Il était borné et buté mais je savais pertinemment que cela se serait passé ainsi. Au moins était-il au courant de mon envie de porter secours à Oniri et ainsi comprendrait-il mes agissements futurs probables. Je n'avais de toute façon pas besoin de sa permission pour le faire malgré tout bien que j'avais laissé sous entendre le contraire...

Je ne souhaitais pas que les choses se passent ainsi mais il ne me laissait guère le choix... Je serrais un instant l'anneau que je portais autour du cou avant de reprendre ma route, décidée.
Il me restait un atout dans ma manche et avec l'agitation j'imaginais que ma garde rapprochée n'était pas active pour le moment et quand bien même il me suffisait de prendre quelques précautions.

Je me rendais donc au manoir pour constater que Jashin soit loué : rien n'avait bougé ! Le quartier Yamada non loin d'ici avait visiblement été soufflé et certaines des tentures se trouvaient même désormais dans mon jardin et sur mes grilles, me faisant dire que décidément ce clan de nomades n'était bon qu'à créer des problèmes et causer des soucis, et regagnais la bâtisse pour m'assurer dans un premier temps que tous les membres de mon clan étaient saufs. Quelques uns s'étaient réfugiés dans notre foyer et étaient blessés mais les plaies étaient déjà refermées. Il y avait également quelque pertes qui étaient évidemment à déplorer mais le bilan ne semblait à première vue pas trop lourd nous concernant.

Après avoir fait le tour du prioritaire pour m'assurer qu'il n'y avait pas d'urgence j'attrapais le grimoire au sceau jumeaux dans ma chambre ainsi qu'un autre livre lambda dans la bibliothèque qui était plongée dans l'obscurité à travers laquelle un mince filet lumineux tentait de s'infiltrer depuis l'un des pans de rideaux, ce qui était suffisant pour me permettre une visibilité pour écrire sur l'ouvrage aux feuilles vierges tandis que Aastet montait la garde en éveillant ses dons de senseurs.

Oniri va bien ?! Elle est avec vous ?! Venez me chercher. 

Le message disparu de mon exemplaire pour être lisible sur son jumeau, mon destinataire. Isnajh ne tarderait pas a voir ce message et à comprendre que le moment était venu.

Combien de temps cela lui prendrait-il ? Comment s'y prendrait-il pour me rejoindre ? Tout autant de questions que je lui laissais le soin de répondre par lui même bien que j'espérais qu'il ne tarderait pas !

J'avais moi même des choses à régler avant qu'il n'arrive et gardais donc le livre a ma portée pour y voir une quelconque réponse avant de m'enquérir de nouvelles auprès des miens afin de leur apporter des soins si cela était nécessaire et de confier certaines choses à mon vassal suite à mon départ pour une durée indéterminée...

Dans quoi m'embarquais-je ? Pouvais-je réellement faire confiance à Isnajh ? Je n'avais de toute façon pas d'autre choix qui s'offrait à moi...

La bataille avait cessé depuis quelques heures et le silence était retombé sur Suna. Un silence de mort. Du village il ne restait que ruines avec plusieurs quartiers détruits. Que pouvais-je donc faire d'autres ? Assembler des cailloux n'étaient pas dans mes priorités, pas plus que d'officier à l'hôpital en portant assistance aux blessés mais j'allais le faire car ainsi Kioshi saurait que je n'avais pas passé ma soirée à ruminer mais à me rendre utile avant de disparaître pour un temps indéfini.

Je n'abandonnais pas Suna j'allais à la recherche de l'une de ses membres pour vérifier que rien ne lui était arrivé et que tout se passait comme prévu pour elle. Et ensuite ? Je ne savais pas... Il me serait sans doute impossible de retourner au village sans quoi il allait m'être demandé un rapport complet et qu'il n'était pas question que j'entrave les projets d'Oniri. Je resterais alors sans doute avec elle jusqu'à ce que les choses se tassent. J'avais besoin de savoir qu'elle allait bien.

Ainsi donc les instructions me furent communiquer : demain à l'aube je devais m'entretenir avec un garde qui serait témoin de la scène. J'étais d'accord mais méfiante. Il ne m'avait pas répondu pour Oniri... Qu'est-ce que cela était censé vouloir dire ?! S'il lui avait fait quoi que ce soit... Ma colère grondait aussi violemment que les rares orages dans notre désert.

Les recommandations auprès de l'un des miens en qui j'aspirais à avoir confiance pour guider les autres furent faites. Il me tardait d'être à l'aube d'un nouveau jour...

La nuit fut d'ailleurs courte. Je ne pouvais emporter avec moi que quelques petites choses sans que cela ne soient encombrant ou trop visible dans ma demeure. Je devais par exemple laisser Bloody et Rabbit , les animaux en peluches ayant appartenu à Oniri et moi autrefois alors que j'aurais eu a cœur de les avoir sous la main pour la symbolique et les souvenirs qu'ils représentaient. Cela dit, je n'étais pas vraiment matérielle aussi je me contentais de ce que j'avais sur moi sans autre fioritures après tout quelle personne enlevée se trimballait avec son baluchon ?

