La neige commençait à recouvrir la montagne et les rues de Kumo, moment d'endormissement et de quiétude pour une population civile loin des préoccupations guerrières de leurs protecteurs attitrés. La neige, malgré tous les maux dont il avait souffert, rendait toujours Snow plus paisible. Ce voile blanc qui recouvrait de beauté et de lumière tout ce que l'horizon pouvait porter de laid lui permettait de recouvrer intérieurement un semblant d'humanité. Il avait maintenant l'habitude de la solitude, il avait laissé sa fille adoptive au temple du feu pour pouvoir réaliser plus de mission et se trouver un peu plus avec lui-même, ce qui ne lui permettait en même de se retrouver un peu. Difficile de dire, si la perte de son épouse, le départ de son ami ou enfin les affres de son destin si incertain avaient pu faire de lui cet homme à l'apparence à la fois si noble et si étrange. Une beauté sereine respirant pourtant le sang et la hauteur d'une arrogance déplacée à chaque mimique, chaque mouvement qu'il pouvait faire.

Il n'aimait plus tellement évoquer son passé, bien que celui-ci ne fit que le poursuivre sans cesse. Sans armure, avec une simple épée et ce long manteau d'excellente facture, il marchait dans la rue dans l'intention de simplement marcher justement. Cela arrivait-il si peu à autrui en réalité ? Que l'on s'en aille en balade uniquement pour se balader. Les anges murmurent aux oreilles de ceux qui marchent écrivit un poète. Une déambulation qui n'avait en réalité comme seul but que de vider l'esprit d'un homme que de regard extérieur était grand, alors qu'il était intérieurement perdu depuis si longtemps qu'il ignorait en toute sincérité sur quel chemin il était. Simple instrument d'une main, dont il ignorait le nom, le but, les sentiments et tout ce qui faisait qu'il en vint un jour à se trouver ici, à Kumo, Jonin seul et sans voies.

Quelques flocons épais sur des cheveux blancs dans une pénombres croissantes qui faisait luire sa tenue de noble lui fit apparaître sa candeur aux yeux d'une vitrine de jouets devant laquelle il passait. Dans cette vitrine devant laquelle il s'arrêtait, il trouvait des automates en bois, des pantins articulés qui attiraient plus outre mesure son attention. Ils répétaient les mêmes gestes inlassablement, un soldat, qui faisait une ronde devant une maison de poupée à demi ouverte pour que l'on pouvait en voir les pièces et l'ameublement. Cela lui parût fascinant, alors qu'il n'y avait pourtant pas de quoi s'extasier devant si peu. Il se demanda en fait, non sans étonnement, si lui, avec son épée à la ceinture, aujourd'hui simple soldat parmi tous les autres, ne valait pas mieux que cet automate en ronde militaire. Qui suis-je, où vais-je, ces questions qui étaient la base des angoisses primitives de l'homme le hantaient toujours plus, car il ne comprenait décidément jamais les voies de sa destiné qu'un homme lui avait pourtant annoncé grandiose.

La plupart des gens ne voulaient pas se poser ces questions, ils les éludaient parce que cela facilite l'existence, de se laisser porter sans chercher à comprendre les motivations de la vie, de sa propre vie, de ses raisons et de ses aspirations. Mais il existe toujours quelques dissidents qui eux, ne peuvent se dépêtrer de ces réflexions angoissantes. Snow était de ceux-là; cherchant en même-temps une perfection de lui-même qu'il n'atteindrait sûrement jamais et l'avenir se chargerait de le lui rappeler. Chaque erreur se payait lourdement, ainsi, une faute effaçait mille qualités avant d'être résorbée par des années de sainteté. La rue était calme pendant cette réflexion, fixé devant sa vitrine, Snow paraissait pourtant bien moins bouillonnant extérieurement qu'intérieurement. Entraîné qu'il fut à ne montrer aucune faiblesse, à paraître toujours serein, confiant, maître des événements, il en avait été scindé en deux. Le voile blanc neigeux qui masquait la laideur du monde en tombant, était comme sa beauté naturelle et son faciès emprunt de tous les synonymes nuancés de la sérénités. Pur, alcyonien, quiet, imperturbable. Mais sous le voile blanc, le vrai demeurait et ses cheveux longs et blancs balancés par les brises de l'hiver, qui ne parvenaient même pas à lui donner un petit frisson n'étaient pas la preuve du contrôle qu'il avait sur lui-même, mais de la mort de l'âme qui s'opérait en lui depuis déjà trop longtemps. Sans passion, sans grandeur ou aspiration héroïque, il ne serait finalement qu'une coquille vide sans intérêt. Créer un monde parfait désirait-il, mais sans savoir comment, pourquoi, ni à quel prix.

À travers les carreaux de sa fenêtre fermée, la Natsumi contemplait la neige tombée. Longuement, la jeune femme resta ainsi et pourtant ce qu'elle voyait ne lui apportait aucune réjouissance. Ses prunelles sanguines regardaient les flocons danser dans le vide sans que cela n'éveillait la moindre émotion en elle. Seule cette sensation de vide éternelle l'habitait bien qu'elle arrivât à qualifier ce qu'elle voyait de beau. Depuis qu'elle avait cessé de pleurer la disparition de son grand frère, son cœur semblait s'être enfermé dans une armure que rien ne pouvait traverser. Ni joie, ni tristesse ne pouvait l'atteindre, pas même la compassion qui était pourtant son point faible autrefois. Tel un patin pourvu de vie, elle continuait de fréquenter les vivants mais sans vivre réellement.

Après un long moment, la kunoïchi finit par ouvrir la fenêtre. La brise hivernale ramena des flocons à l'intérieur mais Mairu n'y accorda aucune attention. Décidée, elle sortit sur le toit enneigé puis, laissant la fenêtre ouverte, elle se laissa glisser sur le toit, les bras en croix pour garder l'équilibre. Sa glissade gagna rapidement en vitesse et l'amena dangereusement vers le bord mais elle ne chercha pas à freiner. La kunoïchi finit par tomber dans le vide et atterrit sur le sol sans dommage après une pirouette pour amortir sa chute. Elle manqua de tomber sur des passants qui râlèrent mais la Natsumi les ignora royalement. À peine s'était-elle redressée, Mairu se mit à courir faisant voler de la neige sur les mécontents qui ragèrent encore plus.

Courant ardemment, la kunoïchi manquait parfois de rentrer en collusion avec d'autres personnes mais avec agilité, elle les évitait de justesse sans perdre de la vitesse. La jeune femme n'avait aucune destination mais elle assouvissait tout simplement son désir de courir. Être soumis entièrement à ses pulsions, la Natsumi n'était pas du genre à calculer ses actes mais était une personne qui obéissait sans retenue aux moindres de ses envies. Son impulsivité et sa froideur avaient fait d'elle une marginale que beaucoup traitaient même d'une folle. Voilà des années qu'elle était devenue une genin du Village caché du Pays de la Foudre mais elle n'avait jamais eu le moindre ami. Les autres genin, même ses propres coéquipiers, n'étaient pour elle que des camarades avec qui elle devait parfois coopérer alors que les shinobi de rang plus élevé n'étaient que ceux à qui elle devait obéissance. Pour la Natsumi, ses semblables n'étaient que des éléments qui décoraient ce monde dans lequel elle se laissait vivre. Pour elle, ils n'avaient pas plus de valeur que ces murs de béton qu'elle n'aurait aucun scrupule à fracasser s'ils bloquaient son passage.

Soudain Mairu freina alors qu'un chien se trouvait sur son chemin. De son regard éternellement placide, elle fixa un instant l'animal avant de s'approcher tout doucement de celui-ci mais la bête s'enfuit. Le canidé ne partit pas bien loin car il alla se réfugier auprès d'un homme qui contemplait une vitrine un peu plus loin. Cette personne la Natsumi connaissait car il s'agissait un juunin plutôt singulier du village. Il arborait une allure peu commune qui attirait le regard. Avec son accoutrement de noble chevalier et sa longue chevelure blanche, il ne passait pas inaperçu.

