Assit au bureau de ses quartiers, Natsuki consultait les documents qui lui avaient été remit, lisant avec attention l'ensemble des informations en sa possession. Parmi eux figuraient une biographie d'une jeune femme chef de son clan, des rapports sur des événements où elle a été impliquée en rapport avec Konoha, l'histoire de son Pays, et les personnalités importantes y vivants. Seul le grincement horrible d'une porte s'ouvrant vint briser le silence de la pièce.

« Installe-toi Iji. » l'invita-t-il sans lever les yeux de sa lecture.

Il le laissa patienter quelques instants, puis referma le livre dont les pages avaient défilé bien vite.

« Merci d'être venu si rapidement Iji. Je vais avoir besoin de ton aide pour me préparer à une mission au Pays des Neiges. Je me passerai bien d'aller là-bas, tu sais comment je suis pendant la saison froide. J'avais pu éviter l'hiver ici en restant à Suna, et voilà comment le destin se venge... Enfin, c'est le travail. »

Il soupira, puis abaissa les épaules, signe que la vie était ainsi et pas autrement.

« Cela dit, avant de nous atteler aux détails, je dois te poser une question. Vois-tu, quand je suis allé chercher mon ordre de mission émanant directement de notre Hokage, j'ai remarqué quelque chose d'étrange, tout en bas. »

Le sourire de Natsuki s'effaça complètement, de même que la fausse chaleur dans sa voix lorsqu'il déroula l'intitulé de son assignation. Son doigt s'arrêta sur un endroit bien précis, où il était possible de lire : '' Iji m'a prévenu de ta condition. ''

« Je me demandais donc, si elle faisait allusion à ma condition d'homme nouvellement marié, ou à celle de futur veuf. »

En appuyant sur le bouton d'une télécommande, Natsuki fit se refermer et verrouiller la porte derrière Iji. Les deux amis avaient visiblement beaucoup à se dire avant que le Nara tatoué ne parte.

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Sans surprise, la traversée en bateau fut longue et laborieuse. Non pas parce que les mers étaient diffilement pratiquables, ou que des pirates avaient à un moment tenté de s'en prendre à l'embarcation, mais simplement car plus Natsuki se rapprochait du Pays des Neiges, et plus les températures chutaient. Enveloppé dans une cape si large que seule sa tête sertie d'un bandana dépassait du vêtement fourré, il avait prit ses dispositions concernant le climat, mais malgré cela, il sentait que ce n'était pas gagné. Ce n'était pas tant les températures qui le gênait, mais l'hiver en lui-même, qui pour raison qui jusqu'à peu le dépassait complètement, lui sapait autant sa bonne humeur que son moral. Et ici, l'hiver était permanent...

Immobile sur le pont du bateau, il observait au loin les côtes du Pays des Neiges sur lesquelles il allait accoster. Les flocons s'étaient accumulés dans ses cheveux bleu terne, leurs offrant ainsi l'illusion d'un blanc immaculé. Indifférent à cela, il attendit jusqu'au débarquement.

Le bateau était attendu au port : sitôt qu'il arriva à porté des quais, la corde fut jetée et un marin piéton l'amarra solidement à la bitte prévu à cet effet. Moins de trois minutes plus tard, les marchandises commençaient à être déchargées. Natsuki n'eut cependant pas le loisir de rester à les contempler, car il n'attendit guère que le pont soit abaissé pour quitter le navire : il sauta purement et simplement par-dessus le bastingage, et se réceptionna d'une genou-flexion. Quelques pas plus tard, une demoiselle l'interpella. Il n’eut pas trop de mal à la reconnaître, et ce, malgré les années qui étaient passées entre temps.

« Seigneur Yuki ? » salua-t-il en s'inclinant avec respect, un pas en retrait. « Je ne m'attendais pas ce que vous veniez en personne me réceptionner au port. Encore moins que vous vous souveniez de mon nom après une unique rencontre anodine remontant à tant d'années. »

Une bourrasque glacée fouetta son visage, lui rappelant sous quel climat il se tenait.