Toujours était-il que je me rendais sur l'un des remparts, discutant avec un garde pour savoir si de nouvelles victimes avaient été trouvé pendant la nuit et si rien de suspect n'était a déploré. J'avais beau être démise de mes fonctions pour le moment je pouvais tout de même m'assurer que mes troupes soient efficaces à contrario de leur médiocrité durant l'examen alors même qu'Oniri et moi même avions eu à cœur de renforcer la sécurité du village au point même d'en irrité quelques habitants mais non il y avait eu du relâchement et voilà où cela nous avait conduit en partie...

Le garde m'informa que non hormis des blessés évacués et l'hôpital qui ne désemplissait pas il n'y avait rien à signaler. C'était presque une bénédiction de voir les autres nations partir : comment aurions nous pu soigner tout le monde ?

La suite se passa très vite puisque j’eus tout juste le temps de sentir une présence derrière moi avant de recevoir un coup derrière la nuque qui me faisait tomber net dans l'inconscience. Je n'avais d'ailleurs aucune idée du temps qui s'était écoulé depuis lorsque je me réveillais avec une virulente douleur dans le crâne et cette tension derrière la nuque. Le soleil était encore présent et bien haut signe que tout de même plusieurs heures étaient passées depuis lors. Le sable nous entourait à perte de vue. Mes yeux papillonnèrent plusieurs fois dans cet état léthargique et douloureux avant que je ne remarque véritablement la présence de l'autre Ketsueki.

Je me relevais non sans mal tout en portant une main sur ma nuque douloureuse.

« Oh ma tête... J'imagine que l'option délicatesse était trop vous demander ? »

Je fixais l'horizon, Suna n'était plus visible et j'étais presque prise d'un élan de nostalgie. Après tout, contrairement à mes frères et sœurs de sang, j'avais presque grandi a Suna. J'étais en son sein avant même l'arrivée de Kyoshi Rei et les nôtres puisque j'avais été transféré vers l'orphelinat de Suna à sa construction. Il semblait bien loin ce temps. C'était tant mieux. Ce qui se pointait désormais devant moi c'était l'avenir et ce dernier je ne pouvais pas le concevoir loin d'Oniri alors même qu'elle encourait le danger. C'était elle qui avait fait de moi ce que j'étais aujourd'hui et c'était désormais à moi de faire en sorte qu'elle redevienne ce qu'elle était hier pour connaître la sérénité loin de tous ces problèmes d'ordre physiologique que lui créait son Akuma.

« Où est Oniri ? »

C'était là ma première question parce que je la percevais toujours à travers notre lien écarlate mais elle me semblait encore infiniment loin...

« Oniri ? Elle est... avec un homme, un homme qu'elle a rencontré à Suna vraisemblablement. Je ne sais pas ce qu'ils peuvent faire en ce moment même mais ils sont très proches, peut-être même en couple. »

Pardon ?! Mes yeux s'écarquilèrent sur cette nouvelle alors que je donnais des coups dans son dos et me débattait pour qu'il me lâche. Si c'était le Nara il allait m'entendre ! Qui cela pouvait-il être d'autre ? C'était mon seul suspect sur ma liste ! Et s'il y en avait d'autres ? Non cela était impensable c'était forcément lui.

« Je vais l'étriper ! »

Clamais-je en jouant toujours les anguilles jusqu'à atterrir lourdement sur le sol. Ma tête me faisait un mal de chien et je titubais avant de tenir parfaitement sur mes deux jambes mais je n'en avais que faire. J'avisais Isnajh avec un regard des plus écarlates traduisant mon énervement tout en lui demandant :

« Où sont-ils ?! »

Mon « ravisseur » m'expliquait alors qu'Oniri lui avait demandé de la laisser avec ce méprisable individu et qu'il ne la verrait que dans un mois à la mégalopole.

« Quoi ?! Vous plaisantez j'espère ! Il est hors de question que j'attende un mois pour la retrouver ! »

Avais-je l'air d'avoir envie de patienter ?

« Eh bien retrouvez là dans un mois si cela vous chante mais moi j'y vais dès à présent ! Vous n'aurez alors pas a subir de savon pour m'avoir mené ici puisque j'aurais déjà passé de la pommade sur ce point pour rendre plus compréhensible vos actes auprès d'elle. »

Je la percevais à travers notre lien de sang. Cela n'était hélas pas précis mais je savais qu'elle allait bien – dans la mesure où cela lui était possible – et qu'elle se trouvait encore très loin d'ici. La direction n'était pas précise du tout mais elle semblait effectivement se trouver dans les environs de la mégalopole et de toute façon c'est là que j'allais chercher ! Il me faudrait un moment de marche pour y parvenir mais cela était largement faisable.