Polie malgré son excentricité, Mairu salua Snow par une légère courbette mais sans omettre le moindre mot. La jeune femme porta ensuite son attention sur le chien qui s'était assis juste à côté du juunin comme s'il prenait Snow pour son protecteur qui le protègerait de la kunoïchi dont il se méfiait. Tout ce que la jeune femme désirait était pourtant simplement pouvoir le toucher. Les animaux étaient les seuls êtres vivants qui arrivaient à éveiller un semblant de tendresse en elle …

Là, un chien venait à Snow, le pelage humide et blanchit par la neige qui ne cessait pas tomber. Il s'assit à côté de lui, et le regardait d'une mine étrange, comme s'il fut déjà son animal, et lui le maître. Snow baissait le regard sur lui, sans geste affectif, il ne lui portait pas de rancœur ou de dégoût, mais se demandait d'où provenait une soudaine fidélité dans un animal qu'il n'avait jamais vu. Cela le sortit de sa contemplation, de sa réflexion, et regardant plus abruptement le chien, qui paraissait être un errant de bâtardise qui quêtait, on ne savait quelle tendresse, de la nourriture peut-être, ou enfin, de la sécurité. Snow inclinait la tête légèrement tout en se retournant, il fut quelque peu attendrit et comprenait d'où provenait certainement ce besoin que ressentait la bête assise à côté de lui, instinct de conservation, et son aura protectrice qui devait en assouvir les élans. Snow le fixait un bref instant, calculant l'animal et s’imprégnant de lui, il lui portait en même temps un regard plus tendre, mais ne l'accompagnait toujours pas de geste. Les bras le long du corps, le pommo du sabre dépassant légèrement de son manteau, il se disait qu'il était prêt à lui offrir un repas chaud, mais certainement pas à l'adopter.

Un peu plus loin dans la rue, on entendait le sol recouvert de neige craquer sous les pas d'une jeune femme. Snow redressait le regard vers elle, et y découvrait une certaine beauté froide, un visage placide et dur juché sur une silhouette avantageuse recouverts d'une tenue qui soulignait tout ces avantages. Une longue chevelure brune blanchie par la neige pour contourner des yeux ravissants, mais que Snow jugeait remplit d'un certain mal qu'il pourrait bien connaître. Le samouraï restait tout aussi aimable que froid, luisant à la lueur du crépuscule quand il l’accueillait, et il remarquait ensuite l'intérêt de la jeune fille pour le chien qui venait de s'asseoir à côté de lui. Le sien ? Se demanda-t-il. Animal sans collier, mal nourrit, "non" prenait-il le risque de conclure.

La jeune fille saluait enfin Snow, par une l'une de ces révérences qu'on apprenait aux gens de bonnes familles et qui laissait toujours le samouraï de marbre. Il ne lui rendit pas un sourire, ni ne lui montrait de désintérêt, mais il fit preuve d'une légère retenue, comme une aimable distanciation qu'il lui imposait en répondait d'un simple hochement de tête en guise de salut. Snow remarquait alors que le chien fixait la jeune fille sans cacher sa méfiance, il se plaçait légèrement derrière lui, comme pour se protéger d'elle, ce qui ne faisait qu'ajouter l'étrangeté de cette scène. Il relevait le regard sur cette jeune-fille, le silence ne pouvait pas être le seul dialogue après-tout et elle ne paraissait pas oser faire le premier pas alors même que ce fut elle qui vint à lui. C'est donc très sereinement et d'une voix vibrante que Snow se présentait.

-Snow. Samouraï Jonin au service de Kumo. Pardonnez-moi, mais s'il est à vous, je crains qu'il souhaite changer de propriétaire.

Il lui offrit un léger sourire en terminant, soulignant l'idée de plaisanterie qu'il voulait engager par la même.

-Je ne pensais pas rencontrer dans la rue qui que ce soit par ce temps et cette heure . Mais si c'est votre animal, croyez bien que je ne compte absolument le prendre, quand bien même il ne le saurait pas. Je suppose que je dois sentir une odeur qui lui est agréable, rien de plus.

Là, la lumière de la vitrine s’éteignait, il était maintenant l'heure de fermer les boutiques pour les résidents de Kumo. L'automate qu'admirait plus tôt Snow n'était plus en marche ou éclairé et rapidement le commerçant sortait de sa boutique en ignorant les deux comparses. Snow portait alors un regard malgré lui un regard captivé et captivant à la jeune fille, ses yeux bleus brillant et perçant de nature devant y être pour beaucoup. Il était d'ordinaire très analytique, toujours aux aguets, mais elle était tombé à un moment il fut moins sur ses gardes, moins calculateur, et il n'en était que plus avenant que lorsqu'il présupposait l'être par ses jeux de manigances et de manipulations.

-Quel est votre nom ?

Cet homme étrange aux longs cheveux blancs la Natsumi le connaissait comme nombreux des habitants du village, des renommés aux moins connus car dans sa bulle, elle apprenait beaucoup des choses. Discrète mais pas sourde ni aveugle, elle récoltait beaucoup d'informations malgré elle sur ceux dont la plupart avaient pourtant oublié son nom alors qu'à son arrivée à Kumogakure no Satô celui-ci était presque sur toutes les lèvres. Le temps avait fini par enterrer la méfiance que son nom suscitait bien qu'elle était toujours cette jeune fille qu'ils qualifiaient d'étrange.

Son entrée dans Kumogakure no Satô avait fait beaucoup de bruit à cause des méfaits passés de son grand frère Haru. Aujourd’hui, la plupart des habitants, simples civils comme shinobi, avaient pourtant oublié jusqu'à sa présence au sein du Village Caché qu’elle servait pourtant tel un parfait patin. Elle exécutait le moindre ordre donné sans discussion mais là était sans doute la raison de son effacement par rapport à ses camarades qui, contrairement à elle, faisaient tout pour se faire remarquer. Alors que ces derniers profitaient de la moindre occasion pour tenter de sortir du lot, elle, elle se contentait de faire ce qu'elle avait à faire sans chercher à briller. Jamais elle n'avait cherché à s’illustrer dans le moindre domaine. Dans une mission, elle pouvait donner tout ce qu'elle pouvait mais sans chercher à aller au-delà de ses limites sauf si sa vie était réellement en danger. Preuve que bien qu'elle n'avait plus gout à rien, elle ne désirait pas disparaitre pour autant.

Mairu vivait sans aucune ambition alors que là était la source d'évolution de bien des êtres. Contrairement à ces derniers, elle restera donc éternellement à cette place en bas de l'échelle qu'on lui avait accordé si elle ne changeait pas. Une éventualité qu'elle ne cherchait pourtant même pas à modifier.

- Je me nomme Natsumi Mairu. Ce chien n'est pas le mien, fit la kunoïchi d'une voix placide avant de s'éloigner.

L'homme aux cheveux blancs lui avait adressé un sourire mais la jeune femme avait considéré celui-ci comme n'étant pas sincère. Snow était certes un peu différent des autres mais la Natsumi était persuadée que lui aussi se méfiait d'elle en réalité.

Après avoir effectué quelques pas, comme pour fuir l'homme qui venait de lui sourire, Mairu se mit à courir mais elle rentra dans un autre qui sortait d'une petite ruelle. Prenant le grand gaillard de plein fouet, la binoclarde aux yeux sanguins s'affala sur le postérieur dans la neige. À peine avait-elle levé la tête que l'homme l'attrapa sans ménagement par les cheveux la forçant à se relever.

- Regarde où tu mets les pieds !
- Navrée Monsieur, lâcha la Natsumi sur un ton pourtant loin d'être navré. Pourriez-vous me lâcher s'il vous plaît ?
- En plus tu oses te moquer de moi ?
- Je ne me moque pas de vous, Monsieur.
- Si ! Tu es clairement en train de te foutre de ma tronche !
- Vous sentez l'alcool, Monsieur ! Je crois que vous êtes ivre. Je vous conseillerais d'aller vous mettre au chaud sans plus tarder !

Énervé, l'homme leva un poing s'apprêtant à frapper l'insolente …

Snow était assez éloigné des choses politiques, des ragots et autres occupations plébéiennes, comme il aimait à le dire. Il était entré à Kumo sur les conseils d'un autre individu et ne savait pas vraiment où il en était lui-même depuis Kiri. Il se contentait d’enchaîner les missions pour l'entretien de sa famille à Hi no Kuni en patientant que le destin et les réponses qu'il attendait viennent toquer à sa porte. La jeune femme lui paraissait ravissante, mais froide comme la glace, et lui qui éprouvait une certaine fascination pour la neige n'en était que plus attrayé. Ce regard placide, cet œil inerte, cette barrière invisible que cette jeune-femme mettait devant lui ne faisait que ravir d'autant plus son sourire. Cependant, sa hauteur ne lui permettait pas de quémander l'intérêt d'une personne quand elle ne semblait pas en avoir pour lui. Il savait que réclamer l'attention avait justement l'effet strictement inverse, et s'il restait ouvert à ce qui venait à lui, il ne courrait jamais lui-même vers autrui.

