était ballottée par le courant. On lui avait dit beaucoup de mal des voyages en bateau. Si elle ne se trouvait aujourd'hui que sur un modeste navire, à peine plus grand qu'une barque, elle ne comprenait cependant pas ce qu'on pouvait trouver à redire sur ce mode de transport. Bien au contraire, elle le trouvait beaucoup plus agréable que d'autres. Elle n'était pas chahutée comme en calèche, et n'avait pas une affreuse douleur aux reins comme à cheval. Elle pouvait profiter tout à son aise de la douce berceuse et du léger tangage de l'embarcation, et se laisser aller à contempler les paysages sauvages et fascinants d'un pays réputé indompté. Son esprit vagabondait d'une pensée à une autre, n'oubliant cependant pas son objectif principal.

Elle s'était embarquée en amont, à Raikuy. Elle avait envie de quitter Taki et de découvrir d'autres pays. Même si elle ne connaissait guère toutes les terres de son pays natal, elle considérait comme symbolique le fait de le quitter. C'était le signe qu'elle prenait véritablement son envol. Elle avait acheté sa place dans la barque auprès d'un marin qui lui avait semblé tout à fait compétent et digne de confiance, et auquel elle avait fait sentir dès le début qu'il n'avait aucun intérêt à la mener en bateau, en-dehors de leur trajet, bien évidemment. Son ton impérieux réussissait toujours à impressionner, et elle s'en félicitait. Jusqu'à présent, elle avait réussi à se soustraire aux obligations d'un soldat. On ne lui avait affecté aucune mission. Mais sans doute sa mobilité particulière n'aidait-elle pas à cela ... On ne lui avait pas non plus donné un lieu de résidence où elle serait en poste jusqu'à nouvel ordre. Elle était libre comme l'air, jusqu'à preuve du contraire, et bénéficiait de surcroît de l'autorité que lui conférait son bandeau de Shinobi.

Le trajet s'était jusqu'à présent déroulé dans le plus grand des calmes. Elle voyageait en compagnie de deux autres personnes -un couple qui passait ses journées à s'enlacer et à s'embrasser sur fond de végétation tropicale- qu'elle n'avait pas cherché à aborder plus que nécessaire. Elle voyait bien qu'ils étaient trop occupés à leurs amourettes pour avoir une discussion sérieuse et ayant un quelconque intérêt. Aussi avait-elle décidé dès le premier jour de voyage qu'elle ne s'acharnerait pas à parler à qui que ce soit. Elle répondrait quand on l'interrogerait, voilà tout. Forte de cette décision, elle avait dédié son attention à la contemplation du paysage. A la droite du bateau défilait la San'rin Shobun, une forêt d'une incroyable densité. Parfois, elle croyait distinguer des ombres mouvantes filer entre les troncs épais et noueux, avant de disparaître à nouveau dans les profondeurs de la jungle. Quels mystères se cachaient dans cet environnement sauvage, elle l'ignorait. Elle ne connaissait que les rumeurs, qui étaient cependant suffisantes pour qu'elle ne cherche pas à en savoir plus. Quoique curieuse, elle ne l'était pas assez pour chercher à se mettre consciemment en danger, merci bien. Elle laissait ce plaisir à d'autres.

Elle savait que Kusa était nu de toute ville, et que le seul semblant d'agglomération qu'on pouvait y trouver était ce qu'on y appelait des "Forums". C'était une philosophie intéressante de ne pas vouloir impacter sur son environnement et de ne pas vouloir y imposer l'empreinte de l'homme. Elle quitta la croisière à un petit débarcadère. Il ne s'agissait pas d'un port, ni même d'un quai, mais simplement de quelques planches montées sur pilotis permettant aux navigateurs de mettre pied à terre. Elle remercia le capitaine, et salua vaguement les amoureux, qui continuaient leur chemin plus profondément encore dans la jungle. Il y avait au débarcadère un homme chargé d'escorter les voyageurs jusqu'au forum le plus proche. Elle profita de ses services, considérant que la prudence d'un tel geste ne lui coûterait rien qu'elle ne puisse regagner par la suite, et ils s'enfoncèrent dans la végétation.

Le trajet était court, et se déroula sous de bonnes augures. Très vite, la silhouette du dit-forum se profila derrière la cime des plus hauts arbres. Shirahime fut impressionnée, d'abord -bien qu'elle n'en montra rien- par la hauteur, la beauté et la majesté de l'édifice. Il était rare de voir de ses propres yeux de telles constructions. Mais c'était aussi pour pouvoir témoigner de ce genre-là de paysages qu'elle avait choisi de voyager. Elle fut introduite dans le bâtiment. Elle eut encore l'occasion d'admirer la splendeur de la construction, et son harmonie quasi-parfaite avec son environnement.

