Un éclair tomba sur le paratonnerre d’un immeuble voisin, provoquant un bruit tonitruant ainsi qu’un flash de lumières qui me sortirent de mon sommeil. Alors que les bars de Morphée m’offraient leur réconfort, la nature semblait en avoir décidé autrement. Et ce mauvais temps tombait justement mal. J’avais rendez-vous avec la jeune Chunin Akane pour lui enseigné une technique de zone. De telles journées se prêtaient bien plus à faire de la paperasse au bureau que d’enseigner à quelqu’un une technique aussi difficile et puissante que celle-ci. Mais qu’importe, il était trop tard pour annuler et j’en profitai donc pour me lever et réfléchir à la manière dont je pourrai transmettre se savoir à mon élève de circonstance. La jeune femme ne possédait qu’une affinité élémentaire : celle du vent. Gogyou de naissance, elle ne pouvait logiquement pas maîtriser une autre affinité que celle avec laquelle elle pouvait se lier et se transformer. Des pieux en métal sortant du sol étaient donc tout sauf adaptée au Fuuton et je devais donc trouver une solution à ce problème. Une fois la forme trouvée, il me suffirait de lui expliquer comment malaxer son chakra et le diffuser sur la zone pour donner forme à la technique. Le tout résidait donc dans la forme. Akane devait probablement déjà y avoir réfléchis, mais je préférai néanmoins arriver avec ma propre solution.

Je pensais tout d’abord à une puissante lame tranchante qu’elle pourrait créer de son corps et diffuser sur 380 degrés, mais la technique souffrirait alors d’une très faible zone d’action. Alors pourquoi ne pas créer une multitude de lames de vent acérer provenant de la surface et remontant dans l’air ? Comme pourrait le faire une vague en somme. L’inverse était également possible, même si de mon avis il se révèlerait plus difficile à mettre en place.

Je me relevai, toujours perdu dans mes pensées, et commençai à me préparer en vue de partir au terrain d’entrainement sur lequel nous nous étions convenus de nous retrouver. Le même que celui sur lequel j’avais, grâce à l’aide de la Chunin, perfectionné mon laser de foudre en en améliorant la puissance. Dehors, il pleuvait à torrents et je décidai donc de me revêtir de mon long manteau noir à capuche, ainsi que d’un sac dans lequel je mis de la nourriture et de l’eau. En ouvrant ma porte, je pris conscience de l’importance de l’orage qui se déchainait au-dessus de nous et me mit directement en marche vers ma destination afin de ne pas perdre de temps.

Une fois arrivée sur les lieux, j’aperçus la jeune femme, assise en tailleur au milieu du terrain. Bien que mouillée, les gouttes semblaient la traverser comme il traverseraient de l’air, un phénomène impressionnant témoignant de la maîtrise que la Gogyou avait sur sa transformation élémentaire.

« Bonjour Akane. »

Disais-je simplement pour la saluer tout en me penchant légèrement.

« Mettons-nous directement au travail si tu veux bien. »

Je n’avais aucune envie de rester trop longtemps sous ce déluge. Je n’aimais pas la pluie et encore moins l’orage. Bien que la première soit un avantage pour moi et ma maîtrise du Raiton, la foudre pouvait se trouver être extrêmement dangereuse si j’usais de ma maîtrise du métal. Ces derniers étant pour la plupart conducteur, ils faisaient donc de parfait paratonnerre et même un grand ninja ne survivrait probablement pas à une décharge aussi intense que celle d’un éclair s'abattant sur lui.

« As-tu pensé à une forme pour ta technique ? »

Technique enseignée:

Les salutations de la jeune femme furent comme à son habitude protocolaires, bien que j’aie cette fois-ci eut le droit à un sourire. Cette dernière ne semblait donc pas dénuée de toute expression faciale, idée à laquelle j’avais commencé à adhérer. L’on aurait facilement plus croire que la Gogyou était telle une pierre, un paradoxe qu’on en vient à se remémorer que son affinité est le vent, un élément tout sauf froid et immobile. Elle me remercia du temps pris pour son apprentissage, service que je lui devais bien depuis mon dernier entrainement et l’aide qu’elle m’a apporté dans la réalisation de ma technique de raiton.