Il fut cependant troublé en apprenant son nom et bien qu'il fut habitué à cacher la moindre de ses émotions sous un visage d'ange, l'inclinaison de son visage pouvait alors le trahir. Natsumi avait-elle dit. Autrefois il avait entendu ce nom, ô ce n'était pas qu'il avait connu personnellement le grand Haru, il l'avait seulement vu de temps en temps dans le camp du An'teï lorsqu'il y était, mais ce qu'on avait dit des relations de cet homme et de son maître il ne l'avait pas oublié, comme la trahison qui détruisit l'organisation peu de temps après son départ de celle-ci. Lien de parenté peut-être, il voulait lui demander, mais il ne pouvait pas le faire, car elle s'en retournait. De toutes les façons, sûrement ne l'aurait-il pas demandé, à fin d'épargner tant à lui qu'à cette femme le risque de se replonger dans un passé qu'il n'était pas forcément judicieux de remettre au gout du jour. Il l'aurait laissé partir sans doute, sans aller chercher plus loin restant bêtement avec le chien qui était encore assis à côté de lui et qu'il comptait sans doute abandonné aussi. Mais alors qu'il se retournait, il était témoin de la scène. Un homme ivre, qui avait semblait-il oublié de se rappeler comment l'on devait traité une femme. Peut-être n'avait-il pas eut de mère pour se le rappeler certes, mais cela n'en excusait pas pour autant le geste. Non pas de rentrer par erreur dans quelqu'un, mais de saisir une jeune fille par les cheveux.

C'est geste, qui fit décider Snow d'intervenir. Il ne se pressait pas pour autant, avançant d'un pas léger, et l'air noble vers le pauvre homme qui empestait effectivement l'alcool. Quand il arrivait à la hauteur des deux intervenants, l'homme s’apprêtait à frapper cette Mairu qui était encore au sol. Ainsi, Snow l'en empêchait, du moins retardait le coup, en se posant dans la situation d'une voix douce et vibrante, bien étrange et trop calme pour sembler réelle. L'homme relevait la tête sur lui et allait sans doute l'insulter lui aussi, mais Snow n'allait pas perdre son temps en négociation inutile et autre joute verbale. Il dégageait simplement son aura sur l'homme, qui parut saisit de fascination au point de décoller ses lèvres devant le silence qui était la réponse de Snow à ses bafouillages.

-Laisse la partir veux-tu ?
-Tu veux que... heu.. heuu. mais...

L'homme lâchait les cheveux de la jeune femme, ne sachant que dire. Était-ce de la magie ? Non, c'était ce que les Shinobis appelaient un genjutsu, mais pour Snow, un samouraï, c'était tout autre chose, quelque chose qui lui était propre et que peu de gens pouvaient comprendre réellement. Le corps du samouraï aux cheveux blancs semblait illuminé de l'intérieur, comme l'aurait fait un ange, preuve que quelque chose d'anormal se produisait. Snow souriait alors au pauvre homme qui n'arrivait toujours pas à dire un mot. Sans violence, que ce soit dans le ton ou le verbe, il l'invitait à simplement partir.

-Rentre chez toi, et réfléchis à ton avenir.
-Heu heu heu...

Et l'homme s'en allait. Snow cessait alors d’irradier, mais ne perdait pas en magnificence tandis qu'il se penchait vers Mairu pour l'aider à se relever. Il lui portait alors un sourire aimable, sans omettre de lui poser une simple question.

-Tu aurais pu le mettre à terre toi-même, pourquoi t'être retenue ?

L'aidant à se relever, il la redressait pour qu'elle se retrouve une position plus avantageuse et il fit cela avec le plus grand respect. Il fallait noter en même temps que le fameux chien s'était carapaté, mais ce n'était pas tellement l'intérêt du moment, puisque Snow continuait.

-Tous les hommes n'ont pas le sens de la dignité hélas, mais je pense que tu le sais toi-même. Tu dois êtres gelée maintenant, tu veux aller te réchauffer ? Nous pourrions nous mettre à l'abris. Même si j'ai l'impression qu'il t'en faut plus à toi pour être troublée, étant donné le sang-froid dont tu as fais preuve.

Le postérieur toujours cloué dans la neige dont la froideur et l'humidité avaient réussies à traverser les collants que la jeune femme portait sous sa jupe qui s'était écartée dans sa chute, la Nastumi suivit la scène sans broncher.

De son regard sanguin et éternellement placide Mairu fixa un long moment Snow qui lui tendait à présent une main. La jeune femme avait remarqué le changement d'expression de l'homme aux cheveux lorsqu'elle lui avait donné son nom alors elle se demandait si comme les autres il n'était pas en train de se montrer gentil envers elle tout en la méprisant au fond de lui. Comme les autres, il devait savoir qui était Haru Natsumi et avoir eu au moins vent de ses actes.

Malgré sa tentative d'essayer de lire à travers le visage d'ange de Snow, Mairu ne réussit pas à déterminer s'il était réellement bienveillant ou bien était en train juste de jouer une comédie. Alors qu'habituellement elle aurait ignoré la main qu'on lui offrait, tout doucement la jeune femme finit par y glisser une des siennes avant de se laisser tirer pour se remettre sur ses pieds. Était-ce à cause de l'aura étrange qu'il avait dégagée mais Mairu avait envie de croire que Snow n'était réellement pas comme les autres.

- Merci, se contenta de lâcher la kunoïchi accompagné qu'une légère courbette. Je n'aime pas frapper des ivrognes, répondit-elle ensuite à la question que l'homme lui avait posée tout en époussetant la neige sur ses vêtements.

Mensonge lâché avec une naturelle à ne pas douter. En effet, en réalité la Natsumi avait provoqué exprès cet homme afin de l'enrager dans l'espoir qu'il la frapperait et ainsi elle aurait pu avoir une raison de le tabasser en retour. Malgré son gout refoulé pour la violence, Mairu avait gardé cette habitude de ne jamais frapper en premier. Ainsi, elle s'adonnait souvent à la provocation afin de s'offrir une opportunité de se défouler même si au final, la plupart du temps, le résultat de son acte plutôt puéril ne lui apportait aucune exaltation. Les rares moments où elle paraissait s'enthousiasmer c'était lorsqu'elle se trouvait face à un adversaire capable de réveiller la créature névrose qui sommeillait en elle. Chose qui se produisait que très rarement car cet ennemi capable de lui rendre son sourire ne devait pas simplement être fort mais aussi apte à réveiller la véhémence qui la pousserait à donner tout ce qu'elle avait dans le ventre.

- Je vous remercie de vous inquiéter pour moi mais je vais très bien, lâcha une voix toujours bien distante. Je m'appétais à me rendre chez Yukihira, désirez-vous m'accompagner ? Finit par ajouter Mairu après un silence, désirant se montrer un minimum aimable envers cet homme qu'elle pensait être différent.

Yukihira était un petit restaurant tenu par une famille portant le même nom. Celui-ci proposait des plats traditionnels et populaires dont des nouilles que raffolait la Natsumi …

Il y a de ces gens qui se protègent de leur entourage en mettant une barrière invisible entre eux et le lien qui risquerait de s'établir à la moindre ouverture de leur cœur. N'était-ce pas ici la preuve que les hommes et les femmes portaient dans leur corps une matière intelligible, une chose qu'on souhaitait protéger et qu'on ne pouvait donner si facilement, ou recevoir aussi d'ailleurs. Snow ne se sentait pas offensé devant la retenue de la jeune-femme, ce regard inerte, qui ne faisait que la preuve d'une peur de l'autre, telle qu'il en avait vu de moult fois dans le visages d'autres personnes. Son expérience du monde et de la vie l'avait si souvent confronté au choix de l'ouverture et de la fermeture de soi que cette situation lui était pour ainsi dire coutumière. Il avait pour sa part l'avantage de la subtilité, sachant mettre de la distance sans le paraître, c'est ainsi qu'il avait le sourire léger, le regard aimable et cet œil bleu lumineux de passion qui le caractérisait fermement. Snow, aurait pu étudier la jeune fille plus en profondeur, se demander le pourquoi de cette distance qu'elle mettait instinctivement avec autrui, du moins particulièrement avec lui, mais il n'en fit rien. Il avait l'air léger, l'air d'accepter l'instant tel qu'il était et Mairu avec lui, du moins de la même façon.

Acceptant son geste, elle ouvrait cependant déjà une porte et il le savait bien. Snow paraissait amusé de l'excuse qu'elle lui fournissait. Ne pas aimer frapper des ivrognes disait-elle. L'inclinaison à la violence était pour Snow ancré dans le gêne de l'être humain. La civilisation ne servait pour lui qu'à humaniser dans un idéal les besoins conflictuels que les hommes éprouvaient, et sachant bien que sous le paquet cadeau couleur rouge de sang que les hommes offraient aux populations qu'ils appelaient barbares, il n'y avait pas plus qu'une avidité sans borne. Lui-même était avide, mais son ambition et cette avidité était tournée vers d'autres convoitises que celles communes à la majorité.