Dès lors, elle chercha quelqu'un qui saurait la renseigner. Si elle avait fait la route jusqu'ici, ce n'était en effet pas pour bêtement s'émerveiller devant la moindre pierre. Elle cherchait quelqu'un qui pourrait lui enseigner quelque technique ou précepte qu'elle ne connaissait pas encore. Elle savait que quelques-unes des grandes personnalités du Shûkai étaient discrètes, tout comme elle savait que Kusa était la terre d'un des Seigneurs de Guerre les plus redoutés. Si elle n'espérait pas nécessairement tomber sur lui directement, elle entretenait cependant le voeu d'avoir affaire à un de ses subordonnés directs, qui pourrait peut être la satisfaire. Elle repéra un groupe d'hommes qui discutait. Elle s'en approcha, prit sa mine autoritaire, et les aborda:

"Pardonnez-moi, messieurs. Je cherche à voir la personne qui dirige, ici. Conduisez-moi à elle, je vous prie."

Shirahime fronça les sourcils en voyant l'homme qu'elle avait interpellé lui tourner ostensiblement le dos pour finir sa conversation. Elle n'avait ni l'habitude ni le goût d'être ignorée, et bien qu'elle eut appris quelques petites choses à propos de la discipline militaire et du respect des aînés, elle ne pouvait se résoudre à effacer complètement son propre ego dans une telle situation. Son regard se fit plus dur encore quand elle s'entendit appelée "ça". Elle s'apprêtait à répliquer quelque remarque cinglante mais s'interrompit juste à temps. Pas question de gâcher toutes ses chances de trouver un bon maître simplement pour insubordination. Tant pis pour cette fois, elle devrait faire abstraction de son honneur. Elle se rattraperait bien plus tard. Elle ravala sa salive, et tenta -vainement- d'adoucir son coeur par la raison. Elle croyait dur comme fer en la supériorité de l'esprit sur les sentiments, et même si ce n'était qu'un illusion c'était quelque chose qui lui permettait de se rasséréner dans des moments comme celui-ci. De fait, elle se força à la surdité quand l'homme l'appela "petite".

Si elle n'apprécia pas non plus le fait que son ignorance des us et coutumes de Kusa -un pays réputé dans tout le Shûkai pour son mode de fonctionnement tout à fait singulier- était si visible, elle s'inclina néanmoins légèrement devant cet homme dont elle ne connaissait toujours pas le nom, avant de le suivre et de s'engouffrer dans le dédale des couloirs du forum. Elle ne savait pas vraiment à quoi s'attendre. Il lui avait dit que la personne qu'elle cherchait était bien là. Mais de qui parlait-il ? Du Seigneur de Guerre ? Cette pensée fit frissonner Shirahime, qui ne s'attendait pas à devoir faire face à une des quelques personnalités les plus éminentes de l'Empire. Elle connaissait, comme toute le monde, le nom de chacun des dirigeants de provinces impériales, et celui d'Oterashi Yanosa était des plus fameux. A moins qu'elle n'ait affaire à un de ses subordonnés directs ? Là-dessus, elle ne pouvait que théoriser, ne connaissait pas assez bien les noms et visages des soldats de l'Empire qui mériteraient la confiance d'un Seigneur de Guerre au point de devenir son bras droit.

Tout en marchant dans les longs corridors, elle admirait l'architecture si particulière des lieux. La plupart des bâtiments qu'elle avait vu auparavant ne faisaient pas le poids, sans doute, face à ce style à la fois très particulier et très universel. Lorsqu'on la fit entrer dans une salle, elle s'intéressa d'abord à l'endroit avant de voir ce qui s'y passait. Le plafond était haut, et une senteur d'écorce flottait dans l'atmosphère. Elle remarqua le vieil arbre, dans un coin de la pièce, qui transperçait la pierre de la seule force de ses racines. Un élément assez incongru dans un bâtiment, elle en convenait, mais qui s'accordait parfaitement avec l'harmonie générale du forum, de ce qu'elle avait pu en voir.

Elle fut sortie de ses contemplations par un souffle d'air chaud qui lui frappa le visage. Alors, seulement, elle tourna son attention vers le centre de la salle. Elle ne parvint pas à déterminer si c'était une bête ou un humain qu'attaquaient ces soldats, mais toujours est-il que l'entité se débattait furieusement, contrant les offensives de ses adversaires et les envoyant au tapis dans la foulée. Et pourtant, les offensives en question étaient redoutables. Shirahime n'avait jamais -ou très rarement- eu l'occasion de voir de tels jutsus en action, sinon dans des manuels durant son service militaire. En être témoin de ses propres yeux était une expérience enrichissante, et elle ne détourna pas le regard de la scène un seul instant. Le spectacle était trop fascinant, trop intrigant pour qu'elle veuille s'y soustraire. C'était à la fois de la danse et du pugilat. Une valse guerrière, en un mot.

