« Tu as réussi quelque chose de chouette avec Leika. J'aimerai que tu en fasses de même avec lui. »

Voilà comment cela avait commencé. Et '' lui '', c'était Maï. Aburame Maï, que Mizuki souhaitait confier aux bons soins de Natsuki. Maï n'était pas le premier, et le Nara tatoué savait pourquoi son Hokage souhaitait qu'il s'occupe d'un membre de son clan : il faisait parti de ceux qui sortaient du lot, qui étaient étranges, qui n'entraient dans aucun moule de la société, mais que l'on ne pouvait décemment pas laissé en plan sous cet unique prétexte.

Natsuki avait étudié son dossier en amont, avant de le rencontrer. Il avait vu qui il était, le peu que l'on savait de lui, et à quoi il ressemblait. Un regard perdu, des yeux soulignés par des cernes fatiguées, un visage figé dans le marbre, sans aucune émotion peinte dessus. Un portrait qui ressemblait à ce que Natsuki était jadis, lorsqu'il avait traversé les tourments de sa véritable nature. Ce n'était peut-être pas le même regard, mais il exprimait la même chose, un mal-être que l'on ne pouvait se permettre d'afficher. C'est pourquoi le Nara tatoué avait bien conscience d'un fait : ce n'était pas parce que le masque ne montrait rien que rien ne se passait en-dessous.

Toutefois, si le papier permettait de se faire une première idée, ce n'était définitivement pas celle qu'il fallait retenir, tout comme c'était vierge de tout apriori que Natsuki devait le considérer. Son étude de dossier n'était qu'un préambule, afin de se faire une idée de non pas comment fonctionnait le personnage, mais de préciser déjà vers où diriger la rencontre, et de ce qui pouvait potentiellement en ressortir.

Et pour un premier contact, Natsuki avait préféré le faire sur un terrain neutre. Il avait donc opté pour l'une des zones d'entrainement dont disposait Konoha, celle qui se limitait à un terrain vague, sans relief majeur et très peu occupé en règle général.

Natsuki arrivait régulièrement en avance par rapport aux horaires qu'il indiquait, même si cela devenait de plus en plus difficile avec toutes les fonctions qu'il cumulait. Il ne l'était d'ailleurs pas beaucoup aujourd'hui, si l'on se référait à l'heure figurant sur le courrier officiel rédigé au nom de Mizuki qu'il avait fait partir chez Maï il y a deux jours.

Ainsi commençait le premier jugement qu'émettait Natsuki sur une personne : sa ponctualité, ou son absence.

Une entité démoniaque ne pouvait s’empêcher d’être présente lorsque j’essayais de m’endormir. Luttant pendant plus d’une heure avec cette dernière pour conserver Morphée contre moi, j’ai finalement craqué. La sueur venait humecter mon visage ainsi que les draps blancs de mon lit. Je regardais autour de moi l’air affolé. Mon cœur s’emballait tellement que j’avais l’impression que ce dernier allait sortir de mon être ou bien exploser comme une putain de bombe à retardement. Je laissais ma carcasse reprendre ses esprits, posant l’arrière de mon crâne contre le mur, repliant mes genoux contre ma poitrine peu épaisse. Paniqué par ce que je venais de vivre dans mes songes, j’étais comme paralysé par la mort en personne. J’attendais mon heure, sans vraiment voir un signe de son arrivée. Après plusieurs tentatives de sommeil, je laissais mon corps sortir de la prison peu rassurante qu’offrait mes draps, avant de me diriger vers la salle de bain. Je restais là à contempler mon visage avant de fondre en larme sans la moindre raison. Mon poing venait heurter mon miroir avant de finir en sang. Rongé par la vision que j’avais de moi, j’avais cédé à cette violence qui secouait mon être de l’intérieur.