Je ne fus pas surpris de voir que la jeune femme avait déjà réfléchie à l’aspect qu’elle souhait donner à sa technique. Elle ne pouvait évidemment pas lui donner la même forme que la mienne, le métal et le vent n’avaient en effet rien en commun, mais décida d’en garder la nature. Ainsi, elle avait pensé à une sorte d’armures d’épines faites de vent, comme peut l’être un porc-épic avec les siennes, qu’elle ajusterait en fonction de la situation, comme par exemple pour épargner un allié se trouvant dans la zone d’action ou pour les concentrer sur un ennemi un peu trop aventureux. Toute la difficulté serait de créer des épines d’airs assez serrées pour que sa cible ne puisse les esquiver en passant entres elles, ainsi que de concentrer l’air permettant de les créer. Sa technique avait le défaut, contrairement à la mienne, de ne pas pouvoir atteindre les cibles se trouvant dans le sol. Elle avait cependant l’énorme avantage de pouvoir atteindre celles se trouvant dans le ciel, possibilité qui me faisait défaut et dont j’avais bien conscience. J’avais justement pensé à créer une autre technique de zone à l’aide de mon raiton pour toucher une surface comprise entre le sol et le ciel, mais faute de temps, j’avais toujours remis cet entrainement à plus tard et la conquête prochaine de Shimo nu Kuni n’allait pas m’aider à libérer mon emploi du temps déjà surchargé. Ses explications terminées, Akane me demanda son avis, ce que je fis sans me faire attendre.

«Ta technique possède selon moi deux défauts : sa portée ne sera pas très importante et tu ne pourras toucher les cibles présentes sous le sol. Le second n’est pas très important puisqu’il est remplacé par la possibilité de toucher des personnes se trouvant dans les airs. En ce qui concerne le premier point, penses-tu pouvoir créer des épines d’air à la fois longues et présentent sur une grande surface ? Leur base devra être unique et non pas partagée : chaque épine devra partir d’un point précis qu’elle ne pourra partager avec une autre. Sans quoi le flux ne sera pas assez concentrée pour donner « vie » à ta technique. Ainsi, si tu veux atteindre une cible à longue portée tu devras les faire les plus fines possibles, car si elles sont trop épaisses ton ennemi pourra facilement les éviter en passant entre. Et même en agissant ainsi, penses-tu pouvoir atteindre ta cible si elle se trouve à plus d’une vingtaine de mètre ? Je connais un peu la maîtrise de l’air, puisqu’il s’agit du contre de ma maîtrise de la foudre et il est difficile de créer ainsi, avec le Fuuton, un élément consistant d’une telle longueur, épaisseur et en si grand nombre. »

J’espérais ainsi relever un point qui lui permettrait d’améliorer sa technique afin de gommer ce qui me semblait être un défaut majeur. Mais peut-être que la jeune femme allait me surprendre dans le bon sens en m’affirmant que ce que je venais de décrire comme presque impossible à réaliser était dans ses capacités.

La jeune femme confirma qu’elle ne pourrait atteindre des cibles souterraines. De toute façon, à cause de son affinité, il lui serait très difficile d’y parvenir. Il lui faudrait une dépense bien trop importante de chakra pour que ce soit rentable. De plus, elle possédait la capacité de pouvoir voler et in fine de l’avantage aérien, ce qui composait très largement cette faiblesse. Akane avait cependant confiance en ses capacités et me demanda de faire de même. Bien que je ne sois pas totalement convaincu, je lui laissais le bénéfice du doute.

Elle confirma mes dires sur l’indépendance des pointes, nécessaire à leur création. Ainsi, la Gogyou espérait pouvoir couvrir tout le terrain, même si pour cela il lui faudrait de l’entrainement et de la pratique. Aussi talentueuse soit-elle, il s’agissait là d’une technique de haut niveau requérant de la pratique. De plus, selon elle, sa force résidait en son affinité unique et son sang, qui lui permettait de maîtriser mieux que personne le vent. Ainsi, l’impossible était possible pour les Gogyous, ce dont je ne doutais pas, bien que j’attende de le voir pour le croire.

Akane commença à s’éloigner puis fit une suite de mudra. Son corps disparaissait peu à peu, comme s’il se décomposait pour se changer en pure Futon, jusqu’à donner une tempête de vent en modèle réduit, dont les courants et la puissance devaient être insurmontable pour quiconque tenterait de la traverser. Elle forma les piques, tout en veillant à épargner la zone où je me trouvais, et les lança sur tout le terrain. Toutes n’étaient pas synchrone ni même de la même puissance, mais elle était cependant parvenue à réaliser son idée. Son corps reprit alors forme. Essoufflée, la Gogyou prit quelques secondes pour souffler après l’effort intense qu’elle venait de donner puis recommença à nouveau, améliorant au fur et à mesure de ces essais sa techniques. Je décidai alors qu’il était temps de la tester en situant réelle, en invitant mon élève à cette fois-ci concentrer les pics contre moi.