« J'ai avec moi la commande que vous avez soumis à Konoha, aussi si cela ne vous dérange pas, j'apprécierai vraiment que nous ne nous attardions pas à l'extérieur. Je suis revenu du Pays du Vent il y a peu, et je ne vous cache pas que passer d'un extrême climatique à l'autre en peu de temps est assez perturbant. »

C'était sans compter que le cœur des terres du Pays des Neiges devait être bien plus froid encore, mais il n'était plus à dix ou vingt degrés sous le zéro près. Des yeux, il balaya donc simplement de ses yeux cernés les environs à la recherche de l'escorte du Seigneur de Guerre : il doutait que l'échange du bétail contre la somme rondelette convenue se passe ici.

Même s'il avouait que quelque part, si cela ne tenait qu'à lui, ç'aurait été pas plus mal...

Natsuki acquiesça, et se mit en route à la suite de la jeune femme. Toutefois, il remarqua que personne d'autre ne les suivit, que ce soit physiquement, ou même du regard. En tant que Seigneur de Guerre et chef de son clan, Yuki savait probablement se défendre toute seule, mais quand même, être à ce rang et n'avoir aucune escorte, cela ternissait un peu le prestige... Il nota dans un coin de sa tête '' défense et protection : austérité / 20 ''.

Yuki le conduisit dans une petite auberge où elle fut chaleureusement accueillit par ce qu'il subodora être le propriétaire des lieux. Autorité tacite et influence probablement aidant, elle n'eut aucun mal à obtenir l'accès à un petit salon privé, où tout le confort nécessaire était mit à leur disposition. Natsuki chassa la neige de ses cheveux sur le pas de la porte pendant les courtes négociations, puis entra à son tour.

Mécaniquement, il repéra les environs, les issus possibles, la disposition générale des lieux et ce qui pouvait être utilisé comme une arme en balayant du regard les pièces traversées. Si bien que lorsqu'on lui demanda ce qu'il désirait boire, il portait encore son immense cape de voyage et ses gants alors que Yuki avait déjà prit ses aises.

« De l'eau. » répondit-il simplement en commença à se dévêtir de sa cape et de ses gants. « Chaude. » précisa-t-il après deux secondes de flottements au cours desquelles il se sentit dévisagé.

Il retira enfin son bandana qu'il laissa avec le reste de ses affaires, ce qui révéla un immense sceau complexe imprimé sur tout son front. D’innombrable ramures s'étiraient en arabesque, tandis qu'au centre luisait par alternance un point rouge, à l'image d'une diode que l'on chargeait en énergie avant de la sevrer progressivement.

« C'est la première fois que je mets les pieds au Pays des Neiges, aussi je n'avais jamais vu une auberge de la région. Vu que Dhartsedo est un port, je me doute bien que c'est typé à l'excès pour les touristes, mais tout de même, j'aime beaucoup la décoration générale et l'ambiance. » avoua-t-il en prenant place dans un fauteuil non loin de Yuki.

Le feu assurait une chaleur enveloppante dans la pièce, si bien que les résidus de neige dans sa chevelure ne tardèrent pas à fondre et à sécher, rendant à ses cheveux leur couleur naturelle. Le ragoût quant à lui avait remplacé la douce odeur des bûches consumées dans l'âtre. Le service était déjà fait, mais il n'eut pas l'occasion d'y goûter pour deux raisons. La première était qu'il n'avait encore esquissé aucun geste en direction de son assiette, et la seconde car Yuki lui posa avant une question qui le fit froncer des sourcils. Cette affaire n'était pas très claire.

« Nous avons reçu il y a quelque temps une demande par courrier. » expliqua-t-il en se levant pour récupérer ledit courrier dans l'un des plis de sa cape à l'intérieur taché. « La lettre émanait de '' l'Académie Impériale de Médecine ''... » lut-il en tendant le bras bien qu'il connaissait le contenu par cœur. « … et demandait à Konoha s'il acceptait de mettre quelques cerfs du clan Nara à votre disposition contre rémunération. Votre nom figure dans l'en-tête. »

Il se réinstalla à sa place, et tendit la lettre à Yuki pour qu'elle puisse la lire en détails.