Une vulgaire bande à la main, je mouillais mon visage avant de m’habiller d’une manière lambda, toujours avec haut ample et ce jean usé. Je me dirigeais comme un idiot en direction du terrain d’entraînement de Konoah pour une entrevue particulière. Je ne savais rien de plus, simplement que Mizuki était derrière cette lettre que j’ai reçu il y a deux jours. Je me devais d’être présent, parce que la réputation du clan était en jeu. Je ne voulais pas bafouer les miens, encore moins être celui qui provoque cette situation. J’étais donc en route, bien en avance afin de pouvoir traîner dans le centre-ville et contempler les étoiles sur un toit que je gardais secrètement pour moi. Cette fois-ci ce n’était pas pour cela, mais pour observer l’éveil du village. j’avais toujours ce pincement au coeur lorsque je regardais ce spectacle et cela me donnait la motivation nécessaire pour continuer à exister. Le visage vide de sens, je regardais l’horizon à perte de vue, contemplant la scène comme un gamin devant une deventure de magasin de jouet. J’étais heureux à ce moment précis mais le masque restait toujours le même.

J’arrivais sur les bords du terrain vague, lieu d’entrainement situé non loin du centre de Konoah. Une silhouette semblait m’attendre non loin de ma position. J’étais en avance sans doute parce que je rôdais non loin de là, mais aussi parce que je me devais de l’être. De montrer une belle mentalité à l’image du clan Aburame. Je m’avançais à la hauteur du personnage, le dos courbé comme à mon habitude, ainsi que le regard vide. J’étais blasé d’être là, du moins en apparence. J’étais simplement largué et je ne comprenais en aucun le besoin de ma présence ici. Je laissais volontiers mon cerveau au repos en attente de la vérité, avant de stopper le mouvement de sorte à laisser un ou deux mètres en face de mon interlocuteur. « Salut.» lâchais-je avant d'hocher la tête sans la moindre expression. J’attendais la raison de ma présence ici et je sentais vraiment que je n’allais pas être déçu du voyage.

Natsuki l'aperçu au loin. Il arrivait, celui qui semblait être Maï. Une démarche voutée, le poids du monde sur les épaules, et le regard ailleurs. Peut-être pas son reflet exact, mais le Nara tatoué savait y reconnaître des signes similaires aux siens, des signes similaires à ceux d'une société marquée par les guerres successives, des signes que l'on taisait, des signes dont le sujet n'était pas vraiment tabou mais dont l'on n'osait pas vraiment en parler non plus. Pourtant ils étaient présents. Personne ne traversait ces épreuves de la même manière, personne ne les vivait pareil. Certains en ressortaient plus forts, grandit, alors que d'autres se brisaient sur elles, probablement ceux qui avaient la chance d'être les plus humains, peut-être. L'un dans l'autre, ce premier contact visuel confirmait les premières impressions de Natsuki : ce n'était pas juste un genre que se donnait Maï, un trait de personnalité, mais une conséquence. Est-ce qu'il pourra faire quelque chose pour lui ? Cela il n'en était pas sûr, et à quand bien même, le travail sera de longue haleine.

« Bonjour à vous. Vous devez être Maï si je ne me trompe pas. » lui répondit Natsuki avec un sourire cordiale sur les lèvres. « Je m'appelle Natsuki, du clan Nara. »

Il tendit son bras tatoué pour offrir à son interlocuteur une main à serrer après avoir comblé de quelques pas l'un des deux mètres qui les séparaient.

« Je vous remercie d'avoir prit la peine de répondre à l'invitation. Cette dernière ayant été succincte, il me semble important de lever les nombreuses zones floues qui l'entourent. Prenez la peine de vous assoir, je vous en prie. »

Natsuki frappa du pied le sol, ce qui matérialisa à partir de la terre deux chaises constituées de pierre à côté d'eux. A défaut d'être confortables, elles avaient au moins un siège parfaitement lisse.

« Bien, je vais essayer de commencer par le début. » expliqua Natsuki en prenant place. « Notre Hokage – ou plutôt Mizuki, puisque c'est à titre de membre du clan Aburame qu'elle s'est adressée à moi – est préoccupée par votre situation, autant militairement parlant que sur l'aspect sociale et relationnel de votre vie au sein du clan. Au-delà même de parler de problème, car ce n'en est pas un, disons qu'elle s'inquiète vis-à-vis de votre intégration professionnel et personnel dans la vie du Village. Pour autant que j'en sache – je me suis permit de faire quelques recherches sur vous -, vous êtes vraiment discret sur tous les plans, avec une carrière sans fait marquant. »

Le regard posé sur Maï, il poursuivit.

