- … et voulais donc la remercier personnellement pour son investissement sans faille durant ses nombreux mois…

Et blablabla. Certains discours avaient plus de classes que d’autres. Quand vous êtes face à votre peuple, que votre chevelure flotte aux quatre vents, que vous êtes acclamés par une foule en délire pour annoncer une grande victoire, l’adrénaline est puissante, vous avez l’impression de réécrire l’histoire, limite une petite musique flotte derrière-vous. Là, bon, avec tout le respect que je dois aux fabuleux Eisennin de mon village, c’est pas une ambiance dingos, quoi. Une vingtaine de personnes en blouse blanche dans une salle impeccable, pas de cris, pas de foule en délire, pas d’applaudissement, pas de petite culotte qui vole : un peu décevant, au fond. Mais l’heure n’était pas à la victoire ni à la plaisanterie : Nozomi quittait son poste de directrice de l’hôpital pour des raisons sans doute super intéressantes mais que je ne vous donnerais pas, parce que j’estime que chacun a le droit d’avoir son jardin secret.

Quelques acclamations polies furent de rigueur après mon discours et, serrant à mon tour la main à l’ancienne criminelle pour la remercier d’avoir fait de l’hôpital un phare mondial de la santé, je tournai les talons et partis dans son ancien bureau. Elle m’avait annoncé son départ quelques jours auparavant, et on avait travaillé de concert pour lui trouver un remplaçant digne d’elle et de ce qu’elle avait fait. Trois personnes sortaient du lot, et j’avais dû m’atteler à les jauger, à éplucher leurs dossiers… et un en était sorti grand vainqueur (mais ne repartait pas avec de l’argent, faut pas abuser non plus). Un ancien médecin de la capitale, revenu il y a quelques temps à Konoha ; un proche de Miko, en somme. D’aucuns diront que je fais ça pour me mettre dans les bonnes grâces de ses alliés au village, pour l’isoler un peu plus – c’en était nullement le cas. Rin était le plus compétent, et si Miko l’avait jugé apte à assurer ses soins aussi longtemps, c’est qu’il était digne de confiance. Contrairement à ce que certaines rumeurs disaient, j’avais encore une confiance aveugle en ma Daimyô, et je sacrifierais mille de mes vies pour sauver la sienne.

Sans réellement savoir les raisons qui me motivaient, l’Akimichi fut convoqué et fut pile à l’heure, rentrant dans le bureau de la directrice – et bientôt du directeur. Affalée dans le fauteuil, les jambes sur le bureau, les yeux dans un dossier, je le dis entrer et, sans même lui adresser un regard, je pris la parole.

- Votre CV est impressionnant. Une liste de patients longue comme mon bras, presqu’aucune erreur de diagnostic, dix-huit mois au chevet de Miko, présent lors de l’attaque de Kibo, des bases en gestion humaine et en diplomatie, des études incroyablement longues à travers tout le Yuukan, fidèle de Konoha de la première heure… Une seule ombre au tableau, au fond.

Sans bouger autre chose que mes yeux, je le fixai désormais.

- Votre ambition.

Souriant, fermant le dossier rapidement, je me redressai pour m’assoir plus convenablement, je l’invitai à s’assoir pendant que, toujours adossée au fauteuil, je posai les bras sur les accoudoirs.

- La rumeur courait depuis plusieurs semaines que Myouga Nozomi allait quitter l’hôpital, surtout auprès des Eisennins du pays les plus… compétents. Vous ne me ferez pas croire que votre retour soudain à Konoha n’est pas lié à la vacation de ce poste. Néanmoins…

Je lui adressai un léger sourire, mes longs cheveux recouvrant une partie de mon visage.