Finalement, ce spectacle prit fin. Shirahime constata que ce qu'elle avait pris pour une bête était bien un humain. Une femme, assez belle. Elle garda le nom Asuka en tête. Quand elle y fut invitée, elle s'avança d'un pas et s'inclina légèrement.

"Je suis Tsubame Shirahime, Heishi du Shûkai."

Elle ne savait pas de quoi parlaient les deux autres, mais ça ne la concernait certainement pas. Elle n'était en aucun cas retardataire pour quoi que ce soit, dépendant d'elle seule et de personne d'autre.

"Je suis venue en quête de puissance, madame, et c'est vers vous qu'on m'a conduite."

Elle garda pour elle sa réflexion sur le fait qu'une femme semblât diriger l'endroit, fait qui ne pouvait pas lui faire plus plaisir mais qui n'aurait été au final qu'une mesquinerie pour renvoyer la balle à celui qui l'avait guidée à travers les couloirs du forum.

"Je m'explique: j'ai fini récemment mon service militaire à Itabei, à Taki no Kuni, et me suis enrôlée dans l'armée impériale. Depuis, je chercher quelqu'un qui puisse renforcer mes connaissances, particulièrement dans l'art des sceaux. J'ai été aiguillée vers Kusa no Kuni et vers ce forum-ci. Ce serait un honneur, madame, d'apprendre à vos côtés."

Elle avait dit tout ça avec une forme d'enthousiasme, certes, mais avec un regard de glace et un visage figé. Malgré elle, son visage gardait un certain air hautain dont elle ne pouvait -ni ne voulait- se débarrasser. C'était, en quelque sorte, le stigmate d'une vie de noble.

Shirahime fut contente de voir partir l'homme, dont elle découvrit finalement le nom. Brenin. Ca lui allait bien: un nom bourru, sans finesse. A sa compagnie, elle préférait déjà celle d'Asuka. Elle était en charge des lieux, c'était maintenant une évidence. Et elle dirigeait tout son petit monde d'une main de fer, enveloppée de velours. Shirahime appréciait cette capacité à gouverner une communauté dans une sorte d'accord tacite. Quoiqu'ils en disent, elle voyait en effet que cette femme-là était en charge des lieux dans le forum. Et elle doutait qu'aucun des jeunes soldats présents dans la salle se considère véritablement égal à elle. Ses prouesses technique de l'instant venaient déjà de montrer qu'elle leur était au moins supérieure sur le point de la puissance. Partant de là, aucun d'eux n'aurait eu l'audace de jouer les fortes têtes face à elle, Shirahime en était certaine. Elle connaissait les gens de son âge, pour en avoir fréquenté un certain nombre lors de son service militaire, et savait à quel point la seule force physique suffisait à les impressionner.

"Merci de m'introduire dans l'exercice."

Elle s'inclina légèrement une nouvelle fois, et prit le parchemin qu'on lui tendait. En effet, en le dépliant, elle comprit aussitôt de quoi il en retournait. Elle n'avait jamais eu l'occasion de manier un tel outil, mais elle en connaissait le fonctionnement pour l'avoir vu en action dans les mains d'un maître ou d'un pair plus expérimenté. Il s'agissait d'un parchemin muni d'une dizaine de sceaux d'absorption. Une technique fort utile en combat pour celui qui ne peut se protéger à l'aide du Ninjutsu -comme Shirahime, par exemple- et qui devait éviter des dommages certains. Cependant, la maîtrise de cet ustensile était délicate. Là, il lui faudrait mémoriser l'emplacement des dix sceaux pour les utiliser efficacement, et toujours garder à l'esprit, au moment de l'exercice, combien elle en avait utilisés. Et si jamais elle tombait à cours de munitions ... Elle aviserait en temps voulu.

Elle ignora les familiarités de la jeune femme, soit qu'elle les appréciât, soit qu'elle respectât trop cette kunoïchi pour lui reprocher un détail comme celui-ci, et s'avança au centre de la salle. Les élèves qui restaient se regroupèrent autour d'elle, l'encerclant petit à petit. En les observant bien, Shirahime leur trouva un air menaçant mais pas si méchant. A vrai dire, ils devaient être bien plus déstabilisés qu'elle. Après tout, ils venaient de voir leurs camarades mis au tapis les uns après les autres un instant auparavant. Ils ne pouvaient qu'appréhender leur propre sort, maintenant, même s'ils savaient avoir affaire à une autre Heishi. Shirahime s'amusait de ce soucis qu'elle voyait dans leurs pupilles inquiètes. Par simple jeu, elle sourit légèrement.