« Je ne me permets aucun jugement envers vous, Maï, soyons bien d'accord sur ce point : je constate simplement, bien que ce soit à vous de me dire si je suis en tort ou en raison. Car si je vous parle de toute ceci, si j'ai été contacté pour vous rencontrer, c'est pour vous proposer une alternative à attendre que la vie passe. Pour vous offrir mon expérience de shinobi afin d'amplifier la vôtre. »

Son bras droit lui barrant la poitrine, son coude gauche reposait dessus pour permettre à ses doigts de lui gratter le menton.

« Tout du moins, c'est ce à quoi je songeais au début. Mais maintenant que je vous rencontre de chair et d'os, je vois bien qu'il y a un problème beaucoup plus profond qui vous tord. Un problème qui me réveille une vieille blessure. Je ne prétends pas savoir ce que c'est pour vous, pas plus que d'en mesurer la profondeur ou de le comprendre. Mais ce qu'il cause, cela, je le vois aussi bien que le reflet que vous me renvoyez de moi plus jeune lorsque je pose mes yeux sur vous. »

Natsuki lâcha son menton pour croiser les bras, ce qui souligna une musculature finement dessinée, à défaut d'être imposante.

« Je ne vous demande pas de m'en parler, Maï, je ne vous demande pas non plus de vous ouvrir à moi, ni aujourd'hui ni jamais. Si vous voulez me parlez de vous, vous êtes libre de le faire. La seule chose que je vous demande, au final, c'est de considérer l'objet de notre rencontre : une proposition. Je suis comme beaucoup d'autres instructeur militaire, un mentor à la tête d'une équipe shinobi. Et aujourd'hui, je vous propose de rejoindre la mienne. »

La tristement célèbre Matsudaï.

« J'ignore quelle est la nature des chaînes qui vous retiennent, j'ignore avec quelle force elles vous maintiennent vers le fond. Mais je pense sincèrement avoir la capacité de vous offrir les moyens de vous en affranchir. Pas parce que je veux faire de vous un soldat, pas parce que Mizuki me l'a demandé, mais parce que personne n'a à vivre avec ce poids qui le leste au sol. Personne qui ne le désire en tout cas. »

Il y eu un court silence, parce que des regards exprimaient parfois bien plus que des mots. Parce que la posture ne trompait pas sur ce que Natsuki avait lui-même eu à supporter jadis.

« Je ne vous engage à rien. Vous n'êtes pas obligé de me répondre maintenant. Simplement, réfléchissez-y. Et quand vous vous sentirez prêt, si vous vous sentez prêt, alors je serai là pour essayer avec vous. Voilà tout ce que j'ai à vous proposer. »

L'opportunité de faire un pas en avant dans le noir, ou de rester sous le néon vacillant au pied du mur.

L’Aburame regardait la main se tendre avant de mélanger cette poigne à la sienne, relâchant immédiatemment la pression avant de glisser la main dans la poche, contemplant avec curiosité le personnage qui se trouvait devant lui. En vérité, il s’en moquait parce que le contact avec les autres frustrait son organisme. Il avait la sensation que sa gorge était nouée, que sa respiration devenait difficile. Il sentait ses membres s’engourdir un par un. L’aura du shinobi paralysait son être et pourtant, le jeune homme laissait son esprit être en contraddiction avec ses sens. Son corps lui ordonnait de fuir, mais l’âme elle semblait si curieuse qu’elle voulait en savoir un peu plus sur les intentions de ce mystérieux monsieur. Le premier contact était difficile, la main semblait se brûler dans le creux de la sienne et il ne supportait pas le contact physique non plus, alors il préférait s’excuser avant de mettre en colère son interlocuteur. N’oublions pas que l’Aburame, en plus d’être très réservé et aussi un homme craintif. « Pardon ... je... fin bref.» laissait-il entendre avant de baisser les yeux par peur d’avoir froissé Natsuki.

