Le Kazekage livrait ses informations à la minute, abordant chaque cas, chaque sujet avec sérieux. Malgré le côté non formel de cette rencontre et son caractère très particulier – tutoiement et autre fantaisie qu’on ne trouvait pas dans des réunions courantes et habituelles – les deux protagonistes savaient conserver la rigueur de leur fonction, et l’ultime concentration à la tâche qui leur était dévolue. Après la tentative d’assassinat sur sa personne, l’Empereur se devait d’éclaircir la situation. C’était la deuxième au cours de ce voyage ; on ne pouvait plus parler de coïncidence, ni laisser couler l’eau sous les ponts en pensant que ce genre de choses ne se reproduirait plus.

~ Je ne connais pas grand-chose à Atifiziel, même après l’avoir rencontré plusieurs fois … . Je ne dis pas que cette « Oniri » était la responsable, mais je suis dans l’obligation de prendre en compte toutes les éventualités. Entre l’attaque sur la Capitale Impériale et l’attentat sur ma personne, il va de soi aujourd’hui que certains tentent d’éradiquer l’Empire. Et de ce fait, je ne peux pas prendre de demi-mesure. Pourtant, tant que je n’aurais aucune preuve tangible, je ne chercherais pas à contraindre ou à éliminer cette personne … . J’espère évidemment que si certaines preuves attestent de sa culpabilité, tu m’en informes et que tu règles au besoin ce problème … .

Pour ce point, il reposerait sur d’autres éléments. Mais il restait évasif et incertain. Il était bien conscient que si certains étaient contre lui au sein de Suna, le plus dangereux était ceux qui étaient au sein de son propre parti. Il devrait faire une recherche sur les composantes mêmes du Shukaï, avant de savoir à qui confier cette enquête délicate et qui méritait attention et minutie.

Kioshi Yamada soulevait un point tristement non-intéressant, mais désespéremment compréhensible. De toute évidence, la position de l’Empire à l’échelle internationale était quelque chose de compliquée. Après avoir pris le pouvoir par la force, l’homme s’était dispensé de la présence de quelque Daimyo susceptible de venir lui dire ses quatre vérités. Et bien qu’il aimât la vérité, Kakeshuou Samui n’aimait pas qu’on la lui dise … . Mais c’était bien plus que cela. Pour des raisons évidentes, ils étaient très peu, et même trop peu nombreux à connaître la vérité sur le renversement du précédent Triumvirat. Sur ses raisons et ce qui motivait les actions de l’Ancien vétéran de guerre. Le responsable du Sable se posait cette même question, et il était dans son bon droit.

Mettons fin aux ragots. Et si cette histoire peut commencer ici, advienne que pourra ! Ce sera donc à cet homme de juger des réelles intentions de l’Empire et de son dirigeant. D’un brusque mouvement d’épaule, le Kamui dégageait son seul bras valide et se débarrassait du lourd vêtement qui le recouvrait. Il se présentait ainsi avec cette tenue ouverte en V sur le haut du torse, dévoilant ses blessures, ses membres manquants, mais ne perdant rien de sa férocité dans le regard. Sa main valide vint présenter quatre doigts. L’heure du cours avait commencé.

~ A l’heure actuelle, l’Empire connaît quatre gouvernements bien distincts. Yanosa Oterashi agit comme Maître éclairé sur son peuple à Kusa no Kuni. Van Hoheinheim a mis en place un modèle qui se rapproche d’une république à Taki sans vraiment que cela ne fasse changer son dirigeant. Aokiji Samui a mis en place un système pseudo-royal au Pays des Oiseaux, où garantit avant tout la sécurité et l’ordre. Pour finir, c’est un Haut Conseil des Sages qui domine la politique de Yuki no Kuni. Quant à moi, je règne sur ces territoires comme leur Ultime Gardien, protecteur avant tout d’un empire territorial qui a promis la fin des conflits et des tourments auprès du peuple. Le Shukaï n’est donc pas un modèle politique unique et fermé où tout ce qui souhaite prospérer doit être touché par la lumière céleste ; mais bien un territoire respectant et cultivant ses diversités, ses originalités tout en vivant dans une harmonie universelle. La vision de la Paix est la même pour tous : elle devient seulement différente quand quelqu’un veut l’imposer à ses conditions. Mes conditions sont simples : pas de guerre, pas de conflit, une obéissance totale à des vertus et des valeurs communes à chaque homme.

Peut-être un peu trop humaniste, comme discours, non ? Peu importe. S’il existait une chose terrifiante dans l’Empire et ses idéaux, c’était que son premier Défenseur y croyait plus dur que du diamant brut ! La Paix est la Paix. La Paix sous condition n’est plus une paix. Cela pouvait sembler contradictoire avec de nombreuses décisions déjà prises, mais l’Empereur n’en ferait rien.