Snow restait calme, même sa posture semblait être calculée pour le magnifier dans la lumière d'un crépuscule qui s'annonçait maintenant pour les minutes à venir. Il avait pourtant, dans cette hauteur assumée de lui-même, le dégagement d'un impression étonnante de sécurité, comme si en son cœur, l'ambition démesurée qui pouvait le dévorer était non pas l'ennemi mais l'allié de l'altruisme dont il ne s'était non plus jamais détaché. Quand Mairu l'invitait à ne pas s'inquiéter après s'être redressé, Snow eut un petit rire, sans moquerie, simplement amusé. Pourquoi en effet, se sentirait-il inquiet pour une personne qu'il connaissait à peine ? C'était qu'elle puisse imaginer qu'il avait ce genre de puérils élans qui l'avait amusé en fait. Mais quand elle lui proposait de l'accompagner, il inclinait la tête avec un brin de surprise, c'était selon lui une tentative d'ouverture timide qu'elle lui offrait. Une porte, qui toujours fermée mais laissée ouverte, pouvait être empruntée par Snow pour qu'il puisse tenter un rapprochement.

Il ne connaissait pas l'endroit dont elle parlait, et plutôt que de le lui demander, il préférait se laisser aller à la surprise. Ainsi il répondait favorablement, autant par le ton que le verbe, qu'il accompagnait d'un regard plutôt satisfait.

-Ma foi j'accepte, vous êtes de bonne compagnie. Mais dans ce cas, j'aime autant à ce que l'on se tutoie, que cela soit moins solennel.

Il se laissait ainsi guidé, marchant à côté de Mairu, mais donnant lui-même la cadence, sans s'occuper de la vitesse des pas de la jeune fille. Son côté dominant sûrement qu'il ne pouvait pas complètement abandonner quel qu’en soit la circonstance. Sur le chemin, plutôt que de se laisser aller au silence, car il sentait la jeune-fille prompt à l'enferment, très peu encline à une conversation, il se permettait cette fois d'évoquer un sujet qui pouvait être difficile à aborder au premier abord. Il le fit pourtant avec un grand naturel, comme s'il n'y avait rien de grave à ce qu'il disait, alors que Mairu ne pouvait que seule juge de cela.

-J'ai été l'élève du rival de ton frère. J'ai connu, ton frère. Je ne tiens pas pour responsable des erreurs d'un homme, les membres de sa famille. La haine n'est pas générationnelle ni génétique, alors quand bien même ton frère fut responsable de la déchéance d'un homme que j'aimais, je ne crois pas que tu sois "lui". Sachant cela, j'espère que tu n'éprouveras pas non plus d'aversion pour moi. Ici c'est Kumo, tu es Kumojin, et moi aussi, pour le moment c'est tout ce qu'il y a à savoir et entendre. Je sais comme la solitude et le passé peut peser sur les épaules, je ne peux te forcer à t'en délester maintenant, mais sache que la légèreté est toujours une voie plus salvatrice. Sinon, quel est donc cet endroit où tu me conduis ? Je ne le connais pas.

Ainsi parlait-il, sans la regarder, droit devant lui, mais la douceur du timbre suffisait à rendre la douceur de l'homme lui-même.

De bonne compagnie ? Une phrase bien complaisante qui sonna pourtant comme une véritable ânerie aux oreilles de la Natsumi qui l’entendait pour la première fois d’un être en parlant d’elle.

Bien que jamais elle n’eût rejeté ceux qui avaient tenté de se rapprocher d’elle, ceux-ci finissaient toujours par s’éloigner de sa personne. Chose qui laissait la jeune femme complètement indifférente car seule ou accompagnée, son être n’arrivait pas à différencier l’effet que cela procurait. Ayant cependant déjà expérimenté la joie d’être bien entourée, la Natsumi arrivait à reconnaître qu’elle n’était pas d’agréable compagnie. Elle admettait que son indifférence et sa froideur faisaient fuir bien que cela n'éveillât en elle la moindre envie de changer. Elle se complaisait à être esseulée, tant qu’elle s’isolait d’elle-même dès qu’elle le pouvait.

L’homme aux longs cheveux blancs la trouvait d’agréable compagnie certainement parce que lui aussi était un être « à part ». La kunoïchi l’avait déjà vu maintes fois isolé lui aussi. Ils étaient donc comme deux marginaux qui cherchaient à se connaître mais malheureusement, en plus de sa froideur royale, la Natsumi se révélait aussi être une personne peu loquace contrairement à son compagnon de chemin qui tenta de briser le silence. Celui-ci lui fit une révélation sur son grand frère qui troubla malgré elle la jeune femme. L’instant d'altération fut bien bref alors que la kunoïchi continua d’avancer des pas tranquilles sans rien changer dans ses comportements. Seul un être qui avait un sens d’observation très poussé ou capable de lire dans le cœur des gens aurait pu desceller le changement bien fugace de la jeune femme.

- Je vous remercie, se contenta de lâcher Mairu qui avait gardé le regard rivé droit devant elle.

Si peu des gens pensaient comme l’homme aux cheveux blancs. Nombreux sont ceux qui lui en voulaient pour ce qu’avait fait son frère mais Snow ne semblait éprouver aucune aversion à son égard alors qu’il tenait Haru responsable de la disparition d’un être qui lui était cher.

Bien que désirant tout savoir sur son défunt grand frère qu’elle avait si peu connu au final, la Natsumi se retint cependant de poser la moindre question sur l’être qu’elle avait tant aimé à Snow bien que l’envie la titillât. Elle jugeait n’avoir aucun droit de lui faire passer un interrogatoire après l’aveu qu’il venait de faire. Délicatesse qu’elle n’aurait pas fait preuve pourtant si l'homme aux cheveux blancs s’était montré moins prévenant envers elle. S’il s’était montré un minimum hostile, la jeune femme aurait pu même recourir à la violence si besoin pour le forcer à lui révéler les informations qu’elle convoitait, quitte à se faire démolir au retour.

- Yukihira est un restaurant. Leurs nouilles sont très succulentes, finit par ajouter Mairu de cette voix toujours aussi placide qui était la sienne.

Le duo de circonstance finit par se retrouver au pas de la porte du petit établissement d’où s’échappait une odeur très alléchante.

Alors qu'ils investissaient le lieu, le couple plus qu’improbable attira l’attention des quelques clients présents et du personnel bien réduit qui suspendirent un instant ce qu’ils étaient en train de faire, le temps d’assouvir leur curiosité oculaire. Sans accorder la moindre importance aux regards curieux et non dénués d’une certaine suspicion, Mairu entama une marche pour aller s’installer à une table du fond alors que Snow lui emboita les pas. Sans plus tarder, on vint prendre leur commande. La jeune femme prit les nouilles habituelles puis ce fut le silence de l’attente que la Natsumi se sentit dans l’obligation de briser.

- Navrée mais je ne parviens pas à vous tutoyer. Cela viendra certainement … avec le temps …

La situation était étrange à bien des niveaux, le premier étant que Snow se retrouvait à aller dîner avec une femme ravissante alors qu'il la connaissait à peine, quand d'autres hommes peinait à inviter celles pour qui ils éprouvaient une sincère attirance. La seconde étant que le destin conduisait deux personnes si loin de leur pays natal à se rencontrer, quand dans l'entourage proche de leur passé, il y avait eut ce qu'on pouvait appeler, "des légendes" oubliés et en vérité méconnue. Car, il fallait bien se le dire, Mairu qui était la sœur de Haru avait face à elle Snow qui fut l'élève de Teichirô. Ces deux hommes ayant été bien plus proche que les deux jeunes gens présents ne le seraient peut-être jamais. Snow déguisait son visage, sous une apparence de sérénité, un voile opaque, fait d'un sourire harmonieusement léger, d'un regard bleu étincelant de passion et d'ambition et d'une élégance presque trop naturelle. Il déguisait son visage sous tout cela pour masquer les échecs et les marques d'un passé qu'il ne savait pas encore embrasser pleinement. Et si l'on ne savait pas accepter son passé, comment pouvait-on s'enquérir de son destin ?

Il marchait en regardant droit devant lui, si bien qu'il ne remarquait pas le trouble intérieure qui avait mouvementé le cœur de Mairu pendant un si bref instant, peut-être, lui qui avait l'habitude et pour principe de sonder l'âme d'autrui, l'aurait-il remarqué s'il avait fait preuve d'attention, mais ce n'était aucunement le cas, car sur cette jeune femme, il ne se faisait pas un devoir d'exercer une quelconque pression. Il appréciait simplement le moment, en se rappelant la chance qu'il avait d'avoir le droit de rencontrer une personne avec qui il avait déjà un point commun, un lien, et assez séduisante pour rendre jaloux tous les mâles qui le verrait en sa compagnie. Il demeurait encore silencieux, quand Mairu lui annonçait qu'il s'agissait d'un restaurant. Cette invitation était pour Snow le plus étrange, comme dit précédemment, pour lui ce n'était pas tellement l'occasion de manger des nouilles, un plat qui ne l'emballait par ailleurs pas plus que cela, mais seulement de passer un peu plus de temps avec cette jeune femme fraîchement rencontrée.

