C'était le grand jour, celui où Amano et Ruri devaient venir chez moi afin que l'on puisse s'expliquer et repartir sur de nouvelles bases. J'appréhendais cette soirée, surtout la réaction de Ruri que je n'ai pas revu depuis. J'essayais de ne pas trop y penser, me changeant les idées en faisant les quelques courses qu'il me manquait pour les recevoir comme il se doit. Je ne vais pas m'embêter ce soir, un bol de ramen chacun et à boire. Pas plus.
Je suis partis chez le petit épicier du coin afin d'y acheter les nouilles, la viande et les légumes nécessaires à la réalisation de mon plat ainsi qu'une bouteille de saké et du thé. Je sais que nous étions alcoolisés la dernière fois, mais je suis obligé de les recevoir avec de l'alcool. Un hôte qui ne peut proposer de l'alcool à ses invités n'est pas un bon hôte. J'ai aussi un peu rangé mon appartement afin qu'il ressemble à quelque chose.
Le reste de la journée c'est plutôt bien passé, je suis monté sur ma terrasse afin de lire la suite de mon livre parlant d'un homme à la recherche d'une ville sacrée, traqué par des fanatiques ivres de sang. Je ne sais pas pourquoi, mais ce livre me rappelle notre monde, sans les dangers réels. Je buvais du thé à la menthe refroidi dans mon réfrigérateur au préalable afin de me rafraîchir, il fait très chaud dans notre désert.
Il est maintenant l'heure, ils ne devraient pas tarder. Je commence donc à cuire les nouilles et y ajouter le poulet ainsi que quelques légumes pour marier le tout dans un bol. Je mettais ensuite les bols au four afin de les maintenir chaud. La table est mise, je suis prêt. Il ne manque qu'une seule chose, Amano et Ruri.
Le premier invité est là, je peux l'entendre frapper à ma porte. Je prends une grande respiration avant de me diriger vers la porte, devant celle-ci, j'attends quelques secondes avant de l'ouvrir, un sourire posé sur mes lèvres.
L'idée de leur faire sérieusement passer l'envie de recommencer ces bêtises me traversa l'esprit. Mais ce n'était pas moi. J'avais le contrôle sur la situation et sur mes émotions. Alors, quand il me sembla qu'ils étaient tous les deux calmés, je les libérais, simplement. Leurs pieds regagnèrent délicatement le sol. Mais contrairement à eux, je n'étais pas stupide, et je m'apprêtais à sévir de nouveau au moindre geste agressif de l'un ou de l'autre.
Les paroles de Kazushi me prirent par surprise. Ils se battaient à mort il y a quelques secondes de cela, et voilà qu'ils se préparaient à présent un repas entre amis ? Je n'y comprenais plus rien. Mais cela collait avec la personnalité bienveillante du Ketsueki et ça ne pouvait pas faire de mal qu'ils s'expliquent. L'idée d'y participer également me mettait un peu mal à l'aise, mais j'acceptais quand même l'invitation. Je ne voulais pas entendre des choses que je n'étais pas censée entendre.
J'attendis ensuite que les deux hommes quittent leur champ de bataille avant de rentrer moi aussi à la maison. Kazushi parti en premier, Amano pris la direction opposée quelques secondes plus tard. Ils semblaient tous les deux calmes, alors je pouvais partir sans l'inquiétude qu'ils se jettent l'un sur l'autre dès que j'aurais le dos tourné.
Ce jour-là, j'avais décidé d'arriver en avance. Enfin, j'espérais arriver en première, vu que nous n'avions pas défini d'heure précise. Pas parce que j'avais peur que Kazushi et Amano se battent en attendant mon arrivée (quoi que...), mais parce que je pensais que le Ketsueki voulait peut-être me dire quelques mots sans la présence du Kawaguchi. Cela allait être assez étrange, comme repas.
L'heure venue, j'enfilais une tenue assez simple ; un kimono, comme d'habitude, avec des motifs discrets. Je ne savais pas vraiment quoi emmener. Je supposais que Kazushi préparait un repas, mais comme nous ne nous étions pas parlé depuis cette soirée, je n'en savais rien. Je décidais donc d'apporter quelque chose à boire. La logique voudrait que j'apporte de l'alcool, mais vu la raison de ce repas, je préférais prendre une boisson non alcoolisée.
