Toute la petite troupe s'arrêta dans un même mouvement. Tous les chevaux -on en comptait une dizaine- et la bête imposante qui dirigeait ce cortège improbable stoppèrent leur avancée pour faire face à un lieu que l'on reconnaissait partout dans Taki no Kuni. Le Temple Ao se dressait, fier, égal à lui-même, immuable dans son manteau de pierre et de silence. Seito, juché sur son boeuf de voyage, auquel il s'était accoutumé et qu'il arrivait à diriger assez bien malgré son handicap, ne pouvait s'empêcher de ressentir un certain frisson devant le monument. Il se souvenait la première fois qu'il s'était présenté devant les portes du Temple. Il se souvenait du visage qui l'avait alors accueilli: celui du Seigneur de Guerre, auprès duquel il était venu quémander une aide pour trouver la force à ses côtés. Finalement, la situation d'aujourd'hui ne serait pas bien différente. Seulement, il faudrait rejouer des événements vieux de quelques années déjà.

Il descendit à bas de sa monture d'un saut. Ses hommes en firent de même, et s'apprêtèrent à emboîter son pas alors qu'il se dirigeait vers le pont qui menait aux portes ouvertes du Temple. Il les arrêta sans un geste. Simplement, pendant un court instant, il s'entourant de l'aura des moines de Maskine, qui savait toujours intimer ses ordres à ses hommes sans qu'il ait besoin de les prononcer. Sa marche vers son ancien maître, sa quête, il devait l'accomplir seul. Le passage de ce pont était symbolique. Or, pour un homme qui s'est approché de la mort et dont l'esprit est resté en partie prisonnier des mains griffues du destin, les symboles ont tendance à prendre une importance particulière. Une sorte de mysticisme duquel il n'aurait su se détacher, mais dont il se plaisait à découvrir les différentes arcanes. Il croyait maintenant avoir été déterminé depuis sa naissance à chacun de ses actes, et les accomplissait donc sans broncher.

Il fit un premier pas sur les dalles de pierre, puis un autre. A mesure qu'il progressait, il se sentait rajeunir. Il se voyait encore, à peine arrivé au Shûkai, son bandeau fraîchement gravé de l'insigne impérial, le coeur battant de nervosité, venir réclamer l'aide de Hoheinheim. Puis, plus tard, il était revenu dans ce Temple pour y faire le compte-rendu de sa première mission sous les ordres du Seigneur de Guerre. Encore après, il y avait rencontré Kaya, sa nouvelle coéquipière, plus tard devenue Shuhan à son tour. Beaucoup de ses souvenirs récents étaient dans les couloirs de pierre de cet édifice mystérieux. Il croyait n'en connaître pas même la moitié. Aussi, lorsqu'il passa les lourdes portes, son anxiété ne venait-elle pas uniquement de sa rencontre imminent avec celui qui avait été jusqu'à très récemment son maître. Mais le mystère de l'atmosphère et des événements à venir éclipsa bien vite l'angoisse de se perdre dans les boyaux du Temple. Ce qui allait se jouer était trop important pour être spolié par des émotions parasites.

Il retrouva, à vrai dire, son chemin à merveille. Il reconnaissait les couloirs les plus familiers, évitait ceux qui ne lui disaient rien. S'il croisait des personnes dans les couloirs, il ignorait simplement leurs saluts. La plupart le reconnaissaient certainement. Lui était trop plongé dans ses pensées pour prêter attention aux autres. Et ses sourcils froncés -une expression qui était devenue une habitude- devaient en dissuader plus d'un. Dans son manteau d'émeraude, son masque de guerrier tourmenté plaqué contre son visage, il avait l'air plus menaçant qu'autre chose. L'ombre bienveillante de celui qui avait fait rêvé, pendant un temps, une génération de jeunes soldats Takijins avait disparue. Il ne restait plus que la moitié de ce personnage, et ce n'était pas la plus avenante.

Seito arriva devant la porte du bureau d'Hoheinheim. Il ignorait s'il l'y trouverait. Fort heureusement, la porte était entrebâillée. Un détail idiot, mais qui avait son importance pour quelqu'un privé de ses bras. Seito prit une inspiration profonde. Il poussa du bout du pied la porte, qui s'ouvrit devant lui.

Là, devant lui, se tenait Van Hoheinheim.