«Je pense qu’il est temps de la mettre en pratique, ainsi tu pourras concrètement voir où tu en es et ce qu’il te reste à améliorer. Concentre ton attaque sur moi. »

L’air confiant, je me préparai à donner faire apparaître un mur que j’estimerai adapté à la situation, en fonction de ce que me proposerait la Gogyou.

La jeune femme semblait hésitante. Avait-elle peur de me blesser ? Elle ignorait que je possédais un très grand nombre de défense me permettant de répondre à toutes – ou presque – les situations. J’acquiesçai sans un mot, laissant transparaître toute mon assurance et Akane s’éloigna de quelques mètres, peut-être pour s’assurer que j’ai assez de temps pour réagir. Hochant la tête, la jeune femme expira et courut dans ma direction. Alors que je me tenais debout et que je lui faisais face, je me baissai légèrement afin de consolider mes appuis et me préparait à créer un dôme ou un mur de la résistance que j’estimerai approprié à sa technique. Akane sauta à quelques mètres de mois et fit un bond de plus d’une dizaine de mètres. En pleine ascension, elle commença l’invocation de sa technique et je vis son corps se transformer. Une multitude de pieux d’air comprimée firent leur apparition sur toute la surface de son corps et elle les expédia aussitôt formés sur le terrain, n’épargnant pas un seul endroit de ce dernier. La pluie tombait toujours à torrents, l’air comprimé fouetta les gouttelettes d’eau et fit les fit imploser. Toujours protégé par mon manteau, bien que mon visage soit moite par l’humidité ambiante, je fis une série de mudra et frappa le sol de mon pied gauche, en l’avançant légèrement. Deux plaques de métal apparurent de chaque côté et grandirent jusqu’à se rejoindre au-dessus de ma tête. Les piques de vent vinrent se fracasser contre le métal causant un bruit assourdissant, mais ma protection tint bon. La jeune femme commença à chuter sur le sol et se rattrapa sans problèmes. Le terrain, marqué par les eaux et la multitude de pieux de vents qui dont il avait été asséné, se trouvait maintenant dans un sale état. Ma protection se renfonça dans le sol jusqu’à totalement disparaître et je me relevai et hochai légèrement la tête.

« C’est une bonne technique à n’en pas douter. Tu la maîtrises déjà bien, encore un peu d’entrainement et elle sera au point. »

Levant les yeux aux ciels, ma capuche tomba sur ma nuque et je sentis la pluie sur la peau de mon visage. Mes yeux se fermèrent par réflexe et il me fallut quelques secondes pour les réouvrir et observer le ciel nuageux.

« Que dirais-tu de continuer plus tard ? Tu es toute trempée et à ce rythme, tu risques de tomber malade. »

Mon ventre me rappela à la réalité et j’eus l’idée de proposer à la jeune femme un restaurant pour faire plus amplement sa connaissance.

« Je connais une bonne adresse pas loin, on y sert les meilleures nouilles de la ville ! »

Bien que couvert, j’étais complètement trempé. L’humidité ambiante et les trombes d’eaux avaient fini de venir à bout de mes vêtements. Si je ne tombais pas malade dans les prochains jours, ce serait un miracle et il en allait de même pour Akane, bien que sa maîtrise de son corps soit un atout par un tel temps. La jeune femme accepta ma proposition et me confia qu’elle habitait encore chez ses parents adoptifs. Ceux-ci s’inquiéteraient donc surement de son retour tardif et je me tâtai à lui demander si c’était bien sage mais, devant son assurance je n’en fis rien. Ainsi la jeune femme ne vivait plus chez ses parents biologiques. La légende disait-elle vrai sur la mort de la mère lors de la naissance d’un enfant Gogyou ? Et si c’était le cas qu’était-il advenu de son père ? Plus j’apprenais à connaître Akane, plus elle me semblait avoir un passé tortueux, comme bon nombre d’entre nous. Tout le monde subissait les conséquences des guerres et des conflits. Pas une seule âme en ce monde ne doit connaître le bonheur d’une paix durable et la sérénité qu’on peut y trouver.

