« - VOUS AVEZ FAIT QUOI ?! »

Il était rare de m’entendre gueuler ainsi, puisque j’étais normalement du genre à pouvoir contrôler mes émotions. Mais même un moine du clan Kiezan n’aurait pu rester impassible face à une annonce comme celle que venaient de me faire Yukine et Soma. Pour comprendre, resituons le contexte. Nous étions quelques jours à peine après notre retour de Nami no Kuni, après la grande opération de capture du Daimyo. Ce dernier étant mort, notre mission était terminée, pour le moment, ce qui nous permit de nous rendre au village afin de reprendre des forces et panser nos plais. Je faisais partie de la seconde catégorie, car mon affrontement avec les pirates m’avaient causé plusieurs brûlures le long du corps. Ce n’était pas des plus grave, mais une hospitalisation de courte durée était préférable.

Toujours était-il que pendant l’une de mes journées de repos, je reçus la visite de mes deux élèves, qui avaient semble-t-il participé à une enquête assez importante pour découvrir ce qui se tramer dans le dos du Seigneur du pays du feu. Au début, quand j’appris la nouvelle, de la bouche d’un de mes collègues, j’avais une pointe d’appréhension, connaissant la nature « compulsive » de mes élèves. Mais je me suis dit que malgré toutes ces erreurs, ils seraient capables de pouvoir devenir sérieux lorsque le moment le demandait. Qu’est-ce que j’étais éloigné de la vérité… Lorsqu’ils m’ont raconté le récit de leur aventure, j’ai bien cru que j’allais déclencher l’alarme de ma chambre à tel point ma tension était montée. Je restai calme cependant, après tout, il n’y avait pas raison de m’inquiéter, n’est-ce pas ?... C’était jusqu’à ce que j’entende leur technique pour fuir l’imposteur en contrôlant le corps du légiste. Ce qui expliquait ma gueulante précédente.

Maintenant, je me retrouvais dans une situation des plus délicates. Non seulement Tic et Tac avaient raconté leurs « exploits » auprès de notre Hokage, mais en plus, suite à l’apprentissage de cette nouvelle, elle m’avait convoqué pour un entretien privé. Je me retins de pousser une nouvelle gueulante pour ne pas causer un nouveau boxon dans l’hôpital, et me contentai donc de sortir de mon lit afin de me rhabiller. En même temps, je leur faisais une énième fois la morale sur les devoirs et les responsabilités d’un Shinobi en mission, que ce n’était pas parce qu’ils étaient jeunes qu’ils seraient pardonnés facilement et les autres remontrances habituelles. Je me disais bien que ça ne servirait à rien, car au final, ils n’écouteraient rien. Ayant fini de me préparer, recouvrant les bandages sur mon corps par mes vêtements de civil, je me tournai vers eux pour leur laisser un dernier message, une main posée sur leur crâne, les compressant légèrement, et un regard qui percerait leur âme si j’en avais la capacité.

« - On en reparlera plus tard en détail, mais croyez-moi… Vous allez regretter chaque seconde « d’amusement » qui vous avez ressenti pendant cette mission. »

Relâchant mon emprise sur eux, je me rendis à pas rapide en direction du palais de l’hokage. Mentalement, je me préparai à affronter une tempête pire que mon combat face au Furyou Panse. Je faisais également un inventaire des nouvelles qui pourraient m’être avantageuses à mon encontre, et m’éviter de lui donner envie de faire quelque chose avec l’insecte qui se trouve dans mon cerveau. Mais avec ce que j’avais comme nouvelle… Comme la venue du membre du Shukai aux frontières du feu… et mes négociations avec le clan Yôgan qui ne se sont pas passées comme prévues… Bon au moins, j’avais la capture du groupe des pirates pour servir de témoignage contre le Daimyo !... Qui lui rappellerait les conneries faites par Yukine et Soma. Conclusion : j’étais dans la merde. Enfin, à force de penser durant mon trajet, je ne m’étais pas rendu compte que je me trouvai déjà devant le bureau du Kage. Me rendant compte que je ne pourrai pas échapper à mon destin, je soupirai légèrement avant de prendre une inspiration pour frapper à la porte.