Le coup d'envoi fut lancé. Elle était prête: elle tenait le parchemin dans une main, et gardait l'autre prête à exécuter un mudra simple mais nécessaire pour activer un sceau à la fois. Cinq des dix Heishi qui l'entouraient agirent en même temps. Ils composèrent chacun une série de mudras avec une certaine habileté, il fallait le reconnaître, et l'instant d'après vagues, flammes et tourbillons se déchaînaient dans la salle. Shirahime absorba dans un sceau un brasier qui se dirigeait dans sa direction, d'un simple mudra. C'était une sensation grisante de pouvoir réduire à néant un assaut ennemi avec un mouvement aussi simple. D'un autre signe de la main, elle fit rentrer dans un second sceau une vague qui la menaçait, derrière elle. Mais, surprise, elle ne put éviter le tourbillon qu'à moitié et elle fut envoyée dans les airs pour retomber sur le sol dur quelques mètres en arrière. Elle ignora difficilement la douleur lancinante dans son dos, et composa un mudra pour absorber une volée d'éclairs qui partait dans sa direction.

Si elle avait connu le moyen de renvoyer les attaques à leurs destinataires, elle l'aurait fait sans hésiter. Mais elle ne le connaissait pas, et n'était pas vraiment dans une situation qui lui permettait d'y réfléchir posément. Tout ce qu'elle pouvait faire pour neutraliser ses adversaires, c'était soit de les épuiser, soit de ruser et de dévier leurs jutsus. Tout ça avec la seule force de ses jambes et ses sceaux absorbants. Elle se remit sur pieds. Il lui restait sept sceaux disponibles. Deux Heishi composèrent en même temps une série similaire de mudras. Shirahime savait d'avance ce qu'ils allaient faire, pour avoir déjà eu l'occasion de voir cette stratégie basique en action: ils voulaient combiner leurs jutsus en les amenant à s'entrechoquer avant de frapper l'adversaire. C'était exactement ce qu'il lui fallait. Elle s'élança vers un des deux Heishi avant qu'il ait eu le temps de lancer sa technique. Au passage, elle absorba dans un sceau un jet de flammes lancé dans sa direction. Plus que six. Lorsque les deux Heishi lancèrent des gerbes d'eau, elle en absorba une avant qu'elle n'ait le temps de frapper sa jumelle. Ainsi, la trajectoire du second jutsu n'ayant pas été déviée, il poursuivit sa course pour aller frapper trois autres Heishi.

Fort heureusement, la troupe de ses assaillants n'était visiblement pas très maligne. Déjà, un autre assaut se préparait. Elle vit une giclée d'éclairs partir vers ses pieds, humides du fracas de la précédente technique aqueuse. Il sauta simplement, et la foudre frappa la flaque formée à ses pieds, pour finalement rejoindre le gros de l'eau qui demeurait, blessant sévèrement ceux des Heishi qui avaient déjà subi le coup de la vague Suiton. Elle avait épuisé la moitié de ses sceaux, et il restait sept adversaires. Il serait difficile de les pousser à commettre la même erreur qu'auparavant, et elle n'avait, à vrai dire, pas d'autre idée de stratégie. Il lui faudrait éviter de prendre des dégâts, voilà tout. A cette pensée, elle absorba dans un sceau un morceau de roc visant sa tête, et renouvela l'opération pour un tourbillon de flammes. Plus que trois sceaux. Elle commençait à souffrir de l'atmosphère complètement chamboulée par le mélange insensé d'éléments. Elle remplit deux autres sceaux pour absorber une seule masse d'eau impressionnante, résultant de la combinaison de deux jutsus. Plus qu'un. Il lui servit à éviter d'être carbonisée par un mur de feu. Elle se retrouvait sans munitions, et déjà un tourbillon s'approchait d'elle, grondant. Elle fit un pas de côté, pas assez rapide, cependant. Comme avant, elle voltigea un instant avant de retomber durement sur le sol. Cette fois, elle ne put retenir un petit cri.

Elle jeta un regard de glace à ses adversaires, composant déjà les mudras de leur assaut final. Paralysée par le choc et la douleur, Shirahime ignorait cependant comment elle pourrait y échapper.

Shirahime cilla en voyant la tempête rose se déchaîner à nouveau au milieu des éléments. Elle aurait voulu fixer cette boule d'énergie virevoltante, ne pas la lâcher du regard pour analyser le moindre ses mouvements, mais la chaleur, les bourrasques et tous les résidus de cendres ou d'écumes qui parvenaient jusqu'à elle l'empêchaient de garder les yeux aussi ouverts qu'elle l'aurait voulu. Elle se couvrait le visage de son bras, mais de toute façon les mouvements de la dame qui se faisait appeler Asuka étaient trop vifs pour qu'elle puisse les suivre comme elle l'aurait souhaité. C'était donc ça la fine fleur de l'armée impériale ... Tous les meilleurs éléments du corps Shûkaijin devaient être de cet acabit. C'était proprement ... impressionnant. Même elle, avec sa maigre expérience d'Heishi tout juste nommée dans le corps armé de l'Empire, pouvait distinguer le fossé immense qui la séparait de ce niveau-là de compétence. Mais c'était justement cet écart qui la poussait à progresser.