Seito considéra un instant cet homme qui se tenait devant lui. Il était devenu impossible de lire ses pensées sur son visage, marqué des stigmates de la guerre. Son dernier oeil valide ne reflétait plus rien qu'un mur de pierre insensibles à quoique ce soit, et ses traits restaient figés non pas en une grimace de colère ou de dégoût, mais bien dans une expression d'indifférence proche de celle dont se parent les corps au moment de mourir. L'étincelle de malice qui pétillait si bien au coeur des pupilles s'était dissipé, le feu de la sagesse s'était éteint, ou plutôt avait été terni par une ombre soudaine. Seito lui-même n'avait plus l'impression de ressentir quoique ce soit. Toutes les émotions qui parvenaient à pénétrer la chape de béton qu'il s'était forgée autour de son esprit étaient confuses, et il n'arrivait plus à mettre de mot sur ces étranges sentiments. Aussi ne put-il dire si ce qu'il éprouvait au contact de cet homme, Hoheinheim, qui se tenait devant lui, était de la haine, du dégoût, du mépris, ou simplement une forme d'affection venue d'un temps passé et très lointain.

Si les paroles du Seigneur de Guerre ravivèrent bien dans la mémoire de Seito quelque souvenir d'un temps passé où il se rappelait avoir conversé sur un ton semblable avec son maître, il ne retrouvait en revanche pas toute l'excitation de ces moments si intenses. Il n'avait plus le plaisir de se confronter à un esprit de même acabit que le sien, sinon supérieur. Tout ça lui paraissait n'être plus que futilités, et il ne voyait plus l'intérêt de s'y plier. De même que ce souvenir-là ne lui rappela aucune émotion, celui de sa première arrivée au temple ne fit pas non plus battre son coeur sur une note de mélancolie ou de tristesse, ni même de nostalgie. C'était comme si revoir la figure de son ancien maître lui avait fait passer un cap émotionnel. Il était devenu une statue douée de mouvement et de parole. Il s'approcha du bureau et s'assit sur une chaise qui faisait face au meuble.

"Inutile de nous rappeler le passé. Cela ne mène à rien."

Son ton était bien loin de celui, bienveillant et chaleureux, qu'il adoptait auparavant. On ne retrouvait pas même les quelques notes de malice si vives dont il aimait ponctuer ses phrases.

"Laissez-moi vous dire mes mésaventures. J'ai été envoyé en mission sur les terres de Kumo, et là j'ai fait face à un adversaire qui m'a amputé de mes bras et de mon oeil avant de me laisser filer, emporté par mon camarade. Nul besoin de s'appesantir sur des détails larmoyants, vous en conviendrez. Les séquelles que j'ai subies -que je subis encore- sont cependant trop grandes pour être ignorées. Et je ne parle évidemment pas de mes membres ôtés. Ceux-là, je suis certain que vous trouverez un moyen de les remplacer. Vous avez certainement déjà compris que c'est pour cette raison que je suis venu vous trouver. Non, ma vraie blessure est toute autre."

Il fit une pause. Son regard était posé sur un point dans le vide. Il disait les choses comme elles lui arrivaient, des mois après les événements. C'était le fruit de ses réflexions qu'il exposait à son ancien maître, ces réflexions qu'il n'avait pas même confiées à son épouse, Ineko, qu'il savait pourtant être à même de garder ses secrets. Cependant, il craignait qu'elle ne comprenne pas ce qu'il lui aurait raconté. Or, il avait besoin d'être entendu, d'être compris par quelqu'un qui saurait précisément de quoi il parlerait.

"Ce qui m'a trahi pendant cette fameuse mission, je l'ai compris après coup. Une fois que mon esprit fut débarrassé de toutes les émotions et sensations parasites, il fut à nouveau prêt à la réflexion. Et j'ai fini par comprendre ce qui m'a fait défaut. Je me suis montré trop gentil, trop réticent à attaquer, contrairement à notre ennemi. Voilà mon tort: j'ai craint de faire quelque chose d'irréversible, quelque chose que je viendrais inévitablement à regretter un jour ou un autre. Or c'est une morale qui ne sied pas à un guerrier. Voilà mes déductions. Le remède s'impose de lui-même."

Il tourna à nouveau son regard vers Hoheinheim. On aurait pu lire de la froideur dans cette unique iris. Lui n'y mettait aucune intention sinon celle dont il ne pouvait départir naturellement son oeil unique.