J'avais choisi une boisson sucrée et aromatisée de plusieurs fruits et plantes. Un peu comme du thé, mais à déguster froid. Voilà qui ferait parfaitement l'affaire ! Et je ne doutais pas que dans le pire des cas, Kazushi aurait certainement une bouteille de saké cachée quelque part dans son appartement. C'est donc avec mes bouteilles de boisson dans un sachet et quelques temps en avance que je frappais à la porte du Ketsueki.
Amano avait pris son temps et alors qu'il était sur le chemin pour se rendre à son rendez-vous avec Ruri et Kazushi, l'homme qui ressemblait très étrangement à son ami, il se fit attraper le bras par une petite vieille qui pointa sur bout de sa main son chat dans l'arbre juste en face d'eux. Son sourire plein de douceur laissa Amano dans l'obligation de l'aider et il posa son petit sac avec les desserts qu'il était allé cherché, sans savoir si vraiment ça serait apprécié ou encore si c'était nécessaire et comment ça pourrait être pris. Sautant souplement il s'accrocha d'une main à la branche la plus proche du félin et tendit la main. Pour toute récompense il reçu un coup de griffe et grimaça légèrement. Les chats c'étaient à la fois aussi fort et faible qu'un guépard. Une petite pensée pour celle que lui avait confier son maître, Tayaka, la féline dont la faim ne se tarissait que rarement, il ne recula pas la main, bien au contraire, il l'avança d'un nouveau petit centimètre et le chat s'approcha, venant lécher le sang du Kawaguchi qui coulait par sa faute. D'un ronronnement et à la recherche de caresse, il s'approcha de lui-même du blond et se laissa saisir. Une fois sur le sol, la vieille remercia Amano d'un bisous sur la joue qui lui laissa une belle trace rose de rouge à lèvre qu'il s'empressa d'essuyer une fois hors de vue de la vieille dame.
Secouant son visage et vérifiant qu'il ne manquait rien à son petit panier où il avait pris soin d'avoir les mignardises par trois, il s'empressa de rejoindre la demeure du Ketsueki. Cette fois c'était sûr, il était en retard. C'était bien une première pour lui et ça eu le don de le mettre mal à l'aise.
Devant la maison, sans savoir si réellement il était au bon endroit, après tout, les on-dit n'étaient pas fiables à cent pour cent, le jeune manieur de sable toqua tout de même de trois coups distincts avant d'attendre qu'on lui ouvre la porte. Il avait fait un effort vestimentaire et avait passé un T-shirt blanc ainsi qu'une petite chemise à manche longue et noire par dessus, ouverte tout de même.
Les bonnes odeurs qui émanaient tout autour de lui lui tirèrent malgré tout un sourire. Il n'était pas foncièrement d'humeur agréable et pourtant, au fond de lui, quelque chose lui disait qu'il n'allait pas forcément passer une mauvaise soirée. Devrait-il présenter des excuses à Kazushi ou à Ruri pour son comportement de l'autre jour ? Devait-elle savoir la raison de tout ceci ? Elle était au cœur de leur action, elle avait été le facteur déclencheur, celle pour qui ils étaient prêt à sortir les armes l'un et l'autre, mais certainement pas pour les mêmes raisons et avec le même objectif.
Ruri est arrivée la première et les bras chargés. Je lui ouvrais avant de l'accueillir avec un grand sourire et de lui prendre ses sacs afin de la décharger.
"Bienvenue Ruri. Tu es la première. Je suis content." Je me retournais afin de lui faire face et de lui sourire.
Je suis habitué à ne pas avoir de réponse avec Ruri, son mutisme n'est pour moi absolument pas un obstacle à notre relation. Je posais le sac de Ruri devant la porte afin de la débarrasser de ses autres affaires. Je l'invitais ensuite à s'asseoir à la table du salon où nous attendait trois verres ainsi que quelques amuses bouches. Finalement, j'avais trouvé un peu de temps afin de faire autre chose que des nouilles, sushi, chips et guacamole nous attendaient sur la table.
Je prenais ensuite une grande respiration afin de trouver le courage de prendre la parole pour essayer d'expliquer le peu que je puisse tenter de faire comprendre. Je me racle la gorge avant de commencer.