Le tourbillon s'arrêta finalement, et chacun reprit sa juste place. Shirahime se releva, les membres quelque peu endoloris. Ses chutes répétées lui avaient tout de même fait assez mal, et elle ne s'en tirerait pas sans quelques bons bleus. Elle prit humblement les compliments qu'on lui faisait, et reçut le rouleau de parchemin comme un trésor précieux de connaissance et de savoir-faire. Ces runes étaient la transcription de la puissance de plusieurs générations de maîtres et d'élèves, et elle les recevait aujourd'hui. Elle rentrait dans la chaîne. Peut être, un jour, aurait-elle également la possibilité de les faire passer à quelqu'un d'autre ? L'idée de s'intégrer dans un héritage guerrier était assez grisante, et elle en tira une forme de satisfaction.

Apprendre dans la foulée la technique permettant de renvoyer les attaques à leur envoyeur semblait être la meilleure chose, aux yeux de Shirahime. Elle avait réalisé, au cours de la joute qui l'avait opposée à la meute de Heishi, à quel point la technique d'aspiration des jutsus était précieuse pour se défendre, mais également à quel point il était important de pouvoir répliquer dans la foulée. Une fois toutes ses munitions épuisées, l'on est à nouveau dépourvu de remparts face aux attaques ennemies. Il faut alors les réutiliser avec suffisamment de jugeote pour faire mouche. Du moins, c'est le constat qu'avait fait Shirahime à la lumière de ce premier combat. Si une compétence devait lui faire défaut, c'était certainement l'offensive. Elle n'avait pas développé cet aspect-là du Fuinjutsu, et pour cause: elle commençait à peine à prendre pleinement conscience du potentiel d'une telle discipline. Et pourtant, elle ressentait déjà cruellement le besoin de pouvoir répliquer quand on était attaqué. Dans l'état, elle ne pourrait pas tenir en combat face à un adversaire et sans personne pour l'épauler. Elle pourrait seulement se protéger un moment, puis serait débordée et succomberait. Il fallait qu'elle apprenne à renvoyer les coups.

Mais elle dut se résigner à patienter. Elle aussi avait été mise en appétit, à la fois par sa marche pour arriver jusqu'au forum et par ses passes d'armes. Elle suivit Asuka jusqu'à un autel de pierre sur lequel étaient disposés des fruits et d'autres produits de la culture locale, certainement. Elle commença à picorer quelques baies, tout en gardant en tête la dernière question de son mentor du jour. Si elle n'aimait pas être trop transparente, elle devait cependant admettre que Asuka avait eu raison en voyant en elle une volonté de fer, ou plutôt de feu. Elle était à la fois frustrée et flattée par les paroles de la jeune femme.

"Je sais à quel point un Shinobi est capable de s'élever grâce à sa puissance et à son intelligence, c'est tout. Partant de là, je ne vois aucune raison de se priver de cette chance. D'autant que j'ai été élevée dans une famille dont toute la force reposait sur des biens matériels. Quand ils ont finalement disparu, il n'est resté plus rien de la fierté de mes parents. Je détesterais finir dans leur état. Alors, plutôt que de bâtir mon royaume sur de la paille, je préfère le faire de briques que j'aurai moi-même agencées."

Elle avait attaché le rouleau dans son dos à l'aide d'un petit cordon. Il serait une des premières briques qui soutiendrait bientôt sa puissante croissante.

Shirahime ne répondit rien à son mentor quant à ses ambitions. Elle était sûre d'elle, et persuadée que sa quête de puissance ne la mènerait pas au vide. C'était absurde. Comme le pouvoir amassé pouvait-il ne mener à rien ? Les plus forts gouvernent toujours sur les plus faibles, c'est un fait que le temps a mainte fois prouvé. La quête de puissance amenait donc inévitablement à la suprématie sur les autre, ceux qui ont préféré à leur ascension une stagnation incompréhensible. Et ceci, justement, ce gouvernement du peuple par la puissance, était non seulement un accroissement du pouvoir, mais encore une chose parfaitement juste: qui d'autre que celui qui a fait l'expérience de la force, du pouvoir, peut prétendre à diriger les masses et à les élever ? Car c'est bien là le rôle d'un gouverneur: élever son peuple. Or, cela ne pouvait se faire, dans l'esprit de la jeune femme, qu'en étant soi-même un exemple de puissance et de réussite. Sinon, comment savoir quelle direction emprunter, quel chemin prendre vers la gloire ?