"Il me faut me forger un coeur de véritable combattant, prêt à lutter dans toute situation, dénué d'émotions néfastes en combat, dénué de regrets et de trop vives intentions. Un coeur de fer, dans un corps de fer. L'esprit n'a rien à faire en combat. Voilà ce qui m'a trompé. Alors, avant de redevenir un soldat ... Il me faut me forger cette nouvelle personnalité, et m'habituer à son contact. La première étape en est de retrouver mes facultés. Remplacez mes bras par quelque prothèse dont vous avez le secret, et vous me permettrez de remettre les pieds dans le bain. Vous me ferez refaire les premiers pas dans le monde du Shûkai. En somme, refaites ce même geste que vous fîtes voilà quelques années déjà. Tenez votre promesse."

Seito était content de trouver un soutien toujours aussi infaillible en la personne de son maître, quand bien même il ne le montrât pas. Mais le seul fait d'avoir l'aval de Hoheinheim et son consentement suffisait à lui soulager l'esprit. C'était comme si, en acceptant d'accéder à sa requête, il lui avait ôté un énorme poids de la conscience. Tout ce que Seito avait imaginé pour se replonger dans le bain de la vie de Shinobi, tout le schéma qu'il avait mis au point, tous les espoirs qu'il avait fondés sur la redécouverte de ses capacités de combattant, tout cela devenait maintenant réalité concrète. Il était sur le point de redevenir pleinement lui-même, avant de s'amputer de ses émotions trop parasites. Il arrivait à ce moment, première étape de toute la démarche qu'il avait imaginée, où il retrouvait la pleine mesure de ses capacités physiques. Cette seule perspective suffisait à le revigorer. Déjà, il sentait son coeur palpiter d'excitation. Et c'était comme si ses bras avaient déjà retrouvé leur juste place. Il brûlait de l'envie simple et pourtant horriblement inaccessible de toucher à nouveau, du bout de ses doigts, la peau des êtres aimés.

Il suivit Hoheinheim dans les tunnels. Le Seigneur de Guerre devait probablement ignorer que ce n'était pas la première visite de Seito dans ces lieux. Il avait déjà eu l'occasion de s'y rendre avec sa coéquipière de l'époque, Takoyaki. La créature lui avait montré où elle vivait, dans un grand aquarium, et l'avait même conduit jusqu'à une caverne souterrain, secrète, dont l'existence était mystérieuse même pour le propriétaire des lieux. Ces souvenirs ramenaient Seito à une époque qui lui paraissait être extraordinairement loin dans le temps. Il y avait comme un filtre flou sur eux. Comme s'il n'était plus la même personne qui avait alors découvert cet environnement si singulier à même le coeur de la roche. Et en effet, il n'était plus le même. Il aurait été idiot de le nier, car c'était une évidence, à ses yeux. La guerre l'avait irrémédiablement changé, pas forcément en mal. Elle avait au moins le mérite de lui avoir fait réaliser qu'il pouvait être faible à cause de ses émotions. Il avait échappé de peu à la mort. C'était comme une seconde chance qui lui était offerte de réaliser ses erreurs et de les corriger. Une chance qu'il ne comptait pas gaspiller.

Il posa les pieds dans la salle à la suite de son ancien maître. Il reconnut l'endroit, qui n'avait pas beaucoup changé, si ce n'est pour les installations scientifiques -aux fonctions mystérieuses aux yeux d'un néophyte comme Seito- qui étaient en partie différentes. L'énorme aquarium était toujours là, qui trônait au milieu de l'espace. Seito ne s'attarda pas à contempler l'environnement. Il était trop pressé de retrouver un semblant d'intégralité physique pour se laisser aller à ce genre d'attitude méditative. Il se dirigea droit vers la table d'opération, et s'assit dessus. Il laissa couler sur ses épaules l'étoffe vert émeraude qui lui couvrait les épaules. Bientôt, il serait à nouveau digne de ce manteau de prestige que lui imposait sa fonction.

"Qu'est devenue l'équipe ? Je n'ai pas de nouvelles de Kaya -et ne cherche pas à en obtenir d'elle- ni de Takoyaki. C'est dommage. J'aimais bien Takoyaki. J'imagine que quelqu'un a déjà pris ma place. Qui est-ce ? Ne vous inquiétez pas, je ne serai pas jaloux de lui."