« Je voulais vous dire que pour tout ce qui concerne la ferme des Nara, c'est au clan Nara directement qu'il faut vous adresser plutôt que de passer par le Village si vous voulez éviter que vos demandes trainent dans les mauvais services administratifs, mais visiblement, il y a un autre problème à solder avant. Car si cette commande ne vient pas de vous, et n'a pas votre aval non plus, qu'est-ce que je fais ici ? »

Il n'était pas trop fixé sur ce qu'il ce qu'il lui déplairait le plus d'apprendre : d'avoir fait le trajet du Pays du Feu à celui de la Neige pour rien, ou qu'en fait tout ceci disait quelque chose à Yuki et qu'il allait devoir rester. Après réflexion, il pencha pour le fait d'être partit de chez lui, car pour le moment, il tenait le coup. Il resta donc sobre, et garda une attitude professionnelle en attendant d'en savoir plus.

Et par professionnel, cela comprenait ne pas s'extasier sur le fait que la demoiselle avait bien grandit depuis ses treize ans.

Tu verras le froid
C'est bénéfique, ça fait fondre le gras

La réaction surprise de Yuki le rassura quelque part, car comme elle fut suivit d'un sourire étincelant, il pu rapidement en déduire que son voyage ne sera pas vain finalement. Il se voyait de toute façon mal rentrer à Konoha avec la même marchandise que celle apportée lors de son départ. Les opportunités restaient ouvertes, ce qui fut un poids un moins : Miko n'aurait pas manqué d'y mettre du sien à ses dépends dans l'affaire le cas échéant.

« Oui sans doute. La lettre a déjà mit du temps à parvenir jusqu'à la ferme de mon clan, et cela a rallongé d'autant plus les délais que Konoha s'en est mêlé. Cela a joué en votre faveur cela dit, car voyez-vous, les Nara étaient contre au début. Les cerfs que nous élevons en semi-liberté dans notre ferme sont sacrés pour nous. Ils sont des symboles de vie et de renaissance, et leur chasse est interdite dans la région par un décret. Il ne s'agit pas d'une vulgaire marchandise que nous vendons au plus offrant. Notre Hokage est intervenu en votre faveur toutefois, et après d'âpres négociations, il a été convenu que deux cerfs et quatre biches vous seraient fourni. Je sais que vous demandiez seulement un couple, mais il était hors de question pour nous de vous en fournir si peu car génétiquement parlant, vous auriez été dans une impasse dès la seconde génération. Nous avons beau vous les vendre, leur bien-être reste une priorité pour nous. Et j'ose espérer que par cette faveur qu'il vous est faite, cela sera aussi la vôtre. »

Un sourire qui se voulait amical étira ses lèvres.

« Un point sur lequel je ne m'inquiète pas, et dont je rassurerai mes paires à ce sujet. Car à constater votre enthousiasme, je me dis qu'ils seront entre de bonnes mains. »

Yuki semblait aux anges en citant ce qu'elle espérait pouvoir accomplir grâce aux nobles cervidés dont elle allait faire l’acquisition. Natsuki quant à lui se contenta d'acquiescer d'un signe de la tête. '' Oui c'est cela, apprend à un Nara tout ce que l'on peut faire avec un cerf. ''. Elle était toutefois dans le juste, et prouver qu'elle connaissait un minimum le sujet jouait pour elle : elle ne fera pas n'importe quoi avec la meute.

La joie de la jeune femme s'estompa légèrement lorsqu'elle mentionna que son invité devait rester quelques jours de plus pour procéder à l'échange. Natsuki la rassura d'un signe de la main, en secouant doucement la tête.

« Ne vous inquiétez pas à ce sujet, je ne comptais pas rentrer à Konoha immédiatement car... comment dire... Sans vouloir être trop intrusif, le contrat stipule que je dois aussi m'assurer des conditions dans lesquels les cerfs seront amenés à vivre. Les nôtres vivent en semi-liberté, donc il n'est pas nécessaire de sortir le grand jeu avec maison individuelle pour chacun et couette chauffante, mais vous voyez ce que je veux dire. »

L'on trouvait difficilement plus protecteur qu'un Nara pour les cerfs dont il s'occupait. Natsuki ne travaillant pas à la ferme, et ayant un très mauvais contact avec les animaux, il était beaucoup moins affecté, mais les ordres étaient les ordres. Et heureusement, Yuki partageait l'idée, puisqu'elle souhaitait son expertise pour le futur habitat de la meute de cerfs. Il hocha donc la tête.