Le silence entre les deux comparses aurait pu paraître pesant, mais pourtant l'un et l'autre figurait s'y complaire avec aisance, et ne dit-on pas que l'acceptation du silence entre deux personnes était la preuve qu'elle se sentait naturellement bien ensemble. La marche était donc à la fois lente et contemplative jusqu'au dit restaurant où souhaitait se restaurer Mairu. Snow, gentleman, emboîtait le pas pour lui ouvrir la porte, mais il la laissait choisir la table et les y diriger, ainsi peut-être lui faisait-il entendre qu'il ne la considérait pas comme une faible femme. Il faut dire qu'il avait beau se sentir à l'aise, il demeurait décidément inné chez lui, cette capacité à se contrôler à paraître tel qu'il le souhaitait devant autrui. Les faux pas lui était rare, et encore plus en cette occasion. Il la laissait prendre la commande, et choisir dans le même temps son propre plat. C'est alors qu'elle lui faisait part de ses retenues verbales, qui pourraient s'atténuer avec le temps, mais elle annonçait cela sur le ton de la supposition.

Snow assit et le visage reposé par le menton dans le ceux de ses deux paumes restait souriant, pas vraiment offensé de cela, il fallait dire qu'il avait en apparence, et pas que d'ailleurs, l'air d'être parfaitement incapable de haïr quoi que ce soit, et encore moins de perdre son sang froid, comme si son esprit analytique était toujours aux aguets et portait tous ses intérêts "larges" dans la vertu de la vérité, à entendre qu'en tout il semblait vouloir, trouver et être, le bon, le beau, le vrai.

-Il n'y a pas de mal. Aucun. L'intimité se construit par le temps, du moment que ce n'est pas un faux respect, je le comprends.

Snow avait sentit qu'elle s'était obligé à briser le silence, qui enfin pour elle peut-être, devenait trop lourd à supporter. Pourtant jusqu'à là, Snow ne touchait même pas à son assiette et ne faisait que la regarder manger, pas vraiment faim peut-être, mais par respect, il se décidait discrètement à prendre quelques bouchées. Il sentait que la pauvre jeune fille était tourmenté, cela en observant ses mimiques et ses postures, quoi que l'aphasie de son faciès pouvait rebuter les plus téméraire, il était plutôt agréable pour quelqu'un qui avait vu la guerre de près, et même dans un cas comme celui-là, il était possible de s'y découvrir quelques nuances émotionnelles, morales ou sentimentales, derrière de presque imperceptibles mouvement des yeux, des paupières, des muscles de la mâchoire et ainsi de suite. Snow avait ignoré en rentrant dans le restaurant les regards, car il se montrait face à eux avec hauteur, digne, comme si le jugement des autres n'était pour lui l'affaire que de son propre jugement paradoxalement. Il portait son regard au-dessus de celui d'autrui en réalité, ainsi, rarement la honte l'atteignait. C'était également le cas à ce moment, alors qu'il aurait pu se sentir gêné que Mairu ne sache pas quoi lui dire, qu'il aurait pu le prendre pour lui, et il était plutôt patient au contraire. Mais il ne fallait non plus exagérer la chose, alors quand l'occasion se fit sentir, c'est de sa propre voix douce et posée qu'il rompait le silence, à l'instar de Mairu quelques instants plus tôt.

-Pourquoi inviter un inconnu au restaurant dis-moi ? Je suis assez ouvert pour ne pas craindre ce que je ne sais pas. Et assez intelligent pour savoir qu'on ne fait rien sans attendre quelque chose. Ô je ne le reproche pas, on ne peut reprocher à la nature humaine d'être sa nature. Pourtant, j'aime savoir ce qu'il en est aussi.

Il inclinait la tête ensuite, l'air questionneur, comme un petit enfant innocent qui poserait une bête question. Le charme de l'innocence était souvent plus désarmant que la menace d'une épée et Snow le savait bien.

- Rassurez-vous, je n'attends rien de vous. Vous avez exprimé le souhait de se mettre à l'abri du froid alors je vous ai proposé cet endroit où j'allais me rendre de toute façon.

Les propos de la jeune femme paraissaient assez rudes mais elles avaient été lâchés sans la moindre intention de vexer mais d'une façon qui était tout à fait naturelle venant de sa personne et sur ce ton placide qui était habituellement le sien.

Les paroles de la Natsumi cachaient en vérité un demi-mensonge car elle avait en réalité envie de lui poser des questions concernant Haru. Un désir qui ne l'étreignait pas cependant assez qu'elle pouvait le contenir sans problème malgré sa soif d'en savoir davantage sur son défunt grand frère.

Sa façon d'être et de s'exprimer avait rebuté plus d'un. Par ses comportements, sans réellement le chercher, elle avait réussi à éloigner tous ceux qui avaient tenté de l'approcher ; que ceux-ci avaient été motivés par une réelle envie de la connaitre sincèrement ou poussés juste par un désir vicieux qui semblait habité même les hommes qui paraissaient les plus innocents. Fait qui jamais ne la faisait pourtant souffrir. Au contraire, voir s'éloigner certains la soulageait même.

Depuis qu'elle s'était réfugiée dans cette armure de glace afin de s'isoler de toute possibilité de souffrance liée aux sentiments qu'elle considérait aujourd'hui comme des véritables idioties, il était rare que la Natsumi fît l'effort dans le but de ne pas froisser un être alors que présentement c'était exactement ce qu'elle cherchait à faire. Pour une raison qu'elle ignorait mais qu'elle ne prenait même pas la peine de comprendre, la kunoïchi ne tenait pas à blesser l'homme aux cheveux blancs bien qu'elle ne cherchait pas à lui plaire et encore moins à nouer une relation avec lui. Depuis qu'elle était tombée dans ce gouffre qui avait complètement brisé son cœur dans la chute, jamais elle n'avait entrepris une de ces initiatives qui ne lui effleuraient même pas l'esprit. Elle ne cherchait plus à se lier à aucun de ses semblables et se contentait de la stricte relation obligatoire avec eux. Coéquipiers, senpai, sensei, kage, voisins … voilà ce qu'ils étaient pour elle. Elle n'avait aucun ami, pas même parmi ses propres coéquipiers, et on ne relevait aucune présence d'un être qui lui était vraiment proche autour d'elle. Elle était seule et s'en complaisait mais comme toujours, elle ne chercha pas à éloigner l'homme qui s'était montré complaisant avec elle et qui de toute manière finirait par s'en aller comme tous les autres.

Si elle avait accepté la compagnie de Snow ce n'était que par pure politesse car bien que son cœur avait gelé, elle n'avait pas perdu la bonne manière. Ce qui faisait d'elle d'ailleurs une parfaite marionnette qui jamais ne désobéissait à ses supérieurs. Jamais elle n'avait contesté un ordre quand bien même elle trouvait celui-ci bien absurde.

Silencieusement, Mairu savoura ses nouilles qu'elle descendait avec appétence qu'elle ne chercha point à cacher à son compagnon de table qui le fixait de ses yeux azurés. Le seul plaisir qu'elle arrivait encore à ressentir c'était en mangeant des nouilles qui était son plat préféré depuis l'enfance. Un mets populaire qui lui avait si cruellement manqué durant ces années qu'elle avait été contraint à passer sur l'Île de la Cendre où elle avait été forcée la plupart du temps de se nourrir que des fruits de ses chasses dans une flore carbonisée.

La Natsumi avait commandé trois bols de nouilles qu'elle enchaina l'un après l'autre et toujours avec autant d'appétit …

Mairu n'était pas très bavarde, et même si toute l'attention de Snow était portée vers elle, sans retenue, et avec joie, la jeune fille mettait une distance telle que tout ce qui aurait un manque de reconnaissance s’enfuirait sans même prendre la peine de répondre à l'unique répartie qu'elle fut capable de lâcher.
Snow ne lui répondit pas, il n'en voyait pas l'intérêt, car à ses yeux, cela n'aurait servit qu'à combler le vide, qu'à faire une réponse parce que la convention exigea qu'on en fasse une à ce moment-là. Or, le silence qu'il témoignait n'avait pas l'air celui d'un déchanté. Il préservait au faciès l'humeur paisible et satisfaite de partager un repas avec elle, bien étrange réaction, quand elle semblait lui faire montre de tout ce qui rebuterait une âme sensible. Le sourire qui magnifiait son regard lumineux était d'ailleurs la meilleure preuve qu'il était inatteignable à la volonté de distance qu'elle voulait lui soumettre, lui imposer. Bien moins glouton qu'elle, il mangeait posément et calmement le seul et unique plat dont il avait prit commande. Et puisqu'elle semblait vouloir le silence durant ce repas, il le lui accordait volontiers.