Il se voulait sincère, mais regrettait en fait le sentiment si rassurant d'appartenir à une équipe efficace et pleine de promesses. Après sa défaite à Kaminari no Kuni, c'était comme s'il avait été laissé pour compte, abandonné de tout. Partout on lui montrait du soutien, mais lui ne se sentait nullement soutenu. Il était seul. Même les tendresses de sa femme, Ineko, n'arrivaient pas à détendre les plis contrariés qui barraient son visage. Qu'aurait-il fallu pour le rasséréner ? Lui-même craignait de ne pas le savoir.

"Je compte sur vous. Je sais que vous êtes capable de me rendre la pleine mesure de mes capacités. Et de toute façon, mon état ne pourrait pas vraiment être pire que ce qu'il est déjà ... Alors ne vous inquiétez pas trop, et faites ce que vous pouvez."

Là-dessus, il s'allongea sur la table, laissant libre cours à l'imagination et au savoir-faire du Seigneur de Guerre pour la suite des événements. Il se savait entre de bonnes mains pour retrouver les siennes.

Seito prêta une oreille discrète aux détails que lui révéla son ancien maître. C'était comme s'il se réveillait d'un long sommeil qui l'avait coupé du monde pendant des mois. Et, à vrai dire, c'était bien ce qu'il avait souhaité. Le moins de contact possible avec le reste des hommes, e sachant que trop bien qu'ils ne pourraient lui apporter aucun réconfort, et n'en cherchant de toute manière aucun. La douleur a cela d'affreux, pour l'homme d'honneur, ou du moins orgueilleux, qu'elle le pousse à refuser toute l'aide qu'on lui propose, aussi bonne soit-elle, par simple souci de paraître fort, et de se sentir soi-même fort. Pour quelqu'un ayant déjà affreusement souffert, quel bien aurait-il pu y avoir, suivant cette logique, à obtenir le réconfort de quelqu'un ? Il y aurait simplement vu une marque de pitié. Or, la pitié est la plus cruelle expression de la faiblesse. Dès lors que l'on fait montre de pitié envers soi, c'est que l'on est pathétique. Une caractéristique fort déplaisante. Mais les raisonnements du jeune Shuhan l'avaient finalement éclairci. Il n'y avait aucun mal à aller demander de l'aide, et surtout pas à quelqu'un en qui il avait toute confiance, quoiqu'il ne cautionnât pas forcément les méthodes du Seigneur de Guerre. Et retrouver l'usage de tous ses membres était la meilleure chose qu'il pouvait faire s'il voulait véritablement sortir de son état de faiblesse.

Il se sortit de ces pensées, et se laissa envahir par le sédatif que lui administra Hoheinheim. Il avait l'impression de revivre la scène de ce jour où, dans un laboratoire secret de la capitale, on lui avait administré le Gêne qui devait plus tard intégrer l'éventail de son artillerie. Il n'appréciait guère l'idée d'être plongé artificiellement dans le sommeil, mais devait reconnaître qu'il s'agissait d'un mal pour un bien. Il écouta les derniers mots du Seigneur de Guerre jusqu'à ce que ses oreilles ne répondent plus. Alors, il se livra aux effets de l'anesthésiant, fermant les paupières et abandonnant son esprit aux éventuelles rêveries qui le prendraient.

Celles-ci furent vagues. Il ne fut replongé dans aucun souvenir, ni aucune situation féerique où notre cerveau prend parfois plaisir à réaliser quelques-unes de nos ambitions les plus fortes. Au contraire, il avait l'impression floue qu'il était projeté dans le futur. C'était une situation qui lui semblait plutôt future, en tout cas. Il avait du mal à déterminer quoique ce soit, dans l'état léthargique dans lequel il était. Il voyait sa femme, à ses côtés, plus belle encore qu'il ne s'en souvenait. Et dans ses bras, ses propres bras, un enfant tout nouveau né. Bien qu'il fut dans un sommeil artificiel, il se sentit envahi par une immense tristesse, sans pouvoir en déterminer l'origine. Cette situation idyllique semblait bien trop utopique pour être réalisable. Peut être était-ce ce fait là, justement, qui li donnait envie de pleurer. Quel tour cruel son cerveau lui jouait-il ? Il le maudissait et le pressait en même temps de laisser cette vision se poursuivre à l'infini. Comme un venin, il laissa cette mélancolie l'envahir jusqu'à ce qu'il soit tiré de cette tristesse par le réveil.