Mes pas nous menèrent jusqu’au fameux restaurant de nouilles. Ayant couru afin d’arriver plus rapidement, j’étais un brin essoufflé par l’exercice qui venait de se rajouter à l’entrainement que nous venions de faire. Je saluai le patron et ce dernier nous invita à nous assoir puis nous tendit deux cartes. Peu de plats étaient présents sur la liste, gage de produits fait et de plats concoctés sur place. Après quelques secondes, je décidai de prendre le menu normal : une soupe en entrée accompagné d’une salade de choux suivit d’un bol de nouilles avec du poulet. Mes goûts n’étaient pas très exotiques, comme en témoignait mes choix. J’attendis que la jeune femme ait fait son choix, ma curiosité étant la plus forte, me décidai à me lancer sur un terrain pentu.

« Tu viens de dire que tu vivais chez tes parents adoptifs. Qu’est-il arrivé à tes parents biologiques ? »

Mon ton laissait transparaître mes doutes ainsi que mes craintes.

« Ne te sens pas obligé si c’est trop personnel. Mais tes dires au terrain d’entrainement ont piqué ma curiosité. »

La pluie battante s’abattait sur la petite cabane où l’on était installé. Le cuisinier, qui préparait nos nouilles devant nous, fit mine de ne rien entendre et continuait à nous concocter notre plat. L’endroit ne disposait que de 5 places. Une adresse qui était pourtant bien connu tant son chef était doué. Par une telle pluie, on pouvait cependant espérer y manger sans avoir à faire la queue.

Akane avait marqué un temps avant de répondre à ma question, concentré sur la lecture de sa carte, comme si elle ne l’avait pas entendu. Elle posa d’un geste lent la carte sur le comptoir. La phrase qui suivit n’était teinté d’aucune émotion mais l’on pouvait sentir que la blessure qui en découlait était encore bien ouverte.

« On ne pose de questions uniquement si on veut ou on ose vraiment entendre la réponse. »

Ces mots résonnèrent dans mon esprit, mais je n’eus pas le temps d’y réfléchir que la suite vint naturellement. Tout en retirant le masque qui couvrait jusqu’alors le bas de son visage, laissant ainsi apparaître ce qui semblait être une jolie jeune femme – quoi que ses traits étaient trop sévères pour pleinement l’être – elle expliqua que sa mère était morte assassinée par des nukenins. Elle n’était âgée que de sept ans. Des ninjas de kumos étaient ensuite intervenu la sauvant au mieux d’une morte certain, au pire d’une vie encore plus difficile que la mort elle-même.

Un léger blanc marqua la conversation et la jeune femme détourna son regard sur le chef en train de préparer les aliments. Ainsi sa mère avait survécu à son accouchement, la rumeur disant que ces dernières mourraient lors d’un enfant Gogyou était donc infondé. Cette nouvelle information ne m’étonnait guère. Peut-être était-ce le cas pour certaines d’entre elles, trop faible pour pouvoir accoucher d’un bébé au si grand pouvoir. Mais ce n’était en l’occurrence la faute ni de l’enfant ni de la mère.

Le cuisinier m’apporter des baguettes qu’il posa légèrement violemment devant moi, ce que j’ignorais totalement. Les gens ont le don de juger sans savoir. Ça ne date pas d’hier et ne disparaitra surement pas demain, me disais-je intérieurement. Le silence se poursuivit quelques instants durant lesquels je profitai du son de la pluie sur le toit de la cabane, les yeux fermés.

« Je vois. La rumeur selon laquelle les mères d’enfants Gogyou mourraient à la naissance est donc fausse. »

Cacher mes réelles intentions était inutile et irrespectueux envers Akane et je décidai donc je jouer franc jeu avec elle. De toute évidence, la jeune femme était bien assez mature cela.

« J’ai moi-même était adopté par le village, donc je comprends ce que cela fait. La progéniture du clan du village a eu la chance de connaître une enfance paisible, contrairement à nous. Pas tous évidemment, mais là plus part. Si je ne m’abuse, tu es l’élèves de Snow n’est-ce pas ? Quels sont tes objectifs à plus ou moins long terme ? Qu’elle est la voie que tu as choisi de prendre ? »

Le ton se fit plus grave, plus sérieux. La question était sincère et importante à mes yeux. Elle témoignerait de la volonté de la jeune femme à tracer son propre chemin, ou à se laisser bercer par les flots du destin. Sur ces mots le cuisinier déposa nous apporta nos repas. Son regard me fixait, le visage sévère ce à quoi je répondis d’un regard franc et neutre. « Je me fiche de ce qu’il pouvait penser » lui disais-je ainsi sans prononcer un mot.