Elle continua à grignoter ses petites baies pourpres en écoutant les explications d'Asuka sur le sceau de renvoi. Elle n'avait pas besoin qu'on lui rappelle à quel point le traçage des sceaux était une chose importante. C'était un précepte de base lorsque l'on s'intéresse à la science complexe du Fuinjutsu. Sans un dessin parfaitement exact, il n'est pas même envisageable de réaliser une technique correctement. On lui avait enseigné ça dès ses premiers jours au service militaire d'Itabei, et si elle avait été prudente et appliquée dans le détail de ses sceaux, elle avait pu voir certains de ses camarades rater cette étape et en payer les conséquences. Elle se souvenait nettement un jeune garçon qui avait fini avec la moitié du visage brûlée parce qu'il avait oublié un simple trait. Il porterait certainement ad vitam aeternam les stigmates de son incompétence. Mais en tout cas, il permettrait également à Shirahime de ne jamais oublier que l'application est la clef de la réussite pour celui qui veut utiliser convenablement les sceaux. Une maxime qui pouvait certainement être élargie à toutes les disciplines, cela dit.

A présent seule, elle se concentra sur le dessin du sceau de renvoi. Il avait quelques points communs avec celui d'aspiration, ce qui était parfaitement logique puisque les deux étaient liés dans leur fonctionnement. Certains des traits étaient les mêmes, d'autres étaient des symétries, d'autres encore différaient complètement d'un sceau à l'autre. Shirahime dut reconnaître avec quel soin ils avaient été tracés. Elle ne savait s'ils étaient de la main d'Asuka elle-même -quoiqu'elle s'en doutait un peu- mais devait en tout cas reconnaître une grande maîtrise du dessin des sceaux à travers ces deux exemples. A mesure qu'elle engrangeait les détails du sceau de renvoi, quelques questions lui vinrent à l'esprit. Si l'essentiel de son activité avait été un entraînement physique, elle n'avait mine de rien pas trop idée de certains points plus théoriques.

Elle roula le parchemin, et rejoint Asuka dans la salle au haut plafond. Maintenant qu'elle était à nouveau vide -à l'exception des deux femmes- elle était plus belle encore qu'auparavant. L'air filtrait dans un souffle aigu depuis les corridors, infusant une sorte de présence fantomatique dans les murs de pierre. Le vieil arbre semblait plus majestueux encore. Shirahime pouvait entendre le bruit de ses pas résonner en écho dans la pièce. Elle s'arracha cependant à ses contemplations, et se tourna vers Asuka:

"J'ai une question, avant qu'on passe à autre chose. Une fois qu'une technique a été absorbée et renvoyée, est-il possible de réutiliser les mêmes sceaux pour absorber et renvoyer une nouvelle technique ? Je veux dire: est-ce qu'ils sont perpétuellement réutilisables du moment que le dessin reste net ou ont-ils un nombre d'utilisation limité, ne serait-ce qu'une seule ?"

Spoiler:

Shirahime dissimula sans trop de peine la honte qui la prit lorsqu'elle réalisa à quel point sa question avait été bête, ou en tout cas avait pu paraître bête. Certes, mieux valait la poser -d'autant plus que la réponse était a priori négative- mais le seul fait de révéler son ignorance à ce sujet montrait combien elle avait encore à apprendre. Si elle ne regrettait pour rien au monde son service militaire à Itabei, elle devait cependant reconnaître qu'elle avait des lacunes qu'il lui fallait impérativement combler avant qu'elle ne deviennent trop importantes et se révèlent être des malus handicapants en combat. Sans compter le déshonneur que c'était de révéler ainsi ses failles. Ce devait être ça, certainement plus que le reste, qui la gênait. Si elle pouvait accepter de ne pas tout savoir, elle était cependant réticente à le montrer, et détestait être poussée dans ses retranchements. Même si c'était face à un professeur, quelqu'un chargé justement de lui apprendre, dévoiler ses lacunes était pour le moins désagréable.

Elle attrapa au vol les deux parchemins qu'on lui envoya, tout en s'avançant vers le centre de la pièce. Elle prit un instant pour examiner les rouleaux. Tous deux comportaient le même nombre de sceaux, à savoir six. Elle ne comprenait pas encore à quoi ces armes allaient lui servir, mais elle se doutait que ça ne serait pas un exercice du même acabit que celui qu'elle avait précédemment effectué. Il s'agirait certainement de passer à un niveau supérieur. Elle leva la tête et vit les sphères métalliques s'engouffrer dans la pièce. Les cinq boules d'acier voletaient autour d'elle, menaçantes sans même avoir de regard. Shirahime sentait cette appréhension si propre aux combats imminents monter en elle. Elle avait véritablement quelque chose à perdre dans cette affaire-là. Si elle ne s'appliquait pas du mieux qu'elle le pouvait, si elle ne menait pas à bien l'exercice, elle pouvait tout simplement mourir. Ces sphères, contrairement aux Heishi qu'elle avait pu combattre auparavant, étaient dénuées de tous sentiments humains. Si elle était en position de difficulté, elle ne pouvait pas compter sur la clémence de ses agresseurs pour la sauver. Seule Asuka pouvait mettre fin à l'exercice, et elle ne semblait pas disposée à le faire avant que Shirahime ait détruit les cinq sphères. La solution était donc très simple: il fallait qu'elle réussisse, voilà tout.