Il ouvrit les yeux en papillonnant. Son corps entier était engourdi, et il ne ressentait aucune sensation précise. Simplement, il comprit bien vite qu'une larme roulait sur ses joues émaciées. Il ne savait pas si Hoheinheim était près de lui, mais il entendait distinctement le bruit d'outils métalliques que l'on cogne, pas loin. Sa bouche était sèche, et il l'ouvrit quelques fois sans produire aucun son avant de pouvoir enfin dire ce qu'il souhaitait:

"Est-ce que ... Est-ce que ça a marché ?"

Il avait encore la voix rauque. Et les derniers relents de tristesse de son rêve tardaient à s'envoler ...

Seito examina un instant ces nouveaux bras qu'on lui offrait avant d'essayer de les mouvoir. Les prothèses n'étaient pas exactement belles, mais il ne pouvait faire autrement que de voir en elles de nouveaux espoirs. Elles étaient cuivrées, et l'on pouvait clairement distinguer chaque articulation et chaque morceau du bras, indépendamment du reste de l'appendice mécanique. Il ne sentait pas un poids trop lourd au niveau de ses épaules. Pas plus lourd à porter, en tout cas, que celui d'être complètement privé de ses bras. Il bougea lentement ces nouveaux bras mécaniques ... Et il fut stupéfait de constater qu'ils répondaient parfaitement à ses attentes. Chacun des ordres émanant de son cerveau était traité à la perfection.

Il se plut à observer pendant un moment le fonctionnement de ces prothèses. Il avait immédiatement aimé l'allure des doigts, qui dansaient comme une poignée de petits insectes dorés au bout des mains. Celles-ci semblaient fortes, encore vierges de tout choc ou de rayure. C'étaient des mains de combattant. Les bras eux-mêmes étaient suffisamment robustes et épais pour permettre au Yôgan toutes les fantaisies qu'il se permettait déjà avec ses bras organiques en combat. En somme, il n'aurait pas à changer beaucoup sa manière de se battre. Et s'il ne pourrait certainement rien ressentir avec cette peau de cuivre, il pourrait cependant toucher, caresser, frapper et rentrer en contact avec le monde à nouveau. C'était une nouvelle naissance.

Il n'aurait su comment exprimer sa reconnaissance à son maître. Il avait tenue sa promesse, à nouveau, et l'avait remis sur les rails. Il était à nouveau en mesure de protéger ceux qui devaient l'être et de punir ceux qui le méritaient. Il retrouvait ses pleins pouvoirs. Mais il devait encore vérifier certaines choses. Pas dans le laboratoire, cependant. C'aurait été risquer d'endommager le matériel de Hoheinheim, et il ne voulait pas froisser son ancien maître. Pas après ce qu'il venait de lui offrir.

Le Seigneur de Guerre faisait quelques derniers réglages. C'était une situation étrange de voir quelqu'un visser et dévisser ses bras sans ressentir quoique ce soit. Seito était assuré de la qualité de ces prothèses. Il les imaginait de la fabrication de Hoheinheim lui-même, et n'aurait pu avoir plus confiance en le meilleur des sculpteurs en la matière. Il restait immobile, attendant que le Seigneur de Guerre finisse ses perfectionnements.

"Je ne vous ai certainement jamais assez remercié. Et pourtant je vous dois tout ... Mon ascension au sein de l'armée impériale, mon accession au pouvoir à Itabei. Des expériences enrichissantes, et le sentiment d'appartenir à une équipe soudée. Une famille, en somme. Sans vous, je n'aurais même pas connu Ineko. Et nous ne serions pas sur le point d'avoir un enfant. Je vous dois le meilleur de ma vie."

Il plongea son regard unique dans les lunettes du Seigneur de Guerre. S'il avait bien changé depuis quelques années, c'était aujourd'hui le même oeil qui, voilà quelques temps déjà, reflétait la même sincérité profonde et le même élan de gratitude.

"Merci."

Quelques temps plus tard, Seito prenait le chemin du retour vers Itabei, ses deux nouveaux bras parfaitement fonctionnels. Il avait hâte d'étreindre sa femme. S'il n'avait jamais vraiment eu de parents, il lui semblait pourtant en avoir trouvé un ersatz au Shûkai.