« La rumeur dit que nous ne sommes pas humain, qu’est-ce que tu en penses ? »

Renchérie la jeune femme toujours aussi impassible. Sa capacité à rester de marbre m’impressionnait en un sens. Jamais je n’avais rencontré de personne aussi imperturbable qu’Akane et je me demandais si elle pouvait être déstabilisé. Mais jouer à un tel jeu ne me ressemblait pas et ne m’intéressait aucunement. Attentif à son histoire, je tendis l’oreille tout en commençant à manger mes nouilles. Saisissant mes baguettes, je les séparai les positionna dans ma main de sorte à attraper ce morceau de poulet qui me faisait tant envie. Pendant ce temps, la Gogyou m’expliquait qu’elle avait vécu la guerre à travers les yeux de sa mère. Selon elle, la paix n’était qu’un conte de fée et n’existait pas réellement, une affirmation qui me fit sursauter intérieurement, bien qu’elle ne fût pas dénuée de sens. Ainsi elle fut formée dans l’optique d’une prochaine grande guerre. Akane avait à cœur de protéger Kaminari no Kuni et son peuple. Une noble cause bien lourde pour de si frêles épaules. Si elle allait au champ de bataille, d’autres n’auraient pas à le faire. Ainsi était la voie qu’elle avait choisie, difficile, entachée de sang et la menant vers une mort certaine. Je ressentais une certaine compassion à son égard. Si jeune et déjà si proche de la mort… Etait-ce là la vie que nous, ainés, offrions aux enfants du village ? Kumo a toujours été – et ce depuis sa création – un village violent. Bien trop violent. Nos précédents chefs avaient enflammé de nombreuses fois le Yuukan dans leurs folies guerrières et j’espérais que Kadoria Manzo ne soit pas de la même souche. Mais incapable de m’accrocher à cette idée, je me concentrais sur mon travail et mon objectif. Détourner le regard de la situation et faire chaque jour un peu plus pour la justice et la paix. Telle était mon nindo.

Snow était donc le maître d’Akane. Rassuré à l’idée qu’elle soit entre de bonnes mains, je continuai à déguster mon plat tout en prêtant attention à chacune de ses paroles. Akane se sentait redevable envers Kumo. Le village lui avait sauvé la vie et elle payait sa dette en donnant la sienne. Des mots qui m’attristèrent. La vie que le village t’avait offert, jeune fille, ne devait pas être gaspillée en courant après la mort. Tu devrais en profiter chaque jour un peu plus, et vivre comme si demain était le dernier.

La Gogyou marqua une pause dans son récit puis lista les règles une, trois, quatre et neuf du code Shinobi. Ainsi se trouvait là la raison de son comportement.

Règle n°3 : Un ninja ne doit jamais laisser transparaître ses émotions, quelle que soit la situation. Un ninja n’a pas le droit de verser des larmes.

Ce code avait pour moi plus de sens de faire intégrer les concepts de loyauté et de sacrifice à nos soldats que les conduire à le respecter au pied de la lettre. Akane remercia le cuisinier pour son repas, joignit ses mains en signe de respect puis commença à manger. Stoppé dans mon élan, je pris un temps pour réfléchir à mes mots, veillant à ne pas blesser inutilement la jeune femme.

« Es-tu heureuse de vivre ainsi ? »

Disais-je simplement car pour moi, là était le sens de la vie. Vivre heureux et vivre en paix avoir soi-même. La deuxième affirmation était une évidence pour la jeune Chunin, mais qu’en était-il de la première.

« Pour réponde à ta question, je pense que vous êtes bel et bien humains. Les gogyous naissent avec un pouvoir formidable et puissant. Hors les hommes ont peur de ce qu’ils ne peuvent pas contrôler. Vous représentez cette peur. »

J’hésitai à poursuivre notre discussion sur le code shinobi et le caractère de la jeune femme. Je n’avais pas pour prétention de pouvoir la faire changer, mais de veiller à ce qu’elle soit pleinement conscience du chemin sur lequel elle s’était engagée. Jeune l’on ne se rend pas forcément compte de tout ce qui nous échappe. L’expérience s’apprend avec le temps.