Shirahime se mit sur ses appuis, le rouleau sur lequel étaient dessinés les sceaux d'absorption dans sa main gauche, son autre main prête à composer les mudras nécessaires à sa bonne utilisation. Elle était étonnée qu'Asuka remette en jeu ses motivations. Elle ne voyait pas en quoi ses objectifs avaient à voir dans cette affaire, et trouvait assez puéril de procéder ainsi pour la forcer à se confronter à l'exercice. C'était d'autant plus inutile qu'elle le faisait avec entrain. Elle était prête, les hostilités pouvaient commencer.

Une première volée de pieux d'acier vola dans sa direction. Elle les absorba aisément, forte de l'expérience acquise lors de son précédent exercice. Dans la foulée, elle se sentit d'essayer de les renvoyer. Elle substitua au premier rouleau celui comportant les sceaux de renvoi, et, se concentrant du mieux qu'elle le pouvait, composa un unique mudra. D'un des sceaux rejaillirent les piques métalliques, qui foncèrent droit vers une des sphères. Shirahime était certaine qu'elle ferait mouche et que la boule serait détruite sous le coup. Il n'en fut rien, cependant. Les pieux éraflèrent sa surface sans parvenir à la casser, et eux-même se brisèrent. Shirahime sentit un brin de panique poindre dans son coeur. Comment pouvait-elle parvenir à détruire les sphères si les attaques qu'elle leur renvoyaient ne faisaient pas effet sur elles ? Elle n'eut pas l'occasion de trouver une réponse à cette question: déjà de nouveaux projectiles d'acier lui fondaient dessus. Elle n'avait pas le temps de changer de rouleau. Elle sauta de côté, mais sentit une douleur aiguë lui traverser la jambe. En jetant un regard à son membre endolori, elle constata qu'il avait été transpercé en surface par un des pieux. Le sang coulait en un petit flot ininterrompu. Quand elle essaya de se relever, la douleur fut trop grande. Elle était condamnée à rester assis pour le reste de l'affrontement.

Cette fois, elle prit la précaution de changer le rouleau qu'elle tenait dans sa main gauche. Elle ne se laisserait pas avoir une seconde fois. Elle faisait bien, car déjà deux sphères lui lancèrent des éclairs en même temps. Elle les absorba d'un même coup, dans deux sceaux différents. Maintenant qu'elle avait eu à souffrir d'une attaque encaissée, il lui semblait doux de ne pas ressentir la douleur d'une électrocution. Un autre éclair jaillit, qui fut à son tour intercepté et emprisonné dans un sceau. Puis un autre. Puis un autre. Puis Shirahime n'eut plus aucun sceau d'absorption à disposition.

"C'est maintenant que ça devient intéressant, alors ?"

Elle reprit le parchemin sur lequel étaient dessinés les sceaux de renvoi, et se tint prête à contre-attaquer. Même si elle avait déjà pu constater que l'attaque qu'elle avait déjà retournée à son envoyeur n'avait eu aucun effet, elle ne savait pas quoi faire d'autre. Au moins, elle aurait essayé. Elle composa un mudra, et d'un des sceaux rejaillirent des éclairs dont elle avait auparavant craint qu'ils ne l'atteignent. A sa grande surprise, ils frappèrent l'une des sphères qui crépita un instant avant de tomber sur le sol, fumante. Le raisonnement se fit en une fraction de secondes dans son esprit. Elle pouvait les détruire en réutilisant leurs attaques de Raïton. Le tout serait de parvenir à le faire assez vite pour que les sphères n'aient pas le temps de l'attaquer à nouveau. Auquel cas, elle ne pourrait pas se défendre. Elle composa les mudras à la suite les uns des autres, faisant tomber un à un ses agresseurs. Il n'en resta bientôt plus qu'un. Elle envoya un sourire mauvais à cet ennemi sans yeux. Mais son rictus disparut bien vite de son visage. De la sphère partirent quelques éclairs qui l'atteignirent bientôt. Elle sentit la douleur traverser son corps, laissant dans son sillage des fragments de souffrance qui ne s'éteignaient qu'après un long moment d'agonie. Elle haletait. Elle se sentait à bout de force. Mais elle avait encore une attaque en réserve, et elle devait l'utiliser pour mettre un terme à tout ça. Elle dirigea le parchemin en direction de la sphère, et composa un dernier mudra. Un instant après, la sphère tombait aux côtés de ses soeurs.