« Merci pour vos loyaux services Isnajh. Je me débrouillerais seule à partir de maintenant. »

Je commençais à m'éloigner de lui et de Suna par la même occasion qui était déjà assez loin derrière... Comment réagirait Kioshi en apprenant cette nouvelle ? Cela le détruirait à coup sûr : il n'y avait qu'à voir son expression au moment de son discours... Sa peine m'était presque palpable...
Toutefois je n'avais pas le choix, il aurait fait la même chose à ma place pour sauver une personne lui étant chère. Tout comme il était parti il y avait quelques mois pour Yuki no Kuni sur les traces de la Saibogu. Ce voyage lui avait d'ailleurs coûté un bras... Il comprendrait mes intentions. Il le fallait.

Pardonne moi Kioshi. C'était là ce que je pensais. Je m'arrêtais dans ma progression portant la main sur l'anneau monté sur mon collier aux côtés du croc de cristal qui m'avait été offert par Ogami. Je reviendrais. C'était une promesse silencieuse que je leur faisais. En attendant, mon but était de retrouver Oniri pour m'assurer de sa santé et œuvrer à ses côtés pour le bien de Suna et de Kaze no Kuni tout entier.

Je détachais mon collier pour faire glisser la bague le long de la chaîne avant de la remettre autour de mon cou, glissant l'anneau autour de mon annulaire tout en observant le rendu en tendant le bras devant moi et Suna qui se trouvait quelque part au loin. Il avait été façonné avec le métal servant à exulter sa peine tout en conservant la mémoire de ses disparus : sa fonction n'avait pas changé, il était toujours porteur d'espoir. L'espoir de voir la situation s'arranger au prix de certains sacrifices...

Alors que j'étais dans mes pensées, en un instant, il était arrivé à ma hauteur. J'étais en train d'observer le rendu de la bague à mon doigt et voilà que je le toisais avec un air un peu ahuri tant il venait de me sortir de mes pensées brusquement. Avant même que je ne comprenne vraiment ce qu'il s'était passé, je m'étais retrouvée portée de nouveau par ses soins.

Nous n'étions pas encore à la frontière et il ne souhaitait pas prendre le risque que je le ralentisse alors que nous agissions désormais tous les deux comme des hors la loi. Je boudais en mon fort intérieure.

« Mais non je ne suis pas une nukenin ! Ils pensent désormais que je me suis fait enlever ! Je suis donc la victime et vous êtes mon malfaiteur ! Si on nous trouve, ça ne sera pas moi qui aura le plus de problèmes... »

Clamais-je dans un sourire empli de mesquinerie. D'accord j'étais partie retrouver Oniri mais avant tout pour m'assurer qu'elle allait bien et éventuellement voir si je pouvais lui être utile avant de la ramener avec moi à Suna : c'était là bas que nous devions être.

« Peu importe notre statut de toutes les façons ! Je n'ai pas d'ordre à recevoir de vous ! »

Et puis quoi encore ?! Son ton ne laissait pas place à la discussion et pourtant je me le permettais. Pour qui se prenait-il ?!

« Vous n'avez pas a toucher à mon libre arbitre alors gardez vos conseils pour vous ! Je ne nous mettrais pas en danger je dois simplement la retrouver ! »

Puis finalement il avoua la blague me laissant pantoise, écarquillant des yeux ronds avant de sentir la rage remonter en flèche.

« ET VOUS TROUVEZ CA DROLE PEUT ETRE ?! »

Avant de reprendre, un peu plus calme, tout en me massant l'arrête du nez et en fermant les yeux.

« Peut-être que Oniri ne voulait pas vous revoir avant autant de temps mais si elle apprenait que j'étais sur ses traces aucun doute qu'elle s'empresserait de venir me retrouver : ne serait-ce que pour me sermonner ! Je la connais suffisamment pour cela. »

Je n'avais qu'à me concentrer sur ma mémoire de son fluide écarlate à travers notre lien de sang pour la percevoir... C'était si apaisant et frustrant à la fois ! Elle semblait aller bien mais où se trouvait-elle exactement... Le « signal » semblait très éloigné de ma position actuelle et n'était pas des plus précis... Il me fallait me rapprocher pour en savoir davantage !

Toutefois, Isnajh ne l'entendait toujours pas de cette oreille et parlait de profiter de ce laps de temps avant de retrouver ma Saibogu pour aller libérer nos frères et sœurs... Il était vrai que la vente d'esclaves dont il m'avait parlé aurait bientôt lieu... Je me trouvais une nouvelle fois devant le dilemme qui m'avait été accordée avant de me lancer à la poursuite d'Oniri : choisir entre elle ou les miens... Même si je ne les avais pas délaissé pour autant, j'avais privilégiée ma meilleure amie face à eux en prenant la décision de la rejoindre et il était désormais temps de penser un peu à ma fratrie. Je pourrais toujours remonter sur la piste d'Oniri par la suite d'autant plus qu'Isnajh devait également la retrouver d'ici quelques temps... Je soupirais longuement.

« Bien c'est d'accord. Allons secourir les nôtres. »

Nous allions travailler main dans la main pour parvenir à cet objectif. Les Ketsueki n'étaient pas au service des autres : les vendeurs d'esclaves allaient l'apprendre à leur dépend car je leur réservais un sort tout particulier et particulièrement exquis...