Il mangeait avec raffinement et délicatesse pour sa part, possédant le geste contrôlé, mais en même temps naturelle, ainsi, l'on pouvait dire qu'il se "contrôlait naturellement" et qui plus est en toute innocence. L'innocence était sans doute le trait qui ressortait le plus de cet homme qui n'avait pas toujours conscience de tout ce qui pouvait s'exhaler de lui, que ce fut en bon ou non. La paradoxe était qu'il était sans doute le plus intéressé des deux par l'autre, et le moins distant, alors qu'il était celui qui s'était laissé conduire dans ce restaurant. La jeune fille face à lui, le poussait donc à déduire que quoi qu'il voulait être prudente et rugueuse, elle n'avait pourtant pas aussi peu d'intérêt pour lui qu'elle osait bien l'avouer. Il suffisait de patience, une qualité dont Snow ne manquait certes pas, et quand le moment de la note venait, c'était à un partage de celle-ci qu'il invitait la jeune fille, prouvant de la sorte qu'il ne cherchait pas un rendez-vous galant.

Quittant sa chaise il faisait ensuite le tour de la table, calmement, et invitait de la main Mairu à en faire de même. Ses manières ressemblaient à celle d'un noble déchu par la vie, mais qui ne perdit pas de vue les élégances nécessaire à l’accommodement d'autrui. L'aider à se lever de table n'était pas la seule chose qu'il s'était décidé d'entreprendre. Car suivit de cela, sa voix résonnait enfin dans la salle, voluptueuse et vibrante, sécurisante même, ce qui, encore une fois, montrait qu'il savait naturellement se contrôler. Ordinairement, il usait de genjutsu pour manipuler les personnes qu'il désirait connaître ou dont il voulait obtenir quelque chose, mais avec elle, il préférait s'en remettre à la nature et au hasard. Chose notable en effet pour un homme qui aimait avoir le contrôle sur tout.

-Nous pourrions continuer par une ballade digestive. La neige calme les esprits lorsqu'elle tombe à cette heure de la journée.

Il se montrait ouvert à elle, très ouvert, mais sans oublier de fixer les limites qui incombait aux nuances établis et admises dans le domaine de l'intimité. La conduire dehors pour une balade était selon lui, le moyen de délier un peu les langues. Les anges murmurent aux gens qui marchent pensait-il bien souvent, et les pas délient les langues. Il comptait la conduire vers l'extérieur, les endroits calme et paisible de la ville ou sous quelques pas dans la neige, à la lumière d'un crépuscule orange et violacé, il aurait à la fois le loisir de profiter d'une bonne conversation et d'un paysage reposant. Sa démarche s'y ferait lente et sereine, car il comptait bien être celui qui en imposerait le rythme. Il s'attendait à ce que pendant que ingénument dans la neige, ils avanceraient tous les deux à la même cadence, Mairu se déciderait à lui demander ce qu'elle semblait garder en elle, alors que lui, serait rompu à un silence de mort, qui ne pouvait laisser apprécier que le son des pas dans la neige.

Malgré le silence qui s'était installé entre Mairu et Snow qui, l'un comme l'autre, se contentaient de savourer leur plat sans échanger le moindre mot, étrangement l’atmosphère n’était point pesant. Sans doute parce que les deux personnages étaient habitués à la quiétude. Dans le cas de la Natsumi, elle préférait même manger seule qu’avec des bavards qui avaient tendance à gâcher cet unique instant où elle pouvait savourer quelque chose.

Après une brève hésitation durant laquelle son regard rubis fixa la main que l’homme aux cheveux blancs lui tendait, la Natsumi finit par y glisser sa main droite tout en cherchant à comprendre ce qui poussait cet homme à se comporter de la sorte. Il avait certainement l'habitude de se montrer prévenant avec n'importe qui cependant son acte bienveillant était bien vain. En effet, celui-ci ne faisait ni chaud, ni froid la kunoïchi au cœur givré. Que le chevalier blanc prît cette peine ou pas ne changerait pas l’opinion que la jeune femme avait de lui pour la simple raison que ni la gentillesse, ni la méchanceté ne parvenait plus à émouvoir la Natsumi.

Depuis sa renaissance après la souffrance d'avoir perdu l'être qu'elle avait aimé plus que sa propre personne, les actes de Mairu étaient entièrement guidés par ses instincts. Ne pouvant plus rien ressentir - ni joie, ni peine, ni peur, ni regret, ni convoitise … - aucun sentiment n’influençait ses actes. Les rares moments où elle pouvait s'exalter et sans la moindre retenue c'était lorsqu’elle tombait dans cet état de frénésie extrême qui la transcendait en une créature névrosée alimentée par une envie de violence qui dépassait l'entendement. Chose qui se produisait lorsqu'elle confrontait certains adversaires. Des êtres capables de lui donner envie de donner tout ce qu'elle avait dans les tripes quitte à y laisser sa misérable vie.

Les deux taciturnes finirent par sortir du restaurant sous les regards toujours aussi suspicieux du public de circonstance mais, qu'une fois de plus, elle comme lui ignora totalement.

Marchant côte à côte dans un silence bercé par les bruits de leurs pas écrasant la neige, chacun regardait devant soi. Mairu finit cependant par se tourner vers son compagnon de marche qu’elle fixa sans détour de son regard vide d’émotion. Elle se demandait pourquoi cet homme tenait à lui tenir compagnie, elle que beaucoup rejetaient pourtant mais la réponse ne l’intéressait pas assez pour poser la question au concerné. À la place, elle préféra demander quelque chose qu’elle accorda plus d’importance en plus de briser un peu le silence bien que celui-ci ne l’incommodât guère. La jeune femme se disait que c’était une opportunité à saisir pour en savoir plus sur l’être qu’elle avait tant aimé et dont la mort l’avait tué aujourd'hui à moitié.

- Connaissez-vous les circonstances de la mort de grand frère Haru ? Lâcha la Natsumi d'une voix bien sereine alors que de nouveau elle regardait droit devant elle tout en mariant ses pas à ceux de Snow …

Le silence était depuis déjà un long moment tout ce qui raccordait les deux jeunes gens l'un à l'autre. Si dans la normalité, et d'une vue extérieure, que deux personnes puissent rester si longtemps sans se parler paraîtrait pour un défaut de communication, ici, il s'agissait ni plus ni moins que de l'affirmation d'une complétude entre un homme et une femme qui savait apprécier la suffisance d'une ambiance sans avoir à la combler de mot pour la rendre plus meublée.

Marchand sous la neige, au gré du bruissement de leur pas coupant de leur sonorité une atmosphère crépusculaire, la balade n'avait pas vraisemblablement d'autre but qu'elle même. Aucune destination prédéfinie, car les deux jeunes gens avançaient, semblait-il, sans vraiment chercher à se rendre quelque part. Il ne s'agissait en fait que de profiter du moment, sans vraiment s'attarder aux détails qu'il incombait. Snow avait pressenti déjà depuis un moment que Mairu souhaitait parler de quelque chose, qu'elle avait été intriguée, mais il ne savait pas encore exactement de quoi il en retournait. Et force de la patience qui l'animait, il patientait simplement. Laissant libre court à la fantasy de Mairu, qu'elle puisse à un moment se sentir à l'aise pour enfin lui parler de ce qu'elle avait sur le cœur. Ainsi, comme on le disait parfois, l'homme doit faire 90 % du chemin, mais laisser les dix derniers à la femme. Car la femme sachant pardonner une petite précipitation, ne sait certainement pas pardonner une occasion manquée.

Ce moment venait enfin, et sans s'arrêter de marcher, ne daignant même pas regarder Snow en même temps, Mairu s'essayait à une question concernant son frère. Ainsi, c'était ce qui l'intéressait. Snow gardait le visage droit, tandis qu'il avançait encore de quelques pas et sous son propre silence. Mais son regard se fit plus nostalgique, sans perdre toutes ses vertus, n'importe quel regard y aurait découvert moins d'intensité. Cette question le ramenait en effet, vers un passé qu'il ne se remémorait que rarement. La vérité, c'était qu'il n'en savait rien. La mort de Haru lui était tout à fait étrangère, car le temps où il l'eut connu était celui de son apogée à lui, et plusieurs autres grandeurs du monde shinobi. Des éminences dont on connaissait les noms, mais sans savoir réellement ce qu'elles avaient pu vivre de si fameux pour avoir traversés l'histoire durant prêt de quinze ans.