L’homme ruche regardait la chaise naître de la terre, avant de se poser la question suivante : était-ce un piège ou non ? Méfiant, il regardait la main de son interlocuteur l’inviter à prendre place. L’Aburame ne s’asseyait pas comme tous le monde, laissant son corps demeurer accroupie au lieu de poser son fessier sur le support. Les genoux au niveau du torse et les bras recouvrant une bonne partie de son visage, il regardait Natsuki d’un regard sans émotion, comme blasé par cette rencontre alors que ce n’était pas le cas. Son coeur s’emballait et sa peau commençait à rejeter une sueur laissant un signe que le jeune homme semblait mal à l’aise de cette entrevue. Il écoutait vaguement le discours du Nara, cependant il ne quittait pas la gestuelle de son interlocuteur du regard, comme-ci il allait être attaqué ou testé. Lorsqu’il entendait le prénom Mizuki, clan Aburame et inquiet pour lui, il ne pouvait s’empêcher de rougir de bien-être, sans vraiment pouvoir le cacher. « Je n’aime pas la lumière, je préfère de loin l’ombre. Et puis ... je viens de commencer ma carrière Shinobi...» sifflait-il avant de remettre son visage entre ses bras, prenant le soin d’écouter la suite des paroles.

Le jeune homme semblait fatigué par le discours, mais il ne laissait rien percevoir. C’était une longue mise au point qui avait le don de faire perdre ses moyens à l’Aburame. Une trop grande dose de parole qui laissait son cerveau à la traîne tandis qu’il essayait de recoller les morceaux pour former une phrase correct. Il comprenait l’essentiel mais dans les grandes lignes il n’écoute rien. Pas par manque de respect, mais par manque de concentration évident. « Je ... c’est compliqué à expliquer. Je n’ai pas de mot à dire, je n’ai rien à exprimer. Sans doute parce que je suis né ainsi. La guerre. C’est le seul mot que je peux exprimer. Je ne veux plus de guerre.» sifflait-il comme si il voulait être tranquille, comme un criminel qui avouait ses fautes pour mener une vie bien tranquille. « Je ne peux pas nier que je suis intéressé par votre offre ... votre ... savoir. Mais ... j’ai besoin ... de temps..» lançait-il difficilement, d’une voix à peine audible, étouffée par la carrure de ses bras devant sa bouche.

L’Aburame n’avait pas répondu à toute sa diction, mais il essayait de mener une discussion convenable afin de ne pas perdre le fil, de ne pas provoquer une énième maladresse sous forme de manque de respect involontaire.

La posture de Maï sur une chaise, à défaut d'être étrange, était différente. Toutefois, Natsuki avait vu dans sa vie bien des bizarreries et des comportements déviants, suffisamment pour ne pas les relever autrement que comme des signes exprimant quelque chose. Il sentait bien que son interlocuteur n'était pas à son aise, tout dans la posture et le langage corporel de ce dernier le criaient, aussi il s'efforça de minimiser la tension faute de pouvoir créer un climat détendu et propice à l'échange.

« C'est le propre de notre métier cela, que de vivre dans l'ombre – ou du moins pour un partie d'entre nous. Certes, la population et nous avons besoin de symboles, de visages connus pour nous mener, nous donner le courage et la force de faire ce que nous faisons. Mais il en faut aussi beaucoup d'autres, qui sont tout aussi compétents, mais qui restent dans les ombres, pour exécuter ce qui doit être fait. Des anonymes, des noms que l'Histoire ne retiendra pas, mais sans lesquels Elle ne saurait être bâtit. Si la lumière et l'ombre vont de paire, c'est simplement parce que les deux sont nécessaires. »

Jusque là, tout se passait relativement bien, surtout avec Maï qui précisait son déplaisir à l'égard de la guerre.

« Vous êtes assez âgé pour avoir connu la Grande Guerre des Shinobi, ainsi que toutes celles qui ont suivit. Beaucoup de notre génération en ont été marqués – surtout ceux qui en ont survécu, en fait. »

Et là encore, il y avait beaucoup à en dire. Que c'était ridicule, que la plupart n'avaient conduit des hommes qui ne connaissaient pas qu'à s'entretuer pour des différends qui ne les concernaient pas, mais que dans le fond, lorsqu'elles ne servaient pas l'intérêt collectif ou le bien du peuple, les missions shinobi n'étaient rien de plus que des guerres à échelle réduite. Cependant, Natsuki sentait que l'attention de Maï se perdait, et comme l'avait prouvé l'échange précédent, l'Aburame n'était pas très loquace. Mieux valait donc à l'essentiel.

« Le temps, vous l'avez Maï, je vous le laisse volontiers. C'est à vous de décider quand vous voudrez prendre les choses en main. La seule limite de temps à mon offre est mon décès. »

Natsuki était beaucoup trop sérieux en cet instant pour que l'on puisse déterminer s'il plaisantait ou non.