« Je serai plus qu'honoré de tous ces privilèges, Seigneur Yuki, mais cela me conduit toutefois à m’inquiéter : quelqu'un de votre rang n'a-t-il pas plus important à faire que simplement servir d'hôte et de guide à un coursier ? »

Surtout avec un bras dans le plâtre. La vie ne s'arrêtait pas avec une fracture, mais la sagesse recommandait en général de limiter les activités. Enfin, il disait cela, mais il avait laissé la jeune femme faire le service, préférant donner priorité à l'étiquette plutôt qu'à la galanterie. La dernière chose dont il avait besoin était un incident diplomatique comme celui qui avait eu lieu avec les samurai, parce qu'un des suivants shinobi portait son sabre à droite plutôt qu'à gauche...

Ne repoussant pas davantage le moment de se sustenter, il avança son fauteuil en direction de la table, et commença à manger de son ragout. Comme tout ce qui passait par ses lèvres, il n'en percevait que la saveur des cendres. La nourriture n'était pas un plaisir, mais il avait depuis longtemps apprit à singer sans exagération l'extase des bons repas. L'ensemble était consistant, et c'était dans la finalité tout ce dont son corps avait besoin : d'énergie pour fonctionner, et de stock pour supporter le climat.

« Si vous me parliez de cette Académie de Médecine dont le courrier de votre subordonnée fait mention ? » demanda-t-il après avoir porté sa tasse d'eau chaude à ses lèvres, histoire de faire la conversation. « Étant moi-même porté un peu sur les arts médicinaux, je dois avouer qu'elle a piqué ma curiosité. Chaque Pays a bien sûr ses propres centres de recherches et d'enseignements, mais tous n'ont pas le même prestige et moyens. Qu'en est-il du Pays des Neiges ? »

Réchauffé autant par son plat que par le feu de l'âtre, Natsuki retroussa les longues manches de son haut sombre jusqu'à ses avant-bras, ce qui révéla les tatouages qui les zébraient, puis continua de manger.

Yuki voyait déjà très loin en amenant l'éventualité d'échanges entre leur deux pays, mais Natsuki n'était pas en mesure d'y répondre de quelque façon que ce soit. La jeune femme avait peut-être autorité ici sur la direction des Neiges, mais c'était loin d'être le cas du Nara tatoué. Il n'était qu'un simple soldat au service d'un Village, et il était peut-être bon de rappeler que ce n'était pas Konoha qui dirigeait le Pays du Feu, mais le Daimyos. Si elle voulait ouvrir quoi que ce soit entre leurs deux nations à titre officiel plutôt que personnel, c'était avec lui qu'elle devait le voir. L'un dans l'autre, il laissa passer le sujet : Yuki admettait d'elle-même qu'ils n'en étaient pas encore là. Et quand elle y arrivera, ce ne sera pas avec lui.

« En effet. Six années se sont écoulées depuis. Le temps passe décidément bien vite, mais n'attend jamais l'âge pour révéler le talent. Vos titres en sont la preuve. »

Le terme '' enfant '' ne lui avait même pas traversé l'esprit. Comme beaucoup d'autres de la génération de Natsuki, ils avaient grandit pendant la Grande Guerre des Shinobi, et vu leur enfance s'éteindre bien tôt pour devenir les soldats que l'époque imposait d'être. Aujourd'hui les temps n'étaient pas moins cruels, mais l'ordre du monde permettait une autre façon de grandir et de vivre. Yuki vivait-elle sur la lisière entre les deux ères ? Il haussa intérieurement les épaules, c'était sans importance. Si la demoiselle souhaitait déserter son trône et vagabonder quelques temps dans son pays en compagnie d'un Konohajin, c'était son droit. Ses conséquences aussi.

« Je vois. » ponctua-t-il lorsque Yuki acheva de lui parler des Académies qui clairsemaient l'Empire. « C'est un projet bien ambitieux auquel vous contribuez, je lui souhaite sincèrement de réussir. Le monde a besoin d'écoles, et surtout dans la branche de la médecine. Nous passons trop de temps à nous faire la guerre, et pas assez pour apprendre à panser nos plaies entre deux. Il suffit de regarder le contexte géo-politique actuel pour le comprendre. »

C'était toujours facile de tenir des discours de hippies fondés sur la paix et l'amour de son prochain. Les mettre en pratique dans le monde tel qu'il l'est, c'était autre chose, mais des mots dans le vent ne restaient jamais que ce qu'ils étaient. Ce qui ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd par contre fut le désire de Yuki de voir sa cargaison.