Après ces quelques pas, Snow se stoppait sans prévenir Mairu, la laissant aller un peu plus en avant de lui. Que lui répondre, s'il ignorait dans quelles circonstances était mort son frère si ce n'était la vérité. Et quand bien même elle lui posait la question avec sérénité, il doutait sincèrement que le sujet ne lui faisait rien, alors, plutôt que de se laisser prendre à une conversation mélodramatique, il faisait un tout autre choix. Il saisissait un peu de neige, et la massant en boule dans sa main, la lui envoyait sur le corps. Il n'avait pas vraiment visé, si ce n'était pour la toucher et cela se sentait. Il avait alors toute l'innocence d'un enfant qui jouait. Tout en élevant sur elle un regard qui n'avait pas de qualificatif pour être décrit, il s'affirmait sans son idée du jeu par cette simple tirade qu'il prononçait tout aussi paisiblement que la question qu'elle lui avait posé.

-Haru l'aurait évité lui.

Et il sourit, comme s'il voulait évoquer de meilleurs souvenirs que la mort d'un homme, par le jeu, le jeu qui était l'une des activités premières des hommes, qu'ils formulaient sous bien des figurations, parfois et souvent sans même s'en rendre compte, jeu de séduction, jeu de société, jeu politique, jeu guerrier. Le jeu était peut-être la résonance primitive de la vie si l'on se laisser aller à quelques réflexions philosophiques. Un léger vent soufflait alors, balançant la chevelure du samouraï blanc, qui semblait d'autant plus ainsi bercé par l'ambiance crépusculaire qui accompagnait cette rencontre. Un brin de provocation et de supériorité se dessinait enfin sur le visage de Snow, tandis qu'il reprenait, certain qu'avec cette méthode, la jeune fille face à lui se découvrirait un peu plus telle qu'elle était réellement.

-Évite mes boules de neige et touche avec les tiennes, alors je répondrais à toutes tes questions.

Malgré l’herméticité de son cœur, évoquer son grand frère - être qu’elle avait tant aimé et dont la mort était la cause de son renfermement actuel - suscitait toujours chez la jeune Natsumi une émotion étrange : un sentiment où se mêlaient tristesse et un vide que rien ne semblait pouvoir combler si ce n'était le retour de celui qui en était la cause. L’émotion était bien brève et si peu profonde qu’elle ne se reflétait point sur le faciès éternellement froid de la kunoïchi aux prunelles sanguines mais elle était bien présente telle une lueur bien éphémère en son for intérieur.

Fixant Snow de son regard placide, Mairu encaissa la boule de neige sans broncher d’un iota. Elle aurait pu éviter sans problème le projectile mais elle ne voyait pas l’intérêt de faire cet effort car elle savait que celui-ci ne lui ferait aucun mal.

La jeune femme fixa un moment l’homme qui venait de l’inviter à jouer à son jeu. Un enfantillage auquel la Natsumi décida de se joindre, non pas parce qu’elle avait quelque chose à y gagner, ni pour le plaisir de relever le défi lancer par son compagnon de jeu mais pour la simple envie immature de malmener l’homme aux cheveux blancs. Un acte bien immature qui ne lui procurerait pourtant ni plaisir, ni satisfaction mais son être s’abaissait souvent à de la violence gratuite comme si par cet acte méprisant elle cherchait à éprouver quelque chose.

La Natsumi avait déjà cassé le ballon des enfants parce que celui-ci avait failli lui taper à la tête si elle n’avait pas eu le réflexe de l’éviter, elle avait déjà volé le pain d’une petite fille pour le donner à un chien affamé parce qu’elle éprouvait plus de la sympathie à l’animal qu’à la gamine qui s'était mise alors à pleurer de toutes les larmes de son corps mais vainement, elle avait fracassé à coup de pied le chat de la Mère Michelle qui trainait sur son chemin … Tant d’actes puérils et méprisants qui ne lui apportaient pourtant rien si ce n’était le mépris des victimes. Chose qui ne lui faisait ni chaud, ni froid.

Tout doucement, la jeune femme s'accroupit avant de ramasser à deux mains un peu de neige qui était bien glaciale mais qu'elle pétrit pourtant sans hésitation afin de former une boule. Elle déposa ensuite la boule dans la neige, juste à côté de ses pieds, avant de recommencer les mêmes gestes pour fabriquer une nouvelle boule de neige. Comme si elle était seule, Mairu prit tout son temps pour former une dizaine de boules avant de commencer à lancer une en direction de Snow. Restant accroupie, ses boules de neige à portée des mains, elle les lança les unes après les autres usant de ses deux mains et ne ciblant jamais la même partie du corps de la cible pour ne pas la faire habituer à ses lancées. Tantôt, elle visait la tête alors que la prochaine boule de neige visait aussitôt le ventre puis une autre venait rapidement cibler la poitrine …

Snow s'attendait à une plus grande réaction de la part de Mairu, il lui sembla à cet instant que le traumatisme qu'avait subit la jeune femme l'avait conduite à une extrémité qu'il lui était possible d'amenuiser sinon de guérir. N'était-il pas lui-même victime des affres du destin qui échoit aux grandes tragédies, les seules véritables, celles dont on ose réellement évoquer le souvenir. Il doutait que cette Mairu lui fasse de grandes confidences, mais Snow, fin psychologue, et habitué des malédictions capables de conduire un individu à la lividité, la fermeture du cœur, se trouvait capable de pressentir dans une grande ligne ce qu'il avait bien pu arriver à cette jeune femme. Tous, n'avaient après tout pas la force de paraître simplement plus heureux qu'il fut possible normalement...

Un traumatisme sexuel ? La perte d'un être cher ? Une maltraitance émotionnelle, voir, une torture... Tandis qu'elle rassemblait ses munitions, Snow demeurait patiemment à l'observation, droit, digne, la couleur du crépuscule sur les épaules avec ce petit regard innocent bercé dans la profondeur d'un œillade bleuâtre et perçante. Ce n'était qu'un jeu, un petit jeu qu'il lui proposait, et elle paraissait, même sans oncques de mimiques, s'y trouvée réceptive, puisqu'elle s'apprêtait à répondre de la même qualité, boule de neige après boule de neige.

Il la trouvait à la fois séduisante et enfantine à ce moment, peut-être que Snow, intérieurement, se guérissait lui-même en partageant un si simple instant, comme deux enfants qui jouent, pour oublier le temps, oublier le monde, oublier le passé et ce qu'il leur fit défaut du bonheur. Lui qui ne se cachait pas dans le mutisme, faisant le choix de prendre le destin à bras-le-corps, pour en devenir le maître plutôt que l'instrument, demeurait aussi, chaque nuit, saisit du même cauchemar inlassable, lui qui avait eut le droit à la prostitution, la déchéance, le deuil, et même pire, avait choisit de paraître aux yeux du ciel un homme qui ne s'affaissait jamais sous son poids. Ainsi, était-ce l'exemple qu'il souhaita donner à Mairu sans le dire.

Une première boule vint sur lui, une boule qu'il pourfendait en dégainant le sabre. Souriant et amusé, il réceptionnait chacune des suivantes, qu'elles vinrent une par une ou à plusieurs, il dansait sur le rythme de celle-ci, faisait des pas élégants, tournoyant sur lui-même parfois, c'était véritablement comme s'il dansait, et qu'il s'en amusait, car sachant l'absence de violence dans ces boules qu'elle lui envoyait, cela n'était pour lui qu'un moment à partager. Maniant donc élégamment sa lame, qui paraissait à sa main même plus légère qu'une plume, il semblait bouger sur le rythme d'une musique qu'il fut le seul à entendre, jusqu'à ce qu'il lui faille répondre. Frappant alors la neige de la pointe, il envoyait alors lui aussi plusieurs boules de neige, sans dangerosité, sans véritablement viser, ce n'était véritablement qu'un échange de courtoisie où il se permettait même parfois de rire et il le faisait toujours comme s'il dansait. Cela sembla éveiller en lui quelque chose de saint, une sorte d'écho nostalgique, d'une époque où la neige était sa passion, et l'hiver sa saison de prédilection.

Comme la Natumi s'y attendait, Snow parvint à esquiver et avec une aisance déconcertante ses projectiles malgré la vitesse qu'elle déployait pour les envoyer les unes après les autres sans lui accorder le moindre repris.

Depuis l'ouverture de ce jeu qui ne rimait à rien mais auquel - telle une véritable enfant - elle avait pourtant décidé de prendre part, Mairu savait qu'elle n'avait pas affaire à un rival facile à abattre mais à un véritable shinobi aguerri. La Natsumi ne désespéra pas pour autant et poursuivit ses assauts bien que bien vains. La kunoïchi pensait même n'avoir aucune chance de toucher sa cible à moins que celle-ci ne décidait de la laisser volontairement la toucher mais elle poursuivit cependant avec avidité le jeu bien futile.