« - Yôgan Yusei, au rapport. »

Attendant quelques secondes, le temps que l’on m’autorise à rentrer, j’ouvris et refermai la porte derrière moi, avant de me placer en position de repos, mains dans le dos, face au bureau de Miko.

« - J’ai cru comprendre par mes… élèves que vous souhaitiez me parler. En quoi puis-je vous aider ? »

Entrez.

Lunettes sur le nez, l’Aburame écrasa son nez dans le cendrier placé sur le bureau à sa droite, expirant une dernière bouffée de fumée qui s’envola par la fenêtre qui avait été laissée ouverte. Se renfonçant dans son fauteuil, elle abandonna sa lecture pour dévisager le nouvel arrivant. Ne l’invitant pas à s’asseoir, elle attendit qu’il entame la discussion. Ainsi ses élèves lui avaient fait passer le message. Bien.

Oui tes élèves en effet. Je me doute que tu es au courant qu’ils ont fait partie d’une mission de la plus haute importance pour le village : enquêter sur une tentative d’assassinat de notre Daimyô.

Faisant craquer son auriculaire, elle releva ses lunettes sur son front, maintenant son regard rivé sur le jeune homme, distante, sèche.

Leur rapport -si on peut appeler ça comme ça- laissait pourtant à désirer tant le contenu suintait les gamineries. Sans doute se sont-ils vantés de leurs exploits auprès de toi avec la même légèreté d’esprit. Ce qui m’en vient à te poser la question suivante. Selon toi, qu’est Konoha ? Tu es membre de l’ANBU, Jônin, shinobi depuis de nombreuses années, en toute logique la réponse immédiate devrait être « un village militaire », pourtant après des mois aux côtés de tes élèves, eux ne semblent retenir qu’une chose : Konoha est une sorte de centre aéré au sein duquel ils sont déterminés à faire comme bon leur semble. Est-ce que tu pourrais m’expliquer la raison de leurs bouffonneries ? Tu te rends compte qu’être laxiste avec eux, s’ils ont choisi de devenir des ninjas, ne leur apportera rien n’est-ce pas ? Mais le problème ne vient peut-être pas de ces deux nigauds, leur insubordination immature vient peut-être d’ailleurs …

Long regard en direction du Jônin à qui elle avait cru bon à l’époque de donner une équipe.

S’il te plait, éclaire-moi.

Joignant les deux mains, elle attendait qu’il s’explique sur le comportement limite de ses deux étudiants afin de savoir où résidait le réel problème de leur manque de maturité.

Étrangement, la rencontre avec l’Hokage n’avait rien à voir avec l’apparence que les choses laissaient à penser. En effet, alors que quiconque pourrait penser que ce soit juste un rapport de mission et une mise au point que voulait faire Miko avec moi, je sentais la chose passer plus comme un procès qui devait décider de mon futur sort. Je pensais que les choses semblaient aller pour le mieux, puisqu’avant notre retour à Konoha, l’Hokage avait décidé que mes efforts méritaient d’être récompensés pour me nommer Jônin… Mais j’avais oublié qu’avec mon statut se mélangeait la problématique de mes élèves.

Elle me rappela ainsi les faits qui étaient exposés, et dont j’eus la « joie » d’entendre les exploits précédemment dans la journée. En effet, alors que mes élèves étaient chargés d’une enquête qui avait pour but de mettre la lumière sur la tentative d’assassinat du Seigneur du Feu, ces derniers crûrent intelligents de tourner la chose au ridicule. L’Aburame souligna le fait qu’ils prenaient le village pour une cours de récréation, et non une base militaire au service de la nation. Cette remarque me fit légèrement sourciller, les mains dans mon dos se resserrant légèrement, mais je ne dis rien pour la laisser finir. Elle termina ainsi son exposé en disant que le problème ne venait peut-être pas d’eux, mais de leur professeur laxiste, autrement dit, moi. Une fois qu’elle eut terminé de donner son point de vue des choses, elle m’invita à faire de même. Et hélas, bien que j’étais le premier à dire qu’ils avaient un cruel manque de la notion de sérieux… Je ne pouvais pas leur rejeter la faute entièrement.