« Ne vous inquiétez pas pour les cervidés, Seigneur Yuki, ils sont bien à l'abri de tout désagrément climatique ou autre. D'ailleurs, si vous sortez pour les chercher sur le bateau, vous risquez de fouiller pendant un bon moment en vain. Vous pensiez vraiment que je les laisserai sans surveillance pendant que les marins décharges leur enclos ? » demanda-t-il d'un sourire entendu qui n'attendait aucune réponse. « Je les garde avec moi actuellement, bien au chaud. »

Il se leva à son tour, et porta une main à sa ceinture où il y décrocha une petite sphère rouge et blanche parmi le lot qui s'y trouvait. Celle-ci faisait la taille de son poing.

« Ils se tiennent chacun dans un de ces modèles de transport spécifiquement construit pour eux. Ils sont fait à partir d'un fruit selon un art ancien transmis au sein du clan, aussi je vous passe les détails, mais concrètement, les cerfs ne risquent rien là-dedans : ils ont tout le confort dont ils peuvent rêver, si ce n'est de la compagnie et une liberté totale. Ce n'est pas traumatisant, mais plus vite je pourrai les relâcher, et mieux ils se porteront. »

Quand c'était pour la facilité du scénario, et vaguement justifié, les Saibogu n'avaient pas l'exclusivité de la technologie.

« Je peux vous en montrer un si vraiment vous le désirez et que avez une écurie où l'installer, mais honnêtement je préfèrerai éviter de le relâcher maintenant, encore moins dans un milieu ouvert. Il va se retrouver complètement dépaysé par le climat, et la dernière chose dont j'ai envie est de lui courir après pour le calmer. »

Surtout qu'il en était incapable. Ajouter à cela qu'il valait mieux se lever tôt pour faire entrer un cerf affolé dans son dispositif de transport, et vous obtiendrez la meilleure soirée de votre vie à crapahuter dans la neige et le blizzard.

« Merci pour le repas en tout cas. J'imagine qu'il n'y a pas de glace pour le dessert ? » glissa-t-il en un trait d'humour guère recherché.

La neige n'était plus la seule à tomber dehors, la nuit l'avait rejoint contrairement aux étoiles qui elles se levaient pour consteller le ciel assombrit. Les journées n'étaient pas que froides ici, elles étaient aussi courtes. Il observa encore quelques instant le paysage par la fenêtre, sa tasse à la main, puis se tourna vers son hôte.

« Je vois que le soleil s'éteint à l'horizon. Quelle est la suite du programme, Seigneur Yuki ? Voulez-vous voir d'abord l'un des spécimens que j'apporte, voyager de nuit, ou attendre l'aube ici pour prendre la route demain ? »

Selon les choix, toutes les combinaisons n'étaient pas incompatibles, à plus forte raison que la liste n'était pas exhaustive.

La surprise fut de mise sur le visage de la jeune femme lorsque Natsuki lui présenta les dispositifs de transport Nara, à croire qu'elle n'avait jamais rien vu de tel. C'était pourtant d'elle qu'il avait apprit un sceau similaire permettant de convoquer un objet exposé ailleurs plutôt que de le ranger dans un fuinjutsu. La forme était légèrement différente puisqu'il stockait là directement sur lui un être vivant en parfaite condition de santé, certes, mais la nature profonde restait la même.

« Si vous voulez. N'appuyez juste pas sur le bouton central. » l'avertit-il lorsqu'il lui confia l'un des dispositifs.

Sans surprise devant la précédente surprise de Yuki, cette dernière lui demanda s'il était possible de conserver l'une de ses sphères pour l'étudier, et à terme d'en récupérer le secret de fonctionnement et en faire de la production industrielle. Ce n'était pas tout fait formulé ainsi, mais il l'avait comprit tel quel.