Shirahime ne chercha pas à se relever, ni même à se redresser. Elle était trop épuisée pour ça. Elle se contenta de lancer un regard de défi à Asuka. Elle s'était peut être imaginée qu'en lui faisant faire face à des ennemis comme ceux-là, elle la pousserait à lui demander grâce ?

C'était une possibilité que Shirahime n'avait même pas envisagée.

Shirahime gémit quand Asuka la poussa à se relever. Elle avait affreusement mal aux côtes et au dos, et cet effort, qui la forçait à utiliser ses jambes flageolantes et elles aussi engourdies par la douleur et les chocs subis, ne faisait que rendre plus aiguë une souffrance déjà considérable. Elle ne rechigna cependant pas. Elle avait bien compris qu'Asuka était le genre de femme devant lequel il ne fallait pas montrer signe de faiblesse. Tout le monde semblait comme ça ici, d'ailleurs. Elle avait l'impression d'être plongée dans un monde de soldats tous prêts à mettre leur vie de côté de même que leur considération du danger pour mener à bien les exercices qu'on leur attribuait. Après tout, les Heishi qu'elle avait affrontés, avant qu'Asuka ne s'en mêle et ne les envoie tous au tapis, n'avaient-ils pas eux aussi eu à souffrir quelque blessure ? Et pourtant ils se lançaient toujours dans le feu de l'action sans appréhension, ou en tout cas sans rechigner. Shirahime devait saluer ce courage -ou cette cécité ? Elle était bel et bien dans un environnement de guerriers.

Face à cette situation, pour éviter de sortir du lot, mieux valait qu'elle ne se fasse pas trop remarquer en faisant la fine bouche, certainement. De ce qu'elle avait raconté à Asuka à propos de son passé, la jeune femme aux cheveux roses pourrait en déduire qu'elle avait des manières de noble qui la poussaient à ne pas se salir les mains et à ne pas participer aux combats, trop dangereux pour qu'elle veuille y risquer sa vie. Ce serait oublier que Shirahime avait également un entraînement militaire, qui lui avait appris comment appréhender le risque. D'autant que si elle avait quelque répugnance à l'idée de tuer quelqu'un de ses propres mains -plus pour les conséquences judiciaires qu'un tel acte amène toujours que pour sa propre morale- elle n'en avait aucune à partir au front. Simplement, il fallait être préparée et apte à survivre dans un milieu hostile par nature. Seuls les idiots se dévouant corps et âme à leur cause -ce qu'elle considérait être une grossière erreur, l'absolutisme n'amenant jamais à rien de bon- allaient à la guerre sans connaître leurs véritables capacités, ou alors en mésestimant celles des ennemis. Elle était de ceux qui préféraient prévoir tout danger avant de s'y exposer.

La douleur était un peu passée, mais tous ses membres la lançaient encore. Elle suivit Asuka, à moitié portée par elle, en chancelant, vers le fond de la salle. Les reproches auxquels elle eut droit sur ses réflexes physiques étaient légitimes, mais ne manquèrent pas de la piquer. Tiens, en parlant de limites: elle connaissait les siennes en ce qui concernait ses aptitudes physiques mais n'avait pas réussi à les surmonter. Voilà une chose à laquelle elle devrait peut être remédier, c'est vrai. Elle garda l'idée dans un coin de sa tête. Après tout, les meilleurs guerriers ne sont-ils pas ceux qui maîtrisent le plus de capacités, qui sont le plus complets sur le terrain de bataille ? Restait à savoir si la puissance qu'elle recherchait était uniquement une puissance guerrière.

Elle s'assit sur un banc de pierre, et retint un gémissement avec une grimace qui lui donna un air grave. Elle poussa un léger soupir de soulagement. La position assise lui allait beaucoup mieux.

"Je ne vais pas rester longtemps. Simplement le temps de me remettre en état de voyager. Ensuite de remonterai la Shoutai et je reviendrai à Taki. Il y a quelqu'un que j'aimerais rencontrer, là-bas, et qui pourrait aussi m'enseigner quelques choses, peut être. Après ... Je ne sais pas, ce sera au goût de mes envies. Il faudrait peut être que j'aille à la capitale, pour m'y faire connaître. D'un autre côté, j'aimerais beaucoup aller à Tori. Mais on dit qu'il y a une Académie de médecine et de Fuinjutsu à Yuki. Bref, je n'en sais rien. Je vais commencer par retourner à Taki et rencontrer cette personne. J'aviserai en temps utile pour la suite."

Elle croqua dans une baie qu'elle avait gardée dans une poche. Le jus du fruit coulant dans sa gorge lui fit le plus grand bien. Elle en savoura le goût jusqu'à ce qu'il disparaisse complètement de sa bouche.

"Mais d'abord, il faut se reposer. Je ne peux pas voyager dans cet état, et la région n'est pas des plus sûres, si j'en crois les dires. Mieux vaut être au meilleur de sa forme, non ?"