- … vous êtes tout de même le plus qualifié pour ce poste. Sachez que le poste vous fera entré dans les secrets les plus sombres du village. Vous aurez sur vos épaules des responsabilités qui dépassent votre entendement. Vous serez confrontés à des choix difficiles et impossibles à prendre, vous assisterez à des réunions déterminantes pour l’avenir du village. Vous serez sous les feux des projecteurs, vous devrez porter Konoha, en interne comme à l’international. Vous deviendrez un pilier de Konoha, vous qui vous présentez comme un homme de l’ombre. Akimichi Rin, vous êtes prêt à relever ce défi ?

Les adieux à Dame Nozomi… Ce n’était pas le moment le plus simple pour l’hôpital, compte-tenu de l’importance de tout ce qu’elle a réussi à obtenir. Certainement que quelque part, une image d’elle ornerait un mur ou deux, en souvenir de son implication dans le développement de ce lieu – et Rin ne pouvait qu’être d’accord avec cette conclusion silencieuse qu’exprimaient ses pensées. Telle un livre qui se terminait, il y avait presque un léger vide dans l’esprit des participants à sa cérémonie d’adieu. Un vide qu’elle laissait en toute âme et conscience. Il soupira alors que le vent d’Automne caressait son visage sans la moindre délicatesse, cinglant presque son faciès de l’ardeur promise à l’hiver. Une bouffée de sa cigarette, puis une de plus, et une dernière. D’un geste las, il jeta son mégot préalablement éteint dans une poubelle prévue à cet effet. Et maintenant ?

Pas après pas, il avançait vers l’ancien bureau de la directrice de l’hôpital, convoqué sans plus d’informations. Il n’en avait pas besoin – son dossier faisait partie des prétendants au poste, et certainement qu’il s’agissait là d’une communication ayant rapport avec la chose. La coïncidence serait tout de même trop grande qu’il n’en fusse rien, et alors qu’il s’approchait de la porte, la question de savoir si les autres candidats seraient présents également lui traversa l’esprit. Ponctuel comme toujours, il frappa à la porte et entra, inclinant respectueusement la tête devant ce qu’il s’attendait être une réunion groupée à laquelle il serait arrivé dernier…

Son cœur loupa un battement et son souffle écrasa ses poumons alors que sa tension artérielle atteignait des plafonds devant ce qu’il rencontre en entrant dans la salle. Dame Mizuki en personne. Seule. Il n’eut pas même le temps de faire plus qu’une simple révérence que cette dernière commença déjà à énumérer divers éléments du dossier qu’il se rappelait avoir constitué.

Il aurait aimé rougir. Prouver qu’il avait encore cette candeur enfantine… Mais non. Il resta de marbre, écoutant un à un les mots dirigés à son égard. Seul un sourire triste échappa à sa politesse, lorsque mention fut faite de la quantité de diagnostics justes qu’il avait posé. Il n’était pas de ces grands orgueilleux, cherchant à se venter des plus complexes de leurs trouvailles comme de leur sens clinique hors du commun. Non – lui se jugeait sur la quantité de personnes décédées alors qu’elles avaient remises leur vie entre ses mains, et force était de constater que chacune était déjà de trop.

Lorsqu’enfin les rubis de l’Ombre de la Feuille se posèrent sur lui, faisant remarque de son ambition, il arriva à taire les remords qui commençaient déjà à ronger son esprit. Tous ces gens qu’il n’avait pas réussi à sauver… Il y avait un certain charme, presque insolent, dans le sourire qu’elle lui adressa – la pulpe de ses lèvres coupées par les reflets écarlates de ses cheveux à la lumière du jour. Dame Miko et Dame Mizuki étaient tellement différentes et semblables à la fois que c’en était presque déroutant, et c’est en ayant passé plus d’une longue année à fréquenter quotidiennement l’une des deux qu’il pouvait le dire… Qu’en était-il des autres ?

Quand l’Hokage termina sa tirade, il lui répondit – pour la première fois de l’entrevue entière - par un sourire sincère, loin du côté taciturne qu’il savait exprimer avec ces derniers.

« Hokage-dono, je n’ai jamais caché lors de mon retour que j’avais connaissance de cette opportunité, mais peut-on en vouloir à un médecin de vouloir soigner ? »

L’Akimichi inspira profondément.