Alors qu'elle ne lui restait plus à la kunoïchi que trois boules de neige, sa cible tenta des contre-attaques tout en continuant d'esquiver les projectiles que la jeune femme lui bombardait. Ramassant rapidement à deux mains les projectiles qui lui restaient, Mairu inclina la tête sur un côté pour esquiver un jet de neige qui avait failli l'atteindre au niveau du visage puis elle se redressa expressément tout en envoyant dans l'élan une nouvelle boule de neige sur Snow afin de l'empêcher de l'attaquer pendant qu'elle se mettait sur ses pieds.

À peine s'était-elle retrouvé à camper sur ses membres inférieurs que la jeune femme dut effectuer un bond sur le côté pour esquiver une nouvelle attaque de neige. Rapidement, la kunoïchi se retrouva assaillie qu'elle fut forcée de sautiller partout et certainement avec moins de grâce - malgré son agilité digne d'un félin - que son adversaire qui semblait danser dans ses mouvements

En quelques secondes, Mairu se retrouva sans munition et les assauts de Snow ne lui laissaient pas le temps d'en fabriquer des nouvelles alors que celui-ci ne cessait de l'assaillir de neige grâce au sabre qu'il maniait avec une telle dextérité que Mairu en était presque admirative. Elle qui n'avait pourtant jamais admiré quelque chose depuis que son être s'était isolé dans cette armure de glace.

Ne désirant pas abandonner, non pas pour le plaisir de gagner mais parce qu'étrangement ce jeu lui procurait une sensation étrange et assez confortable qu'elle désirait perdurer, la Natsumi décida de recourir à l'une de ses propres armes pour tenter d'atteindre son brillant assaillant. Grâce à la maitrise du fûton, Mairu tourna rapidement sur elle-même soulevant un tourbillon qui renvoya non seulement la neige que son adversaire lui balançait mais aussi une grosse quantité de neige soulevée par force du vent sur l'homme aux cheveux blancs. Ce dernier pouvait accuser la Natsumi de tricherie mais il avait été le premier à avoir recouru à une arme pour atteindre sa cible. Et puis, Snow ne lui avait imposé aucune règle si ce n'était celle de la toucher avec la neige tout en évitant de se faire toucher par la sienne …

Spoiler:

Danse, danse, danse le manant, danse le prince, et toi le chevalier, et toi la dulcinée, et toi le guerrier, rit de nous et avec nous petit, danse sur ton chemin, fais tomber du ciel sur le sol la fraternité , fait tourner le soleil sur la lune, fais virevolter la neige, que l'on danse sous la neige oui, qui luit sous la nuit, que l'on danse sous la neige oui... Dans l’interminable ennui de la plaine, la neige incertaine, qui luit comme du sable. Le ciel qui est de cuivre, un doux crépuscule, sans lueur aucune, on croirait voir vivre, et mourir la lune. Comme des nuées flottent gris les chênes des forêts prochaines parmi les buées.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Et Snow dansait, presque sans regarder Mairu qui s'affairait à la tâche de le toucher de la neige, l'eau cristalline, qui était aussi lumineuse que sa chevelure, dans laquelle il semblait immaculé, même, parfois, être né, comme une nymphe hivernale asexuée. Ô le crépuscule, haut qu'il est, alors pourtant qu'il tombe, et la nuit qui vient dans son sillage, rougissant la neige, la couleur de la mêlée. Peut-être était-ce l'anticipation qu'il avait activé, sans même en prendre conscience, mais l'élégance et la grâce était maintenant son essence. Le sourire et la quiétude au visage, versé dans l'aisance du mouvement et la joie du jeu d'enfant, il mêlait l'art et l'adresse dans la blancheur de la neige, et fit du maniement de l'arme, un bref instant, l'expression de la beauté et plus de la mort, comme si par un coup de sabre, ce n'était plus le meurtre, mais la naissance.

Et Snow était ailleurs, physiquement présent, mais l'esprit vaquant au souvenir d'un âge paisible, où l'hiver passé sous l'arbre puisait en lui le romantisme comme une source intarissable de poésie et d'inspiration. Où était cet âge, se demandait-il parfois pendant qu'il bougeait, où était cet âge, insouciant, qui portait en lui cette idée d'immortel... Un mémorial de ses espoirs d'enfants, qui se pensait invincible, capable de soulever des océans, n'aspirant à l'héroïsme que comme le font les enfants, sans vouloir la gloire, sans vouloir la reconnaissance, l'héroïsme pour l'héroïsme, et l'essentiel pour doctrine de vie. Quand ? Quand la neige fut-elle tâchée ? Quand ? Quand ce cœur serait-il racheté ?

Il jouait avec elle, à se lancer la neige, il jouait avec elle, mais il jouait pour lui-même. La nostalgie criait à chacun de ses pas, elle criait, sa mélancolie . Et le vent de la jeune femme frappait la neige, vers lui, pour l'emporter dans le blanc qu'il était. Sans surprise, il souriant, à elle, à rien, au vide. Pas de surprise sur son visage, pas d'inquisition, pas de jugement, ils se lançaient la neige et peu importait comment ils la lançaient, il fallait juste la lancer.

Il fit un mouvement dans le vent, qui siffla au coup d'épée qu'il projetait dans le vide, vers le tourbillon blanc que Mairu lui affligea. Puis, un vent contraire frappait son souffle de neige, rompant sa destination au centre des deux joueurs, coupés alors par une barrière de neige, de flocons, où chacun derrière entrevoyait la silhouette de l'autre. La neige restait un peu en suspension, puis enfin, retomba. Snow, patiemment, avançait alors vers Mairu, l'épée à la main, le regard étincelant, emprunt plus que de raison d'une innocence égale à celle de l'enfant, qui devant le rêve de ses vœux, court sans se rendre du danger qui l'attend au-delà de son ambition. Lentement il avançait vers elle, tandis que la nuit était tombée, le temps de leur jeu, lentement il avançait, jusqu'à se tenir à un mètre d'elle. Là, l'épée à la main lui servit à faire une révérence à la belle, digne, comme celle que font ces nobles dans les contes, avant de se redresser et de rengainer tout aussi tranquillement qu'il vint à elle.

Il rompait enfin le silence, du timbre qu'il épuisa à chaque fois qu'il l'estima nécessaire. Souple, saint, doux,... Comme il se rêvait souvent d'être, sans jamais être convaincu d'y être parvenu.

-Merci pour ce moment. Nous nous reverrons, si...

Si quoi ? Si elle le voulait... Oui, mais si le destin le voulait aussi. Le visage serein et paisible, il lui tournait le dos, la nuit était tombée. Il rentrait, et elle, ferait, ce qu'elle voudrait.

Plantée au milieu du paysage enneigé sur le point de disparaitre définitivement dans la pénombre, la Natsumi regarda l'homme aux cheveux blancs s'éloigner. Tout doucement, celui-ci finit par disparaitre de ses yeux.

Seule, la jeune femme leva son regard éternellement placide vers le ciel assombri. Peu à peu les flocons couvraient son visage faisant naitre une sensation de froideur qui la fit frissonner mais elle ignora l'avertissement de son corps et continua à garder le regard levé à la recherche d'une présence invisible. Celle de son défunt grand frère. Seul être qui continuait à lui manquer malgré son cœur qui avait complètement givré.

Finalement, elle n'avait réussi à avoir aucune information sur Haru de la part de Snow. Était-ce parce qu'elle n'avait pas réussi à le toucher avec la neige comme il l'avait exigé que le samouraï avait décidé de ne rien lui dire ou bien n'avait-il tout simplement pas envie de lui révéler quoi que ce soit depuis le départ ? Question qui restera sans réponse car la kunoïchi n'avait pas envie de courir après cet homme pour lui demander la raison de sa décision. Elle n'était pas du genre à insister auprès des gens. Bien qu'elle tînt à avoir des données sur son grand frère, jamais elle ne forcerait ou ne supplierait quelqu'un pour les avoir ; à moins que celui qui détenait les informations était son ennemi. Dans ce cas, la Natsumi recourrait même à la violence pour les obtenir s'il le fallait mais Snow n'était pas un antagoniste mais un allié.

Telle une statue, Mairu resta longuement à contempler un ciel noir et aussi vide que son cœur. Ce fut une sensation de chaleur au niveau de ses pieds qui la ramena à la réalité. Baissant enfin les yeux, ces derniers se posèrent sur le chien qu'elle avait cherché à caresser mais qui s'était enfui vers Snow en train de l'uriner dessus. Le faciès continuant d'arborer cette expression imperturbable, le poing droit de la kunoïchi se ferma puis se couvrit rapidement des cendres condensées renforçant ainsi cette partie de son corps. Sans retenue, elle frappa ensuite la bête, qui continuait à vider sa vessie, au niveau du crâne. Un cri d'agonie se leva fortement dans le ciel puis se fut de nouveau le silence total.

La Natsumi prit ensuite la direction de chez elle, laissant derrière elle le chien avec la tête complètement démolie et enfoncée dans la neige souillée par le sang et des morceaux de cervelle …