« - J’ai bien peur que vous n’ayez raison sur la plupart des points. En effet, depuis que j’ai pris Yukine-kun et Sôma-kun sous mon aile, je n’ai fait que constater plusieurs leur manque d’attention et de sérieux, durant le temps que je restai avec eux. Plusieurs fois, je leur expliquai ce que voulais dire être un Shinobi, les valeurs et les devoirs de ce dernier, mais ils ne semblent que payer peu d’attention à ces choses-ci... J’aurais aimé passer plus de temps à essayer de leur faire comprendre les devoirs du Shinobi, mais comme vous l’avez souligné, ma double étiquette en tant que membre des Forces Spéciales n’aide pas forcément. »

Là était mise en place ma première pièce de défense. Depuis que j’avais rejoint l’ANBU, j’avais été envoyé à de plus en plus de missions périlleuses, qui m’obligeaient à m’absenter durant des périodes indéterminées pour agir dans l’intérêt de village. C’était triste à dire, mais bon, même si j’étais le premier en faute, il fallait rappeler que c’était l’Hokage qui m’avait placé sous ce rôle à la base. Je ne me défilai pas, je restai en tort, certes, mais je n’allais pas accepter sans me défendre, surtout après l’aveu que j’allais faire.

« - De plus, mon absence de deux mois n’a pas forcément aidé. Ma requête égoïste, en même temps que le remplissage de la mission que vous m’aviez confié, ont fait que mes deux élèves se soient retrouvés sous la tutelle d’un remplaçant, et je ne peux hélas rien vous annoncer sur ce qui s’est passé auprès de ce dernier, n’ayant pas eu le temps de discuter avec lui entre mon retour et la conquête de Ki. »

Il était vrai que mon départ à Ki au sein du clan Yôgan n’était pas à jouer dans ma faveur. J’avais beau vouloir me justifier que c’était pour le meilleur de Konoha, j’avais lâchement abandonné mes deux élèves à eux-même. Fermant les yeux, je cherchai les mots qui allaient suivre, car cette fois-ci, plutôt d’assumer mes propres torts, j’allais devoir défendre mes élèves. Refixant mon regard sur l’Aburame, je gardai une expression neutre, mais avec autant de fermeté qu’elle avait à mon égard.

« - Cependant, je tiens à corriger un certain détail, Hokage-sama. En aucun cas mes élèves ne voient Konoha comme un lieu de détente ou de gaminerie. Ils partagent ma vision du village, qui en plus d’être la force militaire du Pays du Feu, reste avant tout notre foyer. Ils ont hélas que trop de route à parcourir avant d’être des Shinobis convenables, mais je peux assurer qu’ils ont la Volonté du Feu en eux, celle de protéger la Feuille et ses habitants. »

Prenant une dernière inspiration, je fermai les yeux avant d’incliner légèrement le haut de mon corps, les bras le long de ce dernier.

« - J’assume l’entière responsabilité des actes de mes élèves, je vous prie donc de ne pas être trop dure avec eux. »

Je savais bien que me mettre dans cette position était loin de m’être favorable. J’aurais pu tout aussi bien rejeter l’entièreté de la faute sur eux, après tout, il y avait de bonnes raisons que cela soit plausible. Mais je serais alors un bien piètre sensei si je ne pouvais assumer ou défendre les erreurs de mes élèves. Étonnement, le stress que je ressentais au début avait disparu, laissant place à une sorte de soulagement. Redressant la tête, je me remis dans la même pose que précédemment, et reprit ma confrontation verbale avec l’Hokage, ne montrant aucune animosité.

« - Auriez-vous besoin d’autre chose ? »