"Je suis désolé pour l'autre soir..." Je marque une légère pause avant de reprendre. "Tu n'aurais jamais dû voir ça... et je n'ai pas vraiment de réponse. L'alcool, la fatigue, la peur, la guerre et tout ce qui va avec, je pense bien que cela m'a mis les nerfs à vifs... et j'ai donc répondu aux provocations d'Amano." Je laissais une nouvelle fois un petit temps de pause avant de reprendre. "Cela ne me ressemble pas du tout et encore moins contre un frère d'armes."
Je me levais ensuite afin de prendre les bouteilles que Ruri avait apportés.
"Je peux ? Je te sers ?"
Sans vraiment attendre de réponse, je nous servais à tous les deux un verre. Je me rassis ensuite à ses côtés, plongeant mon regard droit devant moi, dans le vide. Perdu dans mes pensées je réfléchissais, mais à quoi ? J'ai été sortis de mes rêveries quelques instants plus tard par trois coups secs portés contre ma porte. Amano est arrivé.
Je me levais afin de prendre la direction de la porte pour lui ouvrir. Je prenais une grande respiration et affichait mon plus beau sourire. Je posais la main sur la poignée avant d'appuyer pour ouvrir.
"Bienvenue chez moi Amano. Entre seulement. Ruri est déjà arrivée."
Je l'aidais lui aussi à déposer ses affaires avant de l'inviter avec nous à la table du salon. Je lui servais à son tour un verre de thé glacés aux herbes avant de m'asseoir et de laisser place à un silence quelque peu gêné.
Bien, j'étais arrivée avant Amano ; c'était ce que je voulais. Mais pourquoi, au final ? Je n'étais plus en colère comme le soir de leur querelle. Mais connaissant bien Kazushi, j'arrivais assez aisément à imaginer ce qu'il avait ressenti ces derniers jours. Je voulais lui laisser une chance de soulager sa conscience s'il en avait besoin ; de le rassurer s'il en avait besoin. Je ne lui en voulais pas. Ni à lui, ni à Amano d'ailleurs.
Il me débarrassa immédiatement de mes sacs, ce qui me permit de le saluer. Pas plus froidement ni plus chaleureusement que d'habitude. À peine avais-je déposé mes affaires qu'il se confondait en excuses : j'avais touché juste. Je le laissais finir ses explications jusqu'au bout avant de sortir mon carnet et de lui répondre.
« Je ne veux pas savoir qui a commencé ; vous avez tous les deux la même part de responsabilité dans cette histoire. Mais je ne t'en veux pas Kazushi, et à lui non plus. Cependant en tant que Shinobi, je ne pouvais pas vous laisser vous battre dans les rues de Suna. »
Je marquais une pause et lui tendit le premier message. Il me servit un verre de la boisson que j'avais apportée et j'en pris une gorgée : hum, c'était un peu trop amer pour moi. J'aurais dû m'en assurer avant d'acheter autant de bouteilles... Pendant que le Ketsueki regardait dans le vide, comme perdu dans ses pensées, je m'empressais de noter quelque chose d'autre avant la venue du Kawaguchi.
« Mais Amano... Cette histoire l'a changé, je crois. Il était différent avant que l'on traverse la frontière du Pays du Feu. Je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi, mais... »
Je n'eu pas le temps de finir d'écrire que trois coups frappés contre la porte résonnèrent dans l'entrée. Perdu je-ne-sais-où, Kazushi n'avait même pas remarqué que j'écrivais. Lorsqu'il se leva pour aller ouvrir, j'arrachais la page du carnet avant de la froisser et de la coincer dans mon kimono, sous la ceinture. Après tout, ce n'était peut-être pas une bonne idée de révéler ça avant le repas. Je me levais à mon tour pour aller accueillir Amano.
Le blond attendit un instant, qui fut malgré tout aussi long dans sa tête que lent en réalité. Qu'est-ce qu'ils allaient bien pouvoir se raconter ce soir ? Qu'est-ce que ça lui apportait de venir manger ce soir avec un homme qu'il avait tout juste rencontré et avec Ruri. Un maigre sourire détendit les traits de son visage alors que la porte s'ouvrait devant lui et que la silhouette de Kazushi s'y laissait deviner. Il lui fit malgré tout une brève révérence tout en lui tendant son petit panier avant d'entrer suite à ses mots.