« J'aurai aimé pouvoir vous évaluer aujourd'hui aussi. Voir votre niveau martial en échangeant quelques coups avec vous. Mais cela, c'était seulement si mon offre vous intéressait immédiatement. Et je n'ai guère l'intention de vous forcer la main pour cela : ce n'est qu'une occasion qui se reporte si vous n'êtes pas prêt. »

Natsuki claqua des doigts, ce qui fit apparaître une carte. Il la tendit à Maï.

« Lorsque vous voudrez me joindre, vous n'aurez cas qu'en envoyer au Palais du Hokage cette carte avec une date dessus, via l'un des oiseaux de la fauconnerie de votre clan. »

«Peut-être ouais ...» laissait-il échapper avant d’écouter la cloture du discours de Natsuki-sama. Il soupirait, comme fatigué par cette situation qui stagnait sur ses épaules. Maï n’avait pas voulu de cela, encore moins de cette attitude qui lui colle à la peau sans arrêt. Ses insomnies chroniques à cause de certains faits de guerre lui laissant un goût amer dans la bouche lorsqu'il s’agit de vivre sa vie. Il venait d’avoir vingt-six ans et pourtant ce n’était qu’un génin sans la moindre expérience du monde ninja, il avait parfois honte de son statut mais jamais il ne lâcherait la viande dans laquelle il avait planté ses crocs. L’Aburame donnait cette impression de porter la misère du monde dans un petit baluchon déjà bien trop encombrant pour sa carrure. Une ossature légère qui n’avait rien à voir avec la quantité pharaonique de nourriture qu’il s’envoyait chaque jour. Une énième contradiction avec son mode de vie bien étrange, il avait tendance à consommer bien plus de sucre que la normal sans vraiment que le corps puisse réagir.

La guerre était un sujet sensible pour le jeune shinobi de vingt-six ans. Il n’aimait guère en parler parce que c’était une plaie encore béante présente dans sa poitrine qu’il n’arrivait pas à refermer, ni à faire disparaître. Il vivait simplement avec, attendant avec impatience que le jour de la cicatrisation arrive. L’espoir ne quittait jamais son être, cherchant une option même après que la nuit soit tombée. Voilà pourquoi Maï n’arrivait pas à dormir, il réfléchissait à une solution pour libérer son âme de toutes ses pensées merdiques. La vérité était tout autre. Il n’y arrivait plus et pourtant il ne voulait faire confiance à personne, préférant passer sa vie à errer et espérant réussir seul sans l’aide de personne. « Je suis désolé, mais je ne peux pas parler à cœur ouvert aussi simplement. Je suis mort à l’intérieur.» sifflait-il avant de baisser les yeux comme si il était sur le point de fondre en larme alors que ce n’était pas le cas du tout. Cela faisait bien sept ans qu’il n’avait pas lâché une seule larme, parce qu’auparavant il avait déjà bien trop pleuré.

Il regardait le papier que le tatoué tenait dans sa main avant de ne voir qu’une seule et unique vision : Maï voulait rejoindre cette équipe pour grandir, faire un pas vers l’autre et essayer de se familiariser avec la populace. Alors, même si sa réponse était évasive, il avait déjà choisis son camp avant même d’envoyer le papier. Par principe, il saisissait la petite carte pour laisser un suspens à son interlocuteur. « Je vais réfléchir.» laissait-il entendre avant de poser son doigt devant la bouche en conservant cette position étrange sur sa chaise.

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Une nouvelle fois, ses jambes venaient souiller le sol du terrain d’entraînement. Il avait envoyé le papier avec un oiseau de la fauconnerie clanique, comme demandé par le chef de cette équipe, Nara Natsuki. Il attendait toujours sous le même arbre, prenant soin de cacher son corps du soleil pour profiter de la nature du mieux possible. Observant la faune et la flore, le paysage étrange marquant son horizon, il avait toujours le silence scotché aux lèvres et le dos courbé fidèle à sa carrure. Après une seconde d’hésitation, il laissait sont être se poser contre un tronc d’arbre avant de soupirer une nouvelle fois. Quelques éléments de sa ruche en electron libre, il jouait avec ses insectes comme un gamin jouait avec ses jouets en attendant l’arrivée de son futur senseï.