~ Si j’ai donné l’ordre d’exécuter les Daimyos, c’est parce que la situation l’exigeait. Ces derniers commençaient à se quereller et à obtenir plus de pouvoirs que les autres. Le Triumvirat était inefficace. J’ai du destituer ce dernier ; mais cela n’aurait pas plu aux maîtres de ces Pays. J’ai donc fait exécuter ceux qui étaient les principaux responsables de ce fiasco idéal … tout en épargnant ceux qui n’étaient que des victimes de passage. Pour cette raison, l’ancienne Daimyo de Yuki no Kuni est toujours vivante.

C’était une information de premier choix ! Inconnue d’un grand nombre de combattants de l’Empire ! Ainsi, l’un des Daimyos originels avait survécu, et sur ordre de Kakeshuou Samui ! Seule l’équipe chargée de cette mission délicate le savait. Les Seigneurs de Guerre et les Gouverneurs étaient dans l’ignorance totale … .

~ Elle réintègrera un jour le monde dans la lumière, une fois que l’Empire sera stabilisé et hors de danger. Le Daimyo de Mizu no Kuni également, suite à notre conquête, n’a pas été visé. Nous ne passons pas nécessairement par une politique du Sang et de la Peur, et je tâcherais de le faire savoir aux autres Daimyos. En ce qui vous concerne – l’homme revenait au débat concernant la politique interne de Suna – je peux comprendre votre inquiétude. Avec ce conflit ouvert opposant Ordre et Nation, le Sable n’est pas à l’abri du danger … . Dans mon intérêt comme dans le vôtre, je ferais mon possible pour garantir et défendre le parti de la Paix entre vous. Mais si j’étais amené à choisir un parti … tu auras alors mon soutien et ma confiance, si celle-ci est réciproque, bien naturellement … .

Sera-ce suffisant pour sceller une possible alliance … ?

Les dernières paroles du Kazekage marquaient un accord. Il n’oubliait pas de souligner son attachement à cette utopie commune que les deux hommes voulaient partager. Naturellement, l’identité même du Ninja les empêchait de témoigner ouvertement de cette unité et de ce rêve qu’ils échangeaient. Mais avec de la chance, et les reconstructions nécessaires, ces deux puissances pourraient lutter côte à côte sur les champs de bataille futurs.

L’Empereur, comprenant que la discussion était assez claire et n’irait pas plus loin, se redressait déjà, et préparait son départ. Il avait désormais beaucoup à faire, mais partait la conscience tranquille. La paix n’était pas scellée ; mais il n’y avait plus à craindre un revers de la part du Village Caché du Sable. Ce qui faisait déjà une frontière de sécurisée. Quelque chose qu’on ne peut pas qualifier de minime dans une situation aussi complexe que celle dans laquelle se trouvait l’Empire des Nations Neutres.
Une fois debout, l’homme reprit la parole.

~ Je ne vais pas te mentir, Kioshi : je ne t’attendrais. Bien entendu, j’attends de cette rencontre et des preuves futures une alliance solide qui nous permettra de ne plus nous craindre et de mieux dormir la nuit. Mais je dois aussi penser aux intérêts des miens. J’ai déjà une distance d’avance sur toi sur nos projets ; et je ne compte pas attendre. Je compte bien déployer mes efforts dans bien d’autres domaines, et le Shukaï fera bientôt entendre son idéal au-delà de ses frontières … . Je compte allonger mon avance, mais j’attendrais avec plaisir que tu me rattrapes … .

L’homme tournait déjà les talons. Il savait qu’il aurait beaucoup à faire, à commencer pa reconstruire sa Capitale Impériale dès son retour. Et à revoir les consignes de sécurité pour éviter tout problème du même genre à l’avenir. La délégation impériale avait déjà pris le départ, et l’Empereur comptait la rejoindre à hauteur de la frontière pour le Pays des Oiseaux. Il ne devait donc pas prendre trop de retard : cette escale – nécessaire ! – arrivée à son terme, il était temps pour Kakeshuou Alacrèm de prendre le départ.

Il tenait à ajouter quelques mots et à conforter cette nouvelle unité continentale … .

~ Si d’avenir, Suna devait connaître de nouveaux problèmes et que toi ou les Tiens avaient besoin d’un abri ou d’une sécurité … je m’assurerais de faire le nécessaire pour cela … . Mais j’espère que notre prochaine rencontre se fera dans des circonstances plus favorables pour chacun d’entre nous. Kazekage …

Le retour aux usages de formalité sonnait la fin de l'entretien. Et l’homme prit le départ. Direction : les Terres Impériales.

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