« L’important selon moi-même réside en ces quatre mots : honneur, loyauté, bonheur, justice. Trouver sa voie est difficile, la poursuivre encore plus. Mais est-ce vivre que de vivre sans profiter de la vie ? Je me suis longtemps posé la question avant de trouver ma réponse. Qu’elle est la tienne ? »

La pluie ne faiblissait pas alors que notre discussion se poursuivait. Le ciel s’assombrissait de plus en plus, le soleil caché derrière les nuages laissant peu à peu sa place à la lune. La nuit tombait et une journée chargée m’attendait demain. En plus de la paperasse habituelle et de mon entrainement matinal, je devais participer à plusieurs réunions sur l’attaque de Shimo no Kuni. Ma terre natale que j’allais enfin pouvoir retrouver. Cette terre natale qui me manquait tant. Alors que la jeune femme me racontait son passé torturé, ses mots me rappelèrent le mien. Jamais, d’aussi loin que je me souvienne, je n’ai connu un moment de bonheur dans ma famille. La vie à cette époque n’était que souffrance et tristesse. Les paroles d’Akane me ramenèrent à la réalité et je continuai à déguster mon bol tout en l’écoutant attentivement.

Aux yeux de la Gogyou, vivre heureux voulait dire donner un cadre de vie aux habitants de Kaminari no Kuni où ils pourraient vivre heureux. Un sacrifice noble et un chemin difficile que cette jeune femme a entrepris. J’espérai, non pas sans craintes, que sa raison de vivre ne l’amènerai pas à faire de terribles choses et qu’elle ne s’égarerait pas de sa voie. Actuellement, Kumo était essentiel à sa vie et il en était de même pour la plupart des shinobis et des civils vivant ici. Mais… J’avais des doutes quant à cette vérité autrefois mienne. Les mots du Raikage résonnait sans cesse dans mon esprit, et je ne pouvais me détacher l’idée de revoir ma terre natale. Mon pays. Ce pays qui m’avait apporté tant de souffrance et que je désirai aujourd’hui sauver. Ce pays que j’avais fui par tous les moyens et qui me rappelait maintenant. J’avais tout donné pour Kumo. Tout comme la jeune femme, j’avais grandi en tant que réfugié et consacré ma vie à la protection et au bien-être du village. Kumo était tout pour moi et il n’y a que récemment que je me suis rendu compte à quel point je me fourvoyais. A quel point les actes de ce village que j’aimais tant – et que j’aime toujours – avait commis était impardonnable. Non, la justice n’était pas une valeur fluctuante. La justice et la volonté de répandre le bien et de ne pas faire souffrir autrui inutilement. De ne pas s’approprié plus que l’on a besoin, d’aider son prochain. La justice c’est tout cela. La justice était aujourd’hui ma raison de vivre. La volonté de remettre ce monde dans le droit chemin.

Je ne répondis point aux propos de la jeune femme et continuai à manger mon repas. Bouchée après bouchée, dans un silence d’or seulement perturbé par le bruit des gouttes sur le plafond et les crépitements des poêles du chef, sans un mot. Une fois terminé, je saisissai la serviette à ma droite et la pliai en deux, puis tapota ma bouche afin de l’essuyer et lavai mes main grâce à la serviette humide qui était à notre disposition. Une fois fait, je la posai d’un geste lent, puis me retourna et observai le ciel.

« Je comprends. J’espère que la voie que tu as entreprise ne t’amènera pas à des souffrances plus grandes encore que celles que tu as pu connaître. »

Je plongeai ma main dans ma poche et en extirpa quelques pièces pour ensuite les poser sur le comptoir. C’était plus qu’il n’en fallait pour le repas, mais je n’avais pas l’esprit à compter.

« Bien que nos passés soient différents, nos destins sont liées jeune Gogyou. Sache que si jamais tu es dans le besoin, ma porte te sera toujours ouverte. Le monde court inéluctablement vers une période sombre, tâche de survivre avant tout. Car si tu meurs tu ne pourras plus t’évertuer à protéger ce que tu chéris tant. Et jamais tu ne pourras autant faire de ton vivant une fois morte. »

Sur ces mots, je me retournai et m’élançai vers l’horizon. Ma capuche dans mon dos, je levai le bras pour saluer la jeune femme sans la regarder et continuai ainsi sous la pluie battante.