'' Je suis mort à l'intérieur. '' Voilà une phrase qui n'était pas anodine. Lourdes de sens pour Maï, il ne souhaitait pas s'exprimer davantage sur le sujet, et Natsuki ne put que respecter son choix. Il lui laissa donc sa carte, et c'est là-dessus qu'ils se séparèrent.

Il se passa quelques jours avant avant que Natsuki ne reçoive à son bureau du Palais du Hokage la carte de Maï. Ce dernier avait finalement fait son choix, et le fait qu'une date se trouvait dessus signifiait qu'il était positif. Un fin sourire sur les lèvres, Natsuki se préparait pour une nouvelle aventure, celle où son équipe Matsudaï comptera plus qu'un seul étudiant. De quoi remettre pas mal de vieilles mécaniques rouillées en route, et de bousculer les habitudes qui s'étaient installées depuis plus d'un an.

Matsudaï entrait dans son ère 3.2

Le jour convenu, Natsuki se rendit donc au même endroit que là où il avait rencontré Maï pour la première fois. Et la seule différence au final fut qu'ayant dû se libérer de son travail, le Nara tatoué ne fut pas le premier à attendre sur le terrain d'entrainement vague. L'Aburame qui avait le même âge que lui était déjà sur place, patientant sous un arbre.

« Bonjour à vous, Maï. Vous m'attendez depuis longtemps ? »

Normalement non, Natsuki mettait la ponctualité parmi les valeurs les plus importantes.

« J'ai reçu votre message, par conséquent, j'en déduis que vous avez décidé de sauter le pas et de faire une tentative en intégrant mon équipe ? Sachez qu'il n'y a pas de période d'essai, vous ne serez jamais plus lié dans un engagement auprès de Matsudaï que ce que vous déciderez : vous pouvez à n'importe quel moment quitter l'équipe si elle ne correspond pas à vos attentes. »

Et puisqu'il mettait le doigt dessus...

« En parlant d'attente, permettez-moi de vous faire un résumé de ce que vous êtes en droit d'attendre en intégrant ma tutelle. En tant que mentor, je ferai mon possible pour vous transmettre mon expérience, vous apprendre à survivre, et vous offrir les moyens d'accomplir vos objectifs personnels et collectifs. Et en tant qu'équipe, je chercherai à vous apprendre à travailler en équipe et à réfléchir, développer vos compétences individuelles et votre sens stratégique dans un but collectif, voir des situations données sous plusieurs approches, accroître vos connaissances et optimiser vos capacités. Si vous en montrez le désir, vous aurez aussi l'occasion d'apprendre quelques techniques de ma part. »

Cela, c'était pour l'introduction.

« Et tout ceci m'amène à vous poser deux questions liées : qu'est-ce qui vous a décidé à sauter le pas, et qu'est-ce que vous, vous attendez de Matsudaï ? »

Il allait bien falloir le pousser à parler un minimum à un moment où à un autre.

La bouche encore pleine, il prenait plaisir à déguster la barquette de nourriture qu’il venait d’ingérer. Une sucrerie supplémentaire pour le protéger de sa phobie de l’instant. Maï mangeait pour se calmer, pour oublier, à défaut d’utiliser l’alcool. Le genin avait une angoisse chronique lorsque les choses n’entraient pas dans son monde, lorsqu’il ne contrôlait rien. La tête baissé dans la barquette, il dévorait son repas avant de déposer ses déchets dans un sachet. Il ouvrait une barre chocolat qu’il engouffrait aussitôt dans son gosier, mâchant frénétiquement jusqu’à laisser son estomac tranquille. Une bouteille de soda à la main, il buvait jusqu’à ce que la boisson gazeuse irrite sa gorge. L’attente lui était trop longue, surtout qu’il venait de passer une énième nuit sans dormir. L’Aburame était là depuis déjà deux longues heures, alors l’absence de son sensei n’était pas anodine puisqu’il était en avance sur l'horaire qu’il avait noté sur la carte.