« Les couleurs de la Feuille, je les porterai avec plus de fierté encore que je ne l’ai fait durant ma vie entière. Mes mains ont contribué à bâtir ce village, et ce n’est qu’honneur de pouvoir en devenir un pilier aujourd’hui. Qu’importe les choix que je serais amené à faire pour y parvenir. Je resterai fidèle à mes convictions et à l’intérêt de Konoha… »

« …et je porterai le fardeau de chacun des morts du village... » - mais il n’osa guère exprimer cette pensée à voix haute.

« Si vous m’accordez votre confiance, je ne vous décevrai pas - parce que je suis prêt à tout pour notre village. Je l'ai toujours été. »

Combien de cigarette lui faudra-t-il fumer pour survivre à cet événement ? Il ne préférait même pas estimer le chiffre…

- Qui a dit que je vous en voulais, Rin ?

Calée dans le fond du fauteuil, je m’amusai à tourner de gauche à droite tout en gardant mes yeux sur lui. Miser sur cet Akimichi, c’est accepter que certains ne voient que l’opportunisme et le parachutage, au-delà des compétences indéniables que le médecin possédait. Il n’avait pas été un vagabond, il n’avait pas été à l’extérieur durant des années, il avait été au service de Miko. Puis après tout, Nozomi était respectée de tous : la situation était bien plus complexe lorsque la Myouga avait été nommée. Et personne n’avait pu dire quoique ce soit : jamais l’hôpital n’avait autant rayonné. Après un petit sourire, je me levai de la chaise.

- Bien. Sachez tout de même que ceci n’est pas un entretien, mais bel et bien une proposition. Vous êtes visiblement prêt à tout pour remplir votre rôle, ainsi soit-il. Sachez néanmoins que si un bout de papier me convainc facilement, ce ne sera pas le cas de tous ici.

Certains Eisennins travaillaient ici depuis la création du village : même si je ne doutais en aucun cas de leur dévouement, de leur talent, de leur gentillesse et de leur sympathie, certains pourraient se sentir lésés par le fait que le poste soit offert à un extérieur. Tout comme ils pouvaient le penser lorsque Nozomi a été nommée. A deux reprises, la nomination aura été externe à l’hôpital…

- Si vous êtes toujours d’accord, votre place sera à celle qui fut la mienne il y a quelques secondes dès demain. Et le réel entretien commencera. Ce n’est pas réellement moi qu’il faut convaincre, Rin…

Faisant le tour du bureau en parlant pour atteindre la porte, je posai ma main sur la poignée avant de terminer ma phrase (ouais je fais grave dans le dramatique en ce moment, c’est assez dingue).

- Ce sera vos collègues.

Lui adressant un dernier sourire avant de partir, je traversai les couloirs blancs de l’hôpital, saluant au passage quelques personnes qui m’adressaient les paroles. J’avais été particulièrement mystérieuse et ténébreuse dans le but de provoquer chez Rin une volonté de se dépasser. Les autres médecins de l’hôpital n’avaient pas émis la volonté de remplacer Nozomi outre mesure, mais je ne connaissais l’Akimichi que de ce que j’en avais entendu parler. Sa réputation le précédait, mais si je ne devais me fier qu’aux réputations, j’aurais de quoi m’en faire. Au moins, Rin donnerait tout ce qu’il a dans les premiers jours, de sorte que je puisse voir de quoi il était capable à ce poste.

Mais Miko ne s’était jamais vraiment trompée. Et je veux pas vous raconter la suite, mais l’avenir me donnera raison de lui avoir donné toutes ces responsabilités. A l’hôpital, hein, allez pas croire que je fais passer des messages subliminaux dans mes récits, c’est pas mon genre (enfin si, mais ça prouve rien)(d’ailleurs Nadine, n’oublie pas que je suis une prof géniale, CLIN D’ŒIL)…