« Je crains que cela ne soit pas possible, Seigneur Yuki. A l'image des Saibogu qui gardent aussi jalousement leur technologie que les Clans leurs arcanes, la confection et le fonctionnement de ces dispositifs est un secret censé rester connu uniquement des Nara. J'entends bien que mes '' étranges boules '' vous aideraient grandement dans votre projet de réserve naturelle, mais le monde est ainsi, et chacun préfère garder pour lui les secrets développés dans sa sueur et son sang qui ont fait leur spécificité plutôt que de les distribuer à tout va. En tant que haute autorité des Samui, je pense que vous comprenez ce que je veux dire. »

Il posa une main amicale sur celle de Yuki, et lui avoua avant de récupérer le dispositif sphérique qu'elle tenait :

« Si cela peut apaiser votre déception, sachez que ces dispositifs n'interviennent dans cette histoire que pour les facilités scénaristiques qu'ils apportent, et qu'il est très peu probable que vous les retrouviez ailleurs à l'avenir. Et désormais, rien ne vous empêche d'exploiter l'idée maintenant que vous l'avez. Ce n'est ni plus ni moins que c'est du fuinjutsu après tout, et vous aurez prochainement une académie qui sera à moitié orientés dans ce sens. »

Cela pourra offrir à la jeune femme un début d'intrigue possible pour son Académie. Mais passons. Invité à sortir, il renfila son immense cape à manches larges pour affronter le froid, et noua à nouveau son bandana sur son front pour masquer le sceau qui s'y trouvait depuis peu. Ce dernier attirait trop l'attention, et bien que Yuki était suffisamment bien éduquée pour ne pas se montrer curieuse ou désobligeante à ce sujet, tous ne l'étaient pas autant. Ses gants et son écharpe achevèrent de couvrir le peu de peau qui restait exposée au climat du Pays des Neiges, ce qui n'était pas du luxe : avec la disparition progressive du soleil, les températures avaient chuté.

Promené au cœur de la ville portuaire, il laissa trainer ses yeux ici et là dans les rues encore animées par ce qui semblait être un marché local. Chacun vendait des produits particuliers, que ce soit des tuniques, des outils, ou des babioles, à l'image de gravures minutieuses et impressionnantes faites sur des os de poissons. C'est dans une échoppe de rue que Yuki guida Natsuki, où elle l'invita à s’assoir pour déguster la fameuse spécialité locale nommée vin chaud et patate douce.

« Pensez-vous. J'ai passé plus de deux semaines sur un bateau, ce n'est guère l'activité physique qui m'a étouffé. Et puisque vous me vantez les beautés que les nuits Yukijin ont a offrir en cette saison, il serait idiot de ma part de manquer cette occasion. »

Il retira ses gants, et posa ses mains en coupe autour de son verre fumant, profitant ainsi de la chaleur qu'il dégageait. Encore trop pour être consommé, mais suffisant pour s'y coller. La pomme de terre, elle, était prête à croquer. Natsuki l'observa un moment avec curiosité.

« Le Pays des Neiges est fascinant. Car à l'image du Pays du Vent, le climat y est extrême, et pourtant, la vie comme la culture parvient à y exister, au point que des patates puissent faire partie de recettes locales. Vous qui vivez ici, les conditions climatiques ne rendent pas le quotidien trop difficile ? »

Il porta son verre à ses lèvres, dont le contenu s'était rafraîchit à une vitesse impressionnante, avant de sourire à sa propre phrase.

« Ma question est probablement très bête, surtout adressée à la dirigeante d'un clan dont la glace est la source même de leur art. Bien au contraire, vous devez vous sentir comme un poisson dans l'eau ici. »

A moins que les arcanes des Samui résultaient d'un processus d'adaptation ?

« Vous avez mentionné plus tôt éprouver le désir de vous libérer de temps à autre de toutes vos obligations. J'imagine sans peine que se trouver à la tête de son clan n'est pas une tâche de tout repos, surtout si l'on la couple avec vos devoirs de Seigneur. Votre jeune âge ne vous rends pas la tâche trop ardue ? Je sais que c'est une fonction acquise par le mérite, et non la lignée, mais j'ai souvent constaté que les ainés ont tendance à voir d'un mauvais œil le pouvoir passer dans les mains des plus jeunes, qu'ils jugent encore trop inexpérimentés. Mon clan est passé par cela aussi, il y a bien des années. Et maintenant, cela fait plus de vingt ans que la situation est stable après une période houleuse. »

Il haussa les épaules, signe que c'était sans importance.

« Cela ne fait pas si longtemps que le pouvoir vous a été remit non ? Maintenir la cohésion au sein du clan n'est pas une tâche trop âpre ? » questionna-t-il, histoire de faire la discussion pendant qu'ils mangeaient.[i]

Cela pourra éventuellement en ouvrir d'autres à aborder pendant le trajet, en fonction de ce qui se dira.