L’arrivée de Natsuki le faisait sursauter, laissant son être en total angoisse. Alors il ouvrait une nouvelle fois une sucrerie avant de l’enfourner dans sa gueule, comme une baguette dans un four à pain. Il mâchait sans bruit, avant de saisir une serviette pour s’essuyer le contour de la bouche ainsi que ses lèvres. « Non, ne vous inquietez pas. Je suis là depuis deux bonnes heures déjà.» sifflait-il avant de baisser les yeux, relevant ses échasses pour laisser son dos se reposer contre l’écorce de l’arbre. Il l’avait fait. Rejoindre une équipe dont il ne savait rien, rejoindre un groupe d’humain, sa pire phobie. Il n’était pas très à l’aise à l’idée de devoir travailler en équipe, ni même de devoir un jour se confier à ses personnes, mais il avait l’envie d’avancer et d’aller plus loin que son handicap.

Maï acquiesçait de la tête, avant de laisser Natsuki poursuivre ses indications. Il avait le coeur qui battait à une vitesse phénoménale et il restait tout de même très anxieux à l’idée d’emprunter un chemin dont il ne connaissait pas la fin. Une prise de risque qui avait le don de le pousser dans les cordes. Une réflexion s’imposait durant cet énoncé. Il prenait soin d’écouter les détails de « l’offre» avant de poser son index devant ses lèvres, regardant avec intérêt les yeux de son interlocuteur. Cette voie semblait être une évidence mais il ne pouvait s’empêcher de penser à l’idée négative plutôt qu’à la positive. C’était sa façon d’être et d’exister. Comme un enfant lâchement abandonné par ses parents qui n’avait absolument aucun moyen de se repérer dans les tristes vagues de la vie.

« L’audace je pense. Et la curiosité du mot «amitié», pour sûr.» sifflait-il avant de croiser les bras pour fuir le regard de son senseï. Il était intimidant et Maï ne pouvait pas le regarder plus d’une minute dans les yeux. Ce n’était pas un manque de respect de sa part, mais une timidité dévorante et handicapante lui bousillant l’existence depuis qu’il était bambin. Une malédiction rôdant au-dessus de sa tête, comme une épée pouvant le tuer à la moindre occasion. Il était là pour progresser en tant qu’humain avant tout, le reste il s’en moquait totalement. Il voulait ressentir la sensation d’être en communauté et ne plus être avec cette solitude si lourde sur ses épaules.

Arriver en avance était une chose, mais ne pas le mettre à profit en était une autre. Et l'un dans l'autre, Nastuki préféra ne pas relever dans l'immédiat. En lieu et place, il eu un rire lorsque Maï lui révéla le fruit de ses réflexions, les raisons pour lesquelles il avait décidé d'accepter la proposition du Nara tatoué.

« De l'audace, eh ? »

Il était sûr que de l'audace, il en fallait pour rejoindre Matsudaï, la plus vieille équipe shinobi du Village de la Feuille, en partie à cause de la réputation qu'elle avait : en général les organisations disparaissaient bien avant d'en acquérir une. Et ce n'était pas peut-être pas plus mal que d'être éphémère...

« Eh bien nous verrons ce que nous pouvons faire pour cette notion qui vous semble étrangère. Peut-être en commençant par nous tutoyer, maintenant que nous sommes dans la même équipe ? »

Histoire de faire tomber une première barrière – l'une des plus si nombreuses que Natsuki plaçait autour de lui.

« D'ici quelques jours, j'ai une session d'entrainement que j'organise avec Matsudaï. Je vous communiquerai les détails ultérieurement, afin que vous puissiez rencontrer l'autre étudiante dont je m'occupe. En tant qu'équipière, vous serez souvent amenés à être en contact, mais j'espère que le courant passera assez bien pour que vous vous fréquentiez un peu en dehors de l'équipe aussi. Avoir des liens avec ses équipiers favorise la confiance et la synergie – des facteurs essentiels pour un travail d'équipe réussit. »

Même si chacun apprenait dans sa formation de base des stratégies basiques à plusieurs, que tous était capable d'appliquer avec n'importe qui d'autre ayant eu la même, cela ne valait pas les performances que pouvaient atteindre des équipiers bien rodés. L'un des raisons pour lesquelles tout ce qu'organisait Natsuki avec Matsudaï n'avait pas forcément un lien avec le monde shinobi : il y avait aussi des moments de détente.

« Bien, je vais maintenant faire un premier bilan de vos capacités. Cela me permettra de savoir où vous en êtes, et sur quels points je devrai plutôt axer votre apprentissage. »

Natsuki écarta les bras.

« Venez m'attaquer. »

Cela restait la meilleure manière de savoir pourquoi quelqu'un se battait.