- Bonsoir et... désolé.
Laissa-t-il filer comme un murmure à l'oreille de son aîné. D'apprendre que Ruri avait été la première a arriver lui avait donné un peu de baume au cœur, bien qu'il aurait dit le contraire si on lui avait posé la question. D'ailleurs, il lui fit un signe de salut en la voyant arriver pour l'accueillir elle aussi.
- Bonsoir Ruri.
Sa voix était bien différente de celle qu'il avait eu en parlant à Kazushi, elle donnait une impression de confiance, de douceur.
Amano laissa son regard balayer rapidement la salle où ils se trouvaient, puis en saisissant le verre que le brun lui tendit, il ferma son œil une brève seconde.
- Je n'irais pas par quatre chemin, et je ne vais sans doute pas dérider l'atmosphère mais voilà. L'autre jour, j'ai eu mes raisons d'agir ainsi, et même si je reconnais tes capacités, Ruri, tu ne me changeras pas. Je ne regrette aucun de mes gestes envers toi, Kazushi, ni même mes provocations. Mais j'ai appris une chose qui me rassure et qui fait que je suis venu ce soir. Parce que... j'ai beau avoir du mal à m'habituer à n'avoir qu'un seul œil, je ne suis pourtant pas aveugle sur la force que vous tirez l'un de l'autre.
Buvant une gorgée du thé glacé, il vint s'accoter contre un mur, contemplant l'étrange couple que formait la Marionnettiste et le Ketsueki. Un léger soupir passa ses lèvres, de légèreté, avant qu'il ne reprenne.
- Maintenant...
Se poussant du mur pour s'approcher d'eux, Amano afficha un maigre sourire.
- Tout ce que je souhaite c'est passer un bon moment et... si vous avez des questions... je serais honoré d'y répondre.
Son œil bleu pastel passa inlassablement de Kazushi à Ruri. Etaient-ils amoureux, ou n'était-ce que du respect ou de l'amitié ? Seul l'avenir le lui dirait. Mais au moins il était certain que jamais le brun ne tente de blesser d'une manière ou d'une autre leur jeune amie.
Nous sommes maintenant tous les trois bien installés dans mon salon, le verre de thé glacé dans une main et grignotant les quelques petits plats que j'avais préparés pour l'occasion. Je regardais Amano et ensuite Ruri. Leurs rendant leur sourire lorsque ceux-ci captaient que je les regardaient.
"Comme tu l'as dit, ce qu'il s'est passé s'est passé. On ne peut pas revenir en arrière et rien ne sert de s'apitoyer sur un quelconques sort. Nous devrions tous les trois profiter de cette soirée entre "amis", si je puis me permettre." Je marquais une légère pause avant de reprendre. "J'espère que vous n'êtes pas trop difficile, ce sera uniquement des ramens au poulet ce soir !" Leurs dis-je avec un grand sourire.
Je me levais ensuite pour m'en aller à quelques mètres de là, dans la même salle afin de continuer la préparation de la table ainsi que des plats. Tout était déjà pratiquement prêt, il ne manquait plus qu'à servir. Une fois les derniers détails réglés, je retournais m'asseoir à leurs côtés tout en leur précisant une chose.
"Le repas est prêt, nous pouvons passer à table quand bon vous semble."
Je me levais une dernière fois afin d'aller chercher, dans l'armoire derrière Amano la boite regroupant mes jeux de sociétés. Shogi et go, ainsi que des jeux de cartes, il y avait le choix. Je la posais sur la table tout en les interrogeant.
"Une petite partie avant de manger ? Cela nous occupera un moment ! Pour jouer à trois, les cartes sont le meilleur moyen et il existe tellement de façon d'y jouer !"
Tout en attendant leur réponse, je prenais un jeu de carte dans mes mains que je commençais à mélanger frénétiquement. Je pensais que si nous jouions une ou deux parties, cela détendrait l'atmosphère, mais peut-être préféraient-ils manger avant de jouer. Je leur laissais le choix, car d'après tout, c'est moi qui invitait, je devais donc me plier aux envies de mes convives.
